La Via Campesina rejette fermement la résolution 2803 du Conseil de sécurité des Nations unies sur Gaza

26 novembre 2025 la forêt de Yablokov

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(Bagnolet : 24 novembre 2025) Face à la Résolution 2803 (2025) du Conseil de sécurité des Nations unies, il apparaît clairement que ce qui est présenté au monde comme un « cadre pour la stabilité » constitue en réalité l’une des interventions internationales les plus graves imposées à la Palestine depuis des décennies. Au lieu de mettre fin au génocide, la résolution le reconfigure en un projet administratif ; au lieu d’arrêter le nettoyage ethnique, elle l’inscrit dans les structures de légitimité multilatérale. Au cœur du texte, la résolution place Gaza sous une tutelle internationale qui transforme l’occupation israélienne en une occupation internationalisée et formalisée, conçue pour séparer Gaza de la Cisjordanie et pour effacer le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination.

Depuis l’entrée en vigueur du prétendu cessez-le-feu le 10 octobre 2025, l’occupation israélienne a poursuivi sa campagne d’assassinats en toute impunité. Plus de 312 Palestinien·nes ont été tué·es à Gaza durant cette période, selon le ministère palestinien de la Santé, tandis que la Cisjordanie a subi une vague sans précédent de terrorisme des colons. Le suivi effectué par les Nations unies a enregistré plus de 260 agressions de colons pour le seul mois d’octobre, le chiffre mensuel le plus élevé depuis le début de la documentation en 2006, transformant villages, fermes et communautés entières en cibles quotidiennes de violences coordonnées. Cette réalité révèle que le cessez-le-feu n’est qu’une pause tactique permettant de réorganiser l’assaut, mais certainement pas d’y mettre fin.

Derrière son langage humanitaire, la Résolution 2803 est, en essence, un projet conçu par Israël et entériné par le Conseil de sécurité afin de formaliser un nouveau régime de contrôle sur Gaza. Elle remplace les chars par des « forces de stabilisation », les checkpoints militaires par des « mécanismes internationaux », et la domination coloniale directe par une « paix administrative » qui consolide le système de contrôle au lieu de le démanteler.

Premièrement, en plaçant Gaza sous une « Force internationale de stabilisation » dotée de vastes pouvoirs coercitifs, la résolution impose une nouvelle forme de tutelle internationale qui prive les Palestinien·nes de leur capacité à gouverner leur terre, leurs frontières, leur reconstruction et leur sécurité. C’est la substitution d’une puissance occupante par un consortium d’États puissants. C’est une occupation sous un visage diplomatique.

Deuxièmement, la résolution redéfinit le cœur de la lutte palestinienne : d’une résistance face à un régime colonial de peuplement, elle devient un « problème de sécurité » nécessitant une gestion technique. Ce faisant, elle efface le caractère politique fondamental de la question palestinienne et transforme Gaza en un territoire administré plutôt qu’en une partie intégrante d’une patrie occupée. Cette logique absout l’occupation israélienne de ses responsabilités, présente le peuple colonisé comme source d’instabilité et reproduit la même violence qu’elle prétend résoudre.

Troisièmement, la Résolution 2803 fait avancer un projet stratégique visant à séparer Gaza de la Cisjordanie en créant des systèmes distincts de gouvernance, de sécurité et d’administration. Cette fragmentation renforce la division géographique et politique imposée par l’occupation et vise à liquider le territoire et le peuple unifiés, pourtant reconnus par le droit international. Elle relance une vieille formule coloniale : diviser la terre, diviser le peuple, affaiblir la lutte.

Quatrièmement, la référence de la résolution à une « voie menant à un État palestinien » est politiquement vide et délibérément trompeuse. Un État sans souveraineté sur ses frontières, son eau, sa terre, son espace aérien et sa reconstruction n’est pas un État : c’est une enceinte administrée. Cela transforme le rêve de libération en un arrangement bureaucratique qui donne l’apparence d’un État sans en posséder la substance.

Cinquièmement, en remplaçant le bombardement actif par un dispositif internationalisé de contrôle, la résolution déplace le génocide de sa phase militaire vers une phase administrative. Sous couvert de stabilisation, de reconstruction et de supervision, les mêmes dynamiques de pouvoir persistent : domination sur la terre, contrôle des mouvements, suppression de l’agence politique. Ce n’est pas la paix ; c’est la réingénierie de la violence.

La Via Campesina affirme que cette résolution n’ouvre aucune perspective de justice. Elle inaugure un nouveau chapitre de gouvernance imposée, conçu pour soumettre un peuple qui a résisté à l’expulsion, à la famine et à la destruction systématique. Gaza est en train d’être transformée en laboratoire de « solutions sécuritaires » globales au service d’intérêts géopolitiques et non des droits des habitant·es de cette terre.

Nous appelons également tous les pays, en particulier ceux dont les peuples ont subi la colonisation, l’occupation ou des tutelles imposées, à rejeter cette résolution à l’Assemblée générale des Nations unies et à défendre avec fermeté le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Leur expérience historique rend leur voix indispensable pour faire face à ce nouveau cadre colonial.

Nous appelons donc les mouvements sociaux, les syndicats de travailleur·euses, les organisations paysannes, les mouvements féministes et tous les allié·es à travers le monde à :

Rejeter toute forme de tutelle internationale sur Gaza et s’opposer à la transformation de l’occupation israélienne en tout régime multilatéral ou de « stabilisation ».
Exiger la fin immédiate et inconditionnelle du blocus, de l’occupation et de tous les mécanismes de nettoyage ethnique à Gaza et en Cisjordanie.
Garantir l’entrée sans restrictions de l’aide humanitaire ainsi que l’accès immédiat des journalistes locaux et internationaux afin de documenter la situation sans censure ni contrôle politique.
Intensifier la campagne mondiale de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre le système d’apartheid israélien et contre les entreprises qui profitent du vol des terres, du déplacement des populations et de la destruction de l’agriculture.
Tenir l’occupation israélienne pleinement responsable des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et du génocide, et appeler à des sanctions internationales effectives contre les acteurs politiques, militaires et économiques responsables.
Soutenir les paysan·nes, les femmes, les pêcheur·euses et les travailleur.euses palestinien.nes, qui restent en première ligne de la défense de la terre, de la vie et de la souveraineté alimentaire.

Gaza n’est pas un « dossier sécuritaire ». La Palestine n’est pas un territoire à administrer. C’est une patrie qui lutte pour sa libération.

La Via Campesina Internationale

Pour la terre, pour la vie, pour la souveraineté alimentaire, et avec le peuple de Palestine jusqu’à la libération totale.

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