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Les femmes pourront désormais avorter chez leur médecin

Publie le vendredi 23 juillet 2004 par Open-Publishing
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de Sandrine
Blanchard


Jusque-là réservée à l’hôpital, l’interruption volontaire de grossesse grâce à un
comprimé de Mifégyne - l’ancien RU 486 - devient possible chez les gynécologues
ou certains généralistes, quand la grossesse n’a pas dépassé cinq semaines. 50
000 femmes pourraient être concernées.

Désormais, les femmes qui souhaitent avorter ne seront plus obligées d’aller à l’hôpital.
Trois ans après la promulgation de la nouvelle loi sur l’interruption volontaire
de grossesse (IVG) et la contraception, tous les textes nécessaires pour rendre
légal l’avortement médicamenteux en ville ont reçu l’accord du ministre de la
santé.

Philippe Douste-Blazy a signé, vendredi 23 juillet, l’arrêté de tarification relatif à l’IVG, dernier document - après le décret sur les conditions de réalisation des avortements en dehors des établissements de santé signé le 16 juin - permettant de concrétiser cette nouvelle possibilité offerte aux femmes. Ces textes devraient être publiés au Journal officiel dans le courant de la semaine prochaine. "Il s’agit d’améliorer la prise en charge des femmes et de raccourcir les délais d’attente", a expliqué au Monde le ministre.

Il aura donc fallu trois ans pour que cette mesure inscrite dans la loi Aubry du 4 juillet 2001, réformant la loi Veil de 1975, devienne enfin effective. A l’époque, cette disposition était passée quasi inaperçue, le débat s’étant focalisé sur l’allongement du délai légal de l’IVG de dix à douze semaines. Si ce n’est pas la première fois que des décrets et arrêtés tardent à être publiés, certains voient dans ce retard des raisons politiques. "Jean-François Mattei, le précédent ministre de la santé, était contre cette mesure, alors il n’a rien fait pour accélérer la publication des textes", affirme Maïté Albagly, secrétaire générale du Mouvement français pour le planning familial, qui se réjouit de voir ce dossier aboutir.

Actuellement, sur les quelque 220 000 avortements pratiqués chaque année en France, environ un tiers sont effectués par voie médicamenteuse, mais obligatoirement dans un établissement de santé. "Avec le recul, nous nous sommes aperçus que l’hospitalisation ne se justifiait pas médicalement", indique M. Douste-Blazy. Désormais, les femmes pourront s’adresser directement à leur médecin (gynécologue ou généraliste justifiant d’une pratique régulière de ce type d’IVG dans un hôpital ou une clinique). Il délivrera lui-même les médicaments nécessaires, à savoir le comprimé de Mifégyne (anciennement appelée RU 486), qui stoppe la grossesse, puis, deux jours plus tard, les deux comprimés de Gymiso, qui agissent sur l’utérus pour faciliter l’expulsion de l’œuf. Seuls les médecins pourront s’approvisionner auprès des pharmacies et la femme devra obligatoirement prendre les médicaments en sa présence lors des consultations. Elle retournera ensuite chez elle, l’expulsion se produisant dans les 4 à 72 heures après la prise du Gymiso. Ce protocole "garantit la bonne administration dans les délais requis et permet au praticien d’assurer un suivi régulier de la patiente", indique la circulaire d’application.

"Y AVOIR ACCÈS RAPIDEMENT"

Pour réaliser ces IVG médicamenteuses, les médecins devront avoir passé une convention avec un hôpital public ou privé afin que leurs patientes puissent y être accueillies à tout moment en cas de complications (saignements importants, par exemple) et respecter la règle des cinq consultations. La femme, quant à elle, ne devra pas avoir dépassé cinq semaines de grossesse (sept semaines d’aménorrhée) pour pouvoir bénéficier de ce type d’avortement. "Ce nouveau dispositif doit permettre d’alléger la charge des services hospitaliers et offrir aux femmes la possibilité d’avoir accès à l’IVG plus rapidement", souligne la circulaire.

