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Pays Basque : deux années qui ont marqué l’histoire

par Moustache

Publie le samedi 22 octobre 2011 par Moustache - Open-Publishing

Rufi Etxeberria, membre historique de la gauche abertzale, entouré par une centaine de militants abertzale, présente la déclaration d’Altsasu. Dans ce texte, la gauche indépendantiste affirme vouloir poursuivre ses objectifs par des moyens “exclusivement pacifiques, politiques et démocratiques”. Quelques jours auparavant, une dizaine de militants indépendantistes étaient arrêtés, dont l’ancien porte-parole de Batasuna, Arnaldo Otegi, et l’ex-secrétaire général du syndicat LAB, Rafa Diez Usabiaga, lors d’une opération policière. Parmi eux, ceux qui étaient justement en train de mettre la dernière main à l’écriture de ce texte d’orientation. Arnaldo Otegi, Rafa Diez, Miren Zabaleta, Sonia Jacinto et Arkaitz Rodriguez sont toujours emprisonnés.

Décembre 2009 à février 2010 : “Zutik Euskal Herria”

Le texte d’orientation politique Zutik Euskal Herria qui découle de la déclaration d’Altsasu est débattu par la base de la gauche abertzale. Des dizaines de réunions auront lieu sur l’ensemble des sept provinces et réuniront plusieurs milliers de militants. Au terme de ce processus de débat, le texte sera adopté entérinant ainsi le changement stratégique. Cette décision, au caractère unilatéral, marquera un tournant historique qui a conduit au communiqué d’hier. Durant cette période, ETA affirmera “faire siennes” les réflexions de la gauche abertzale.

Le 29 mars 2010 : la déclaration de Bruxelles, entrée en scène de la communauté internationale

Une vingtaine de personnalités et organismes de dimension internationale, dont quatre prix Nobel de la paix, rendent publique une déclaration au Parlement européen à Bruxelles. Dans cette déclaration, ces personnalités demandent à ETA de déclarer un “cessez-le-feu permanent” qui serait contrôlé par un organisme international indépendant.

3 septembre 2010

Eusko Alkartasuna et l’ex-Batasuna signent un accord commun pour parvenir à dépasser le conflit armé. Dans ce texte, ils demandent, entre autres, à ETA de déclarer un “cessez-le-feu permanent et vérifiable” par la communauté internationale, reprenant ainsi à leur compte les termes de la déclaration de Bruxelles.

5 septembre 2010 : arrêt des actions armées offensives

L’organisation armée ETA affirme dans un communiqué avoir pris “depuis plusieurs mois” la décision de ne plus mener d’“actions armées offensives”. De fait, les dernières actions de ce type datent de l’été 2009. En mars 2010, cependant, un policier français mourrait sous les balles d’ETA lors d’un échange de tirs entre l’organisation et des policiers français à la suite d’un vol de voitures à Dammarie-lès-Lys en région parisienne.

18 septembre 2011 : ETA en appelle à la communauté internationale

Dans un nouveau communiqué, ETA appelle la communauté internationale à s’impliquer dans la résolution du conflit basque.

25 septembre : accord de Gernika, la société basque devient un acteur majeur du processus

Plusieurs dizaines de partis, syndicats et mouvements sociaux du Pays Basque, pour la plupart abertzale, signent l’accord de Gernika. Dans celui-ci, ces organisations demandent à ETA “un cessez-le-feu permanent, unilatéral et vérifiable par la communauté internationale comme expression de volonté pour un abandon définitif de son activité armée”. Avec cet accord, c’est la société basque qui devient un acteur majeur du processus.

ETA répond le même jour être disposée à un tel cessez-le-feu et même à aller “plus loin”

10 janvier 2010 : cessez-le-feu “général, permanent et vérifiable”

ETA, dans une vidéo à la BBC et un communiqué envoyé à des médias du Pays Basque, déclare un cessez-le-feu “permanent, général et vérifiable par la communauté internationale”. ETA répond ainsi positivement tant à la communauté internationale (déclaration de Bruxelles) qu’à la société basque (accord de Gernika).

9 février 2011 : naissance de Sortu

La gauche abertzale présente les statuts d’un nouveau parti, Sortu. Les statuts respectent la pourtant très restrictive loi des partis espagnole et font mention d’un rejet “de toute violence”. Le parti ne sera pourtant pas autorisé à devenir légal. Après un rejet du Tribunal suprême, un recours est en cours devant le Tribunal constitutionnel espagnol. Il s’agit du dernier recours avant les tribunaux européens, mais il ne sera pas examiné avant les élections générales du 20 novembre prochain.

27 mars 2011

Devant le refus du gouvernement espagnol d’accepter officiellement une vérification internationale du cessez-le-feu, ETA se dit prête à accepter une “vérification informelle”.

3 avril 2011

Présentation de la coalition Bildu qui réunit la gauche abertzale, EA et Alternatiba.

28 avril 2011 : fin de “l’impôt révolutionnaire”

ETA annonce avoir mis fin à l’“impôt révolutionnaire”.

1er mai 2011

Le Tribunal suprême interdit Bildu de se présenter aux élections municipales et forales du 22 mai. Quatre jours après, le Tribunal constitutionnel annule la décision.

22 mai 2011

Triomphe de Bildu aux élections. La coalition a réuni sur son nom plus de 300 000 suffrages, soit le double des votes habituellement recueillis par la gauche abertzale. Elle s’empare de la diputación de Gipuzkoa, de la mairie de Donostia et entre en force dans toutes les institutions du Pays Basque Sud, obtenant le plus grand nombre de conseillers municipaux.

