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Italie, démocratie précaire (video)

par Olivier Favier

Publie le mercredi 20 février 2013 par Olivier Favier - Open-Publishing

 

Les services sociaux les nomment “équilibristes”. Cette masse aux contours indécis formait il y a peu une large partie des classes moyennes. Dans un film qui sortira en France deux jours après les élections législatives italiennes, les 24 et 25 février prochains, le réalisateur Ivano de Matteo a fait le portrait de l’un d’eux. Un employé de mairie, père de deux enfants, s’enfonce dans la précarité suite à un simple divorce. Employé de mairie en contrat fixe, il n’a plus les moyens de se loger dans Rome. En Italie, ils sont 200 000 comme lui à dormir dans leur voiture.

À Naples, pour les nombreux trentenaires contraints de rester chez leurs parents, les voitures servent aussi à faire l’amour. La nouvelle mairie a réservé à ces couples un parking surveillé. Dans les années 1990, le phénomène semblait pourtant voué à disparaître. Ces dernières années, l’émigration aussi a repris de plus belle. Elle touche aujourd’hui nombre de diplômés.

Au jeu du “maillon faible”, excepté la France, l’Italie n’en demeure pas moins le mieux loti des pays méditerranéens. Mais au mal-être économique et social, s’ajoute depuis vingt ans une crise profonde de la citoyenneté, qui, loin d’avoir brûlé les anciennes tumeurs, les a fait ressurgir, croître et se renforcer. Les prochaines élections se présentent une fois de plus sous le double signe paradoxal d’une “fin des idéologies” -confondue presque toujours avec l’effondrement du communisme- et des références de plus en plus appuyées au fascisme.

Le laboratoire italien, baromètre européen du meilleur et du pire, annonce un ciel d’orage pour nos démocraties. À l’automne 2012, pour la première fois, plus de la moitié des électeurs siciliens n’ont pas voté aux élections régionales. L’“antipolitique” a donc bien triomphé, mais en-dehors des partis.

L’acteur Valerio Mastandrea dans Les Équilibristes d’Ivano de Matteo (sorti en France en 2013). « La maison des pères » est une structure d’accueil réservée aux hommes séparés dans l’impossibilité de retrouver un logement et disposant de très faibles revenus. Leur capacité est très en-deçà des difficultés actuelles.

L’échec du bipartisme et la fiction d’un « gouvernement technique ».

Les derniers sondages ont été publiés le 8 février. Ces derniers mois, le Parti Démocrate, « centre-gauche », mené par l’ex-communiste Pier Luigi Bersani a beaucoup perdu de sa confortable avance au profit du Peuple des Libertés, « centre-droit ». Après dix ans de pouvoir quasi ininterrompu, de 2001 à 2011, Silvio Berlusconi est parvenu en deux mois à s’imposer comme challenger. En 2008 la vie politique semblait glisser vers un bipartisme à l’américaine. Les élections de 2013 révèlent bien au contraire la complexité des enjeux.

Le jugement du poète et historien Carlo Bordini est sans appel : « Ceux qui ont gouverné l’Italie pendant dix ans sont de droite, c’est clair, mais plus qu’un “comité qui gère les affaires de la bourgeoisie”, c’est un comité qui gère ses propres affaires. Et ils ont une trop grande proximité (une proximité nécessaire) avec le crime organisé. »

Aussi, quand en novembre 2011, Silvio Berlusconi s’est éloigné du Quirinal sous les huées, en l’absence d’une majorité claire, l’économiste Mario Monti, président de la seule université italienne à n’avoir pas fait grève au printemps 68, mais membre d’aucun parti et donc « apolitique », a pu former un « gouvernement de techniciens ». Que le nouveau « Super Mario » ait assumé, comme l’actuel directeur de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi, des fonctions importantes au sein de la banque d’affaires Goldman Sachs, accusée par le New York Times d’avoir spéculé sur la dette grecque en 2009, a bien sûr éveillé des soupçons de conflits d’intérêt. Pour autant, boudé par les seuls députés de la Ligue du Nord, et par deux députés du PDL, dont Alessandra Mussolini, Mario Monti a bénéficié du plus large vote de confiance jamais obtenu dans l’histoire de la République italienne.

