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Le Giro retrouve le Stelvio, Armstrong et les juges

Publie le jeudi 27 janvier 2005 par Open-Publishing

Présentation de la 87ème course rose, le parquet de Paris va
interroger l’Américain


de CHEO CONDINA

Les montagnes ont des yeux, une bouche et des oreilles. Elles aiment l’hiver, parce qu’il les peint en blanc. Et elles attendent avec anxiété l’été, qui amène l’haleine essoufflée des cyclistes qui essayent d’y grimper.

En automne, au contraire, elles se font belles pour accueillir les architectes du Giro d’Italie (Rcs Sport) pour les convaincre d’amener la course sur leurs
pentes. Tout se passe avec la plus grande discrétion, le tracé du Giro reste un mystère pendant des mois. A tel point que, pour le dévoiler, la Gazzetta dello
Sport organise chaque année une cérémonie digne des Oscar, comme celle qui, aujourd’hui à Milan,
dévoilera la 87ème édition de la course rose. Mais les montagnes, quand elles
flairent l’odeur des cyclistes, s’émeuvent.

Et elles parlent. Comme le Col du Stelvio : il sera abordé dans la grande étape alpine lombarde qui arrivera à Livigno, avant le col d’Eira et celui du Foscagno. Le revoilà, le Stelvio. Sa dernière apparition remonte à 1994, quand Marco Pantani le dévora sur un pas du tango et éreinta ses adversaires en vue du terrible Mortirolo. Vous dites Stelvio et vous pensez à Fausto Coppi, mais aussi au duel, moins fameux, entre Bertoglio et Galdos. Ils n’étaient pas des champions, mais ils donnèrent du spectacle. L’Italien en défense, avec le maillot rose ; l’Espagnol à l’attaque, en bon grimpeur. Il n’y arriva pas, Galdos. Et quand on le traita de mollasson, il répondit : "Et qui croyez-vous que je suis ? Gaul ?" C’est-à-dire, le plus fort grimpeur de tous les temps. C’est le Stelvio qui parle et ce sont les Dolomites.

Sur les montagnes roses les coureurs vont aborder, en un seul jour, quatre cols : Costalunga, Pordoi, Campolungo et Erbe, avec l’arrivée en côte à Ortisei. Mais le plus beau arrivera dans la dernière fraction, celle du 28 mai. Un marathon qui va pivoter sur le Sestrière, abordé en tant que première et dernière montée, caresser la Vallée de Suse et grimper un raidillon inoüi et infernal, en partie non goudronné, le Col delle Finestre. Le Sestrière est, lui aussi, la montagne de Coppi. Le Héron la conquît en 1949 après un solo infini commencé sur le Col de la Maddalena, première aspérité d’une journée pleine de pluie et de jurons. Voilà les grands sommets du prochain Giro. Des plaines, moins loquaces, seulement quelques anticipations sur les contre la montre. Elles devraient être deux : une de Lamporecchio à Florence, pour rendre honneur à Gino Bartali, l’autre de Chieri à Turin. Hier a parlé aussi Lance Armstrong, qui s’entend bien avec les montagnes.

Il en a grimpé plusieurs, le Texan, à l’occasion de ses six derniers triomphes au Tour de France. C’est pourquoi certains, dans le milieu, continuent de nourrir des doutes sur ses victoires extraordinaires. Ce ne sont que des extrapolations, auxquelles l’Américain a toujours répondu d’une façon indignée. Mais il ne pourra pas répondre de la même manière à Philippe Drouet, le procureur français d’Annecy, qui a annoncé jeudi qu’il avait ouvert une enquête préliminaire sur l’entourage d’Armstrong à cause de le soupçon d’utilisation de substances dopantes. Cela après que l’ex masseuse de l’invincible Lance, Emma O’Reilly, avait confirmé à la police parisienne les accusations de doping lancées au Texan sur les pages le L.A. Confidential, les secrets de Lance Armstrong. En se référant à des faits concernant 1998, donc à l’Armstrong des miracles, celui qui était à peine revenu aux courses après avoir vaincu le cancer. "Je suis déçu par la décision du juge d’ouvrir une enquête sans m’avoir écouté avant - s’est plaint hier l’Américain - je me rendrai disponible pour rencontrer les enquêteurs à n’importe quel moment. J’en sortirai propre".

Soit, mais, pour Armstrong, c’est la septième enquête (la deuxième pour doping). Aucune n’a été close, comme n’est pas clos le compte de Lance avec le Giro. Il a toujours promis de courir, au moins une fois, en Italie, pour ensuite évoluer toujours au loin de nos sommets. Et les montagnes, qui outre des yeux, des oreilles et une bouche ont aussi un cœur, ne l’oublient pas.

Traduit de l’italien par Karl & Rosa de Bellaciao

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/22-Gennaio-2005/art110.html