Accueil > Persichetti : Extrait du Rejet de l’autorisation temporaire de sortie et son (…)
Persichetti : Extrait du Rejet de l’autorisation temporaire de sortie et son commentaire
Publie le lundi 21 mars 2005 par Open-Publishing1 commentaire
Persichetti : Extrait du Rejet de l’autorisation temporaire de sortie et son commentaire par Paolo himself !
Extrait du Rejet de l’autorisation temporaire de sortie rendue le 17 février 2005 par le magistrat d’application des peines de Viterbe
[...]
Considéré qu’au vu de la formulation d’un jugement portant sur la cessation de la dangerosité sociale, dans le cas d’espèce des condamnations pour des infractions de terrorisme et subversion de l’ordre démocratique, il n’est pas suffisant la simple autodissolution de l’organisation terroriste, ou la réinsertion sociale et dans le travail, comme a été le cas de Persichetti en France. Attendu qu’il n’y a aucune trace qui prouve que Persichetti ait assumé publiquement des positions de dissociation de la lutte armée et de réflexion morale sur le meurtre réalisé, d’autant plus nécessaire face à la grave recrudescence du phénomène terroriste clairement inspiré à l’idéologie des Brigades Rouges ;
Que la position de Persichetti ne peut être donc assimilée à celle des autres terroristes qui, après une longue période de détention et de soufferte et approfondie réflexion critique de leur déviance, ont obtenu la concession des aménagements (benefici) pénitentiaires ;
Que, finalement, il n’est pas possible d’exclure la persistance d’un risque de fuite du détenu, compte tenu de la quantité considérable de peine qui reste à purger et de sa volontaire soustraction à l’exécution de la peine qui s’est prolongée pendant plus de dix ans ;
L’autorisation de sortie doit être rejetée.
P. C. M.
Vu l’art. 30 ter O.P. Sur avis conforme du directeur de la prison de Viterbe
REJETE La demande d’autorisation temporaire de sortie présentée par Persichetti Paolo.
Viterbe 17-2-2005
Le magistrat de surveillance
Commentaire
Cette fois ne pouvant plus se cacher derrière des arguments de nature procédurale, le magistrat a été contraint de cracher le morceau. Elle aurait pu inventer bien d’autres raisons pour son rejet, mais elle a préféré avancer un argument très politique, le plus inquisitorial. La nature de ses motivations est d’une gravité absolue, qui dépasse pour sa portée l’épisode de l’autorisation de sortie refusée. Des questions de portée bien plus générale sont appelées :
a) D’abord, si ces motifs se trouvaient d’être confirmés par le tribunal du recours et en dernier ressort par la Cassation, pour ce qui me concerne s’ouvrirait la perspective d’une sorte de prison ferme, comme il est le cas dans le code pénal français. Étant escomptée ma fin de non-recevoir opposée à la requête de dissociation, je me retrouverais exclu de l’application de tous les aménagements de peines prévus par la loi (autorisation de sortie, travail extérieur, semi-liberté), mise à part les remises de peine semestrielles (45 jours) pour bonne conduite. La disparité de traitement se trouverait à être extrême, touchant le comble du paradoxe, car on viendrait à nier ce qui a été reconnu à tous les autres prisonniers, à parité de condition judiciaire et pénitentiaire (et politique. En effet, il est un faut historique grossier que les aménagements de peines auraient été reconnus seulement aux dissociés), pendant qu’ailleurs se profilent même des grâces présidentielles pour des cas analogues.
b) Ensuite, sur le plan strictement légal, cette décision reviendrait à introduire un tournant dans l’application des aménagements. Le rappel à la nécessité d’une « dissociation publique » introduit un élément inacceptable et non prévu par la norme. Un requis qui déborderait les seuls éléments indiqués par la loi : l’analyse du parcours pénitentiaire et la vérification de l’absence d’éventuels liens illégaux avec l’extérieur. La page du magistrat d’application des peines reprend à la lettre les éléments de la doctrine Pisanu : d’une part, la construction artificielle d’un lien moral, et possiblement concret, entre les militants des années 70 et 80 et les attentats de 1999 et 2002. De l’autre, l’attribution d’une fonction cristique, un rôle de responsables qui doivent en assumer publiquement la faute pour [’exemple et comme avertissement pour le futur. La responsabilité vient ainsi assumer une dimension transitive. Ce qui me condamne toujours plus à un statut d’otage.
