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Les ramifications complexes de l’altermondialisation
Publie le lundi 1er septembre 2008 par Open-Publishing3 commentaires
Repérer les grandes distinctions
Geneviève AZAM parle du foisonnement (1) de l’altermondialisation quand Bernard CASSEN évoque lui la " métaphore du métro " qui distingue, pour faire, bref les grands voyageurs des petits. Dans l’altermondialisation il y aurait de tout, des petits et des grands combats, un peu comme dans une auberge espagnole . Pour autant le gros du mouvement est clairement altermondialiste, c’est à dire guidé par un but, celui de l’autre monde possible . Altermondialation, altermondialisme deux notions structurantes constamment à préciser.
- La distinction principale
*L’altermondialisme* représente le discours sur l’autre monde possible tel qu’évoqué par la Charte de Porto Alègre. Il s’agit d’un discours qui combine deux caractéristiques : il est pluriel, il ne vient pas d’en haut. Il convient de préciser que cette spécificité - pluralité et l’horizontalité - n’exclue pas les théories globalisantes, qui visent à réunir dans un corpus cohérent les alternatives au néolibéralisme. Simplement de telles théorisations ne font qu’éclairer le débat dans le respect des autres discours ou théories sur l’autre monde.
*L’altermondialisation* c’est d’abord le mouvement réel. L’altermondialisation se rattache aux processus hétérogènes de construction (d’une autre mondialisation). L’altermondialisation qu’on la définisse comme mouvance ou comme mouvement de mouvements c’est toujours le grand mouvement hétérogène et de longue durée qui fait participer une multitude d’acteurs dont certains sont nettement altermondialistes mais aussi d’autres acteurs à objet plus limité. Voilà pour le premier sens - large, englobant - du terme d’altermondialisation .
- La distinction secondaire
Mais on ne peut en rester à cette grande distinction (altermondialisme théorisé et altermondialisation historique réelle). Il faut aller plus loin pour saisir la complexité du mouvement en explicitant la subdivision interne à la mouvance globale.
En effet dans le train de l’altermondialisation au sens large on peut distinguer d’une part le (ou les) mouvements altermondialistes ceux qui comme ATTAC portent dans le réel plusieurs alternatives relativement articulées pour être efficace quant au but visé : " l’autre monde " et d’autre part les acteurs à buts limités ceux que l’on pourrait nommer d’altermondialisation mais ici au sens restreint de divers mouvements ne s’attaquant qu’à une forme particulière d’oppression ou de domination, de diverses pratiques sociales concrètes mises en débat dans les forums sociaux..
- Les effets de la participation à la mouvance globale : le rattachement à l’altermondialisme.
Une association (2) ou une ONG de la société civile (non patronale) peut passer de l’altermondialisation à l’altermondialisme par une participation durable et ouverte à l’ensemble des problématiques abordées par le mouvement altermondialiste proprement dit qu’il s’agisse d’ ATTAC ou d’autres acteurs sociaux clairement engagés dans la perspective de changer le monde. Ce qui ne simplifie pas les compréhensions, mais qui donne de l’espoir de pouvoir être plus efficace et plus nombreux !
Christian DELARUE
1) Foisonnement non sans débat
DEFENDRE LES FORUMS ALTERMONDIALISTES PRIS ENTRE DEUX CRITIQUES : ENTRE "LE TROP" IDEOLOGIQUE ET LE "PAS ASSEZ"
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article336
2) Un exemple : Le MRAP dans l’altermondialisation
Messages
1. Les ramifications complexes de l’altermondialisation, 1er septembre 2008, 19:26
... doit être inspectée sous toutes les coutures. Surtout une : d’où vient le fric ? Pour voir si ce n’est de la CIA ni de la maffia (c’est pareil), par ONG ou assoc’ interposée,
Avant de s’y compromettre ne serait-ce que du petit doigt.
2. Et si on est ANTImondialiste ?, 1er septembre 2008, 19:39, par Nawabad
Les émeutes de Gênes avaient fait trembler le pouvoir.
Mais...
Le mouvement antimondialiste est mort de n’avoir pas su comprendre que le 11 sept 2001 avait été fabriqué par Bush et consort.
New York a effacé Gênes !
Le 11 sept a eu lieu à New York peu après les émeutes de Gênes et les ont faites oublier. L’inconscient des antimondialistes du Black Bloc se disant : comment faire mieux que Ben Laden ? C’est à ça que mènent nos actions du Black Bloc ? ... Et TOUT s’est arrêté !
