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Moi, ancien juge, je demande l’amnistie

Publie le lundi 9 mai 2005 par Open-Publishing

de Ferdinando Imposimato traduit de l’italien par karl&rosa

L’arrestation d’Angelo Izzo, le massacreur du Circeo, a offert au Ministre de la Justice l’occasion de confirmer son non à l’amnistie, en créant une confusion injustifiée entre des délinquants dangereux, condamnés pour des crimes atroces, et les responsables de délits moins alarmants socialement, auxquels on devrait appliquer l’amnistie. Une mesure de clémence est considérée par la majorité comme un fléchissement devant l’illégalité et la délinquance. Mais il n’en est pas ainsi : cela ne serait qu’un acte de justice. La prison ne peut pas continuer à être le lieu où l’Etat décharge le poids de la tension sociale qui naît de graves inégalités.

Avec une aggravation de la situation au détriment des plus faibles. L’inertie avec laquelle ceux qui ont la responsabilité de décider réagissent à la condition de vie dramatique des détenus apparaît désormais intolérable. Des détenus qui ont présenté d’une façon convenable et civile leurs problèmes en réclamant une mesure de clémence. Derrière les barreaux de cinquante prisons italiennes ont été mises en œuvre des formes de protestation pacifique, de la grève de la faim à la renonciation à l’heure de promenade, de la grève de la parole et de la télévision à l’abstention des travaux internes. Aux côtés des détenus qui dénoncent le surpeuplement et la dégradation (les données officielles parlent d’environ 57 000 détenus pour des structures qui devraient en contenir 41 700) se bat aussi la Police pénitentiaire. Presque 50 000 opérateurs du secteur, Police pénitentiaire, éducateurs et assistants sociaux ont sollicité un acte visant à désengorger les prisons et à permettre aux détenus des conditions de vie plus humaines.

95% de la population carcérale purge, dans des conditions inhumaines, des années de prison pour des délits qui sont souvent liés aux droits fondamentaux non satisfaits et aux années de plomb. Et tandis qu’en France, en Allemagne et en Grande Bretagne la crise a été résolue par la libération de presque tous les "politiques", en Italie il y a trop de détenus pour des délits de terrorisme qui purgent des peines de prison.

Une mesure de clémence apparaît d’autant plus nécessaire parce que les délits plus gravement punis par la détention sont commis pas les plus pauvres, par les chômeurs, par les expulsés, par les sans logis, par ceux qui ne disposent pas d’un revenu minimum pour survivre. Alors que des délits très graves comme l’abus de biens sociaux et le faux en bilan sont effacés du code. De telle sorte que si un ministre chargé de travaux publics confie à ses propres entreprises des travaux à la hauteur de centaines de milliards en ignorant le devoir d’impartialité que lui impose la constitution, il n’encourra pas de sanctions. Tandis que ceux qui protestent publiquement pour voir reconnu leur droit au travail, au logement et à une vie plus digne risquent des années de prison.

Aujourd’hui il y a une réduction drastique de la peine pour les banqueroutiers tandis que la peine reste excessive pour les délits commis à l’occasion de justes revendications sociales. La majorité et le gouvernement, après avoir récompensé l’évasion fiscale, les pollueurs, les gâcheurs de paysage, les constructeurs abusifs et les innombrables corrupteurs, essaient cette fois de sauver les banqueroutiers qui vont envoyer sur le carreau des centaines de travailleurs.

Il répugne au sens commun de la justice de constater que les responsables de banqueroutes gravissimes sont en liberté à jouir des fruits de leurs délits, les différents Parmalat et autres Cirio qui ont allégé de petits épargnants de quelques milliards d’euros. Tandis que des centaines d’années de prison sont infligées d’une façon inexorable à des personnes qui agissent souvent en état de nécessité. Et tout cela arrive parce que depuis 75 ans un code où les peines n’ont pas été adaptées aux nouvelles valeurs affirmées par la Constitution est en vigueur. Et cela en violation du principe de la proportion entre le fait et la peine, un principe affirmé par la Cour Constitutionnelle et par la Cour européenne des droits de l’homme.

Dans la situation de désastre social dans laquelle vivent une grande partie des citoyens, engagés à lutter pour faire valoir leurs droits, des mesures de clémence représenteraient des facteurs de pacification sociale. Du reste, les groupes les plus puissants ont déjà obtenu des mesures législatives qui équivalent à l’amnistie. En effet, pour la banqueroute frauduleuse la peine de 10 ans de réclusion est réduite à quatre ans. Avec un délai de prescription plus court que celui qui est prévu pour les crimes en défense de la propriété et de l’ordre public. Si bien que les coupables de délits plus alarmants socialement s’en sortiront tandis que les responsables de délits moins graves devraient purger des années de prison. Les entrepreneurs qui volent des milliers de personnes seront récompensés par une loi arnaque insérée dans le décret sur la compétitivité. Un décret qui sera approuvé grâce au vote de confiance pour éviter la dissolution anticipée du Parlement.

Dans cette situation l’amnistie et la remise de peine sont des devoirs incontournables dont doivent se charger toutes les forces politiques sans distinction. En dépassant l’absurde barrière de la majorité des deux tiers des composants de chaque assemblée, décidée le 6 mars 1992 par un Parlement dont des dizaines d’élus étaient responsables de délits de corruption, un Parlement qui fut dissous quelques mois plus tard par le Président Scalfaro. Tandis que pour changer la Constitution dans des parties essentielles qui concernent les droits incontournables de l’homme, la majorité des députés suffit.

http://bellaciao.org/it/article.php3?id_article=8603