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Le premier ministre renonce à modifier la loi sur les stupéfiants

Publie le jeudi 29 juillet 2004 par Open-Publishing

Le plan quinquennal de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool, qui devait être rendu public jeudi, exclut toute réforme de la loi de 1970, un texte largement inappliqué et peu adapté au cannabis, dont la consommation a doublé en dix ans.

Le plan gouvernemental 2004-2008 de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool a finalement été validé, lundi 26 juillet, par le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. Il devait être rendu public jeudi 29 juillet par Didier Jayle, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), qui avait rendu sa copie en décembre 2003. Depuis cette date, le plan n’en finissait plus d’être soumis à la concertation des ministères concernés et à l’arbitrage de Matignon, au grand dam des spécialistes des addictions. Le texte retenu abandonne la réforme de la loi de 1970 sur les stupéfiants.

Sur ce point, le gouvernement a fait machine arrière. Jean-Pierre Raffarin, Nicolas Sarkozy ou encore Jean-François Mattei s’étaient en effet prononcés, au printemps 2003, pour une modernisation de cette loi élaborée à une époque où l’héroïne causait des ravages. Largement inappliquée pour les simples usagers de cannabis, la loi de 1970 offre l’alternative entre un an d’emprisonnement et 750 euros d’amende, d’une part, et l’injonction thérapeutique d’autre part, c’est-à-dire l’obligation de se soumettre à des soins.

Le 21 mars, sur M6, M. Raffarin avait évoqué le remplacement de la peine de prison par "une contravention modeste pour le premier fumeur" et déclarait : "On ne dépénalise pas, on gradue les peines, mais on est toujours dans l’interdit, dans le système pénal." Quant à M. Sarkozy, il défendait la "création d’une échelle de sanctions adaptées qui permettent de punir réellement et rapidement tant les mineurs qui consomment occasionnellement du cannabis ou de l’ecstasy que les usagers d’héroïne qui refusent les soins".

Le plan de la Mildt, approuvé par Matignon, explique que la réforme de la loi de 1970 "se heurte à certains obstacles juridiques et ne semble pas opportune actuellement". En effet, "contraventionnaliser l’infraction pourrait être interprété comme le signal d’une faible dangerosité des stupéfiants et produire une nouvelle augmentation de la consommation et de sa précocité". En lieu et place, le dispositif de sanction passera par "des instructions générales de politique pénale aux parquets", comme l’avait fait Elisabeth Guigou, alors garde des sceaux, avec la circulaire du 17 juin 1999 adressée aux procureurs de la République.

Le plan quinquennal de la Mildt entend répondre au "problème majeur tant de santé publique que de sécurité" que constitue la consommation d’alcool, de tabac ou de drogues illicites. Le document désigne une "urgence : créer à l’école une prévention précoce, intense et à tous les niveaux de scolarité", avec les parents. "Nous devons créer un environnement défavorable à l’expérimentation pour l’empêcher ou la retarder", résume Didier Jayle.

Malgré certaines pressions pour en retirer l’alcool ou le tabac, le périmètre d’action de la Mildt a été conservé. Le plan développe des objectifs pour chaque produit.

La consommation de cannabis a presque doublé entre 1993 et 2002 pour les 18-44 ans, rappelle le plan, qui ajoute qu’"à l’âge de 18 ans plus de la moitié des jeunes en ont fait l’expérience". Le plan constate qu’"entre la banalisation par les uns et la diabolisation par les autres les jeunes rencontrent des difficultés pour mesurer l’impact réel de la consommation de cannabis dans leur vie quotidienne".

ABANDON DU "TESTING"

Pour y répondre, outre des campagnes d’information et de communication, la Mildt mettra en place un programme structuré en milieu scolaire sur le cannabis, ainsi que des consultations spécifiques, anonymes et gratuites, "offrant un cadre et des interventions adaptées aux jeunes usagers, à leurs parents, aux familles". Au sein du service de téléphonie sociale Drogue-Alcool-Tabac Info Service (Datis), qui sera maintenu, une ligne spécifique sera identifiée pour le cannabis, comme pour d’autres produits.

Le dispositif de veille active sur les drogues de synthèse sera complété. "La présence d’acteurs de prévention lors des événements festifs" est reconnue comme permettant "le contact avec ce public", mais le plan prône l’abandon du "testing" rapide des drogues de synthèses circulant lors des raves. Les interventions préventives "devront respecter les règles d’un référentiel d’intervention en réduction des risques", qui sera élaboré par la Mildt.

Le plan vise également à "abaisser les consommations d’alcool aux seuils définis par l’Organisation mondiale de la santé". En l’occurrence, 2 à 3 unités d’alcool par jour (verres de 10 cl de vin, l’alcool le plus consommé en France) pour les femmes et 3 à 4 unités d’alcool par jour pour les hommes. Il s’agit, conformément aux objectifs du projet de loi de santé publique, de "réduire de 20 % la consommation moyenne d’alcool par habitant".

Faire appliquer la loi Evin et ses dispositions, sur l’alcool et sur le tabac, est un objectif affirmé. La Mildt a été chargée par le premier ministre de "prendre de nouvelles initiatives pour améliorer le respect de l’interdiction de fumer dans les lieux collectifs", notamment l’école.

Le plan conforte le rôle de réorganisation des soins avec la création de centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa). Prévues par un décret préparé par Bernard Kouchner, mais que son successeur au ministère de la santé, Jean-François Mattei, n’avait pas signé, ces structures sont destinées à recevoir des personnes dépendantes quel que soit le produit. La Mildt devrait aussi rééquilibrer la répartition des produits de substitution, privilégiant actuellement la buprénorphine au détriment de la méthadone.

On note enfin, parmi les dispositions pour lutter contre le trafic de drogues, le "recours soutenu à l’enquête de patrimoine", qui consiste à vérifier si les ressources des suspects sont conformes leur train de vie. Un nouvel angle d’attaque que les classiques poursuites pour la détention ou trafic de stupéfiants.

Paul Benkimoun

Tabac : prix en hausse, ventes en chute libre

Les ventes de tabac ont baissé de 20,5 % en France depuis le début de l’année. Le Centre d’information sur le tabac attribue ce recul "aux fortes aggravations de la fiscalité de ce produit, et donc des prix, qui ont augmenté de 18 % en octobre 2003 et de 9 % en janvier 2004". Le prix moyen du tabac a ainsi augmenté de 29,3 % au premier semestre par rapport à 2003. Les ventes de cigarettes sont les plus touchées (- 25 %), alors que les ventes de tabac à fumer ont augmenté (+ 18 %).

Le chiffre d’affaires des buralistes est demeuré stable (7,28 milliards d’euros, contre 7,25 en juin 2003) grâce aux 85,4 millions d’euros d’aides versées par l’Etat. Mais la Confédération des débitants de tabac dénonce les baisses de 30 % à 40 % des ventes dans les départements frontaliers et une chute des activités annexes (presse, téléphone, jeux). Malgré les aides, nombre de débits seraient en deçà du seuil de rentabilité.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-373958,0.html