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Liban : le point de vue du Parti communiste libanais

Publie le mercredi 27 décembre 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Beyrouth est en état de siège populaire. Le gouvernement Siniora, allié de Bush et de Chirac, est aux abois, replié au Sérail. La presse occidentale présente l’affrontement comme une tentative de putsch du Hezbollah « pro-syrien ». Qu’en est-il ? Le Piment Rouge (périodique de la LCR Midi-Pyrénées) donne la parole à Hassan Khalil, du Parti communiste libanais (PCL).

Le Piment. La responsabilité de l’assassinat du ministre Pierre Gemayel a été attribuée à la Syrie par les Forces du 14 Mars et par les puissances occidentales. Quel est le point de vue du Parti communiste libanais ?

Hassan Khalil. D’abord nous condamnons cet assassinat ainsi que tous les autres assassinats commis au Liban il y a deux ans maintenant, et nous réclamons de l’autorité libanaise d’assumer sa responsabilité pour découvrir les auteurs de ses crimes. D’un autre côté les accusations portées par les Forces de 14 mars sont d’ordre politique et ne sont fondées sur aucune preuve, alors que nous, comme parti communiste, nous refusons de nommer quiconque responsable d’autant plus que beaucoup de gens peuvent tirer profit de l’assassinat de Pierre Gemayel et nous préférons que la justice termine son travail et désigne le vrai coupable que nous condamnons d’avance qui que ce soit.

Le Piment. Depuis la démission des cinq ministres du Hezbollah et de Amal du gouvernement Siniora, quelle est sa légitimité ? Que vise-t-il en avalisant le tribunal pénal international sur le meurtre de Rafic Hariri ? Une sincère recherche de la vérité ou rallumer la guerre civile libanaise ?

Hassan Khalil. Ce n’est pas une question de légitimité, le vrai problème c’est que, avec la démission des cinq ministres, l’équilibre entre différentes confessions sur lequel se base la structure de la vie politique au Liban est brisé. Alors la nature du régime politique au Liban est le vrai responsable de cette crise. Si l’on ajoute l’ignorance ou l’essai du gouvernement de passer outre ce fait après la démission des ministres ainsi que son incapacité à mener une vraie politique porteuse d’un vrai projet pour le Liban, sans oublier son alliance croissante avec l’administration Bush, cela nous amène à parler de son illégitimité et de son irresponsabilité.

C’est dans cette perspective que nous voyons la crise politique actuelle au Liban. Et cela nous amène à parler du dernier mouvement mené par l’opposition. Le parti communiste a pris une position très claire qui est la suivante : nous sommes pour la démission du gouvernement pour les raisons cités plus haut, mais non pas sur la base d’un nouveau partage confessionnel comme le demande l’opposition en élargissent le gouvernement, en ajoutant quelques ministres pour Aoun ou le Hezbollah, ce que nous proposons c’est la démission de l’actuel gouvernement pour en former un nouveau, indépendant, composé de spécialistes (personnalités patriotiques et compétentes) pour six mois durant lesquels il promulguerait une nouvelle loi électorale moderne en se basant sur la proportionnalité. Ensuite suivraient des élections législatives et présidentielle et un nouveau gouvernement. Sous ce slogan, le Parti communiste libanais a fait tout seul dimanche dernier une manifestation sans pour autant couper la discussion avec l’opposition (notamment le Hezbollah et le Courant patriotique de Michel Aoun) pour proposer une alternative plus moderne que ce que nous avons actuellement au Liban et que proposent les deux camps.
Concernant le tribunal pénal, aucun parti politique au Liban n’est contre sa formation. La seule crainte est que ce tribunal passe outre ses fonctions, alors nous devons comprendre et mettre au clair ses fonctions ainsi que ses limites, pour éviter toute intrusion dans la vie politique interne du Liban de la part de quelque puissance étrangère que ce soit, surtout les États-Unis.

Le Piment. Hassan Nasrallah a déclaré le 22 septembre lors du rassemblement de la « divine victoire » que la défaite israélienne lors de la guerre des 33-Jours cet été est un tournant historique dans le conflit israélo-arabe. Partages-tu ce point de vue ?

Hassan Khalil. C’est vrai dans le sens que c’est la deuxième fois qu’Israël essuie une défaite au Liban (en mai 2000 et en août 2006), quelque chose qu’on n’a jamais vu auparavant dans toutes les guerres menées par Israël contre les pays arabes. D’un autre côté le Liban a montré l’exemple à tous les pays arabes, que nous pouvons résister et que nous pouvons réussir à libérer notre terre, chose inimaginable jusqu’à l’an 2000. C’est vrai aussi dans le sens que le Liban par sa résistance à montrer qu’il est et qu’il reste un obstacle sérieux pour les projets des États-Unis au Proche-Orient.

