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Paris brûle-t-il ?*

par Ian

Publie le mardi 21 février 2012 par Ian - Open-Publishing
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Ousque les athéniens s’atteignirent.

Tenez-vous par les noyaux durs je vous enlève de quoi vivre,
aurait pu dire notre Mister Bayrou national (le Béarn est une grande nation, au
même titre que la bourgogne ils font de super sauces à barbecue). Faisons un
rapide portrait social de la Grèce
d’aujourd’hui. La fonction publique est sabrée, 15.000 postes viennent d’être purement
supprimés, 150.000 vont l’être d’ici 2015. Nombre d’écoles et établissements
publics ne peuvent plus mettre de chauffage même en plein hiver, les livres
scolaires ne peuvent souvent plus être achetés par les écoles… Le salaire
minimum vient d’être baissé de 22% (ce qui le porte à 480€ nets) ainsi que
toutes les primes, le salaire des moins de 25 ans a pris 10% de plus dans la
gueule, ce qui le porte à 400 € net pour un plein temps. Les retraites
complémentaires viennent également de baisser de 15%. Pendant ce temps, les
prix flambent et une bonne partie des produits de 1ère nécessité
sont aussi voir plus chers que chez nous (autour d’1.70€ le L d’essence, de 1.20€
le L de lait, 1.06€ pour le fuel, 0.8€ le kg de patates…), les grecs doivent avancer tous leurs frais
médicaux … Ces sacrifices ne sont pas ponctuels, ils font suite à un paquet de
mesures du même type depuis deux ans (augmentation de la TVA de 4% en deux fois,
créations de nouvelles taxes, baisse de la retraite de base de 10%, baisse du
salaire des fonctionnaires de 10%…), et des mesures sur le long terme sont déjà
actées (gel du salaire minimum jusque 2015, gel des primes à l’ancienneté …).

On pourrait au moins se dire que dans le milieu de ces
mesures, il a été prévu d’améliorer la situation économique de l’Etat qui
souffre d’un très faible taux de recette publiques. Mais non seulement rien n’a
été fait en ce sens mais au contraire, les cadeaux au patronat se cumulent, les
cotisations sociales baissent ainsi de nouveau de 2% pour 2012 et de 13% pour
2013 ! Ces mesures vont donc renforcer le déficit grec !

Les grecs sont massivement opposés à ces
mesures… mais de toute façon, on ne leur demande pas leur avis, leur
gouvernement a été nommé, légitimé par aucune élection. On leur a bien promis
des élections législatives en avril pour les calmer, mais ces élections ne
peuvent de toute façon rien changer puisque les candidats auront l’obligation
de s’engager à respecter le mémorandum. Pour défendre leurs conditions de
travail, les grecs peuvent faire grève, mais la nouvelle batterie de mesures prévoit
la pulvérisation des conventions collectives, la dérégulation du temps de
travail et des conditions d’embauche… il n’y a donc plus beaucoup de droits
communs à défendre !

Alors bien sûr, le weekend des 11 et 12, la colère des travailleurs grecs
a éclatée. En conclusion de 48h de grève générale, la police grecque parle de 100.000 manifestants dont 80.000 à
Athènes, d’autres sources parlent de 100 à 200.000 personnes rien qu’à Athènes
et certaines estiment même que ces chiffres sont encore très loin de la vérité.
Il faut dire qu’il y avait de multiples cortèges qui n’ont souvent pas pu se
rejoindre restant coincés dans leur quartier, ce qui rend difficile tout
comptage. Il y a eu quelques magasins pillés (il faut bien subsister), quelques
immeubles incendiés (il faut au moins ça pour qu’on parle un peu d’eux),
quelques flics aussi (il faut bien ça pour se défendre quand on voit avec
quelle violence les MAT ont attaqué les cortèges initialement pacifiques).