23 septembre 2011 : les prisonniers adhèrent à l’accord de Gernika

Le Collectif des prisonniers politiques basques (dont le sigle en basque est EPPK) adhère à l’accord de Gernika. Ce collectif est constitué de plus de 700 membres, dont une majorité sont membres d’ETA. Ce geste historique va marquer une claire accélération des choses.

28 septembre 2011 : présentation d’une commission internationale de vérification

Cinq personnalités internationales, dont un ancien ministre d’Afrique du Sud et l’ancien chef d’Interpol, annoncent avoir créé une commission internationale de vérification pour vérifier de manière impartiale le cessez-le-feu d’ETA.

29 septembre 2011

Le président de la Communauté autonome basque, le lehendakari socialiste Patxi López, propose un pacte pour la “concorde”, envisageant un rapprochement des prisonniers basques.

1er octobre 2011 : dissolution d’Ekin

L’organisation de gauche indépendantiste Ekin annonce sa dissolution en relation avec la nouvelle situation.

2 octobre 2011

ETA annonce être disposée à travailler avec la commission internationale de vérification.

17 octobre 2011 : conférence de Donostia

Kofi Annan et cinq autres personnalités internationales s’adressent à ETA et aux gouvernements français et espagnols. A la première, ils demandent un “arrêt définitif des activités armées” ; aux seconds, d’ouvrir le dialogue.

Des décisions bilatérales, jusqu’à présent

Des processus de résolution du conflit, le Pays Basque en a connu plusieurs ces dernières années. Jusqu’à ce jour, aucun n’avait été le fruit d’une décision unilatérale prise par l’ensemble de la gauche abertzale. Les trois dernières discussions entre ETA et l’Etat espagnol ont été la conséquence de décisions bilatérales. Ainsi, en 1989, l’organisation armée informait la société basque de l’entrée en vigueur d’une trêve bilatérale négociée avec des émissaires espagnols. Un cessez-le-feu d’une durée de deux mois. Le début des premières négociations d’Alger. En 1998, c’est avec le Parti nationaliste basque (PNV) qu’un accord avait été trouvé, ce qui a amené au processus dit de Lizarra-Garazi. Il avait mis en marche dans une même dynamique toutes les forces abertzale des sept provinces. Le cessez-le-feu avait été rompu en 1999. Sept ans plus tard, en préambule à la trêve et aux discussions de Loiola, l’Etat espagnol et ETA avaient entamé des discussions.


L’Etat français se rangerait derrière l’Espagne

C’est la première fois qu’un gouvernement français est interpellé de la sorte par des personnalités internationales telles que Kofi Annan, Jimmy Carter ou Tonny Blair sur la question basque. Dans sa dernière déclaration, ETA l’invite à son tour à s’impliquer dans des discussions sur les conséquences du conflit.

Il semblerait que le gouvernement ait pris les devants. Hier, quelques heures avant la publication du communiqué, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Romain Nadal, a déclaré que “si ETA franchit le pas de l’arrêt définitif de la violence”, le gouvernement prendrait les mêmes mesures que l’Etat espagnol. R. Nadal a ajouté que l’Etat français a toujours aidé l’Etat espagnol “contre ETA”. Des propos tenus sur les ondes d’Euskadi Irratia.

Le gouvernement français semble adapter son discours au nouveau temps. Les propos du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, de septembre dernier étaient d’un tout autre ton (voir article page 2).

Les socialistes français semblent aussi préparer la nouvelle phase qui s’annonce. Le candidat aux élections présidentielles de 2012, François Hollande, a rencontré le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero, et Alfredo Perez Rubalcaba, candidat aux élections législatives du 20 novembre prochain (voir édition du 20 octobre 2011). Il s’est fait accompagner par Frédérique Espagnac, la nouvelle sénatrice socialiste des Pyrénées-Atlantiques. Cette dernière était au palais d’Aiete, à Donostia, lundi dernier, aux côtés des six personnalités internationales.

http://www.lejpb.com/paperezkoa/201...

Le petit lexique du processus

 Déclaration d’Altsasu : déclaration présentée le 14 novembre 2009 par plusieurs dizaines de membres de la gauche indépendantiste à Altsasu, village où fut créé Herri Batasuna. C’est la première fois que la gauche abertzale affirme publiquement son engagement pour une stratégie basée uniquement sur les “voies pacifiques, politiques et démocratiques”.

 Zutik Euskal Herria : Document d’orientation de la gauche abertzale basé sur la déclaration d’Altsasu. Ce document a été débattu par les bases du mouvement puis adopté au premier semestre 2010 par celles-ci, y compris au nord de la Bidassoa.

 Déclaration de Bruxelles : déclaration réalisée le 29 mars 2010 par une de personnalités internationales dont quatre prix Nobel de la paix.

 Groupe international de contact (GIC) : groupe de personnalités internationales reconnues pour leur expérience en matière de résolution de conflits. Ce groupe dont l’animateur est Brian Currin a pour but de “faciliter” les échanges entre les différentes parties.

 Commission internationale de vérification : Il s’agit d’un groupe de cinq personnalités internationales chargées de vérifier l’effectivité du cessez-le-feu “permanent, général et vérifiable” déclaré par ETA le 10 janvier dernier en réponse à l’accord de Gernika.

 Accord de Gernika : accord signé le 25 septembre 2010 par des partis, syndicats et mouvements du Pays Basque. Dans le texte ceux-ci réclamaient à ETA et au gouvernement de s’engager pour une solution démocratique au conflit basque et s’engageaient à œuvrer en ce sens. L’accord a depuis été rejoint par d’autres partis et collectifs, le dernier en date étant le Collectif des prisonniers politiques basques (EPPK en basque)

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