Accueil > réponse à la réponse de BC à clampin
« Nous sommes convaincus que nos lecteurs sauront apprécier à sa juste valeur le texte de ce « clampin », un exemple parmi tant d’autres de ce que, hélas, nous recevons, particulièrement en ce moment si sombre pour nos pays. »
Au risque de passer à mon tour pour une « maline » déguisée en « pacifiste », une « provocatrice » ou une qui « vit sur la lune », je me permets à mon tour d’intervenir suite à la réponse du collectif Bella Ciao à la lettre de Clampin.
Je fréquente régulièrment le site de Bella Ciao depuis environ deux mois. Habitant un petit village dans le sud de la France, il n’est pas malaisé de comprendre que le noyau d’« activistes » ici se réduit à une poignée de personnes. Nous faisons ce que nous pouvons, avec l’énergie que nous pouvons mobiliser pour oeuvrer à notre échelle, là où nous vivons, à une société émancipatrice. Nos actions peuvent sembler dérisoires à l’échelle des grandes causes et grandes mobilisations, mais bon... Nous ne voulons pas juste rester un groupe de péquenaud(e)s vaguement révoltés mais aspirons à fédérer nos forces à toutes celles qui ailleurs luttent et tentent de construire des mondes habitables. Je viens donc sur le site pour trouver certes des informations, des rendez-vous pour l’action, mais le plus souvent tout cela se passe loin, dans les grandes villes et nous ne pouvons toujours nous déplacer. Alors, je viens surtout sur le site pour trouver des analyses, des réflexions, des propositions qui nourrissent les nôtres et nous aident à nous positionner plus clairement sur ce que nous voulons et dans quel sens orienter nos actions. Il me semble que c’est un des principaux intérêts de ce site que d’offrir à tous ceux qui agissent ici ou là, parfois seuls ou si peu nombreux, d’agir ensemble quand c’est possible et de nous questionner ensemble.
Je ne souhaite pas faire l’apologie de Clampin, que je ne connais pas, mais il se trouve qu’à plusieurs reprises je suis tombée sur ses commentaires et contributions sur des questions que je cherchais de mon côté à éclaircir. Il se trouve également que j’ai été à chaque fois touchée par ses propos. Je l’ai remercié intérieurement pour ses prises de position dans le fil « Le mouvement anarchiste peut-il contribuer à tolérer le sexisme en son sein ? » Son récent article « Temps, conceptions et finalités du travail » m’a grandement intéressé et j’étais hier en train de travailler à un texte que j’imaginais mettre en commentaire afin de participer à ce débat sur le sens et la valeur du travail qu’il me semble tout à fait indispensable de mener. Voilà que je tombe sur son texte « Des ambiguités lues ici » puis sur la réponse du collectif. Cette réponse, je l’ai lue avec attention, mais elle ne me semble pas répondre à la question que j’ai reconnue dans le premier texte et qui moi aussi m’a mise mal à l’aise tout au long des discussions sur les sujets qu’il mentionne (Battisti, Cantat, A.D....)
Cette question, telle que j’ai cru la reconnaître, serait la suivante :
Pouvons-nous dans la défense d’Untel ou d’Unetelle, proche de nos sympathies et convictions, nous dispenser d’un questionnement éthique sur les actes qui leur sont reprochés ? (Je préfère le terme d’éthique à celui de morale.)
Pour tâcher de mieux me faire comprendre :
Voilà Untel ouUnetelle. Il ou elle est proche de nos convictions ou sympathies (mon frère, ma soeur, unE oppriméE, unE gauchiste, unE révolutionnaire, un gars, une garce (eh oui !...) bien quoi...). Untel ou Unetelle commet tel ou tel acte. Cet acte est jugé répréhensible (par l’Etat, par la presse qui ment, par tel ou tel gouvernement, par la classe dirigeante... mais aussi par bon nombre de personnes qui ne sont ni nos camarades, ni nos ennemis, de classe ou autres...) Untel ou Unetelle va être jugé pour ces actes. Nous le défendons. Soit.
A présent, il me semble que nous devons être clairs sur ceux ou ce que nous défendons, et pourquoi nous le défendons. C’est-à-dire que je pense que les unEs et les autres nous devons prendre clairement position et sur les actes, et sur la personne, et sur le traitement qui lui réserve la « justice de notre pays ».