Les travailleurs grecs isolés ?
Ce qui est sûr, c’est que les capitalistes ne tapent pas que sur les grecs. Dans tous les pays européens, la bourgeoisie est à l’attaque, souvent avec des méthodes similaires (voir cet article). D’ailleurs pour être sûr de continuer, et pour éviter qu’un petit malin ayant peur de louper une marche électorale ne se dédie de son devoir envers la bourgeoisie, début mars les chefs d’État de l’UE doivent adopter le
« Traité sur la stabilité, la coordination et
la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire » qui vise à graver l’austérité pour les classes populaires dans le marbre des nouvelles tables de la Loi de la religion du profit. Mais les grecs ne sont pas non plus les seuls à ne pas se laisser faire.

  • Roumanie : le 12 janvier eurent lieu les premières petites manifestations contre la réforme visant à privatiser la santé. Le ministre de la santé, en désaccord avec cette réforme, a démissionné. 2 jours plus tard, des centaines de manifestants défilaient, et le lendemain, la réforme était retirée. Loin d’éteindre l’incendie, cette première victoire à galvanisé les travailleurs, massifié et radicalisé les manifestations, élargi les revendications à la lutte contre le gouvernement et l’austérité. Durant le week-end, des milliers de personnes ont manifesté à Bucarest, Cluj, Iasi.., 113 personnes ont été blessées et une trentaine arrêtées. Là encore la colère vient de loin, en deux ans, le gouvernement a réduit de 15% le montant des
    retraites, de 25% les salaires de tous les fonctionnaires, procédé au licenciement de près
    de 100000 salariés du public, retardé l’âge de départ à la
    retraite, mis fin aux conventions
    collectives, augmenté la TVA de 19% à 24%... Le 6 février, malgré le manque de soutien politique et syndical, malgré la répression, les manifestants ont obtenus la démission du gouvernement. Certes, ce n’est pas la fin des mesures anti-sociales et de l’austérité, mais c’est déjà la preuve du pouvoir de la rue, un encouragement aux luttes.
  •  Portugal : Pendant que les grecs entamaient leur grève générale de 48h, un autre pays connaissait des remous du même ordre le 11 février. A Lisbonne avait lieu la plus grande manifestation portugaise depuis le début de la crise. Plus de 100.000 manifestants (dans un pays de 10M d’habitants) ont revendiqué la fin de l’austérité pour les classes populaires. Ils n’ont brûlé aucun immeuble ni pillé quoi que ce soit, du coup personne n’en a parlé chez nous.
  • État espagnol : ce dimanche 19, plus d’un Million de travailleurs de tout l’État espagnol ont défilé pour réclamer la fin des contre-réformes, l’arrêt des coupes budgétaires...Les manifestants, très remontés, étaient nombreux à réclamer la grève générale.

Préparer dès maintenant la grève générale" Cortège d’Izquierda Anticapitalista.

Qu’est-ce qu’on attend ?
Mais qu’est-ce, mais qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?**
En France, tout le monde n’est pas resté impassible face au brasier grec. Des manifestations ont eu lieu à Paris, Marseille, Toulouse, Rodez, La Roche/Yon... et d’autres sont prévues. La première a eu lieu dès le dimanche après-midi, avant la manif grecque et donc loin des caméras ... et donc sans les grands partis. Seuls le NPA, Alternative Libertaire, Initiative des étudiants et travailleurs grecs de paris et l’Unef étaient là comme orgas. La manifestation était appelée en solidarité avec les travailleurs grecs, mais aussi pour "De Paris à Athènes, lutter ensemble contre l’austérité !", en bref pour apporter le soutien le plus efficace, entrer nous aussi dans la lutte contre nos propres exploiteurs. Le lendemain, les flammèches grecques avaient attiré les grands média et donc quelques orgas comme le Front de Gauche. Ce samedi 18, la manifestation parisienne regroupait 17 organisations et quelques milliers de manifestants. C’est mieux, mais ça reste confiné au milieu militant, confiné à la manifestation de témoignage, pas au lancement d’un nouveau foyer.
Le mercredi 29 février, la CES appelle à se mobiliser partout en Europe contre le traité sur la stabilité et l’austérité. C’est un mauvais appel, émanant d’organisations bien timides. Les directions syndicales sont plus préoccupées par les prochaines élections que par la nécessité de renverser le rapport de force maintenant, dans la rue. Cependant, il faut se saisir de cette journée (qui pourrait être très grosse dans certains pays comme le Portugal) pour faire monter la pression d’un cran. Pour monter une marche vers la résistance et la contre offensive. Cette contre-offensive doit à la fois être résolument internationaliste (montrer que les travailleurs des différents pays sont victimes des mêmes intérêts capitalistes et que leur salut ne viendra que d’une lutte commune contre une exploitation commune et non de replis sur soi) et à la fois doit être concrète, n’épargnant pas nos propres dirigeants et ne dissimulant pas leur propre responsabilité derrière celle, bien réelle des instances internationales que sont l’UE et le FMI (il faut combattre les réformes hexagonales comme la le holdup de la TVA soit-disant sociale [récit du hold-up], la casse des retraites, les attaques contre les chômeurs, le temps de travail...).

