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Le Conseil d’Etat veut liquider définitivement la laïcité

par LP

Publie le mercredi 27 juillet 2011 par LP - Open-Publishing

Un courrier de Marc Bondel :

Monsieur le Président de la République,

Il m’appartient au nom de la Fédération Nationale de la Libre Pensée, association des libres penseurs qui s’honore d’être la plus ancienne association libre de notre pays et qui depuis sa création a rassemblé, en dehors de leurs engagements politiques partisans, des citoyens déterminés à promouvoir la liberté de conscience et la vie démocratique dans notre pays, de vous informer des inquiétudes et réserves que provoquent dans nos rangs le comportement et les violations permanentes du gouvernement des principes républicains, plus particulièrement dans le cadre de ce qu’on appelle la laïcité.
Régulièrement nos organisations sont dans l’obligation de saisir les tribunaux compétents pour violation de la lettre et de l’esprit de la loi de 1905, les autorités dirigeantes de différentes familles politiques (majorité ou opposition) affectant des aides, y compris financières, à des activités cultuelles sous prétexte d’actions culturelles, artistiques, voire touristiques.

J’ai d’ailleurs eu l’occasion de vous faire part de cette préoccupation lors de la venue du Pape Benoit XVI à Paris, comme j’ai marqué, publiquement, mon étonnement de voir le Premier Ministre vous représenter, officiellement, lors de la béatification du Pape Jean-Paul II.
Cette fois, c’est une circulaire de Monsieur le Ministre de l’Intérieur (chargé notamment des cultes) qui fait l’objet de mon interpellation.
Celle-ci datée du 21 avril 2011, enjoint les Préfets de désigner un correspondant laïcité dans chaque Préfecture et préconise l’installation d’une conférence départementale de la liberté religieuse. La lecture attentive de ce texte conduit à deux interrogations :
La première, faut-il désigner un spécialiste d’une méthode qui concourt au respect mutuel et égalitaire des citoyens ? Y-a-t-il un correspondant égalité voire liberté et fraternité ? Le droit français, dans son ensemble, ne concourt-il pas -ou ne devrait-il pas concourir- à ces principes et à leur application ?

La seconde interrogation qui est en quelque sorte la contremarque de la première, conduit à faire participer, de manière consultative apparemment, les représentants des religions à la vie publique des départements, la composition de ces conférences : élus locaux, administrations et représentants des cultes, confirme cette orientation. C’est un droit qui, jusqu’alors, était celui des élus au suffrage universel.

Comme je le précisais au début de cette lettre, la Fédération Nationale de la Libre Pensée dans son action permanente a été contrainte de s’opposer, par les voies juridiques, à de nombreuses violations des principes par différentes cultes et ce en application de l’esprit et de la lettre de la loi de 1905, notamment à l’occasion d’affectation de fonds publics voire d’empiétements sur l’espace public de manifestations de caractère religieux ; une jurisprudence est ainsi établie.

Notre appréhension se trouve confirmée à la suite d’une audience du Conseil d’État ayant trait au respect de la loi de 1905, il s’agissait d’avantages accordés à l’Église catholique et de décisions de collectivités territoriales au profit du culte musulman. Le rapporteur public a considéré que les juges du fond, c’est-à-dire des cours administratives d’appel compétentes, s’étaient trompés et qu’il fallait réévaluer une jurisprudence considérée comme trop ancienne au regard des circonstances.

Il a notamment évoqué l’éventualité de contester la constitutionnalité de la loi de 1905 l’opposant ainsi à la position de la Cour européenne des Droits de l’Homme et de manière corollaire il a déclaré que des circonstances nouvelles étaient liées au déséquilibre vis-à-vis du culte musulman.

En dehors du fait que celui-ci était déjà pratiqué sur le territoire français en 1905 et que ladite loi traite des cultes en général sans les citer, il nous semble important, pour ne pas dire fondamental, de faire connaître l’opinion de la Présidence de la République et du Gouvernement sur la contradiction apparente entre la République laïque (article 2 de la Constitution), et les dispositions et la jurisprudence de l’Union européenne.

En la matière il s’agit d’un problème de souveraineté.

C’est la raison pour laquelle, Monsieur le Président, nous avons l’honneur de solliciter un entretien. Dans cette éventualité, je serai accompagné d’une délégation restreinte. A la veille d’une consultation électorale importante pour notre pays, il nous semble indispensable que les citoyens soient informés des intentions du Chef de l’État républicain.