Pier Luigi Bersani leader du Parti Démocrate et Mario Monti, président du conseil sortant, lancés dans le « grand concours » à la une du Manifesto du 18 décembre 2012. Moins de deux mois plus tard, la donne a totalement changé.

Européen convaincu, Mario Monti a aussi clairement marqué son soutien à la politique d’austérité impulsée par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Au niveau national, cela s’est traduit comme ailleurs par une réforme du système des retraites, une réduction des dépenses publiques et une libéralisation du marché du travail -inspirée dans ce cas par le modèle danois de « flexi-sécurité ». La taxation des biens fonciers de l’Église, la lutte contre l’évasion fiscale et la mise en place structurée des réformes ont cependant renforcé son image de gestionnaire rigoureux.

Pour autant, assure Carlo Bordini, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, « personne ne savait (sauf les personnes autorisées, et pas tant que ça elles aussi) quel était le programme de Monti. Il était le sauveur. » (Source) Un an plus tard, après avoir perdu le soutien du PDL, Mario Monti démissionne alors même qu’il conserve une certaine popularité auprès des Italiens et surtout l’indéniable confiance de ses homologues occidentaux. Les derniers sondages, de plus en plus défavorables, place désormais l’« Agenda Monti » en quatrième position : l’hypothèse la plus probable, confortée par les déclarations récentes des deux candidats, est celle d’un gouvernement de centre-gauche appuyé par les proches du gouvernement sortant. Mais une alliance de dernière minute avec le PDL comme partenaire dominant est-elle vraiment impossible ?

La une de Libération le 10 décembre 2012, à l’annonce de la candidature de Silvio Berlusconi.

De la “vidéocratie” au populisme 2.0.

Ce qui surprend le lecteur français dans ce rapide état des lieux c’est la difficulté à définir l’identité politique des trois forces en présence. Rappelons que Walter Veltroni, ex-membre du Parti communiste et candidat démocrate en 2008, avait alors refusé de se définir « de gauche », préférant l’étiquette « réformiste ». En 2011-2012, la ligne définie par Mario Monti a bénéficié du soutien presque inconditionnel du « centre-gauche », quand elle se rapprochait des politiques menées par l’UMP en France ou par la CDU en Allemagne.

Entre 1989 et 1994, l’effondrement du Bloc de l’Est puis l’opération « Mains propres » ont entraîné la ruine définitive des trois grandes forces politiques du pays depuis la guerre, Parti communiste italien dans le premier cas, Parti socialiste italien et Démocratie chrétienne dans le second. C’est à ce moment-là, confirme l’essayiste et politologue Giuliano Santoro, que « l’Italie a perdu son point d’équilibre ». Dans ce contexte, Forza Italia, refondé en PDL courant 2009, est apparu d’abord comme une première créature de l’« antipolitique », alors même qu’il occupait un espace sous-investi à droite depuis la chute du fascisme.

Dans un documentaire de 2009, Videocracy, Erik Gandini a montré comment « le chef de la télévision italienne est devenu le chef du gouvernement ». Forza Italia, association fondée il y a tout juste vingt ans et transformée en parti en 1994 -année de sa première et fulgurante prise de pouvoir- a été structurée par les communicants de la Fininvest sur le modèle des clubs de supporters. Le programme en a été conçu -la recette n’a guère changé depuis- à partir d’enquêtes où les profils d’électeurs étaient classés en autant de parts de marché. Le bras armé médiatique du socialiste Bettino Craxi s’est ainsi changé en héraut du « centre-droit ». Sans jamais recourir à la force, Silvio Berlusconi a d’emblée vidé de son sens le fondement du débat démocratique.

Beppe Grillo à Trente en 2012.

Dans les dernier sondages, la troisième place est occupée par un nouveau venu de « l’antipolitique » : le « Mouvement 5 étoiles » de Beppe Grillo. On a pu croire dans un premier temps à une farce insolente, sur le modèle de la candidature de Coluche en 1981. En 1985, Beppe Grillo avait d’ailleurs partagé la vedette avec l’acteur français dans Le Fou de guerre de Dino Risi. La comparaison ne va guère plus loin, entre autres choses parce que Beppe Grillo n’a jamais présenté de candidature en son nom, déléguant l’exercice du pouvoir aux « grillini », qui compte nombre d’élus locaux.

