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Sur le caractère impérialiste de la construction européenne
Publie le jeudi 11 août 2005 par Open-Publishing2 commentaires
Sur le caractère impérialiste de la construction européenne : Pistes à reflexion après le Non à la constitution
Jan Antony
Avant et après le référendum du 29 mai en France, il y a eu presque consensus général pour se dire que les quatre parties du Traité établissant une Constitution pour l’Europe n’ajoutent pas grand-chose aux chartes et aux traités européens existants, sauf la charte de droits fondamentaux pour certains nouveaux pays-membres - qui est même un recul par rapport à la déclaration universelle des droits de l’homme - et quelques modalités qui faciliteraient le vote à 25. Ainsi, le projet de Constitution ne comporterait, à part les définitions de l’Union et la charte des droits, que les grands axes des traités européens précédents (Rome, Maastricht, Nice...) et des éléments de directives actuellement en cours comme celle de Bolkestein. Pour les partisans de l’adoption du TCE, cette idée constituait l’un des arguments les plus souvent sortis pour convaincre le peuple français de l’accepter sans se faire de souci majeur : il n’y a rien de nouveau. Tandis que pour ses opposants de gauche, elle devenait l’un des piliers de l’argumentaire pour son rejet : une occasion à saisir pour voter contre ces traités et mesures antisociaux et antidémocratiques. Cet espoir de les renverser court toujours, même si tout le monde a également reconnu le fait que le rejet du traité n’impliquait en rien ce renversement, mais uniquement la possibilité de s’exprimer et d’ouvrir le « dialogue ». Nous avons bien vu depuis le 29 mai le progrès de ce « dialogue » en France, comme l’expression du Non est contrecarrée (non pas entendue, ni même réellement reconnue) par les forces pour le Oui par une agressivité préventive. Face au succès populaire du 29 mai, les perdants (le Medef, l’administration, les médias...) appellent ouvertement à verrouiller encore plus vite tout ce que les vainqueurs croyaient empêcher ou au moins retarder en faisant échouer la Constitution. Et afin de paralyser ceux-ci, ils arrivent même à les mettre sur la défensive en les accusant d’avoir fourni des armes contre la « construction européenne » aux eurosceptiques tels que les britanniques ou, pire encore, les néocons américains.
Alors on est devant de ce qui pourrait avoir les apparences d’un grand mystère : comment expliquer l’existence et l’importance, à cette conjoncture, d’un tel traité qui n’apparaît pas nécessaire, et l’extrémité de la panique désespérée des dirigeants de le faire passer ? Après le Non en France et aux Pays-Bas, des éléments financiers de l’establishment - banques, lobbies et industriels - sont plus clairs : l’intégration économique de l’Europe ainsi que les « réformes » en cours dans les différents pays vont se poursuivre avec ou sans cette constitution « libérale », et de son rejet il n’en résulte pas de crise économique. On n’a qu’à prendre en considération la situation aux USA - et ici même - pour reconnaître que l’un des slogans des partisans du Oui ne manquait pas de fondement : « le libéralisme n’a pas besoin de constitution ». Le fait d’avoir écrit en noir et blanc ses intentions d’imposer la « concurrence libre et non-faussée », et ensuite d’avoir eu l’audace de le passer par le peuple (au moins dans quelques pays) pour ratification par voie référendaire, pourraient paraître la plus grande naïveté de la part des dirigeants bruxellois, parisiens et berlinois : il y a des méthodes beaucoup plus efficaces et subtiles pour casser « le social ».
Mais, clairement, nous devons partir du principe que les politiciens ne sont jamais aussi naïfs, même si cette fois ils ont été particulièrement maladroits et ont sérieusement malmené leur affaire. Ainsi pour mieux nous orienter dans les batailles de l’après-Non, on doit analyser la Constitution et cette conjoncture plus profondément. Car il ne suffit évidemment pas d’avoir soutenu le Non à contre-courant et l’avoir fait emporter - il faut aussi gagner l’après-Non, et se débarrasser de toute attitude à la défensive face aux attaques des perdants relayées par pratiquement l’ensemble des médias qui leur sont acquis.
