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Iran
Paris plus va-t-en-guerre que Washington
Gérald Papy
Mis en ligne le 18/09/2007
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Le ministre français des Affaires étrangères appelle à "se préparer au pire".
Les propos de Bernard Kouchner confirment un durcissement de la France.
Même les Etats-Unis paraissent en retrait et tablent sur de nouvelles sanctions.
BELGA
Analyse
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Chine) et l’Allemagne se réunissent vendredi à Washington pour étudier l’adoption de nouvelles sanctions contre l’Iran, accusé de poursuivre l’enrichissement d’uranium à des fins potentiellement militaires alors que l’Onu lui a déjà demandé de suspendre ces activités. La perspective de cette nouvelle escalade dans les rapports entre Téhéran et la communauté internationale échauffe les esprits et, singulièrement, en France, où l’avènement de la nouvelle équipe au pouvoir, formée en l’occurrence par le président Nicolas Sarkozy et le chef de la diplomatie Bernard Kouchner, a provoqué un durcissement à l’égard des mollahs.
Une nouvelle illustration en a été donnée, dimanche soir, quand l’ex-Médecin sans frontières a estimé que le monde devait "se préparer au pire" à propos de l’Iran, à savoir la possibilité d’une "guerre". Cette option n’a jamais été véritablement écartée depuis que George W. Bush a placé l’Iran sur l’"axe du Mal" en janvier 2002, aux côtés de l’Irak et de la Corée du Nord. Mais, précisément, c’est plutôt dans la rhétorique des Américains que cette menace a été agitée. Et encore, épisodiquement. Empêtrés dans le bourbier irakien, les Etats-Unis ont en effet remisé leurs intentions belliqueuses, ont laissé ensuite la diplomatie européenne (France, sous Jacques Chirac, Grande-Bretagne et Allemagne) négocier une sortie de crise diplomatique avec les Iraniens, puis, devant l’échec de ces discussions, ont fait front commun avec les Européens pour forcer des sanctions au Conseil de sécurité des Nations unies, face à l’hostilité de la Russie et de la Chine. Ainsi, la France, dont le durcissement de la politique à l’égard de l’Iran est perçu par les observateurs comme le signe d’un rapprochement avec les Etats-Unis, apparaît aujourd’hui "plus catholique que le pape".
Réactions négatives
Pour preuve, alors que Bernard Kouchner évoquait le spectre d’une guerre, le secrétaire d’Etat américain à la Défense, Robert Gates, réaffirmait que "la voie diplomatique et économique est (pour le moment) de loin la meilleure approche pour continuer de gérer la menace iranienne".
Difficile dès lors de comprendre la poussée de fièvre française, annoncée, il est vrai, par l’interdiction faite aux entreprises françaises, comme Total ou Gaz de France, de poursuivre leurs programmes d’investissements en Iran et par un discours du président Sarkozy, le 27 août. Il avait alors déclaré qu’"un Iran doté de l’arme nucléaire est pour moi inacceptable et je pèse mes mots". Et il avait défendu l’option du renforcement des sanctions, seule démarche "qui puisse nous permettre d’échapper à une alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran". Son ministre ex-socialiste des Affaires étrangères est allé un cran plus loin, dimanche. En raison de son impétuosité ou de son soutien indéfectible à la cause des Kurdes, cibles d’une répression de Téhéran jusqu’en territoire irakien, ces dernières semaines ? Mystère.
Il reste que les propos de Bernard Kouchner, hormis en Israël, n’ont pas suscité un enthousiasme délirant. Il a plaidé, dimanche soir, pour l’adoption de sanctions au sein de l’Union européenne, en dehors du cadre de l’Onu. Mais il n’a été suivi, publiquement lundi, que par les Pays-Bas. Et l’Allemagne, dont Bernard Kouchner avait dit qu’elle avait lancé cette idée de sanctions européennes, n’a pas paru pressée de relancer le débat. Déjà très remontées contre Nicolas Sarkozy, les autorités iraniennes ont parlé de "provocation" et indiqué que cela nuirait à la crédibilité de la France.
En définitive, c’est le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, Mohamed el Baradei, qui a sans doute eu le commentaire le plus approprié : "Nous devons garder notre sang-froid et ne pas faire du battage autour de la question iranienne." Le sujet est effectivement trop sensible pour ne pas le traiter en faisant prévaloir la raison sur l’émotion.
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