Comme les antimondialistes ont été incapables de comprendre que Ben Laden est membre de la CIA et que c’est l’État US qui a FAIT le 11 sept, le mouvement antimondialiste en est mort : Gênes (19-20-21 juillet 2001) a été oublié au profit de New York (11 sept 2001) !
Les altermondialistes ne font que ramasser les miettes de ce qui reste de l’ancien mouvement antimondialiste.
De plus, sur l’éthymologie, toute mondialisation, même alternative, est forcément une uniformisation. Uniformisation que déteste tout antimondialiste.
1. Et si on est ANTImondialiste ?, 1er septembre 2008, 21:22, par CD
Antimondialisation du capital et altermondialisation d’alternatives se complètent !
Vers un néosocialisme : Etendre le marché ou le circonscrire ?
Libérer l’entreprise de la tutelle de la propriété capitaliste ne signifie pas abolir le marché (1) . La chose est entendue même par ceux qui entendent le circoncrire par la démarchandisation et la promotion des services publics, de la sécurité sociale. Mais dans l’altermondialisation certains veulent le réguler et même l’étendre.
I - Contre les pollutions, l’écologie de marché ?
L’altercapitalisme vert qui croit aux vertus coordinatrices du marché voudrait faire l’inverse que de circonscrire le marché puisqu’il voudrait réinsérer les "externalités " dans le marché. Voici ce qu’écrit Marc Fleurbaey dans "Capitalisme ou démocratie" (p153) : Une autre condition pour que le marché aboutisse à l’efficacité est que toutes les interactions économiques entre individus soient médiés par les marchés. Lorsque ce n’est pas le cas, on dit qu’il y a des "externalités", c’est à dire des interactions extérieures aux marchés, et cela perturbe l’efficacité de l’allocation résultante. Un exemple classique est celui de la pollution. Lorsque je circule en ville avec ma voiture, je dérange quelques personnes en polluant l’air, en faisant du bruit, en encombrant le trafic routier. Or pour prendre ma décision d’aller en ville avec ma voiture, les seuls marchés qui contraignent mes possibilités sont le marché de l’automobile sur lequel j’ai acheté ma voiture, le marché de l’assurance automobile, et le marché des carburants. Il n’y a aucun marché où je doive payer pour le dérangement et la pollution que ma décision entraîne, et donc aucun moyen pour les personnes dérangées de m’informer des conséquences néfastes de ma décision.
Les externalités étant fort nombreuses, peut-on vraiment les intégrer à l’ordre marchand. Non répond Michel Husson ( 2) Est-ce que cela était par ailleurs souhaitable quand on sait que les logiques marchandes sont étroitement associées au mode de production capitaliste ?
II - La marchandise pour les profits contre les besoins sociaux
L’une des tendances les plus frappantes du capitalisme contemporain est de chercher à transformer en marchandises ce qui ne l’est pas ou ne devrait pas l’être, et d’abord les services publics et la protection sociale. Un tel projet est doublement réactionnaire : il affirme à la fois la volonté du capitalisme de retourner à son état de nature en effaçant tout ce qui avait pu le civiliser ; il révèle en outre son incapacité profonde à prendre en charge les problèmes nouveaux qui se posent à l’humanité.
La distinction établie par Marx entre valeur d’usage et valeur d’échange est ici une clé essentielle pour comprendre les exigences du capitalisme. Il veut bien répondre à des besoins rationnels et à des aspirations légitimes, comme soigner les malades du sida ou limiter les émissions de gaz à effet de serre ; mais c’est à condition que cela passe sous les fourches caudines de la marchandise et du profit. (Extrait p 183 de Un pur capitalisme de Michel Husson)
III - Le néosocialisme comme perspective de l’autre monde possible.
