Lannion-Perros Le maçon tunisien va être expulsé

Lannion-Perros
mercredi 31 mai 2006
Le maçon tunisien va être expulsé

La compagne d’Amara Khalifa, au centre dans son fauteuil, entouré de membres du collectif des sans-papiers. Ils ont été présents durant toute la garde à vue de son compagnon au commissariat.

Placé en garde à vue toute la journée de mardi, Amara Khalifa a été conduit au centre de rétentionde Saint-Brieuc.
Peu avant 19 h, mardi, une voiture sort du commissariat en catimini. À son bord, Amara Khalifa, un Tunisien âgé de 37 ans. Il est conduit au centre de rétention de Saint-Brieuc. Il y passera 48 heures et pourra recevoir ses proches. Après, il sera expulsé. « C’est la France qui enlève le père à son fils. » Sa compagne, Marie-Christine Perira est sonnée. Tous les deux ont un petit garçon. Joachim est né ici, il aura onze mois le 2 juin. Le père, maçon, travaille dans une entreprise de bâtiment de Lannion. Il possède un Contrat à durée indéterminé.

Il y a quatre ans, Amara Khalifa a été condamné pour être entré en France illégalement. Il est alors interdit de séjour durant deux ans. Le couple engage une procédure mais perd en appel. « Il se pourvoit alors en cassation. Le pourvoi est rejeté. La décision de justice est donc applicable », résume Éric Audrain, membre du collectif des sans-papiers.

« L’interdiction de séjour appliquée »

18 h 55, la porte du commissariat s’ouvre à Éric Audrain ; à Philippe Couleau, responsable de la ligue des Droits de l’homme sur le secteur de Paimpol et à Marie-Christine Perira. Ils en ressortent un bon quart d’heure après. « Voilà, Amara va être expulsé. Il n’est pas obligé de retourner en Tunisie, il peut choisir un autre pays. Son avocate va demander que le juge des libertés soit saisi. C’est la préfecture qui a pris la décision de cette expulsion. L’interdiction de séjour de deux ans est appliquée », résume Éric Audrain.

« En à peine une demi-journée, une vie est foutue. Cette affaire a été expédiée en tellement peu de temps. C’est d’une telle violence. On en est tous abasourdis », s’indigne Philippe Couleau.

Handicapée, Marie-Christine Perira pleure. Elle ne se déplace qu’en fauteuil roulant : « Elle ne peut donc travailler. Ils n’ont jamais sollicité aucune aide des services sociaux », avance Éric Chaudrain. « Dès qu’Amara a obtenu son permis de séjour provisoire, il a trouvé du travail aussitôt. Il n’a jamais été au chômage, jamais touché le RMI », note Marie-Christine Perira. Si son compagnon retourne en Tunisie, elle sera dans l’impossibilité d’aller vivre avec lui là-bas, au vu de son état de santé. « Je ne pourrais pas être suivie médicalement comme ici. Mon médecin m’a dit que dans ces conditions je risquais de perdre mes reins. »

Ce mercredi à 20 h 30, le comité des sans-papiers tiendra une réunion publique à partir de 20 h 30 au centre Jean-Savidan.

« Lamentable, scandaleuse »

Mardi, Alain Gouriou, le député-maire de Lannion, se trouvait en séance de travail à l’Assemblée nationale. Joint par téléphone, il qualifie cette affaire « de lamentable, de scandaleuse. Je crains que nous assistions-là aux conséquences drastiques de la politique menée par le ministre de l’Intérieur, celle des quotas d’exclusion. Quand je pense qu’il était question d’ouvrir un centre d’accueil de cinquante places à Lamballe pour permettre aux étrangers de régulariser leurs situations. À Lannion, deux familles arméniennes sont en voie de régularisation ainsi que quelques familles des pays de l’Est. Je ne comprends pas, avec la préfecture et sous-préfecture, nous avons obtenu des logements - Côtes d’Armor habitat - pour les deux familles arméniennes. Alors pourquoi s’attaque-t-on à Monsieur Khalifa ? Est-ce pour faire un exemple ? Nous sommes dans la droite ligne de la loi qui n’est pas encore votée que je sache ».

Garde à vue

Me Blot-Iglesias, l’avocate d’Amara Khalifa, à la mi-journée, ignorait encore pourquoi son client « était placé en garde à vue. De la première à la vingtième heure de la garde à vue, on est dans l’attente. Le commissariat de police ne m’a pas appelée. Je ne sais pas dans quel cadre il est là-bas. Le procureur général a pu demander une enquête, par exemple pour voir si Monsieur Khalifa assume son autorité parentale, s’il existe une réalité de vie commune avec sa compagne. »