Le Piment. Comment analyses-tu l’évolution du Hezbollah, du Parti de Dieu anti-communiste du début des années 1980 qui a assassiné des militants communistes à celui des années 2000 qui a fait alliance avec le PCL et le Bloc patriotique du général Michel Aoun dans le Front de la résistance libanaise ?

Hassan Khalil. Nous ne voulons pas remuer le passé. Aujourd’hui le Moyen-Orient doit faire face au projet des États-Unis dans la région et nous collaborons avec toutes les forces qui combattent ce projet vu que c’est notre priorité comme parti de gauche et de force antilibérale.

Le Piment. De son côté, le PCL, lui aussi, a infléchi son orientation, mettant la question de l’indépendance nationale libanaise au centre de son programme au même titre que la question sociale. De quand date cette inflexion ?

Hassan Khalil. Le Parti communiste libanais a toujours relié le projet de la libération nationale à celui du changement démocratique pour faire avancer nos sociétés, et ce projet a commencé au début par la fondation de la Garde populaire à la fin des années 60 et au début des années 70, et ensuite par le FLNL (Front de libération national libanais) en 1982, et nous continuons aujourd’hui à mener cette politique au sein du parti.

Le Piment. La LCR réclame à Chirac Jacques le retrait du Liban des troupes françaises sous casques de l’ONU (Finul II). Elles sont là, au titre de la résolution 1701 de l’ONU, pour désarmer la résistance libanaise et elles prêteront main-forte à l’armée israélienne si Olmert et Peretz obtiennent le feu vert de Bush pour ce que Tel-Aviv appelle un « deuxième round ». Le Parti communiste libanais partageait cette opinion en juillet-août. Et aujourd’hui ?

Hassan Khalil. Suite a une tentative condamnée, le Conseil de sécurité a passé la résolution 1701 sur le Liban après de longues négociations sanglantes. C’était une modification d’un avant-projet franco-américain qui ne manquait pas de haine. En l’appliquant maintenant, on remarque beaucoup de tentatives pour revenir au premier projet de résolution au lieu de la 1701. Après qu’on a refusé le contrôle sur l’aéroport et les ports maritimes dans la 1701, le gouvernement Siniora invite, à titre bilatéral, des États européens à accomplir cette tâche. La demande du gouvernement et l’acceptation des pays concernés sont clairement une attaque contre la 1701 et la souveraineté du pays. Cette résolution présente Israël comme la victime, faible et sans espoir, alors que le Liban est présenté comme la grande puissance qui menace le peuple israélien. Rappelez-vous cette injustice qui nourrit la colère contre la communauté internationale. La situation sous la résolution 1701 est instable et notre parti considère cette résolution comme une faillite politique. Elle ne reflète pas l’héroïsme montré par la résistance ni la faillite de l’armée israélienne qui a été obligée de demander un cessez-le-feu. Il serait irresponsable et sans espoir d’essayer de gagner par des politiques « légères », même celles que propose la 1701, ce que les Israéliens et les Américains n’ont pas pu obtenir par la guerre. Notre conseil c’est la prudence et la responsabilité, sinon une deuxième guerre sera inévitable. D’un autre côté nous ne savons pas s’ils prêteront main-forte dans le cas d’un deuxième round, en revanche nous savons que la chancelière allemande n’a pas hésité à dire qu’ils sont là-bas pour protéger Israël et nous savons qu’Israël n’arrête pas de violer l’espace aérien libanais sans que la Finul ne réponde. Tout ce qu’on entend c’est qu’ils condamnent, mais ça reste dans le domaine des paroles, et nous comptons les exemples de violations ; il y en a plusieurs.

Le Piment. Merci pour tes réponses. Une dernière. Huit militants du PCL sont morts au combat l’été dernier. Pour leur rendre hommage, peux-tu nous donner leurs noms :

Hassan Khalil. Ils sont neuf : Awad Jamal el-Dine, Ahmad Najdi, Dr Abed el-Nasser Fayad, Hassan Jamel el-Dine, Mouhamed Najdi, Ali Najdi, Fouad Fouaani, Hassan Krim, Maxim Jamel el-Dine. Que nous saluons, ainsi que tous les martyrs de notre pays.

Propos recueillis par Pierre Vimont, le 7 décembre 2006

Messages

  • Cher Pierre,

    Ton texte semble déranger...
    Raison de plus pour ne pas lacher...
    Fraternellement Antonio

  • FRONT ANTI IMPERIALISTE...

    Le PCL (qui se définit aussi comme "une force antilibérale") qui a décidé de na "pas remuer le passé" ne lésine sur aucune alliance pour forger le front le plus large et le plus efficace contre l’impérialisme (en particulier l’américain) et pour développer sa propre expression dans ce cadre.
    Membre du PCF, je soutiens autant qu’il m’est possible (avec mes moyens) la lutte du PCL, victime lui aussi des attentats terroristes qui l’ont, entre autres, privé de son secrétaire général Georges Haoui.

    NOSE DE CHAMPAGNE