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MAYOTTE : Un nouveau rapport accablant pour le CRA

Publie le mercredi 28 octobre 2009 par Open-Publishing

Dans un rapport établi en juin dernier, la très sérieuse Cour des Comptes égratigne les autorités au sujet du Centre de rétention de Pamandzi.

On avait déjà eu droit à Dominique Versini, la Défenseure des enfants peu susceptible de sympathies gauchisantes – elle fut ministre d’un gouvernement de droite. A la CNDS, une autorité indépendante pas vraiment composée de militants d’extrême-gauche…Voilà maintenant que c’est la très sérieuse Cour des Comptes, présidée par l’ancien ministre de droite et ancien président du RPR (l’ancêtre de l’UMP), Philippe Séguin, qui a fourré son nez dans le fonctionnement du CRA de Pamandzi. Et le moins que puisse dire, c’est que l’institution n’y va pas de main morte.
Dans un rapport établi en juin 2009 consacré à « la gestion des centres et locaux de rétention administrative », mais dont la publicité n’a pas vraiment franchi les murs de la Cour, l’institution consacre un chapitre entier aux CRA de Mayotte et de la Guyane. Elle y déplore la situation de quasi non-droit du Centre de rétention de Pamandzi.

Sans existence légale jusqu’en 2002

“Alors qu’il existait depuis au moins 1996, le local de rétention administrative temporaire situé route nationale à Pamandzi a été officiellement créé par arrêté préfectoral du 19 novembre 2002”, dénonce le rapport. Autre- ment dit : le local de rétention a fonctionné pendant six ans sans exister légalement… Pis : “Alors que l’article 55 du décret du 17 juillet 2001 prévoyait la création d’un CRA à Mayotte par arrêté conjoint des ministres de la justice, de l’intérieur, de la défense et des affaires sociales, il a fallu attendre l’arrêté ministériel du 19 janvier 2004 pour que le LRA devienne officiellement un centre de rétention administrative, qu’un règlement intérieur soit édicté et qu’un registre de rétention soit mis en place. (…) Or, la décision de créer un LRA en 2002 contrevenait à ce texte puisque d’une part un CRA aurait pu être créé mais aurait nécessité un arrêté ministériel, des conditions de vie et la garantie de droits plus importants et d’autre part, le caractère permanent de son fonctionne- ment n’était pas à démontrer compte tenu du nombre élevé d’étrangers en situation irrégulière placés.”

La différence entre un LRA et un CRA, notamment en matière de devoir d’information due aux retenus, est de taille. Cela signifie donc que pendant trois ans, le CRA de Mayotte n’a pas répondu aux règles d’un CRA. Plutôt avantageux pour la PAF…
Aujourd’hui encore, les droits des retenus ne sont pas remplis, poursuit le rapport.
“Les dispositions du décret spécifique à Mayotte ne prévoient qu’une simple possibilité pour l’Anaem [Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrants, ndlr] et la Cimade [deux associations oeuvrant dans les CRA de France, ndlr] d’être représentées à Mayotte, contrairement à la réglementation applicable dans les CRA de métropole et dans les DOM. Cette possibilité n’a pas été retenue puisque ni l’Anaem, ni la Cimade sont présentes en permanence au CRA.”

La Cour en profite pour rappeler que l’association Tama, habilitée depuis mai 2008 à intervenir au CRA, “agit seulement en matière de regroupement familial des mineurs abandonnés et non de défense des droits des retenus”. La différence est de taille, mais elle n’a pas empêché les autorités et les ministres de mettre en avant, lors des différentes polémiques intervenues ces derniers mois, la présence dans le CRA de cette association qui, soit dit en passant, est en grande partie financée par la préfecture. La Cour, enfin, regrette que la Cimade, autorisée en mars 2009 à pénétrer dans le CRA – plus d’un an après en avoir fait la demande -, ne puisse y envoyer que cinq représentants. “Le nombre de retenus transitant par le centre et l’activité en flux tendu impliquerait un nombre plus élevé de représentants de la Cimade”, martèle le rapport, qui rappelle au passage que le règlement intérieur “n’est pas appliqué pleinement”…
Ainsi, “il n’est pas mentionné [dans le registre de rétention, ndlr] que les retenus sont
susceptibles de déposer une demande d’asile dans les cinq jours après l’arrivée au CRA” - ce qui permet à la préfecture de renvoyer illico presto les réfugiés en provenance de l’Afrique continentale.

Aucune lumière naturelle, pas de promenade…

D’autre part, et ce n’est pas le moindre des manquements observés par la Cour, “l’heure de notification de l’APRF [arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, ndlr] ne figure pas sur le registre de rétention. Cette omission est une grave anomalie procédurale qui constituerait une nullité de procédure en cas de saisine du JLD [juge des libertés et de la détention, ndlr].” Il faut dire que celui-ci est particulièrement absent en ce qui concerne le CRA…
Le rapport se poursuit en rappelant les conditions matérielles indignes imposées aux retenus : nécessaires de couchage et de toilette pas toujours distribués ; aucune lumière naturelle ; repas pris à même le sol et chers (lire ci-dessous) pour ce qu’ils sont ; nettoyage des pièces qui “laisse à désirer” ; absence de système anti-moustique alors que les salles sont surchauffées ; absence de cour de promenade… Plus grave, “aucun exercice de sécurité incendie n’a été réalisé depuis 2006. En cas d’incendie au milieu du CRA qui condamnerait l’entrée et les sorties, les deux salles “hommes” et “familles” qui ne disposent pas de sorties extérieures, ni de fenêtres constitueraient des zones closes”. Après tout, ce ne sont que des clandestins...

Rémi Carayol

Des repas bien chers pour ce qu’ils sont…

Cour des comptes passe en revue le coût des travaux menés ces dernières années. L’on apprend ainsi que la création d’une infirmerie a coûté 162.000 euros, pris en charge par la DASS, et que les récents travaux visant à améliorer les conditions de vie au CRA ont demandé un investissement de 155.000 euros. Rien à dire sur ces dépenses. Mais le rapport s’étonne du coût des repas quotidiens proposés aux retenus. 4,50 euros par personne pour un bol de riz et quelques mabawas, il y a effectivement de quoi s’interroger.

Source : Upanga n°11 du 15 octobre 09
via http://wongo.skyrock.com/