Actuellement, les délais d’attente à l’hôpital sont tels qu’ils empêchent certaines femmes d’avorter avec des comprimés. Surtout, cette méthode médicamenteuse est beaucoup moins lourde que le curetage ou l’aspiration. "C’est un progrès, car c’est une méthode sûre, qui permet d’éviter une intervention chirurgicale et qui préserve la possibilité d’avoir un enfant ultérieurement", estime M. Douste-Blazy. Les nouveaux textes soulignent qu’il est "indispensable" que les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (Drass) développent "des actions d’information en direction du public et des professionnels" pour faire connaître "ce dispositif très novateur".

En outre, l’arrêté signé par le ministre de la santé prévoit une augmentation de 29 % des forfaits IVG dans les établissements de santé. Cette revalorisation de l’acte était réclamée depuis longtemps par les associations afin d’éviter que de plus en plus de cliniques abandonnent une pratique jugée trop peu rentable. "Cette nouvelle tarification doit permettre en particulier aux établissements privés qui le souhaitent de s’impliquer davantage", espère le ministre de la santé. Quant au médecin de ville qui effectuera une IVG médicamenteuse, un forfait de 191,74 euros (remboursé à 70 % par l’assurance-maladie) lui sera attribué. Quel que soit son secteur (à tarifs conventionnés ou libres), "il ne pourra pas pratiquer de dépassements d’honoraires sur cet acte", précise la circulaire.

D’après le docteur André Ulmann, directeur du laboratoire pharmaceutique HRA Pharma, qui développe et commercialise le Gymiso, "50 000 femmes par an au minimum auront recours à l’IVG médicamenteuse en ville".

Ainsi, vingt-neuf ans après la loi Veil, l’avortement passe de l’hôpital à la maison. Maïté Albagly n’aime pas l’expression "IVG à domicile", qui "panique, inutilement, tout le monde", et lui préfère celle d’"IVG en ville", parce que tout est prévu pour la sécurité des femmes. "Des avortements médicamenteux jusqu’alors hors la loi, c’est-à-dire hors des centres hospitaliers, se font depuis longtemps et l’expérience prouve qu’il n’y a aucun problème", assure-t-elle. Reste que la stabilité du nombre d’IVG en France montre que des progrès restent à faire en matière d’information sur la contraception. Selon le Baromètre santé 2000 de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES), 7,5 % des filles de 15 à 25 ans déclarent avoir subi une IVG et 13,9 % ont eu l’occasion d’utiliser la pilule du lendemain.

Sandrine Blanchard

Les étapes d’une "IVG en ville"

Une femme qui souhaite interrompre sa grossesse par méthode médicamenteuse sans hospitalisation doit passer cinq consultations chez son médecin. Lors de la première, le praticien l’informe des différentes techniques et lui propose d’avoir recours à un entretien psycho-social. A la deuxième, la patiente signe un consentement et reçoit un document précisant le protocole de soins. Pendant la troisième consultation, la femme prend un comprimé de Mifégyne (mifépristone) puis, à la quatrième, ceux de Gymiso (misoprostol). Dans 60 % des cas, l’expulsion a lieu dans les 4 heures suivant la prise de ce médicament et dans 40 % des cas dans les 24 à 72 heures. Puis, entre le 14e et le 21e jour après son avortement, la patiente a un cinquième rendez-vous afin de contrôler que l’IVG est complète.

Le taux d’efficacité de cette méthode est d’environ 95 %.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-373491,0.html

23.07.2004
Collectif Bellaciao

Messages

  • "Reste que la stabilité du nombre d’IVG en France montre que des progrès restent à faire en matière d’information sur la contraception. Selon le Baromètre santé 2000 de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES), 7,5 % des filles de 15 à 25 ans déclarent avoir subi une IVG et 13,9 % ont eu l’occasion d’utiliser la pilule du lendemain."

    Information sur la contraception sur les "sujets" féminins et masculins. La contraception n’étant pas qu’une considération féminine, l’IVG en revanche : oui.

    Sabine.