En effet, si l’après-référendum s’est caractérisé par une certaine désorientation chez les vainqueurs, c’est en grande partie dû à une argumentation erronée que nombreux d’entre nous ont tenue avant et après le vote : le TCE incarnerait une démarche fondamentalement économique, telle la libéralisation des marchés, la flexibilisation du travail et la vente aux enchères des services publiques, qui chercherait à forcer et à accélérer le remplacement des états de providence européens par un modèle néo-libéral anglo-saxon. Or, si cette « libéralisation » est bien envisagée par les rédacteurs du TCE, elle n’est pas sa raison d’être principale. Avant tout, la Constitution répond à une démarche politique qui cherche à approfondir la construction d’un bloc concurrent à celui des Etats-Unis - notamment sur l’axe germano-français (plutôt que franco-allemand) - avec l’intention d’agir sur le plan international de façon autonome. Autonome mais non pas « autrement » : les visées impérialistes de ce bloc sont de la même nature que celles des américains, non seulement à l’encontre des régions en dehors de l’Europe, mais aussi et en premier lieu vers les pays de l’Est récemment incorporés.
Evidemment, le fait que nous sommes face à une démarche fondamentalement politique ne veut pas dire que le projet de Constitution ne soit pas utilisé - à l’instar des précédants « moments forts » de la construction européenne - pour donner un bon coup d’accélérateur au processus de destruction des acquis économiques et sociaux qui se déroule depuis les années 80 dans des pays qui se croyaient à l’abri. En ce sens, les tenants du Non font très bien d’utiliser la campagne contre la Constitution pour mettre ce volet économique et social sur la table. Mais à condition de le comprendre comme un deuxième objectif majeur du projet, derrière cette prétention de former un bloc impérialiste concurrent aux Etats-Unis. Pour y arriver, il faudrait tout d’abord reconnaître d’avantage les visées impérialistes propres à l’Europe, et ensuite, nous ne devrions pas exagérer la puissance américaine au point de croire que les autres pays capitalistes développés lui rende soumission et se prêtent à placer leurs projets d’intégration dans la stratégie d’un seul Empire.
(Encore faudrait-il que la lutte contre le volet anti-social de la Constitution ne soit pas infectée par la mystification d’un prétendu « modèle social européen », des « valeurs spécifiquement européennes » et plus généralement, de cette tendance qui consiste à cibler le « libéralisme » comme la voie à rejeter et non pas le capitalisme tout court. C’est une question qui mérite une discussion bien plus approfondie que les quelques références que nous ferons dans cet article. D’autant plus qu’elle ne peut être abordée sérieusement sans dévoiler le caractère historiquement contre-révolutionnaire du « modèle social de marché », c’est-à-dire de sa nature impérialiste et son rapport avec l’affrontement international de « systèmes » qui a eu lieu pendant le XX siècle.)
C’est seulement ainsi, en hiérarchisant les différents objectifs que poursuit cette Constitution, que nous pouvons à la fois la rejeter et expliquer la diversité des réactions affichées à son encontre, surtout le contentement indéniable des gouvernements anglais et américains de la voir capoter. Ainsi nous n’aurons pas à forcer l’analyse de la réalité jusqu’à la nier, par peur de coïncider apparemment avec des expressions politiques si éloignés de nous, tant sur la scène nationale (le Non de droite) que dans la politique internationale. Par exemple, nous ne serons pas tentés de dire qu’un Blair, parce que « libéral acharné », fait du théâtre quand il déverse beaucoup moins de larmes qu’un Chirac ou un Schröder devant ce traité libéral agonisant. Tout simplement il nous apparaîtra clair que le Britannique a beaucoup plus à gagner de ses agissements bilatéraux auprès des pays de la UE (en partenariat avec son allié américain) que s’il doit respecter une politique commune forcément plus axée sur la puissance industrielle allemande. Donc, surtout pas besoin de rentrer dans le faux débat de discerner quel est le plus ou le moins « néo-libéral » entre les pays de l’Europe. Et, dans cette perspective, on ne sera pas amené non plus à fausser la réalité en disant que le TCE incarne les intérêts de l’impérialisme américain, une attitude forcée par la crainte que le rejet du traité mette le vent derrière des politiques américaines détestées. Car, en effet, cette crainte survient parce qu’on ne prend pas en considération que c’est justement en face du déclin de la puissance américaine que le bloc impérialiste en Europe est en train de se former - une « construction » que, en aucun cas, une politique progressiste ne saurait défendre.
