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Sous-Préfet vs. Maria Vuillet, article Libé

Publie le vendredi 11 juillet 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

L’article de Libération de ce matin rend compte de l’audience d’hier.
JM


Outrage : le sous-préfet peine à justifier sa version des faits

de Gaël Cogné

Les mains jointes, elle supplie : « Je vous promets, sur la tête de mes ancêtres. Non ! Je ne l’ai pas dit. » Maria Vuillet raconte, minuscule pasionaria dans la grande salle de la 17e chambre correctionnelle de Paris où elle comparaît pour outrage. Cette mère de famille franco-colombienne, assistante sociale, martèle : « Il m’a dit : "Je représente la République." Je lui ai répondu : "Oui. Mais pas celle de Guy Môquet." » C’est tout, pour elle.

Mais de l’autre côté, droit dans son costume de sous-préfet, l’athlétique Frédéric Lacave ne bouge pas un cil. Il répète à voix basse, dos à l’assistance, sa version : « Nous avions un tête à tête. Je lui ai dit : "Il est utile de garder votre calme. Je représente l’Etat." Elle m’a répondu : "Vous représentez l’Etat. Sarko facho. Vous êtes facho." » Maria Vuillet fais un signe de tête en signe de désapprobation.

La scène a eu lieu le 22 octobre dernier, à la sortie de la station Guy Môquet dans le XVIIe arrondissement de Paris. Un petit collectif auquel appartient la fille de Maria Vuillet, étudiante en prépa HEC, proteste contre la « récupération politique » par le gouvernement du résistant communiste Guy Môquet. Du lycée Carnot, les manifestants se rendent à la station de métro. Frédéric Lacave y organise une commémoration au fusillé. Les militants brandissent des banderoles. Les slogans fusent. « Sarko facho, le peuple aura ta peau », rapporte la fille de Maria Vuillet, le sourire en coin.

Le sous-préfet avance sous les huées. « Houuuuuuu ! », mime Maria Vuillet qui admet avoir « fait pareil que les autres ». Elle a un échange avec le sous-préfet. Elle en sort menottée, placée en garde à vue, avec une plainte pour outrage. La procureur, Maud Maurel-Coujard, réclame 1 000 euros d’amende à l’assistante sociale qui en gagne 900 par mois. Maître Cyril Fergeon, avocat du sous-préfet, un euro symbolique.

« Facho ». Absent lors de la première audience, le sous-préfet assure avoir été « seul, avec [s]on chauffeur dans la descente de la station. » L’employé de la préfecture confirme : « Je l’ai entendu moi-même. Maria a eu « des paroles désobligeantes, voire insolentes ». L’homme aurait accompagné son patron jusqu’à la bouche de métro et entendu « vous êtes facho ».

Me Thierry Lévy, avocat de la défense n’en reste pas là : « Avez-vous été convoqué ? » ; « Par un coup de téléphone ou par lettre ? » ; « Par qui ? » Le chauffeur ne se souvient plus très bien, hésite. L’avocat avance ses pions : « Pourquoi avez-vous été entendu trois jours plus tard ? », « Avez-vous eu des conversations avec le sous-préfet ? » « Non ? » L’homme patauge, tapote nerveusement le micro. Il reconnaît avoir parlé avec son patron. « On a demandé au brave César de franchir le petit Rubicon », plaidera plus tard l’avocat.

La défense produit ses quatre témoins. Les uns n’ont pas vu le chauffeur dans la station avec le sous-préfet, les autres l’ont vu se tenir près du véhicule sans le quitter. Un dernier, qui aurait suivi l’altercation, assure qu’à « aucun moment », le mot « facho » n’a été prononcé et qu’à « aucun moment » il n’a vu le chauffeur lors de l’altercation.

Livide. De cette affaire d’outrage comme il en est arrivé plus de 30 000 l’an dernier, Me Thierry Lévy veut faire une affaire politique. Pour lui, il faut se souvenir du « Casse-toi pauvre con » de Nicolas Sarkozy. S’efforçant de montrer que le sous-préfet a porté plainte sur demande du préfet de région et donc du ministre de l’Intérieur, qui lui-même « n’agit pas sans l’accord du chef de l’Etat ». Il assène : « Comment peut-on admettre que celui qui incarne la République porte si gravement atteinte à l’autorité de l’Etat et qu’en même temps il engage des poursuites ? »

Me Cyril Forgeon regrette qu’on cherche à atteindre à travers son client, « un symbole de la République ». « Il est là parce qu’il a fait son devoir de fonctionnaire. » A propos du chauffeur, il ironise. Un complot ? « Il faut être plus modeste » et rester à l’outrage. Et de souligner que « soit M. Lacave ment, soit il ne ment pas. La relaxe ne pourrait reposer que sur le mensonge ».

Mais Me Thierry Lévy donne un dernier coup de poignard. « Tout le monde a le droit de mentir. Et [Frédéric Lacave] a menti grossièrement, tout à l’heure. » L’avocat tire de sa manche le procès-verbal d’un policier chargé de la sécurité pendant la commémoration. Il rapporte qu’au moment des faits, le sous-préfet était protégé par des policiers. « Nous formons un cordon de sécurité et entamons notre descente vers la station », cite l’avocat. « Vous étiez escorté par des policiers ! » Pour l’avocat, tout est clair. Le sous-préfet n’était pas seul avec son chauffeur lors de l’altercation. Livide, hué, le sous-préfet sort de la salle sans tourner le dos. Sur ses pas, Me Lévy sourit : « C’était marrant. » Jugement le 4 septembre.

http://www.liberation.fr/actualite/societe/338431.FR.php

Messages

  • C’est sûr, le mot facho peut être pris pour un outrage, mais si tout le monde en fait un slogan de manif d’opposition à un gouvernement fachisant, on voit pas pourquoi une seule personne qui probablement ne l’a pas prononcé via le sous-préfet, est rendue responsable pour des centaines.

    C’est ce qui s’appelle la politique du bouc émissaire.

    Quand j’étais gosse, l’instit faisait le contraire, si un seul l’insultait, et qu’il n’savait pas qui c’était, c’est toute la classe qu’était en colle, et il avait super raison. Il aurait pu prendre un innocent pour faire "exemple" à la place du couillon qu’avait peur de se dénoncer.

    Autres temps, autres moeurs. Bref.