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Un enseignant à Carpentras est jugé pour avoir défendu un passant violemment battu par la police

Publie le vendredi 24 juin 2005 par Open-Publishing

Coups et insultes au « pays de Montaigne »

Brice Petit, enseignant à Carpentras, est jugé pour avoir défendu un passant violemment battu par la police.

de Pierre DAUM

C’est la parole de policiers contre la parole de professeur. Version des policiers : lors d’une intervention, vers 23 heures, pour séparer trois hommes en train de se battre dans une rue passante de Montpellier, un spectateur serait intervenu, et leur aurait hurlé à la figure : « Vous êtes des nazis, des SS, des racistes antisémites, retourne à l’école, tu es un facho ! » Version du spectateur ­ Brice Petit, professeur agrégé de lettres dans un lycée de Carpentras ­ : il sort d’un restaurant avec un ami, entend des cris, voit un attroupement, s’approche, et découvre plusieurs policiers en train de s’acharner sur un homme maîtrisé au sol, les mains menottées, et la figure « baignant dans une mare de sang ». Parmi les badauds, interloqués, personne ne réagit. Lui s’avance, et leur demande d’arrêter de maltraiter l’homme à terre : « Dans le pays de Montaigne et de Voltaire, il est indigne de traiter ainsi un être humain ! » L’enseignant se retrouve embarqué au poste, passe douze heures en garde à vue, après avoir subi l’humiliation de la fouille au corps.

Une année après les faits, il comparaissait devant le tribunal de Montpellier pour « outrage à personnes dépositaires de l’autorité publique ». Les trois policiers plaignants se sont présentés escortés de quatre collègues présents ce soir-là. Eric, membre de la BAC (brigade anticriminalité), tournait le dos à la scène. Il a cependant entendu le mot « facho », mais « pas d’autres insultes ». Laurence, de l’équipe de police secours, se souvient : « Au milieu de la foule, M. Petit ne cessait de vociférer, hurlant que nous étions des nazis et des SS ». Propos qu’elle a oublié cependant de rapporter dans l’attestation qu’elle a rédigée trois mois après les faits. Le gardien de la paix Bruno se souvient « très clairement » d’un mot : « fasciste », que personne d’autre n’a entendu. Le quatrième, placé « à 60 mètres de la scène », a par contre tout entendu.

Grâce à un hebdomadaire local, le professeur a réussi à réunir le témoignage d’une dizaine de personnes. Toutes insistent sur deux points : l’« extrême violence » utilisée par les policiers contre un homme à terre baignant dans son sang, et le « calme » de ce spectateur. Tous ont entendu la référence à Montaigne et Voltaire, et certifient que les mots « nazis », « SS », « fachos » et « antisémites » n’ont jamais été prononcés. Le procureur, visiblement très mal à l’aise, s’est contenté d’admettre que Brice Petit « a pu » proférer ces insultes, et a réclamé 500 euros d’amende. Pour la défense, François Roux, lui, a raillé la « récitation mal apprise » des policiers. L’avocat a cité le récent rapport de la Commission de déontologie de la sécurité, dénonçant « cet esprit de corps » qui conduit les policiers à « uniformiser leur déposition aux risques de couvrir des actes illégaux ». « Je sais que vous ne direz jamais que les policiers ont menti, a-t-il dit au tribunal. Il vous reste cependant la possibilité de dire que l’accusation n’est pas suffisamment établie. »

Jugement le 31 août.

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