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L’expansionnisme impérialiste ne se caractérise pas forcément par l’agression militaire directe et immédiate. Ce qui importe, c’est d’abord l’objectif stratégique de créer une sphère de contrôle économique et politique, auquel l’élément militaire se soumet et s’adapte en tenant compte aussi des contraintes internationales. L’annexion, sans subventions substantielles, des pays de l’Est par les pays fédérés autour du moteur économique qu’est l’Allemagne, relève de la stratégie impérialiste. Certes, on pourrait la qualifier de « soft », surtout lorsqu’elle se compare aux agissements américains, mais en fin de compte, c’est aussi de l’impérialisme dont il s’agit. Il n’importe que les dirigeants de ces pays ouvrent leurs portes volontairement et mènent des politiques extraordinaires afin d’attirer des investissements directs étrangers (des taux d’imposition très bas sur les entreprises, etc.). La vente des ressources de ces pays (ressources naturelles, humaines et de l’infrastructure) se fait par et à travers les gouvernements en place, comme souvent dans le monde néocolonisé. L’expansion européenne facilite et présuppose l’ouverture de ces ressources et marchés au capital étranger, pour la plupart allemand, qui est parti à la conquête des pans entiers des économies de ces nouveaux adhérents de l’Europe. Les investissements directs étrangers se servent des ressources et de la main-d’œuvre à très bas prix, paient peu d’impôts, et reconduisent les bénéfices à l’étranger. Comme les zones définies par l’ALENA et la ZLEA (et d’autres traités qui, comme le TCE, sont apparentés aux règlements de l’OMC) la zone européenne à 25 ne se fait pas entre égaux - et ces traités comportent des éléments qui empêchent toute égalisation, toute « harmonisation vers le haut ». Toutes ces zones de libre-échange coïncident avec les sphères de contrôle économique sinon militaire des pays impérialistes ; celle qui se construit en Europe recouvre la sphère appartenant à un noyau de pays ouest-européens dont les intérêts convergent. La démarche politique à laquelle répond cette constitution est la consolidation du pouvoir de cet axe germano-français, visible surtout dans les amendements aux dispositifs de vote au sein du conseil des ministres. Le TCE diminue sérieusement le champ du véto et il met fin au système de pondération de votes
(avec ce poids exceptionel qui avait été accordé comme concession à l’Espagne et à la Pologne dans le traité de Nice), le remplaçant avec un vote à majorité qualifiée qui favorise les pays qui ont le plus d’habitants - l’Allemagne et la France.
Pour bien comprendre la formation des zones de contrôle régionales autour des puissances capitalistes en concurrence, nous devons laisser tomber l’idée, très répandue parmi les altermondialistes, que nous assistions à une mondialisation du capital “post-moderne” déconnecté des démarches étatiques. Les Etats servent à et sont nécessaires pour protéger et faciliter les intérêts capitalistes dans leur envergure. La caractérisation du bloc européen comme un impérialisme « multilatéral » et « volontaire » (un « empire coopératif »), comme le fait Robert Cooper, ancien conseiller de Tony Blair et maintenant adjoint auprès de Javier Solana, chef des affaires étrangères de l’UE, vise uniquement à cacher et à couvrir le fait qu’il s’agisse plutôt d’une politique bien au service des intérêts impérialistes d’un noyau des pays de l’Ouest du continent. Un impérialisme qui s’habille en coopération, cachant l’identité de ceux qui tireraient le plus profit de cette expansion, c’est une méthode efficace et peu cher de prendre le contrôle des ressources étrangères ; et d’ailleurs, elle s’adapte aux contraintes militaires sous lesquelles l’intégration européenne se déroule depuis toujours. Le fait de ne pas voir les intérêts capitalistes nationaux derrière les politiques “libérales” qui sous-tendent l’expansion européenne conduit à une confusion handicapante. En ce sens, l’usage courant des termes “libéralisme” et “néolibéralisme” pour indiquer le marché sans maître tombe dans le piège qui consiste à penser qu’un marché sans maître soit possible - la « concurrence libre » ne se fait pas entre égaux, c’est la loi du plus fort.