Dans la continuité de spectacles outranciers, Beppe Grillo a créé en 2005 avec le communicant Roberto Casaleggio un blog devenu très rapidement le plus fréquenté d’Italie. Ses commentateurs y rêvent d’une démocratie directe et participative. Comme le souligne Giuliano Santoro, auteur en 2012 du livre Un grillo qualunque, « l’explosion des approbations pour le Mouvement 5 étoiles n’a pas été suivie d’une augmentation de l’activité des réunions ou d’une plus grande participation de la base » (Source). Tout se passe, en fait, comme si ce blog avait pour grand mérite d’assourdir la contestation.

C’est un des signes d’un parallèle possible avec le « Front de l’homme quelconque », un poujadisme à l’italienne développé dans l’immédiat après-guerre. Le vieux mot d’ordre, « Non ci rompete più le scatole » [Ne nous cassez plus les pieds] a trouvé un écho explicite dans le « Vaffanculo-day » [La Journée du va-te-faire foutre] de Beppe Grillo en 2007 et 2008, avant sa réelle entrée en politique courant 2009. Le grillisme partage avec le qualunquisme le rejet des partis traditionnels et une posture « ni droite ni gauche ». Il y ajoute le recyclage de quelques idées alternatives, comme la décroissance et l’écologie. La culture de l’invective, où la controverse se résume parfois à un ketipaga systématique [kitepaie ?] fait sourdre d’autres inquiétudes. Si son électorat puise majoritairement parmi les déçus de la gauche alternative, la presse italienne a évoqué localement, et à plusieurs reprises, de curieux rapprochements avec la mouvance néofasciste de la Casapound. Beppe Grillo a d’ailleurs déclaré en janvier devant les caméras : « C’est un mouvement [le nôtre] où n’importe qui… n’importe qui… de droite, de gauche, des centri sociali, de la Casapound qui a les mêmes idées que nous peut intervenir. » (Source)

Guglielmo Giannini, « l’homme quelconque ».

Le spectre du fascisme : le “siècle court” en embuscade.

Les « fascistes du troisième millénaire », comme se nomment les membres de la Casapound, présentent pourtant des listes autonomes aux élections des 24 et 25 février. Leur syncrétisme culturel, leur discours social inspiré de la République de Salò (1943 – 1945), leur savant dosage de respectabilité et de violence de rue, en font le fer de lance du renouveau fasciste en Italie, ainsi qu’un modèle admiré par l’extrême-droite européenne. Leurs leaders ont ainsi bénéficié de deux heures d’entretien sur Radio Courtoisie à Paris le 6 février dernier. L’interprète de l’émission a fait des prouesses pour changer en « fascisme culturel » des adhésions très claires au « fascisme » tout court.

La Casapound fait partie d’une large nébuleuse dont une partie a été absorbée par la coalition de « centre-droit ». C’est le cas de « La Destra » de Francesco Storace, choqué par le virage de Gianfranco Fini, ancien zélateur de Benito Mussolini aujourd’hui président de la chambre des députés, définissant le fascisme comme un « mal absolu » en 2003. Tous deux n’en étaient pas moins présents aux funérailles de l’inflexible Pino Rauti en novembre dernier, le second sous les huées et les « saluts romains » agressifs de quelques centaines de militants. (Source)

En 2011, un sénateur PDL a tenté sans succès de faire abolir la loi condamnant quiconque « fait propagande pour la constitution d’une association, d’un mouvement ou d’un groupe ayant pour caractéristiques et poursuivant les finalités de réorganisation du parti fasciste dissous ». En août 2012, le maire d’Affile, à 70 km de Rome, a fait financer par la région du Latium un monument au criminel de guerre fasciste Rodolfo Graziani (Source). Plus près de nous, en janvier, les abonnés de la lettre de l’Institut culturel italien de Paris ont pu découvrir avec stupeur que Giovanni Gentile, théoricien du fascisme et premier signataire du Manifeste de la Race, avait « fini tragiquement ses jours, victime de la guerre civile en 1944, assassiné à Florence par une bande de partisans » (Source).

