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Paris-Texas : Une proposition politique des mis en examen de Tarnac
Publie le vendredi 25 février 2011 par Open-Publishing8 commentaires
"Printemps des peuples arabes", "révolution en marche", "transition démocratique", "fin de la dictature". Les grandes machines discursives sont de sortie. Il n’en faut pas moins pour parvenir à présenter le renversement des régimes pro-occidentaux du Maghreb comme de nouvelles victoires de l’Occident, et le triomphe inespéré de ses valeurs.
La fièvre révolutionnaire qui s’est récemment emparée des plus prudents éditorialistes témoigne d’abord de l’intense réaction immunitaire à quoi l’événement accule le discours dominant. On répond par un violent accès d’orientalisme à la nécessité de disposer, au plus vite, entre nous et les bouleversements en cours, un solide cordon sanitaire. On s’émerveille de ces "révolutions" pour mieux esquiver les évidences qu’elles nous jettent au visage pour mieux dissoudre le trouble qu’elles suscitent en nous.
Faut-il qu’elles soient précieuses, les illusions qu’il s’agit d’ainsi préserver, pour que l’on se répande partout en pareilles apologies de l’insurrection, pour que l’on décerne la palme de la non-violence à un mouvement qui a brûlé 60 % des commissariats égyptiens. Quelle heureuse surprise de soudain découvrir que les principales chaînes d’information sont entre les mains des amis du peuple !
Or voilà : si les insurgés de l’autre côté de la Méditerranée disent : "Avant, nous étions des morts-vivants. A présent, nous nous sommes réveillés", cela signifie en retour que nous, qui ne nous insurgeons pas, nous sommes des morts-vivants, que nous dormons. S’ils disent : "Avant, nous vivions comme des bêtes, nous vivions dans la peur. A présent, nous avons retrouvé confiance en nous, en notre force, en notre intelligence", cela signifie que nous vivons comme des bêtes, nous qui sommes si évidemment gouvernés par nos peurs.
Ceux qui peignent aujourd’hui aux couleurs les plus lugubres l’impitoyable dictature de l’atroce Ben Ali ne le trouvaient-ils pas hier encore si fréquentable ? Il faut donc qu’ils mentent aujourd’hui, comme ils mentaient hier. Le tort de Michèle Alliot-Marie réside d’ailleurs là : avoir dévoilé en quelques phrases à l’Assemblée nationale que, derrière tant de dissertations d’écoliers sur la différence entre leurs dictatures et nos démocraties, se cache la continuité policière des régimes ; en quoi les uns sont certes plus experts et moins grossiers que les autres.
On peut détailler ad nauseam la brutalité de la répression sous Ben Ali. Il n’en reste pas moins que les doctrines contre-insurrectionnelles – l’art d’écraser les soulèvements – sont désormais la doctrine officielle des armées occidentales, qu’il s’agisse de les appliquer en banlieue ou dans les centres-villes, en Afghanistan ou place Bellecour à Lyon. Le feuilleton hebdomadaire des petits mensonges et des misérables combines de Mme Alliot-Marie ne saurait effacer le véritable scandale : avoir traité de "situation sécuritaire" une situation révolutionnaire. Si nous n’étions pas occupés à tresser des couronnes de jasmin ou de lotus aux révoltes du Maghreb, peut-être n’aurions-nous pas déjà oublié que Ben Ali, quatre jours avant de disparaître dans les poubelles de l’histoire, avait parlé des émeutes de Sidi Bouzid comme d’"impardonnables actes terroristes perpétrés par des voyous cagoulés". Ou que son successeur a cru apaiser la colère du peuple en annonçant comme première mesure l’abrogation de "toutes les lois antidémocratiques", à commencer par les lois antiterroristes.
Si nous refusons de tenir pour miraculeux l’enchaînement qui mène de l’immolation de Mohamed Bouazizi à la fuite de Ben Ali, c’est que nous refusons d’admettre comme normale, à l’inverse, l’indifférence feutrée qu’a partout rencontrée pendant tant d’années la persécution de tant d’opposants. Ce que nous vivons, nous et une certaine jeunesse politisée, depuis trois ans, y est certainement pour quelque chose. Dans les trois dernières années, nous dénombrons en France plus d’une vingtaine de camarades qui, toutes tendances confondues, sont passés par la case prison, dans la plupart des cas sous prétexte d’antiterrorisme et pour des motifs dérisoires – détention de fumigènes, introduction de glu dans des distributeurs de billets, tentative ratée d’incendie de voiture, collage d’affiches ou coup de pied.
Nous en sommes arrivés en janvier au point où la magie du signalement sur le fichier des "anarcho-autonomes" a mené une jeune femme en prison – pour un tag. Cela se passe en France, et non en Russie, et non en Arabie saoudite, et non en Chine.
