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météo tragicomique

Publie le mardi 22 juin 2010 par Open-Publishing
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CE MERCREDI 23 JUIN 2010

A 18H30

C’EST « L’HEURE DE L’METTRE »

Sur RADIO CAMPUS Lille 106,6

En direct et en archives sur www.campuslille.com

On verserait facilement dans le chauvinisme par les temps qui courent. Même nous. Un soupçon de fierté patriotique pèse sur les plus fervents internationalistes raisonnant à l’ombre de leurs clochers. En France. En France et là, seulement là semble-t-il, une débandade sportive exemplaire peut devenir une affaire d’Etat, un fait social bouleversant.

Jusqu’à la faillite des « Bleus », ce peuple où l’Histoire a longtemps frémi, ce peuple-là – la France, semblait assoupi quand les coups pleuvaient. On détricotait ses conquêtes, on l’humiliait dans son être, on le paupérisait, on l’avilissait. Et, pris dans les pièges des fins de mois, sclérosé par le discours ambiant tout en fatalités, le Bleu de France semblait ne devoir que consentir.

Il y avait un fossé entre le réel et ce que le discours en dit. Entre ce que nous vivons, où tout semble prendre l’eau, où nous perdons pied, et ce qu’on nous en dit, maintenant l’illusion d’une Nation unie face à la Crise. Il n’y a pas d’équipe. Merci aux prolétaires emmilliardisés de nous l’avoir révélé, dans toute l’inconscience et l’égoïsme de leurs vingt ans et de leurs millions.

Il ne doit pas y avoir d’esprit d’équipe : comme disait l’autre, les footballeurs n’ont pas de patrie. Nous n’avons rien de commun avec ceux qui nous dirigent. Cette réalité simple, il fallait la médiatiser. Or, les medias ont pour fonction de la masquer. Pris au piège, car ayant mis en scène la grande foire où tous doivent communier par delà les classes, ayant misé le paquet sur l’évènement, ce qui devait être une grand messe pompeuse s’est transformé en psychodrame pénétrant.

Il est remarquable que chacun, de quelque côté de la barricade que ce soit, ait spontanément compris et interprété la déroute des « Bleus » comme une métaphore du pays et de ses cassures. Interprétation nationaliste, ceux qui condamnent la racaille bronzée inculte et ignorante de notre Marseillaise. Interprétation sociale, quand on lit dans la farce des vestiaires tout le tragique d’un pays livré à la voracité du profit, et où chacun est convié à surpasser son voisin pour obtenir un peu de cash – la reconnaissance dit-on.

Mais la métaphore s’arrête vite. Certes, on peut noter que, ainsi que dans nos rangs, il y a un jaune chez les bleus. Que, en face de la fiction de l’autorité morale, républicaine et franchouillarde, il y a une réalité qui ne veut plus mouiller le maillot. Mais ça s’arrête là.

En effet, il n’est qu’à compter le taux de grévistes chez les « Bleus » : il n’y a pas à dire, l’esprit d’équipe est nettement supérieur à la conscience de classe. Et puis, comment se reconnaître aujourd’hui dans ces modèles d’hier ? Il y a chez le supporter, un fort sentiment de cocufiage, celui-là même qui naquit en 2007, alors que le héros du pays s’en allait, du Fouquet’s au yacht de Bolloré, enterrer encore vivantes les illusions plébiscitées en tribunes.

Le mépris soudain pour le train de vie et les extravagances de quelques parvenus arrogants peut enfin s’exprimer. La bourgeoisie, propre sur elle, blanche et polie, qui tient la caisse et entretient les journaux sans jamais chausser les crampons, est-elle la mieux placée pour fustiger l’argent facile et ce qu’il entraîne ? Devra-t-elle, en plus que de moraliser son capitalisme – vaste programme -, moraliser le football ?

Il semble que derrière le dégoût du pays pour ses « Bleus », s’exprime un rejet grandissant envers le bling bling des médiocres qui, se gavant, prétendent gouverner. Un rejet grandissant de cette vulgarité crasse de quelques intérêts égoïstes, prêts, s’il le faut, à saboter ce qu’il nous reste de précieux : retraites, protection sociale, libertés, tout ce qui peut nous unir, ils le divisent.

Il apparaît aujourd’hui, via les errements d’un jeu de balle, que ceux qui sont disqualifiés ne sont pas nécessairement ceux qu’on nous présente. C’est un premier pas.

Il en faudra d’autres pour éviter le pire.

Il se peut qu’on évoque ceci et bien d’autres choses ce mercredi, avec notre camarade Saïd Bouamama. Il nous livrera son bulletin météo mensuel, relatif au climat social en temps de crise.