Accueil > La forge de la civilisation
Il est triste de le réaliser, mais la civilisation n’est pas donnée. Elle ne le sera sans doute jamais. Vivant au milieu d’un ensemble sécurisant et stable, il est facile de tomber dans l’illusion selon laquelle notre environnement serait acquis. C’est un piège. Ceux qui la minent pour y bâtir un ordre, ou un désordre, plus conforme à leurs valeurs, le savent bien. L’édifice est en équilibre, constamment régénéré à tous les niveaux par le renouvellement de la population. Il n’est pas besoin de le détruire dans son intégralité pour le faire tomber, simplement jouer de quelques faiblesses dans la structure.
Il incombe à ceux qui ont à coeur de défendre la société dans laquelle ils vivent de comprendre ses fondations pour mieux les préserver. Mais il est vrai, réaliser que nous sommes finalement toujours si proches de la sauvagerie primitive a quelque chose de décourageant.
la civilisation est d’abord une prise de conscience, une compréhension civique de ce qui fonde une société durable, un dépassement des intérêts individuels pour mieux servir ceux de l’humanité. Il y a bel et bien un éternel recommencement dans la succession des générations, de même qu’une vague incessante dans l’avènement d’être jeunes et moins sages. Les tenants des vérités absolues comme du relativisme pavlovien sont étrangers à ce mouvement, à cette remise en question didactique, à cette destruction créatrice. Il ne s’agit pas de réinventer la roue, mais de faire tourner les manèges de notre époque, de préserver l’incandescence de la forge où la civilisation est appelée à renaître avec effort.
Je ne trouve pas décourageant que nous soyons en permanence menacés de redevenir barbares, et que les barbares eux-mêmes soient parmi nous. Je trouve en revanche désolant que des individus intelligents et parvenus à de hautes responsabilités en viennent à nier les constantes de l’Histoire, comme la nature consubstantielle de la guerre ou le caractère belligène des conflits d’intérêts, ou s’escriment à promouvoir des concepts contraires à notre vocation tels que la décroissance. Car ces aveuglements et ces renoncements, loin d’être universels, ne sont que les premiers pas de la chute qui menace toute civilisation oublieuse de ses racines et indifférente à son futur. Tel est d’ailleurs le prix fréquent des certitudes détachées des réalités.
Oui, chaque génération est appelée à tout recommencer. Il faut donc accepter les défis de ce recommencement, identifier les acteurs et les phénomènes qui menacent la civilisation, et prendre les mesures nécessaires pour en venir à bout et réinventer l’ordre, les règles, les accords, les compromis permettant au monde de vivre et de survivre pour quelque temps. Avant que tout cela ne soit périmé et doive être réinventé.
Ludovic