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Le fléau de la dette publique
par ATTAC France
Publie le dimanche 25 décembre 2011 par ATTAC France - Open-PublishingLes politiques d’austérité et leurs conséquences
Face à l’accroissement de la dette publique et sous la pression des marchés financiers, les gouvernements des différents États mettent en œuvre des politiques d’austérité, sous forme de diminution des dépenses publiques et augmentation des recettes à travers la fiscalité. Les coupes budgétaires concernent la fonction publique avec le blocage ou la baisse du salaire et/ou des effectifs de fonctionnaires, les diminutions de services publics et de la protection sociale, la mise en œuvre de « réformes » des retraites et de l’assurance maladie. La tendance générale, en France comme ailleurs, est à la privatisation : l’objectif est de diminuer les pensions de retraite et les remboursements de soins de santé, et de présenter le recours aux assureurs privés comme l’inéluctable complément... pour ceux qui en auront les moyens.
Dans un certain nombre de pays, des baisses des salaires des fonctionnaires et des pensions ont été appliquées. En Grèce, les baisses de salaires atteignaient, en octobre 2011, entre 15 % et 40 % selon les sources (suppression des treizième et quatorzième mois et des primes). Les baisses de salaires sont également significatives dans des pays comme le Portugal (jusqu’à 27 %), la Roumanie (25 %), l’Espagne (15 %), l’Irlande (de 5 à 15 %), etc. Le Royaume-Uni connaît la plus forte baisse de pouvoir d’achat depuis trente-cinq ans avec un recul de 7 % en trois ans et une hausse de la pauvreté préoccupante, qui touche encore plus fortement les moins de quinze ans.
En outre, le FMI et la BCE exigent de privatiser une bonne part de ce qui restait d’entreprises publiques, et de démanteler le code du travail : assouplissement des licenciements en Grèce et en Italie, suspension des conventions collectives au Portugal et en Italie, allongement de la durée légale du travail au Portugal… Ces mesures n’ont rigoureusement rien à voir avec le remboursement de la dette et montrent clairement la nature de classe de la politique menée.
Côté recettes fiscales, les hausses d’impôt pèsent essentiellement sur les revenus du travail, même si l’affichage gouvernemental prétend équilibrer avec la taxation du capital. Les quelques mesures augmentant l’impôt sur les revenus financiers ou les ménages les plus riches ne sont rien en comparaison de celles qui pèsent sur les moins aisés. L’augmentation de la TVA sur un certain nombre de biens pèsera par exemple beaucoup plus lourdement sur les budgets modestes. Le bouclier fiscal, particulièrement inique, a certes été supprimé : mais il rapportait 600 millions d’euros et en même temps, l’ISF a été baissé de près de 2 milliards !
Ces politiques épargnent donc les responsables que sont les grandes banques et la finance et font payer la crise aux salarié-es, retraité-es, chômeur-euses, catégories modestes. Elles sont doublement injustes, car leurs effets sont aussi particulièrement négatifs sur les femmes : le secteur public étant composé majoritairement de femmes, ce sont elles les plus touchées par les mesures sur les salaires, comme par les réductions d’effectifs, qui se traduisent en réductions d’embauches. De même, en tant que responsables principales de la famille, les femmes sont les premières concernées par les coupes dans les services sociaux (gardes d’enfants, services d’aide aux personnes dépendantes), les baisses de prestations (aux familles, aux personnes dépendantes, les congés de maternité), les fermetures de maternités, de centres d’IVG ou encore de classes maternelles qui se multiplient. En ce qui concerne les retraites, les pensions des femmes sont déjà largement inférieures à celles des hommes, souvent insuffisantes, et les mesures appliquées ne font qu’aggraver cette situation. La Commission européenne note en 2010 : « la paupérisation menace les retraités, et les femmes âgées constituent un des groupes les plus exposés au risque de pauvreté ». De l’art de promouvoir des réformes et en même temps d’en pointer les effets néfastes…
En plus d’être socialement inacceptables, ces politiques sont incohérentes du point de vue économique. Alors que les pays ayant un plus fort niveau de protection sociale et de services publics ont mieux résisté à la récession et à la montée de la pauvreté liée à l’augmentation du chômage et du sous-emploi, ce sont précisément ces bases de l’État social qui sont ciblées par les restrictions budgétaires ! En plus, de telles politiques appliquées simultanément à de nombreux pays européens ne peuvent qu’entraîner une récession aggravée qui aboutira à abaisser encore les recettes fiscales. Les déficits publics augmenteront, à l’opposé de l’objectif visé.
Trop de dépenses ?
Nicolas Sarkozy et l’ensemble du gouvernement attribuent les déficits publics en France à « une préférence pour la dépense publique » : trop de prestations sociales, trop de services publics, trop de fonctionnaires. Déjà, en 2006, le rapport Pébereau assénait cette doxa néolibérale : « Ce sont fondamentalement nos pratiques politiques et collectives, notamment notre préférence pour la dépense publique, qui sont à l’origine de notre situation financière actuelle »1. La réalité est tout autre.