On peut alors déceler les raisons pour lesquelles il était nécessaire de verrouiller l’interdiction d’un « marché faussé » dans le TCE : si, par exemple, la Hongrie voulait protéger une jeune industrie contre des concurrents ouest-européens avec des subventions, elle ne le pourrait pas. Si la Pologne voulait nationaliser son réseau de télécommunications (qui a été acheté par France Télécom en 2000), ou subventionner un concurrent polonais, ce serait également interdit. Le refrain dans le TCE en faveur d’une « concurrence libre et non-faussé » sert à forcer l’ouverture des marchés et des ressources des pays de l’Est, comme les politiques d’ouverture menées à travers les conditions d’ajustement structurel exigées par le FMI envers les pays sous-développés. Les conditions d’austérité mises en place par l’agenda de Lisbonne reprennent également les exigences du FMI. Mais le fait que la consigne de « marchés non-faussés et hautement compétitifs », ainsi que toutes les mesures de restrictions budgetaires et de subventions, etc., soient avant tout des outils au service d’une politique impérialiste, est visible dans le fait que c’est des pays comme l’Allemagne et la France qui ont la liberté de les négliger en impunité au nom de doper la croissance de toute la communauté européenne. En effet, ce sont des contraintes surtout pour les autres, et un peu moins pour ces pays surdéveloppés de l’Europe de l’ouest d’où partent des grands conglomérats - eux, bien protégés par leurs Etats forts - envers des pays qui ne pourront mettre en place pratiquement aucun barrage protectionniste. Et les pays les plus puissants prendront la liberté même de « fausser » le marché en leur faveur, par exemple en exigeant que la Pologne n’achète plus jamais de Boeings, et qu’elle favorise l’entrée des entreprises et des investissements directs européens et non pas américains. De plus, comme on le sait bien, les pays dominants ont besoin d’assurer autant que possible une stabilité politique et sociale chez eux ; entre autres raisons, pour que leur politique extérieure de domination soit suffisamment consentie par leurs « citoyens ». C’est là où se trouve une autre raison pour laquelle ils se permettent quelques exceptions à ces règles : leurs marchés sont « faussés » d’avantage que ceux des nouveaux pays-membres, dans la mesure où les exigences sociales trop proches de leurs « sièges de commandement » le rend nécessaire. Par exemple, on concède, dans les pays les plus puissants, des subventions pour les mêmes services publics qu’on demande aux autres pays (surtout aux nouveaux membres) d’ouvrir à la privatisation (étrangère).
Il est clair que la formation d’un bloc impérialiste nécessite la mise en place d’une politique unique au service d’un pays ou d’une alliance des pays les plus puissants. C’est encore plus vrai lorsqu’il y a 25 pays à « gérer ». Or, parmi les pays les plus forts de l’UE, on est loin d’arriver à l’unanimité pour s’accorder une politique unique. Une forte division règne entre ceux, comme l’Angleterre, soutenus par les Américains, qui veulent profiter d’un grand marché européen mais justement sans que celle-ci ne devienne une puissance politique concurrente aux Etats-Unis ; et d’autre part, un groupe de pays autour du noyau germano-français qui veut disputer le contrôle historique sur l’UE de ces derniers pour accroître son influence. C’est dans ce dernier groupe qu’a surgit le besoin d’une Constitution, dont le projet actuel a été évoqué pour la première fois par le ministre des affaires étrangères allemand, Joschka Fischer. La célèbre dichotomie de modèles économiques (« modèle libéral anglo-saxon » / « modèle social européen »), relayée non pas seulement par les tenants du Non mais aussi par des dirigeants qui sont tous d’accord pour s’attaquer aux acquis sociaux, reflète en grande mesure cette division dont nous parlons. Plus précisément, ce discours de deux modèles économiques est une arme qui sert à masquer la division purement politique entre ces deux idées de la construction européenne, utilisée surtout par le noyau germano-français pour renforcer leur position, et auquel les britanniques répondent qu’ils soutiennent aussi un « modèle social ». Et dans les propos des dirigeants continentaux, « le modèle social européen » sert aussi comme propagande pour une identité spécifiquement européenne à l’encontre d’un projet hégémonique américain dont les failles deviennent de plus en plus apparentes.
Et ici on peut voir une autre mauvaise argumentation soutenue par une grande partie des opposants du TCE, avant et après le vote. On ne voit qu’un Empire, celui des Etats-Unis. Or, bien que l’impérialisme américain soit encore le plus puissant, il est franchement en déclin, et son hégémonie est de plus en plus contestée à l’intérieur du monde capitaliste même. Ce bloc européen qui se crée autour de l’axe germano-français veut prendre sa place, sans pouvoir afficher ouvertement ses intentions. L’argument, très répandu parmi les tenants du Non, qui consiste à dire que cette constitution soumettrait l’Europe aux intérêts américains, non seulement parce qu’elle incarnerait un modèle économique « anglo-américain », mais aussi parce qu’elle ne permettrait aucune politique de défense hors du cadre de l’OTAN, est né de cette mécompréhension. La clause sur l’OTAN (I-41) n’entre pas en contradiction avec les prétentions à court et à moyen terme de l’axe germano-français. Le TCE exige aux Etats-membres de s’engager à « améliorer progressivement leurs capacités militaires », ce qui forme une politique commune de sécurité et de défense qui est « compatible » avec l’OTAN, mais ceci ne signifie nullement une soumission de cette politique à l’OTAN. Cet axe vise surtout à bâtir une politique commune de sécurité et de défense qui permette un engagement militaire à l’intérieur de l’Europe (des attaques terroristes), à sa périphérie (du type de celui qui a éclaté dans les Balkans) et même ailleurs (l’intervention « Artemis » au Congo en 2003...) sans avoir besoin de faire appel aux Etats Unis. Le document rédigé par J. Solana en 2003 et adopté par l’ensemble des états européens, « Une Europe sûre dans un monde meilleur », appelle à la militarisation active de l’Union ayant pour mission « un engagement préventif » envers des « menaces lointaines ». Mais en ce qui concerne des éventuels conflits majeurs avec un pays tiers (la Russie par exemple), l’OTAN (donc, les Etats Unis) serait toujours la bienvenue au sein de UE au-delà des divisions mentionnées, étant donné le manque actuel de développement militaire européen encore approprié a ce type de conflit. La consolidation d’une politique étrangère commune est essentielle aussi pour empêcher les pays européens périphériques de participer à ces guerres américaines qui seulement cherchent à prolonger une hégémonie en déclin.
