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Les Rom : "Camp" et "nomade" : une association fatale
Publie le samedi 2 juillet 2005 par Open-Publishing1 commentaire

L’anthropologue Leonardo Piasere : "Depuis toujours les camps sont le lieu où mettre ceux qui n’ont pas de place". Les Rom sont la minorité la plus nombreuse de l’Union européenne, et pourtant ils sont depuis toujours l’emblème de l’étranger. La société est obsédée par le nomadisme.
de GIOVANNA BOURSIER traduit de l’italien par karl&rosa
Les dits camps de nomades sont des lieux ou presque personne ne met les pieds. Construits dans l’urgence des flux lors des années 60 et 70, ils continuaient à exister dans toute périphérie urbaine, dans les coins où les villes accumulent leurs déchets, auprès des décharges, en équilibre sur les berges des fleuves ou sous les viaducs des autoroutes.
Ce sont des ghettos inutiles où s’entassent des hommes, des femmes et des enfants. Environ 150.000, disent les chiffres officiels, qui pourtant ne considèrent pas de nouvelles urgences qui ajoutent d’autres personnes là où vivre est impossible. Il suffit d’y entrer : puanteur, boue, baraques, peu de services hygiéniques, parfois même pas de courant électrique. Il est difficile de savoir combien ils sont parce qu’outre ceux qui sont autorisés il en existe d’autres, qui se créent spontanément, des refuges pour ceux qui presque toujours fuient les guerres et la pauvreté. Leonardo Piasere enseigne l’anthropologie à l’Université de Vérone.
Il est l’un des plus importants chercheurs italiens du monde Rom, sur lequel il a publié plusieurs livres (son dernier : I rom d’Europa, pour Laterza) utiles à comprendre avant de juger. "Les camps de nomades - nous dit-il - ne sont que l’une des variétés de la forme camp, des si nombreux camps que nous connaissons, construits dans la tradition inventée vers la fin du 19ème siècle et qui arrive jusqu’aujourd’hui, des camps des réfugiés aux centres de rétention. Une des formes les plus aberrantes a été celle des camps d’extermination. En général, les camps servent à donner une place à ceux qui n’en ont pas, mais aussi à placer, à arrêter. Ils font part de l’architecture du monde actuel, mais Hanna Arendt en parlait déjà. Des lieux où mettre ceux qui s’avèrent "en plus" à cause de la structure politique des états nations que le monde s’est donnée".
Les Rom et les Sinti représentent la minorité la plus importante de l’Union Européenne et pourtant, dans l’imaginaire répandu, ils correspondent encore à ceux qui n’ont pas de place. Le fait d’être Rom a toujours évoqué l’idée de personnes dénationalisées et désocialisées, ce qui a permis d’associer le fait d’être des nomades (vrais ou présumés) à celui d’être des étrangers. Aujourd’hui encore, le nomadisme permet de stigmatiser dans des catégories immuables des personnes qui vivent parmi nous depuis des siècles et qui, dans une grande partie, ne sont pas du tout des nomades. "Ainsi on peut ne les pas considérer une partie intégrante de la société - explique Piasere - parce que la diatribe entre nomadisme et sédentarisme est négligeable. C’est nous qui nous demandons s’ils sont ou non des nomades.
Et s’ils n’étaient ni l’un ni l’autre ? La vraie caractéristique du nomadisme rom est qu’il ne l’a jamais été complètement". Au contraire, nous traitons souvent comme des nomades ceux qui ne l’ont jamais été, comme une partie des Roumains et des Serbes, en les mettant dans les camps où ils n’ont jamais vécu. Vice versa, nous traitons comme des sédentaires les Sinti du Nord ou les Lovara qui, au contraire, pratiquent la mobilité depuis des siècles. "La seule chose qui nous intéresse est de garder les distances - continue Piasere - de signaler qu’ils ne sont pas des citoyens. Si tu fuis la guerre ou la faim, tu tombes aussitôt dans les catégories du nomade, du réfugié.
Et tu finis dans un camp. Là, tu n’a plus de droits. Comme dans les Centres de rétention. Parce que là l’état de droit se renie lui-même, il construit des lieux où est en vigueur l’état d’urgence. Dans les camps de nomades les lois n’existent pas. Tout y est en dérogation : les normes sur le bâtiment ou sur les routes, si étroites que même les pompiers n’y passent pas. On nie la citoyenneté et on s’en sert comme d’une arme de chantage et, ainsi, même les droits humains disparaissent. Et, en effet, on peut jeter à la rue des hommes, des femmes et des enfants". Cela revient à dire : tu mets deux mots côte-à-côte, camp et nomade, et tu établis toute conséquence possible.
Messages
1. Roms et Romnis en France, 2 juillet 2005, 12:53
Pour connaître la situation des Roms et des Romnis en France, et les discriminations dont ils/elles sont victimes, je conseille le petit livre de Xavier Rothéa : France, pays du droit des Roms ? Gitans, "Bohémiens", "gens du voyage", Tsiganes... face aux pouvoirs publics depuis le XIXème siècle. (aux éditions Carobella ex-natura).
Des résumés et des notes de lecture de ce bouquin sont disponibles sur les sites suivants :
http://rebellyon.info/article.php3?id_article=213
http://1libertaire.free.fr/Roms01.html
http://infokiosques.net/imprimersans2?id_article=155 (à la fin de la brochure)