Chaque mois désormais, nous apprenons qu’un nouveau camarade a été prélevé en pleine rue, que l’on a intimé à telle amie, après bien d’autres, de devenir indic en échange de l’impunité ou d’un salaire ou de conserver son poste de professeur, que telle connaissance a, à son tour, basculé dans la dimension parallèle où nous vivons désormais, avec ses cellules miteuses, ses petits juges pleins de haine rentrée, de mauvaise foi et de ressentiment, avec ses insomnies, ses interdictions de communiquer, ses flics devenus des intimes à force de vous épier. Et l’apathie qui vous gagne, l’apathie de ceux qui vivent "normalement" et s’étonnent, l’apathie organisée.
Car c’est une politique européenne. Les rafles régulières d’anarchistes en Grèce ces derniers temps le prouvent. Aucun régime ne peut renoncer au broyeur judiciaire, quand il s’agit de venir à bout de ce qui lui résiste. La culpabilité est une chose qui se produit. Comme telle, c’est une question d’investissement, financier, personnel. Si vous êtes prêt à y mettre des moyens hors normes, vous pouvez bien transformer une série de faux procès-verbaux, de faux témoignages et de manœuvres de barbouzes en dossier d’accusation crédible.
Dans l’affaire dite de Tarnac, la récente reconstitution de la nuit des sabotages, si longtemps réclamée par la défense, en a administré le plus bel exemple. Ce fut un de ces moments d’apothéose où éclate, jusque dans les détails les plus infimes, le caractère de machination de toute vérité judiciaire. Ce jour-là, le juge Fragoli a su occulter avec art tout ce qui démontre l’impossibilité de la version policière. Il devenait subitement aveugle dès que l’indocile réalité contredisait sa thèse. Il a même réussi à mettre les rédacteurs du faux PV de filature à l’abri de la contradiction, en les dispensant d’être là. Et cela était en effet superflu, puisque tout ce petit monde s’était déjà transporté sur les lieux, une semaine auparavant, en privé et en douce.
A dire vrai, qu’il ait fallu contrefaire la reconstitution suffit à montrer que le procès-verbal lui-même était contrefait. C’est sans doute cela qu’il a fallu abriter des regards en bouclant la zone par des murs de gendarmes appuyés de brigades cynophiles, d’hélicoptères et de dizaines de brutes de la sous-direction antiterroriste.
A ce jour, il en aura coûté quelques millions d’euros pour transformer en instruction bien ficelée des fantasmes de flics. Il importe peu de savoir à qui, pour finir, on imputera les actes qui furent le prétexte de notre arrestation. Quant à nous, nous plaignons d’ores et déjà le tribunal qui aura à faire passer pour du terrorisme la pose de quelques innocents crochets, maintenant que bloquer les flux est devenu le moyen d’action élémentaire d’un mouvement de masse contre la réforme des retraites.
Le silence frileux des gouvernants européens sur les événements de Tunisie et d’Egypte dit assez l’angoisse qui les étreint. Le pouvoir tient donc à si peu. Un avion décolle et c’est tout un édifice de forfaiture qui tombe en miettes. Les portes des prisons s’ouvrent. La police s’évanouit. On honore ce qui hier encore était méprisé, et ce qui était l’objet de tous les honneurs est maintenant sujet à tous les sarcasmes. Tout pouvoir est assis sur ce gouffre. Ce qui nous apparaît, à nous, comme démence sécuritaire n’est que pragmatisme policier, antiterrorisme raisonné.
Du point de vue du gestionnaire de situations sécuritaires, l’ordre public n’aurait jamais été ébranlé, et Ben Ali serait encore tranquillement président, si l’on avait réussi à neutraliser à temps un certain Mohamed Bouazizi.
C’est à l’évidence, dans les banlieues comme dans les mouvements de révolte, la chasse aux Bouazizi, aux fauteurs d’insurrection potentiels qui est lancée, et c’est une course contre la montre ; car, de Ben Ali à Sarkozy, qui règne par la peur s’expose à la fureur.
Monsieur le président, il y a des ranchs à vendre au Texas, et votre avion vous attend sur la piste de Villacoublay.
Aria, Benjamin, Bertrand, Christophe, Elsa, Gabrielle, Julien, Manon, Matthieu et Yildune, sont les dix personnes mises en examen dans l’affaire dite "de Tarnac"
Messages
1. Paris-Texas : Une proposition politique des mis en examen de Tarnac, 25 février 2011, 10:27
La liberté de la presse n’existe toujours pas en Egypte,et ça n’emeut personne :
La desobeissance avance,les etudiants egyptiens,issus du mouvement informel du 6 avril, lancent la publication d’un journal sans l’autorisation des militaires et du gouvernement,au sommaire compte rendu de la place Tahrir,etc :
"It’s Time to Push the Borders of Freedom" : Egyptian Students Defiantly Publish Newspaper Without Government Permission
....
http://www.democracynow.org/2011/2/18/its_time_to_push_the_borders
APPEL pour une manifestation permanente place de la Concorde ( et non limitée a la capitale,vu l’appel des Grecs a le faire a Athenes,des places Tahrir partout..Marseille est naturellement predisposée et cela est deja dans toutes les tetes :
Eninel dit :
24 février 2011 à 10:07
Mais qui va débaptiser la Concorde ?