On voit l’importance donnée au renforcement de cette politique commune de sécurité et de défense dans les différentes déclarations, juste après le rejet du TCE, que ce qui est « récupérable » de ce traité et qui peut être mis en place malgré le vote, est avant tout la création d’un poste de ministère des affaires étrangères. J. Solana, qui prendra ce poste, avait appelé (dans un entretien accordé à la International Herald Tribune juste avant la visite de Bush à Bruxelles en février 2005) à la « création d’un système d’alerte précoce pour désamorcer des tensions trans-atlantiques », afin de « résoudre les problèmes avant qu’ils n’arrivent sur la table ». Cette déclaration autour des tensions qui ne sont évidemment pas de nature militaire, à cette date et dans la presse américaine, ne pourrait qu’être malvécue et considérée par les américains comme un élément aggravant.
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L’obsession européenne de se comparer avec les E-U, soit pour l’imiter, soit pour éviter son sort, sature toute la gamme politique et le plus souvent ces réflexions servent à renforcer l’idée de l’Europe-puissance face à l’empire américain. Même certains partisans du Non critiquent le TCE et la BCE parce qu’ils ne seraient pas à la hauteur de leurs équivalents américains (le TCE ne serait pas aussi simple et lisible que la constitution américaine, et la BCE ne serait pas soumise au même « contrôle démocratique » que la Fed !) - comme si ces équivalents étaient véritablement au service du peuple. L’exageration de la puissance d’un impérialisme en déclin a beaucoup contribué à notre aveuglement envers un autre en formation. Le raisonnement selon lequel on devrait promouvoir une Europe forte, afin de contrecarrer les E-U - n’importe si ça s’est traduit en un vote pour le Oui ou pour le Non - ne nous avance pas dans la lutte anti-capitaliste et anti-impérialiste, dans la perspective du socialisme à niveau international, qui est le vrai défi devant nous. Il faut considérer ces impérialismes en concurrence comme des clans mafieux en lutte, sans prendre partie de l’un ou de l’autre. Ce qui exige que l’on voie clairement les contradictions interimpérialistes qui inexorablement se développent dans le monde capitaliste, qui ont provoqué les guerres du XXe siècle et que la guerre froide a beaucoup contribué à mettre en sourdine.
Messages
1. > Sur le caractère impérialiste de la construction européenne, 11 août 2005, 19:47
Le TCE avançait des frontières ouvertes aux mouvements de capitaux, une BCE confirmée hors contrôle d’un embryon d’état européen, l’interdiction de politiques économiques d’état ET la soumission à l’OTAN sous contrôle de fait américain.
Le TCE n’était donc pas l’outil idéal pour construite une Union Européenne Imperialiste.
Peut-être une version d’état policier aurait pourrait en naître ?
Très loin de là.
Qu’il y ait une convergence de fait, par la force des choses, vers des forces militaires européennes de + en + intégrées, des outils industriels et logistiques avançant vers + d’independance, nul doute.
Mais trouvé celà dans le TCE... hum hum hum...
Je ne vois pas réellement ça...
Et une partie de la réponse me parait être dans les compositions des capitaux des grandes entreprises européennes.
2. > Sur le caractère impérialiste de la construction européenne, 13 août 2005, 17:28
Depuis sa naissance l’UE se donne la mission d’affaiblir les Etats pour IMPOSER aux populations les lois du capitalisme contre les lois nationales. Des millions d’individus sont sciemment INDUITS EN ERREUR sur une appartenance commune largement fictive...Dans les partis de "gauche" en France on est incapable d’exprimer ce constat...cela aussi explique pourquoi la victoire du 29 mai n’effraie pas le patronat.