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Question de Mayotte : l’AG de l’ONU c’est bien, mais le Conseil de sécurité c’est mieux !

Publie le samedi 22 août 2009 par Open-Publishing

« Honneur porter votre connaissance nouveau développement agression française sur territoire comorien stop Bafouant droit et morale internationale gouvernement français entend organiser référendum à Mayotte 8 février 1976 stop Or Mayotte partie intégrante territoire comorien en vertu même des lois françaises qui depuis 1912 reconnaissaient unité archipel en fait et en droit stop 12 novembre 1975 Nations Unies ont admis Etat comorien composé des quatre îles Anjouan, Mayotte, Mohéli Grande-Comore stop Devant cette agression caractérisée honneur vous demander réunir urgence Conseil sécurité pour maintien paix dans archipel et prendre toute mesure pour sauvegarder intégrité notre pays stop Haute considération stop et fin »

Ainsi était rédigé par feu Ali Soilihi, chef de l’Etat comorien, le télégramme qu’il avait adressé le 28 janvier 1976 au président du Conseil de sécurité (CS) de l’ONU. Le Groupe africain, par lettre de son président, le Guissau-Guinéen Gil Fernandez, en date du 3 février 1976, a demandé que le CS soit convoqué le lendemain pour discuter de la plainte des Comores.
Eh oui, c’est possible et ça s’est réalisé avec un franc succès diplomatique ! Moins de 3 mois après leur admission à l’ONU, les Comores avaient saisi le CS sur la question de Mayotte. Mais il faut dire que la diplomatie de l’époque était active et opportunément offensive. Cela peut arriver à nouveau, mais il faut le vouloir.

Dans Alwatwan N° 1344, A. A. Amir a écrit, à raison, que « tant que la France n’aura prouvé son intention claire de rouvrir des négociations sérieuses sur la question de Mayotte, les Comores n’ont aucune alternative que de revenir dans le circuit des Nations unies, le seul qui les protège des lobbyings et des pressions de toutes sortes. On ne peut rater la prochaine assemblée générale de l’Onu sous aucun prétexte » On ne peut qu’être d’accord avec lui.
Il est indéniable que les résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU nous sont utiles, nécessaires, voire indispensables. Encore faudra-t-il que l’AG de l’ONU ne soit pas utilisée comme tribune pour amuser la galerie par des invocations du style « Mayotte est comorienne et le restera », alors que consigne est donnée à l’auguste Assemblée de ne pas débattre de la question, qui serait traitée de façon bilatérale. Des discussions pour la "location de Mayotte à la France" ne seront-elles pas invoquées cette fois-ci pour justifier la mise en sourdine de la question à l’AG de septembre prochain ?

La sagesse et la raison voudraient que l’on passe à un cran au-dessus, compte tenu du stade critique atteint par le conflit qui nous oppose à la France. Comme l’a écrit Maître Elaniou, nous sommes passés de l’occupation à l’annexion pure et simple, sans que cela provoque une réaction conséquente de la part des autorités comoriennes. Les Comoriens seraient en droit de se demander pourquoi le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas encore été saisi. Je ne parle pas de la Cour Internationale de Justice (CIJ), car je sais qu’il y a des gens qui n’attendent que ça pour pouvoir nous expliquer que la France n’acceptera pas, n’ayant pas souscris à...etc. etc.
Elle pourrait pourtant être saisie, au moins, dans le cadre de sa compétence consultative car, même sans effet obligatoire, les avis consultatifs de cette Cour possèdent une haute valeur juridique ainsi qu’une grande autorité morale. « Ils constituent souvent un instrument de diplomatie préventive et ont des vertus pacificatrices [tout en contribuant] à l’éclaircissement et au développement du droit international et, par ce biais, au renforcement des relations pacifiques entre les Etats ».
Et pourquoi ne pas parler de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) qui « assure l’administration des arbitrages internationaux, des conciliations, et des commissions d’enquêtes dans des litiges entre États... », pour compléter la panoplie de moyens de recours potentiels dont ne se sert pas l’Etat comorien ?