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* "Que l’on touche à la liberté, et Paris se met en colère. Et Paris commence à gronder, et le lendemain c’est la guerre." chantait dans ce film cette brave cocardière de Mireille Mathieu.

**Comme il y a plus intéressant encore dans les textes de la chanson, les voici in extenso :
Mais qu’est-ce, mais qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?
Les année passent, pourtant tout est toujours à sa place
Plus de bitume donc encore moins d’espace
Vital et nécessaire à l’équilibre de l’homme
Non personne n’est séquestré, mais s’est tout comme
C’est comme de nous dire que la France avance alors qu’elle pense
Par la répression stopper net la délinquance
S’il vous plaît, un peu de bon sens
Les coups ne régleront pas l’état d’urgence
A coup sûr...
Ce qui m’amène à me demander
Combien de temps tout ceci va encore durer
Ça fait déjà des années que tout aurait dû péter
Dommage que l’unité n’ait été de notre côté
Mais vous savez que ça va finir mal, tout ça
La guerre des mondes vous l’avez voulue, la voilà
Mais qu’est-ce, mais qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?
Mais qu’est-ce qu’on attend pour ne plus suivre les règles du jeu ?

au Refrain

Je n’ai fait que vivre bâillonné, en effet
Comme le veut la société, c’est un fait
Mais il est temps que cela cesse, fasse place à l’allégresse
Pour que notre jeunesse d’une main vengeresse
Brûle l’état policier en premier et
Envoie la république brûler au même bûcher,
Ouais !
Notre tour est venu, à nous de jeter les dés
Décider donc mentalement de s’équiper
Quoi t’es miro, tu vois pas, tu fais semblant, tu ne m’entends pas
Je crois plutôt que tu ne t’accordes pas vraiment le choix
Beaucoup sont déjà dans ce cas
Voilà pourquoi cela finira dans le désarroi
Désarroi déjà roi, le monde rural en est l’exemple
Désarroi déjà roi, vous subirez la même pente, l’agonie lente
C’est pourquoi j’en attente aux putains de politiques incompétentes
Ce qui a diminué la France
Donc l’heure n’est plus à l’indulgence
Mais aux faits, par le feu, ce qui à mes yeux semble être le mieux
Pour qu’on nous prenne un peu plus, un peu plus au sérieux

au Refrain

Dorénavant la rue ne pardonne plus
Nous n’avons rien à perdre, car nous n’avons jamais rien eu ...
A votre place je ne dormirais pas tranquille
La bourgeoisie peut trembler, les cailleras sont dans la ville
Pas pour faire la fête, qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu
Allons à l’Elysée, brûler les vieux
Et les vieilles, faut bien qu’un jour ils paient
Le psychopathe qui sommeil en moi se réveille
Où sont nos repères ?
Qui sont nos modèles ?
De toute une jeunesse, vous avez brûlé les ailes
Brisé les rêves, tari la sève de l’espérance.
Oh ! quand j’y pense
Il est temps qu’on y pense, il est temps que la France
Daigne prendre conscience de toutes ces offenses
Fasse de ces hontes des leçons à bon compte
Mais quand bien même, la coupe est pleine
L’histoire l’enseigne, nos chances sont vaines
Alors arrêtons tout, plutôt que cela traîne
Ou ne draine même, encore plus de haine
Unissons-nous pour incinérer ce système

NTM, album Paris Sous les bombes, 1995.

http://red-and-rude.blogspot.com/2012/02/paris-brule-t-il.html

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