Pour faire bon poids, la coalition de Silvio Berlusconi a constamment associé ses adversaires de centre-gauche aux crimes du communisme -goulags soviétiques, révolution culturelle chinoise, khmers rouges. À la Journée de la Mémoire, votée en 2000 en mémoire des victimes de la Shoah, s’est ajoutée dès 2004, sous l’impulsion du mouvement de Gianfranco Fini, une Journée du souvenir, qui rappelle les 5 à 6000 morts italiens victimes des partisans titistes entre 1943 et 1947. Pendant un demi-siècle il est vrai, le Parti communiste italien a fait silence sur ces faits peu glorieux. Mais un semblable mutisme pèse toujours aujourd’hui sur les crimes fascistes qui les ont précédés, entre 1941 et 1943, dans des proportions trois fois supérieures.

Le jour de la mémoire justement, Silvio Berlusconi, sur un quai de la gare de Milan où de nombreux Italiens ont été déportés à Auschwitz, a déclaré que « les lois raciales représentent la pire faute d’un leader, Mussolini, qui en revanche a fait de bonnes choses dans tant d’autres domaines ».  La citation, largement reprise par la presse française, est souvent demeurée incomplète. Dans son entier, elle suggère que ces « lois raciales », promulguées en 1938, avant même le grand pogrom nazi de la « Nuit de cristal », dateraient en fait de 1943. À cette époque, devant l‘effondrement du régime, Mussolini avait choisi de se soumettre à l’allié allemand pour garder le pouvoir. Non content de servir de référence populaire, le fascisme historique se trouve ainsi dédouané de ses mesures xénophobes, au prix d’un grossier mensonge historique.

Dans son reportage ACAB (All cops are bastards) paru en 2009, le journaliste Carlo Bonini suit trois fonctionnaires des forces anti-émeutes, un monde où la nostalgie du fascisme est largement partagée. Dans son film homonyme (sorti en France en 2012), Stefano Sollima met l’accent sur une Italie gangrénée par ses pulsions réactionnaires.

Malavita et immigration : plaie nationale et boucs émissaires.

En 2009, Videocracy, le film d’Erik Gandini, s’est attardé aussi sur deux produits du berlusconisme, tout deux impliqués l’année suivante dans le Rubygate.

L’imprésario Lele Mora, après un éloge sans détour du Cavaliere, avoue presque sans transition sa nostalgie du Duce, bien qu’« ils ne soient pas comparables ». Il tend vers la caméra son téléphone portable pour faire entendre les chants du régime, croix gammées à l’appui. (Source)

Fabrizio Corona se définit, lui, comme un « Robin des bois des temps modernes, qui vole aux riches mais donne tout à lui-même ». De 2001 à 2008, son agence de paparazzi maîtres-chanteurs vend les images scandaleuses aux VIP qui se sont faits photographiés. Incarceré quelques semaines en 2007, Fabrizio Corona a savamment préparé sa sortie. Ses déclarations ont été samplées dans la chanson « Ostaggio dello stato » [Otage de l’état]. Jouant d’une ressemblance physique avec Al Pacino, il a décliné par la suite son image en tee-shirt, vendu sa présence en discothèque et sur les plateaux télévisés, multiplié les apparitions dans les films, publié un livre. Il confesse lui aussi une grande admiration pour Silvio Berlusconi : « Si tu veux des résultats dans la vie tu dois faire des choses pas très belles, l’important c’est de prendre le pouvoir. » En janvier 2013, il est arrêté au Portugal où il a pris la fuite. Il vient d’être condamné à 5 ans de prison.

Nichi Vendola [Gauche écologie et liberté] est pour beaucoup l’antithèse de Silvio Berlusconi : post-communiste assumé et écologiste, chrétien et homosexuel, il s’est fait connaître comme gouverneur des Pouilles, l’une des régions les plus pauvres du Sud. Dans le contexte actuel, le slogan « Bienvenue la gauche » résonne comme une audace pour un parti allié au favori des sondages.

