Luxembourg : dix raisons de voter NON

Les hommes passent la moitié de leur vie à se forger des chaînes et l’autre à se plaindre de les porter.
Mirabeau

de T.Pescatore

Luxembourgeois depuis 1741, où mon ancêtre obtient le droit de cité, avec un mélange de gènes provenant du Luxembourg, de France, d’Autriche, d’Irlande, d’Angleterre, de Belgique, d’Espagne et d’Italie et du Tessin suisse entre autres et éduqué au Grand-Duché et en France, sans hésitations, au prochain scrutin du 10 juillet 2005, je voterai contre ce traité instituant une Constitution européenne.

Non pas, parce que je suis un anti-européen viscéral, mais bien au contraire parce que j’ai vécu deux décennies en France et en Grande-Bretagne en y travaillant et que j’estime que cette Constitution est deux pas en arrière et un pas en avant comme dans notre procession catholique du mardi de la Pentecôte d’Echternach.

Car, face au matraquage de la propagande gouvernementale et celle partisane de nos soi-disant élites, en toute modestie, je me rallierai à la parole d’un grand Européen que fut Victor Hugo et qui écrivit : « S’il n’en reste qu’un, je le serai ». Aussi, choisirai-je le NON pour les dix raisons qui suivent :

1. Parce que cette Constitution a été concoctée dans les arrière-cuisines d’un Convent qui n’était pas une assemblée constituante dûment élue.

2. Parce que le préambule fait appel à un héritage religieux qui par le passé n’a pas été le gage de cette paix qui devrait lier les peuples européens.

3. Parce que cette constitution n’est pas neutre philosophiquement et qu’elle pérennise les privilèges et le statut des églises comme sous l’Ancien Régime. (Article 52).

4. Parce qu’elle n’est pas neutre idéologiquement et qu’elle consacre le triomphe absolu des dogmes monétaristes et que le libre-échange fait partie intégrante de l’intérêt commun des Européens. La loi absolue du marché n’est plus une option à soumettre aux électeurs, elle est désormais un acquis communautaire dont on ne peut plus discuter.

5. Parce qu’elle ne respecte pas le principe de la souveraineté du peuple et qu’elle pervertit l’idée même de la démocratie et qu’elle consacre le passage de la démocratie à la technocratie. Quant à la fameuse initiative citoyenne - droit de pétition -, la Commission en fait, fait ce qu’elle en veut.

6. Parce que cette constitution n’offre pas de garanties pour une indépendance et une neutralité de la Commission européenne. Voir en coulisse l’influence prédominante des lobbies institutionnalisés.

7. Parce que cette constitution n’adhère pas à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, ni au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Bien qu’elle adhère à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme cette dernière ne crée aucun droit collectif ou social. Plus grave encore, elle n’indique pas qu’elle adhère à la Charte sociale européenne signée à Turin, ni à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989. Se contentant de mentionner ces documents à titre d’exemple, elle ne dit pas qu’ils engagent l’Union puisque ce texte souligne au contraire « la nécessité de maintenir la compétitivité de l’économie » (III-103).

8. Parce qu’elle compromet l’existence de services publics et qu’une intervention des pouvoirs publics n’est possible que si la preuve est apportée que le marché ne fournit pas le service attendu et que le financement autorisé respecte les règles de la concurrence.

9. Parce que cette constitution ne protège pas les Européens contre la mondialisation néolibérale.

10. Parce que ce texte est une formidable régression qui consacre une restauration conservatrice. Ce n’est pas une constitution, mais un manifeste idéologique néolibéral dont le projet est de limiter le rôle des pouvoirs publics à des questions de sécurité et de répression.

Ce décalogue inspiré des réflexions de Raoul Marc Jennar dans son ouvrage « La trahison des élites » me suffit pour avoir fait ce choix d’un non ferme lors de notre référendum local.

http://www.constitution.lu/News/article/sid=250.html