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JAITAPUR : 95% d’opposants au nucléaire. Un manifestant tué par balles

Publie le jeudi 21 avril 2011 par Open-Publishing

Chronique "A rebrousse poil"
Audrey Pulvar
06:13 France Inter jeudi 21 avril 2011

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Bis repetita

Ils n’en veulent pas, les riverains. Ils sont mobilisés depuis des mois, pour contrer le projet d’implantation de six réacteurs EPR dans leur région, projet dans lequel Areva prend une grande part. Les habitants de Jaïtapur refusent en bloc le projet industriel et les indemnisations, malgré un prix record de rachat de leurs terres, promis par les autorités.

95% des 40 000 personnes qu’il faudrait déplacer pour implanter cette méga-centrale nucléaire rejettent les propositions des autorités indiennes. 95% d’opposants, donc, selon la presse indienne. Ce n’est pas rien.

Croyez-vous qu’ils soient écoutés ? Le gouvernement indien balaie d’un revers de main leur mécontentement. Enfin, lundi c’était même d’un revers de balle, mais on va y revenir.

Pourquoi cette opposition massive ? Peut-être parce que la région de Jaïtapur est considérée comme l’une des plus riches, en biodiversité, de la planète, qu’elle abrite des milliers d’espèces de végétaux des centaines de mammifères, oiseaux et amphibiens dont 325 au moins, d’après Greenpeace, font partie d’espèces menacées d’extinction. Peut-être parce que les agriculteurs et les pêcheurs de la région, craignent les conséquences sur l’environnement d’un site nucléaire si vaste. Notamment du fait des milliards de litres d’eau, à une température plus élevée que celle de la mer, rejetés par les circuits de refroidissement de la centrale.

Au-delà, les habitants redoutent un accident nucléaire massif, alors que le partenaire sur place d’Areva, la Nuclear Power Corporation of India, leur promet de faire sortir de terre, avec ce projet, « le plus grand complexe nucléaire au monde » !

Le contrat avait été signé en décembre dernier, lors de la visite d’Etat en Inde de Nicolas Sarkozy. Finalisé, il devrait s’élever à 10 milliards d’euros. Et pourtant, pointent les associations écologistes, ce complexe, c’est la même folie qu’à Fukushima. La région de Jaïtapur est classée zone à risque sismique majeur, sous-tendue par trois failles tectoniques. Depuis l’accident de Fukushima, les opposants au projet son bien sûr encore plus mobilisés.

Plusieurs centaines d’habitants de la région manifestaient ce lundi. D’après les autorités locales, ils se seraient livrés à des déprédations impossibles à contenir sans passer par l’option tir à balles réelles sur la foule. Résultat, un manifestant tué.

Mardi, de nouveaux incidents ont éclaté aux abords de l’hôpital où le manifestant tué devait être autopsié. Des routes ont été bloquées, des pneus enflammés, des bus de transport public la cible de jets de pierre.

Puis les obsèques du manifestant se sont finalement déroulées dans le calme. Et maintenant ?

La mobilisation continue. Les manifestants ont le soutien de plusieurs intellectuels et scientifiques indiens.Ils pointent les risques du projet et surtout le fait que, selon eux, aucune agence indépendante n’est pour le moment, en Inde, en mesure d’évaluer et de certifier la technologie de l’EPR.

Mais pour le gouvernement indien, pas question de céder devant « des forces hostiles à la croissance de l’Inde ».

© Audrey Pulvar

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/chro/a-rebousse-poil/