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Les socialistes autrichiens signent un pacte avec Haider

Publie le lundi 15 mars 2004 par Open-Publishing

SP÷ et FP÷ autrichiens feront alliance les cinq prochaines années en Carinthie.

Six jours après les élections régionales en Carinthie (sud de l’Autriche), il aura fallu à peine une douzaine d’heures de négociations pour que les sociaux-démocrates (SP÷) et le FP÷ de Jörg Haider se mettent d’accord pour gouverner ensemble pendant les cinq prochaines années. Un accord qui a fait l’effet d’un coup de théâtre, car il équivaut à la rupture d’un tabou. Jusqu’ici, Haider et son parti avaient été mis en quarantaine par le SP÷, qui n’a cessé de dénoncer l’alliance conclue en 2000 entre le conservateur Wolfgang Schüssel et l’extrême droite autrichienne comme « un pacte avec le diable ». Plusieurs dirigeants du PS autrichien avaient d’ailleurs salué les sanctions décrétées alors par les 14 partenaires européens de l’Autriche.

« Expérience ». Aussitôt après l’annonce de l’accord en Carinthie, la secrétaire nationale du SP÷, Doris Bures, s’est dépêchée de souligner qu’il s’agissait d’« une décision autonome du SP÷ de Carinthie qui n’aura aucune conséquence significative au-delà des frontières de ce Land ». Peter Ambrozy, numéro 1 du PS carinthien, a toutefois indiqué que sa décision avait été prise en accord avec Alfred Gusenbauer, le patron du SP÷. Martin Strutz, chef régional du FP÷, ne s’y est pourtant pas trompé : « C’est un signal clair que la marginalisation de Jörg Haider appartient bel et bien au passé ! »

La Carinthie représente en outre une situation particulière. Avant l’arrivée au pouvoir de Haider, le SP÷ y était déjà très bien implanté, même si, dans la population, il y avait et il y a toujours de nombreux pangermanistes et de nostalgiques du IIIe Reich. Au niveau communal, la coopération entre des membres du SP÷ et du FP÷ a continué à fonctionner ces dernières années. Le leader local social-démocrate Peter Ambrozy, personnage sans charisme, aurait pu former une coalition avec les conservateurs et les Verts, il a préféré une participation au pouvoir local.

L’« expérience » inédite en Carinthie sera observée de près par Vienne, où l’on sait que Haider a un compte à régler avec le chancelier Schüssel. Sa mise en quarantaine par le SP÷ n’a jamais été sans faille : au printemps dernier, le numéro un social-démocrate, Alfred Gusenbauer, est allé manger avec le dirigeant populiste. Un déjeuner « secret », et pourtant très médiatisé. On avait même appris qu’ils avaient dégusté des asperges. Et l’on sait, malgré les démentis officiels du SP÷, qu’avant la formation du gouvernement Schüssel avec le FP÷ en 2000, il y avait eu des négociations secrètes entre l’ex-chancelier socialiste Viktor Klima et Haider pour former un gouvernement.

« Reconverti ». La mise au ban du FP÷ par le SP÷ remonte à 1986, lorsque Jörg Haider a pris le pouvoir de ce petit parti en évinçant Norbert Steger, chef de file de l’aile libérale du FP÷, qui formait une coalition avec le SP÷. Ensuite, le chancelier socialiste Franz Vranitzky avait fait éclater cette coalition pour s’allier ensuite avec les conservateurs. Dans les années 70 déjà, le mythique chancelier Bruno Kreisky s’était appuyé sur ce même FP÷, dirigé alors par un ancien Waffen SS, Friedrich Peter, « reconverti » à la démocratie, pour s’assurer une majorité et pour diviser l’électorat de droite.