Le néosocialisme vise l’abolition des rapports sociaux capitalistes de production dans l’entreprise et la nationalisation des grands moyens de productions et d’échange notamment dans ce qui relève des piliers du systèmes énergétique mais il veut aussi faire reculer fortement la "marchandisation du monde" et "la dictature des marchés" (pas que celui de la finance). Il s’agit donc bien de passer à un autre monde radicalement différent et non de se satisfaire d’un monde meilleur à base d’un nouveau compromis keynésien et d’un néosolidarisme à "économie plurielle" (3 ). Pour autant, le néosocialisme ne méprise pas l’économie sociale et solidaire (ESS) ni les sociétés coopératives ( SCOP) car pour ce qui n’a pas besoin d’une centralisation permettant une meilleure redistribution égalitaire ou faisant intervenir une inégalité de péréquation (réfléchie et démocratiquement décidée) l’ESS et les SCOP peuvent se monter efficaces, mieux que sous la domination du capital et sous le poids des logiques marchandes. Enfin tout cela ne signifie pas choisir entre réformes et révolution ni donc refuser de militer ensemble. Des réformes "à effet cliquet" permettent de faire reculer le néolibéralisme et d’avancer vers l’autre monde possible.
Retour sur les marchés : Le marché des biens et services comme le marché de la force de travail institue des rapports sociaux inégalitaires à défaut d’être antagoniques comme les rapports de production capital/travail . Il est mystificateur d’évoquer les choix libres du consommateur fût-il éclairé et "citoyen" car d’une part il lui faut être solvable et d’autre part les choix proposés sont restreints. De plus en plus il ne peut choisir que des enveloppes différentes de biens similaires à obsolescence plus ou moins rapide, ce qui est contraire au "développement durable" ou plutôt à l’alter-développement.
Si le socialisme classique s’appuie sur une économie de satisfaction des besoins sociaux contraire à une économie du profit et du marché alors le néosocialisme marque son empreinte par un double souci : démocratique et écologique . La crise écologique met à l’ordre du jour l’éco-socialisme et notamment un alter-développement qui préconise une dialectique croissance / décroissance fondée sur des choix démocratiques. La "pulsion démocratique" adopté par le néosocialisme va plus loin que "l’achèvement" de la démocratie libérale, qui est foncièrement très restreinte de par sa configuation idéologico-historique , et qui tend d’ailleurs à régresser sous la forme de la gouvernance et de la démocratie des lobbies . Le néosocialisme intègre un stade supérieur nouveau de configuration démocratique : une "alterdémocratie" car elle fait intervenir les citoyens-producteurs dans le champ économique aussi bien dans que hors l’entreprise .il ne s’agit pas, il faut le répéter, d’abolir le marché mais pour autant évoquer simplement sa régulation (Marc Fleurbaey) ne suffit pas. Il importe d’empêcher son extension et même de le circonscrire notamment par la mise en place d’une planification démocratique (4) combinée à une extension des services publics.
IV - Conserver l’expression altermondialiste de l’autre monde.
Il est souhaitable que le mouvement altermondialiste conserve l’expression ouverte "autre monde" non seulement parce que c’est dans la Charte de Porto Alègre mais aussi parce que la formule permet de combiner librement et sans théorisation à priori plusieurs libérations d’oppression et de domination hors l’exploitation du travail par le capital et hors la domination productiviste de la nature par le capital . Ainsi les mouvements antiracistes (5) militent pour un monde sans racisme et sans colonialisme ni impérialisme comme d’autres acteurs amis veulent un monde sans sexisme, un monde sans guerre (ce qui ne signifie pas totalement pacifié au plan relationnel). Ces dominations et oppressions se confortent et l’on peut penser que le capitalisme dans sa dynamique historique les a articulé y compris celles qui ne sont pas générées par lui (comme le sexisme et le racisme) mais l’histoire du mouvement ouvrier international montre qu’il convient de conserver l’autonomie de chaque lutte ce qui n’empêche nullement de penser leur articulation ni de penser le néo-socialisme.
L’altermondialisme est une promesse, celle de renouveler la pensée et la pratique de l’émancipation et ce faisant tenir les promesses non tenues du passé.
Christian DELARUE
Membre du CA d’ATTAC France
1) in Jacques Bidet et Gérard Duménil in Altermarxisme Un autre marxisme pour un autre monde p249
2) Le capitalisme vert est-il possible ? Michel Husson
http://hussonet.free.fr/capivert.pdf
3) Misère du solidarisme et du néosolidarisme
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article320
Lire aussi : L’économie sociale et solidaire n’existe pas - M. HELY
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article66291
DEUX CRITIQUES DE LA "SOCIETE DE MARCHE"
http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article58371
4) La planification à l’ordre du jour - Michel Husson
http://hussonet.free.fr/sarkopla.pdf
5 ) Le MRAP dans l’altermondialisation
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article319