Un examen des chiffres montre que la part dans le PIB des dépenses publiques dans leur ensemble (budget de l’État, des collectivités territoriales, des administrations de sécurité sociale qui rassemblent les hôpitaux publics et l’ensemble des régimes de sécurité sociale) est globalement stable depuis plusieurs années. Elle a même diminué par rapport à son point le plus haut atteint en 1993 avec 55 % du PIB, alors qu’en 2007, elle ne représente plus que 52,3 % du PIB. Cependant, la structure de ces dépenses publiques a évolué.
Les dépenses des collectivités territoriales ont augmenté, conséquence des lois successives de décentralisation et des transferts de charge, aujourd’hui non compensés intégralement par les dotations de l’État (bâtiments scolaires, réseau routier, logements sociaux, gestion du RMI/RSA...). Aujourd’hui, l’essentiel des investissements publics repose sur elles. Les dépenses des administrations de Sécurité sociale ont également continué à augmenter : elles ont représenté 70 % de la hausse des dépenses publiques entre 1980 et 2005, et ce malgré les attaques répétées des gouvernements successifs. Les raisons en sont l’augmentation des besoins sociaux, les progrès des techniques médicales, ainsi que la résistance de la population aux mesures régressives. En revanche, les dépenses de l’État ont fortement diminué. Leur part est passée de 25,5 % du PIB en 1993 à un peu moins de 20 % en 2008.
Trois facteurs sont donc à l’origine de l’augmentation de la dette publique : la baisse des recettes fiscales avec les cadeaux fiscaux successifs aux entreprises et aux contribuables les plus riches ; l’interdiction que les gouvernements se sont imposée de faire financer les déficits publics par la banque centrale ; les variations des taux d’intérêt.
Une contre-révolution fiscale
Au cours des deux dernières décennies, le déficit budgétaire s’est creusé, malgré la stabilité globale des dépenses en proportion de la richesse nationale. La cause essentielle : la contre-révolution fiscale menée depuis plusieurs années par les gouvernements successifs, et considérablement aggravée par Nicolas Sarkozy. Les impôts progressifs ont vu leur part dans les recettes fiscales diminuer. L’impôt sur le revenu est devenu de moins en moins progressif, passant de 13 tranches à 5 entre 1986 et aujourd’hui, et son taux marginal de 65 % à 41 % en vingt ans. L’imposition sur le patrimoine a connu un démantèlement accéléré sous l’ère Sarkozy : les droits de succession ont été largement allégés, et le rendement de l’ISF a été fortement amoindri, suite à sa réforme après la suppression du bouclier fiscal en 2011.
Les revenus financiers ont continué à bénéficier de faibles taux d’imposition au cours des dernières années. Il faut ajouter à cela les quelque 500 niches fiscales dont le coût total est estimé à 145 milliards d’euros pour 2010. L’impôt sur les sociétés a vu son taux passer de 45 % en 1989 à 33 %, sans compter les différentes dérogations et méthodes diverses d’optimisation fiscale (utilisation des prix de transfert, bénéfice mondial consolidé) qui profitent davantage aux grandes firmes multinationales qu’aux PME : le taux implicite2 d’imposition des entreprises du CAC40 n’est que de 8 % quand celui des petites entreprises est de 28 % en moyenne. Il faut aussi ajouter, depuis trente ans, les multiples mesures d’exonération des cotisations sociales patronales, mesures presque totalement financées par le budget de l’État.
Tout cela s’est effectué dans un contexte de dumping fiscal, dans l’Union européenne comme dans le monde, un cas emblématique étant l’Irlande avec un taux d’impôt sur les sociétés de seulement 12,5 % !
On a donc pu assister à un appauvrissement programmé des finances publiques. Par exemple, les recettes de l’État représentaient 15,1 % du PIB en 2009 contre 22,5 % en 1982 (voir graphique ci-dessous). Les rapports officiels eux-mêmes le reconnaissent : en avril 2010, dans un Rapport sur la situation des finances publiques pour le gouvernement, J.-P. Cotis et P. Champsaur, respectivement directeur et ancien directeur de l’INSEE, notent que « Depuis 1999, l’ensemble des mesures nouvelles prises en matière de prélèvements obligatoires ont ainsi réduit les recettes publiques de près de 3 points de PIB : une première fois entre 1999 et 2002 ; une deuxième fois entre 2006 et 2008. Si la législation était restée celle de 1999, (…) la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible aujourd’hui » (p 13).
Le rapport d’information pour le débat d’orientation budgétaire du député UMP G. Carrez (juillet 2010) montre qu’en l’absence des cadeaux fiscaux, le budget de l’État aurait connu un léger excédent de 2006 à 2008, et le déficit n’aurait été que de 3,3 % au lieu de 7,5 % en 2009.
Prendre connaissance de l’ensemble du manifeste " pour sortir du piège de la dette"