Enhardie par la « mutation anthropologique », annoncée dès 1975 par Pier Paolo Pasolini dans ses Lettres luthériennes, la Camorra napolitaine s’attaque à de nouveaux marchés : la crise des déchets a laissé derrière elle, comme l’explique dans un reportage le directeur-adjoint du Manifesto Angelo Mastrandrea, « un dépôt de huit millions d’ecoballe bien peu écologiques » et une augmentation notable de la mortalité. Plus récemment, en Sicile, la Mafia s’est attaquée aux énergies renouvelables. « La Mafia n’est pas un problème du Sud, s’insurge Sara Prestianni photographe et candidate de Sinistra Ecologia e Libertà [Gauche Écologie et Liberté] mouvement de Nichi Vendolà, gouverneur des Pouilles et candidat de la gauche radicale aux primaires du Parti démocrate : « Il faut s’attaquer à tout le territoire et en particulier aux endroits où l’argent peut être recyclé. La situation politique actuelle n’est pas la bonne réponse, ajoute-t-elle, il faut une majorité très forte ». C’est pourquoi son mouvement a rejoint le centre-gauche : « Contrairement à la France, la loi électorale nous oblige à de larges coalitions ».

L’alliance promet quoi qu’il en soit un avenir houleux. Pour Giuliano Santoro, le Parti démocrate joue bien trop sur l’idée que « l’immigration n’est ni de gauche ni de droite ». En 2008 et 2009, le ministre de l’intérieur Roberto Maroni -d’une Ligue du Nord désormais en déclin- a fait voter deux « Paquets-sécurités ». Ils ont introduit entre autres choses la qualification de délit pour l’immigration illégale et la possibilité d’un « état d’urgence » face à d’importantes concentrations de « clandestins » ou de « nomades ». Dans ce contexte désinhibant, les villageois de Rosarno se sont livrés en janvier 2010 à une véritable chasse aux migrants, à l’instigation de la N’Dranghetta calabraise. Spécialiste des questions migratoires, Sara Prestianni répète pourtant : « Je vis depuis 7 ans en France et suis bien placée pour le dire. Il y a aujourd’hui plus d’Italiens à l’étranger que d’étrangers en Italie. Cela devrait tous nous amener à réfléchir. »

La Camorra napolitaine a tué plus de 4000 personnes en 30 ans. Une photo de tournage de Fabrizio di Giulio pour le film Fortapàsc de Marco Risi (sorti en France en 2011).

«  Justicialisme » et autonomie : des alternatives limitées.

 Le juge de Milan Antonio di Pietro s’est rendu célèbre dans l’opération « Mains propres » au cours des années 1991-1994. Avec son mouvement « L’Italie des valeurs », créé en 1996, il est devenu par la suite un personnage incontournable de la scène politique italienne, ouvrant la voie à ce qu’on nomme ici le « justicialisme ». On se souvient dans la même période des assassinats spectaculaires des juges anti-mafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. Face à la corruption de l’exécutif, mais aussi et surtout à la faiblesse de l’état, le pouvoir et le courage des juges a donné à l’Italie des héros que les politiciens classiques ne semblaient plus lui offrir.

Antonio di Pietro a rejoint pour les prochaines élections la liste « Rivoluzione civile » du juge palermitain Antonio Ingroia. Le juge Luigi de Magistris a ajouté les forces du nouveau « Movimento Arancione », coalition de la gauche alternative et écologique. Il a été élu maire de Naples en 2011, se passant du soutien de Beppe Grillo et du Parti Démocrate. Déçu par les partis classiques, il n’a pourtant pas cédé aux sirènes de l’« antipolitique ». Deux des composantes du « Movimento Arancione » revendiquent une identité communiste, une autre se reconnaît dans l’écologie. À l’échelle municipale, l’équipe cherche à accompagner les initiatives citoyennes. Il s’agit de promouvoir la notion « de bien commun » explique Angelo Mastrandrea, autrement dit « une gestion collective -ni publique ni privée- de quelques ressources : culturelles, naturelles etc. Dans un Pays excessivement étatique, cela n’aurait pas été possible, de même dans un pays ultralibéral. Ici en revanche il arrive que des formes d’autogestion naissent spontanément. » (Source) Au plein cœur de la crise, cette expérience héritée des années 70 redonne un peu de vie au « laboratoire italien ».

Une image du collectif « La Balena », en charge de l’ex asilo Filangieri. Un des modèles d’autogestion avec le Teatro Valle occupato à Rome, déclaré « bene comune » par la nouvelle mairie de Naples.

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