(La Concorde plutôt qu’à la Bastille, car là bas, on est à deux pas de l’Elysée)
La jeunesse évidemment ! Cette jeunesse en France et en Europe qui n’a guère à espérer plus de son avenir que dans le reste du monde.
Lorsque je vois avec quelle passion les plus agés s’acharnent à geler la lutte des classes et tenter de la cadrer dans le stricte calendrier électoral de cette V République, qui contrairement à l’esprit et à la lettre d’une République (égalité du citoyen) oblige le bon peuple, une fois tout les cinq ans, à se choisir un guide sûpréme au dessus des lois, je me dis que l’une des raisons de la Crise, c’est l’utilisation perverse des mots.
Jeunesse du monde ; Jeunesse de France ; On vous camisole, les vieux vous imposent leurs phobies. En vous dirigeants vers des bureaux de vote en 2012, pour des élections truquées, alors même que l’âge du corps électoral en France est en moyenne de 55 ans, ils vous jouent.
La perversité des systémes qui vieilissent fait que l’élection présidentielle de 2012 va être un formidable tremplin pour l’émergence en France d’une droite Lepeniste fascisante (surtout si l’Euro implose, et évidemment que l’Europe et sa monnaie va imploser, un peu avant ou un peu après 2012.).
Faites chauffer vos Phone & I.Phone. Jouez de vos réseaux. Les notres, sont cadenassés par des bureaucraties ouvrières éteintes et plus capable de la moindre indignation.
Joignez-vous au printemps des peuples et apportez une réelle solidarité aux Révolutions Arabes. La jeunesse a été et sera toujours l’aiguillon de la contestation. Vous réveillerez le prolétariat et ses gros bataillons qui le moment venu, feront la différence.
Investissez la Place de la Concorde ! Exigez que Sarkozy aille rejoindre ses amis dictateurs sanguinaires et voleurs dans les poubelles de l’histoire. Tenez-y un sit-in permanent sur cette Place de la Révolution où jadis on décapitait les ennemis de la République.
« Sarkozy Dégage ! »
La Sociale, vite !
http://www.pauljorion.com/blog/?p=21470
1. Paris-Texas : Une proposition politique des mis en examen de Tarnac, 25 février 2011, 10:39
et mine de rien l’auteur nous met l’Égypte au Maghreb !!!!!!
2. Paris-Texas : Une proposition politique des mis en examen de Tarnac, 25 février 2011, 11:07, par Pedro
Revanche de l’Histoire, la France allait bien de Dunkerque à l’Oubangui.
3. Paris-Texas : Une proposition politique des mis en examen de Tarnac, 25 février 2011, 12:30
La Concorde c’est le but : la décapitation du pouvoir. Tandis que la Bastille c’est le point de départ : la première attaque contre le symbole répressif du pouvoir. D’abord 1) Prendre la Bastille et son arsenal répressif, puis 2) Décapiter le pouvoir Place de la Concorde... L’un ne va pas sans l’autre. Pour accéder à 2) il faut passer par 1)
4. Paris-Texas : Une proposition politique des mis en examen de Tarnac, 25 février 2011, 13:42
« 1) Prendre la Bastille et son arsenal répressif »
Ça commence par le comico du quartier
5. Paris-Texas : Une proposition politique des mis en examen de Tarnac, 25 février 2011, 21:07
Revanche de l’Histoire, la France allait bien de Dunkerque à l’Oubangui.
Je crois que tu "Chari" un peu.
Pour De Gaulle elle s’arrêtait à Tamanrasset, ce qui est tout de même bien Sud comme limite pour un pays gaulois.
G.L.
2. Paris-Texas : Une proposition politique des mis en examen de Tarnac, 25 février 2011, 15:45, par sergio
ça vous, nous (tout le monde) concerne aussi... ici et maintenant.
le plus difficile reste à accomplir ; tendre vers l’autogestion, instituer des communes libres et autogérées, (ça sous-entend virer les caciques). Les gouvernants ne se laisseront pas faire et voudront sauver les meubles. Ils essayeront de résister à la volonté populaire, de contrôler les évènements pour conserver le pouvoir.
Aux dernières nouvelles, des navires et avions de guerre, des troupes de l’OTAN feraient route vers la Libye et se positionneraient sur zone (au prétexte d’aider le peuple libyen).
C’est une très mauvaise nouvelle pour les Libyen(ne)s !
3. Paris-Texas : Une proposition politique des mis en examen de Tarnac, 25 février 2011, 22:25, par pmls
\o/ .
Heureusement qu’il y en a qui sauvent l’honneur !