Accueil > Les Amis et l’Humanité doivent essaimer
rencontre . Au programme de l’assemblée générale des Amis de l’Huma, samedi au journal : création et consolidation de comités décentralisés. Ce qui revêt un caractère crucial.
Ils sont venus, de toute la France samedi matin, à Saint-Denis, pour la traditionnelle assemblée générale de début d’année de leur association, les Amis de l’Huma. Ils sont venus, plus nombreux que d’habitude (120 personnes), témoigner des progrès de l’implantation locale des Amis. Ils sont venus, aussi, pour rencontrer l’équipe dirigeante de l’Humanité et de l’Humanité Dimanche. Le directeur du journal, Patrick Le Hyarick, a encouragé ces militants du pluralisme à continuer leurs efforts pour faire connaître nos deux titres. Tant il est nécessaire que leur diffusion s’amplifie pour sortir définitivement de l’impasse économique qui a si sombrement menacé en 2006 le journal de Jaurès.
C’est d’ailleurs à Jaurès que la présidente des Amis de l’Huma, Edmonde Charles-Roux, a d’emblée fait référence, avant l’ouverture des travaux. Consternée par l’utilisation par - Nicolas Sarkozy du nom du fondateur de l’Humanité à des fins politiciennes, elle a fait part de « sa grande colère ». « C’est une monstruosité de prêter à quelqu’un des sentiments alors qu’il n’est plus de ce monde, et qui plus est de lui prêter des sentiments qu’il a combattus toute sa vie », a protesté avec feu l’écrivain. « Chacun de vous doit résister », a-t-elle demandé à la salle, tout en louant l’Humanité des débats, qui, le matin même, venait de consacrer trois pages au sujet. « Pour faire passer et vivre la pensée de quelqu’un, il faut la traduire en actes. Il faudra bien un jour se révolter contre les pièges à gogos qu’on nous tend en permanence », a renchéri sur le même sujet le directeur du journal.
Les Amis ont ensuite raconté leurs expériences de comités locaux. Et ils insistent sur deux aspects : le bon accueil qui leur est réservé et le côté convivial de leurs - réunions. À l’instar de Jacques et Pierre, de Créteil, qui se sont aperçu, avant la Fête de l’Humanité 2006, que lister les personnes susceptibles d’acheter une vignette leur permettait d’augmenter leur diffusion de 30 % environ. Ils se sont dit qu’ils pouvaient appliquer le même principe au journal et ont créé, le 24 novembre dernier, avec l’aide de Charles Silvestre, secrétaire des Amis, un comité local. « Tout le monde n’était pas d’accord au départ, mais au final, ça a créé une espèce d’émulation entre nous », s’enthousiasme Pierre. « Une antenne, c’est quoi ? C’est un ou deux amis qui décident de prendre une initiative sur un thème, qu’il soit religieux, social, politique, explique-t-il. On a pensé qu’il nous fallait une structure souple d’un côté, avec un caractère populaire de l’autre. On a aussi estimé que le plus simple et le plus efficace, pour nous faire connaître, c’est le bouche à oreille. » Il évoque le café où les Amis se rencontrent, et leur partenariat avec les compagnons d’Emmaüs. Et insiste sur la nécessité d’avoir un minimum d’autonomie financière, d’où la nécessité de déposer les statuts de l’association en préfecture, afin de pouvoir ensuite « ouvrir un compte postal, obtenir des subventions de la part des collectivités territoriales... ». Jeanne, des Lilas (Seine-Saint-Denis), fait état d’une création d’antenne analogue : partis à quatre, les Amis de cette petite association se sont retrouvés à soixante pour un débat à la mairie et ont recruté dix-sept nouveaux membres. Et cette petite structure envisage déjà deux débats : l’un en avril sur le pluralisme de la presse, l’autre en juin sur les problèmes des jeunes de la banlieue séquanodyonisienne.