Dans les cas cités par Clampin, il y a une ou des personnes qui en ont tué une ou des autres, et comme Clampin, je suis viscéralement persuadée qu’un mort est un mort. C’est d’ailleurs peut-être le seul lieu où nous sommes vraiment égaux, la mort...
Donc, il y a eu mort d’homme.
Que le traitement réservé à ceux qui ont tué soit inique, chargé de revanche et de volonté de contrôle social par une justice et un système pénal au service des oppresseurs et du capitalisme, c’est parfaitement clair et il faut agir contre cela. Oui, Joelle Aubron et les autres doivent être libérés parce que les conditions de détention sont intolérables, parce que peut-être ces cas-là pourraient permettre de dénoncer également les conditions faites à tous ceux qui, anonymes, n’ont pas mené d’action assez spectaculaires (ou directes ?) pour qu’on sache leur nom ou leur visage. Oui, il faut empêcher sans doute l’extradition de Cesare Battisti (Le sans doute signifie seulement que je connais mal cette question et que ma position est prudente du simple fait de mon ignorance).
Mais les unEs et les autres, moi y compris, sommes-nous si sûrs d’être tout à fait clairs quant aux actes qu’on leur reproche ? Cas de figure : Aurons-nous plus de clémence pour AD que pour un facho qui jette un arabe à la Seine ? Considérons-nous vraiment ces deux actes comme comparables ?
C’est cette question que Clampin soulève et sur laquelle il se positionne clairement, d’un point de vue moral : "Il n’y a pas de morale ambigue. L’ambiguite morale, c’est l’absence de morale." Et effectivement, vous êtes fondés à répondre : "Si quelqu’un fait de la morale, c’est bien le clampin."
Non seulement il se positionne, mais je lis également son texte comme un appel à chacun d’entre nous à se positionner sur ces questions, c’est-à-dire à engager la réflexion et le débat sur les valeurs qui président à l’action et sur les jugements de valeur que nous portons.
A cet égard, la réponse du collectif Bella Ciao ne me satisfait pas et ce, pour deux raisons.
Premièrement : Vous ne répondez pas vraiment sur le fond, mais sur le fait que les commentaires que cite Clampin émanent d’organisations nazies. Ce fait, incontestable, ne devrait pas nous autoriser à nous dispenser de nous poser certaines questions. Malheureusemnt, j’y vois surtout le signe que nous n’avons pas entre nous (que je suppose non nazis) abordé sans concession ces questions de fond. Et nous devrions nous interroger sur le fait que justement il nous faille attendre pour commencer le débat que ces provocations nous soient lancées à la gueule par des personnes parfaitement organisées pour saturer un site et le rendre illisible, personnes qui ne souhaitent que semer le trouble et la discorde, pour commencer... Il est si facile de nous diviser...
Deuxièmenent : Votre réponse pourrait être interprétée implicitement. Vous faites , semble-t-il une différence de traitement suivant que les actes émanent de ceux-ci ou de ceux-là. C’est ainsi du moins que j’interprète la dernière phrase du quatrième paragraphe. Première partie de la phrase, vous établissez une gradation entre « ne pas approuver » et « condamner » : "non seulement nous n’avpprouvons pas mais nous condamnons tous les actes de violence [des] années de plomb". Deuxième partie de la phrase : ce qui est CONDAMNÉ : les attentats fascistes ; ce que vous N’APPROUVEZ PAS : les idées et les actions des Brigades Rouges, de Première ligne, etc... [Notons également qu’il est avéré que dans la communication orale, la forme négative permet surtout d’entendre le verbe, il vaut mieux dire à un enfant « marche » que « ne cours pas », sinon il entend « cours »...]
Pour finir, je fais mienne la phrase de Clampin « Il n’y a rien de plus nocif que défendre une cause avec de mauvaises raisons. Ou pire, en croyant défendre une cause humaniste, y adjoindre un plaidoyer pour la barbarie. » Non que j’estime que les orgas nazies dont vous parlez sont d’innocentes victimes et Bella Ciao et ses utilisateurs, dont je suis, des barbares. Non, nous ne sommes pas les barbares, mais fermer les yeux sur ce qu’il y aurait de barbarie en nous serait simplement malhonnête. Nul et nulle d’entre nous n’est pur et la position juste, donc l’action juste, me semble devoir être cherchée et inventée à chaque fois. C’est là la moindre des exigences si nous nous réclamons de l’humanité.
Amicalement,
péquenaude