Ce n’est pas du pédantisme, je me sais profane en la matière. Je suis juste un citoyen préoccupé par la situation, comme beaucoup d’autres. Et je crois bien faire en lançant comme cela des pistes exploratoires, que les diplomates et autres conseillers chevronnés peuvent éventuellement examiner, si ce n’est en cours ou déjà fait.

Les diplomates comoriens en charge du dossier serait bien inspiré, si ce n’est déjà fait, de lire attentivement les 36 pages du compte rendu de la 1888e séance du CS qui a eu lieu le 6 février 1976 de 15h00 à 21h30 et consacrée exclusivement au contentieux franco-comorien, après l’intervention remarquable et remarquée faite la veille par le Dr Said Omar Abdallah (Mwinyi Baraka), envoyé spécial d’Ali Swalih.

Les Comores étaient soutenues et défendues, les arguments de la France étaient admirablement démolis. Quand la France a invoqué son droit interne pour justifier l’occupation de Mayotte, le représentant de la République de Guyane a répondu que la communauté internationale ne peut être l’otage des problèmes intérieurs d’un Etat et que la France ne peut pas s’abriter derrière des conflits inhérents à ses propres processus constitutionnels internes.

Salim Ahmed Salim, au nom des 5 délégations auteures du projet de résolution soumis à l’approbation du CS, a parlé de la « futilité » de la ligne de conduite de la France et du danger que représente sa politique à l’égard de Mayotte, car pouvant mener à un affrontement constant, non seulement entre les Comores et la France, mais aussi entre le Gouvernement français et les Nations Unies, « parce que, de toute évidence, la position du Gouvernement français est contraire à la position des Nations Unies ». Le Benin, la Libye, mais surtout le Panama ont défendu avec force que, conformément à l’article 27.3 de la Charte, la France, en tant que partie au différend, ne devait pas voter. S. A. Salim a fait observer que le simple fait qu’il y ait eu des précédents, comme l’a invoqué la France, « n’oblige pas le Conseil à suivre lesdits précédents, surtout s’ils sont mauvais ».

En réalité, si talentueuse qu’elle ait été, la jeune diplomatie comorienne ne maîtrisait pas encore très bien les arcanes de la diplomatie onusienne (les maîtrise t-elle aujourd’hui ?). Le problème du vote de la France a été soulevé tardivement quand les gens étaient déjà fatigués, après 6 heures de débat. Il aurait été posé préalablement, toute autre serait la tournure. Ce sont justement les leçons à tirer par les diplomates même si, avec l’évolution du droit et de la coutume onusiens, il semble incontestable maintenant que les membres permanents du CS, parties à un différend, ne votent pas.

En tout cas, dans sa conclusion, l’ambassadeur Mwinyi Baraka n’a pas manqué de signifier que les Comores sortaient grandies de cette séance. Il a clairement dit que la France a abusé de son droit de véto et a exprimé la satisfaction de sa délégation de savoir que n’eût été ce veto le Conseil aurait adopté une résolution confirmant, réaffirmant et renforçant la position légitime de l’Etat comorien, qui est « la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale des Comores, composées des îles d’Anjouan, de la Grande-Comore, de Mayotte et de Mohéli », comme stipulé par la résolution 3385 (XXX) du 12 novembre 1975. « Nous sommes un petit pays (...) Mais nous sommes résolus aussi à voir la liberté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de notre pays sauvegardées et consolidées, et nous voulons que tous les Etats, dans leur politique et dans leur comportement à notre égard, reconnaissent et respectent ce fait. Nous n’attendons pas moins de la France ». Fasse Allah qu’il se trouve des diplomates qui suivent les pas de Mwibyi Baraka ! Amen.

Pour rappel et en vue des opportunités politico-diplomatiques, compte tenu que l’UA, la Ligue arabe, les Non-Alignés, soutiennent les Comores, notons qu’outre les 5 membres permanents, le CS est actuellement composé de l’Autriche, le Burkina Faso, le Costa Rica, la Croatie, la Libye, le Japon, le Mexique, la Turquie, l’Ouganda et le Viet Nam. La présidence sera assurée par les États-Unis en Septembre, le Viet-Nam en Octobre, l’Autriche en Novembre et le Burkina Faso en Décembre

Abdou Ahmed
Paris

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