Idem à Rouen, qui organise environ un débat par mois, sur des sujets très variés. Leur ambition est « de faire connaître l’Humanité au-delà du cercle des lecteurs » habituels. Les rendez-vous, dans un bistrot le plus souvent, se terminent fréquemment par un apéritif, une soirée en chansons par des artistes locaux - (Allain Leprest parraine l’association). Il estime cependant qu’il y a des progrès à réaliser. D’abord sur le site Internet de l’association, qui a mal vieilli (Jean-Emmanuel Ducoin, rédacteur en chef de l’Humanité et secrétaire adjoint des Amis, indique que ce sera bientôt chose faite), ensuite sur l’harmonisation des cotisations. Jean-Luc Pouget, de Montpellier, la plus active des antennes locales, fait une sorte de synthèse : il croit que ce qui fonde le succès de son antenne, c’est d’abord « l’envie que l’Huma existe et continue de se développer. On se bat pour un journal qui est un grand journal », développe-t-il. Avant d’insister sur la convivialité et l’accueil réservé aux initiatives des Amis : « Les gens qui viennent débattre avec nous n’ont pas d’a priori. Je trouve ça extraordinaire. Ils ont bien compris la valeur et la qualité de ce journal. » Lui aussi insiste sur l’autonomie financière « parce qu’ainsi, non seulement nous ne coûtons rien à la structure nationale des Amis, mais en plus nous pouvons lui rapporter de l’argent ». Et l’argent des cotisations, Charles Silvestre le rappelle, est destiné à payer le demi-poste de secrétaire des Amis et le stand des Amis à la Fête de l’Humanité.
Dans la seconde partie de la réunion, Patrick Le Hyarick a remercié les Amis de leur engagement et de leurs progrès. « C’est important, car contrairement à ce que nous croyons parfois, il y a un problème de déficit de connaissance par rapport à l’existence du journal », rappelle le directeur. Qui cite à l’appui une enquête réalisée voici deux ans sur l’indice de notoriété de la Fête de l’Humanité en Île-de-France, qui révélait que seulement 1 % des 13 millions d’habitants connaissaient son existence... Et le journal, qui n’est pas forcément visible dans les kiosques, souffre du même mal.
D’autant que l’ensemble de la presse quotidienne, mais aussi magazine, dorénavant, souffre d’une crise profonde. Même si l’Humanité, grâce à la mobilisation de ses lecteurs, n’est pas dans la même situation que début 2006 : « La pression est à la fois économique et politique : la tendance est à ne plus considérer les grands fondamentaux de la diversité culturelle française dans laquelle la presse d’information générale est fondamentale », martèle Patrick le Hyarick. Qui fait part d’une contradiction, puisque dans le contexte, la situation économique du journal est moins tendue que l’an dernier. « Quelques semaines après l’Assemblée générale des Amis, nous avons dû mener une bataille politique extrêmement dure pour protéger le journal, auprès des lecteurs, des Amis, des médias, des confrères de la presse écrite ». La mobilisation paie, puisqu’elle finit par rapporter au journal 5,2 millions d’euros (dont deux millions d’euros de collecte auprès des lecteurs). Ce qui fait passer le déficit du journal de 3,122 millions d’euros en 2005 à 884 000 euros en 2006. Pour 2007... ? Patrick Le Hyarick mise sur un développement quasi obligé, puisque « nous sommes violemment contraints. Car nos comptes sont désormais contrôlés in extenso » par Bercy, le tribunal de commerce de Bobigny et la Cour des comptes. Le directeur table notamment sur une nouvelle formule d’abonnement qui sera lancée d’ici à quinze jours. Le site Internet du journal sera aussi complètement rénové d’ici quelque temps. Les Amis, comme l’Humanité, ont tout intérêt à se développer dans les prochains mois, conclut le directeur. C’est encore une question de survie. Pour « un journal qui sert l’action, un journal de combat. Autant qu’au temps de Jaurès, il y a urgence ».
Caroline Constant
Sources :
http://www.humanite.presse.fr/journal/2007-02-05/2007-02-05-845321