Messages
1. > Persichetti : Extrait du Rejet de l’autorisation temporaire de sortie et son commentaire, 21 mars 2005, 16:33
Paolo Persichetti résume fort lumineusement sa situation judiciaire. Je souhaiterai simplement insister sur une partie de la sentence du juge de l’application des peines :
"Attendu qu’il n’y a aucune trace qui prouve que Persichetti ait assumé publiquement des positions de dissociation de la lutte armée et de réflexion morale sur le meurtre réalisé, d’autant plus nécessaire face à la grave recrudescence du phénomène terroriste clairement inspiré à l’idéologie des Brigades Rouges ;"
qui semble le principal motif du rejet de la demande d’aménagement de la peine (avec bien sûr le risque de fuite). En sa première partie, l’attendu reproche à Persichetti qu’il n’ait pas pris une position politique publique - celle que l’Etat italien avait défini il y a plus de 20 ans comme "dissociation de la lutte armée". En clair, le refus de faire le perroquet répétant ce que l’autorité politique a dit qu’il fallait dire est assimilé à un quasi - délit, et la liberté de conscience est brutalement niée. Sans vouloir jouer d’emphase ou user d’exagération, il n’y a réellement que dans les Etats totalitaires que l’on est jamais vu cela. Ensuite on se rapproche de la tradition judiciaire théocratique-religieuse, Charia ou Inquisition : il n’y aurait pas "trace (...) de réflexion morale sur le meurtre réalisé". Il ne s’agit pas du meurtre du Christ ou de Ali, le gendre du Prophète, mais d’un vague général, assassiné il y a 20 ans. Mais quelle pourrait être la capacité objective d’un juge à deceler de telle trace, si il ne cherchait à se transformer en prêtre, en casuiste, en spécialiste dans le sondage des âmes ? Qu’y a-t-il que de plus arbitraire qu’un tel énoncé ? Et si Persichetti s’était frappé la poitrine et flagellé jusqu’au sang en expiation de ce crime (qu’il n’a aucunement commis, Le Tribunal qui l’avait condamné en était convenu, mais il s’agit de ce crime donc de "complicité psychique" pour lequel il a été condamné à 25 ans de prison), le Juge pourrait encore mettre en cause la "sincérité" d’une telle "réflexion morale" ! Que faudrait-il faire ou dire alors ? On voit bien que lorsque la Justice s’aventure dans le domaine théologique et religieux on n’en sort pas.
Mais cela conduit à se poser quelques questions quant à la nature exacte du régime italien : est-on en république ? La religion est-elle séparée de l’Etat ? Les critères de condamnation reposent-ils exclusivement sur des considérations et des faits objectifs ? Ou bien sur l’idéologie et les opinions supposées de l’accusé ? Est-on donc dans un Etat de droit qui respecte la liberté des consciences ou dans un Etat arbitraire qui cherche à dicter aux sujets ce qu’ils doivent penser et dire ? Les plus élémentaires droits de l’homme et du citoyen sont ils respectés dans ce pays ?
La seconde partie de l’attendu est tout autant stupéfiante : loin de l’individualisaton de la peine, le juge argue de motifs d’ordre public, dont le prisonnier Persichetti est tout à fait irresponsable. ici aussi, on baigne dans l’arbitraire le plus absolu. A notre époque déchirée, où guerre et conflits de toutes nature s’enchaînent sans fin, il y aura toujours ce genre de raisons : le juge aurait aussi bien pu arguer de la montée des prix du pétrole, qui pèse sur la prospérité économique, dont l’altération peut conduire à des conflits sociaux, qui eux-mêmes pourraient entraîner des désordres et des violences... ou de l’état de guerre de son pays avec l’Irak, où même le chef de ses services secrets parvient à se faire tuer par des balles amies... Et pour boucler la boucle de ce genre de raisonnement vicieux, que l’idéologie marxiste de M. Persichetti conduit et encourage à tous ces désordres, et qu’en conséquence il faut le maintenir à vie en prison !