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L’écologie n’est pas compatible avec l’économie de marché"

par JDD

Publie le samedi 11 octobre 2014 par JDD - Open-Publishing
16 commentaires

Joan Martinez-Alier professeur en économie et en histoire de l’économie à l’Université autonome de Barcelone, a publié, en espagnol, L’écologisme des pauvres en 2005. Son livre vient de sortir en France aux éditions Les Petits Matins.

Il y a actuellement, en France, un débat sur la transition énergétique. Avez-vous pu le suivre et qu’en pensez-vous ?

Nous devons avoir une transition énergétique dans le monde. La question est de savoir comment aller à un système énergétique qui ne produit pas de gaz carbonique. Il est de plus en plus difficile d’avoir du pétrole donc il est recherché partout ce qui a des coûts très lourd pour l’environnement. Il y a une rareté de l’énergie, il faut donc changer de système énergétique car il n’y a pas de rareté pour l’énergie solaire par exemple.

Dans votre livre, vous parlez de trois types d’écologie. Pouvez-vous nous les décrire ?

Le premier type d’écologie est une écologie qui sacralise la nature et qui vise à la conserver. C’est le culte de la nature sauvage. C’est l’écologie de Henry David Thoreau ou de John Muir aux Etats-Unis. Le deuxième type d’écologie est un courant qui nous vient des ingénieurs et des économistes qui pensent que l’on peut avoir une compatibilité entre l’économie de marché et l’écologie. C’est ce qu’on retrouve sous le vocable de développement durable ou même de croissance verte. Mais pour moi, "croissance verte", c’est un oxymore. Une des figures centrales et un des précurseurs de ce mouvement est Gifford Pinchot. Quand on regarde l’histoire, nous voyons que si l’économie croît les dépenses énergétiques et les matériaux croissent aussi.

Pour vous l’économie de marché est par nature incompatible avec l’écologie ?

Par nature, c’est incompatible car le marché est myope en ce qui concerne le futur. Le marché est aussi myope en ce qui concerne les besoins des gens pauvres. Et, enfin, le marché est myope en ce qui concerne les besoins des autres espèces. Le marché n’est pas bon pour la soutenabilité écologique.

Vous, vous défendez ce que vous appelez l’écologisme des pauvres aussi appelée "mouvement pour la justice environnementale" ?

A cause de la raréfaction des matériaux et des ressources naturelles, il y a partout dans le monde des protestations qui montent. Ces protestations sont surtout dans le Sud du monde : en Nouvelle Calédonie à cause du nickel ou au Niger à cause de l’uranium. Mais il y en a même en Europe, à cause du gaz de schiste. Il y a aussi eu des investissements complètement inutiles pour lesquels on voit des manifestations en Europe, comme Notre-Dame-des-Landes ou le TGV Lyon-Turin.

Dans les pays du Sud, cela ne se fait pas toujours avec comme mot d’ordre la protection de la nature...

Il y a dans les pays du Sud des monsieur Jourdain de l’écologie, qui font de l’écologie sans le savoir. En Équateur, il y a des gens qui protestent contre l’extraction de pétrole parce que son exploitation détruit leur lieu de vie. Ces populations ne connaissent pas le mot "écologiste" mais ils commencent à l’apprendre. Quand on leur demande s’ils protestent parce qu’ils sont communistes ou écologistes, ils répondent que non, qu’ils protestent parce qu’ils sont des indigènes et que la terre et l’eau sont sacrés ou parce qu’ils ont des droits mémoriels. C’est cela l’écologisme des pauvres, des gens qui protestent pour des raisons de subsistance.

Mais s’ils font de l’écologie sans le savoir et que cela ne débouche pas sur un mouvement politique, n’est-ce pas une limite, un problème ?

La question n’est pas celle du vote mais celles des alliances avec d’autres groupes écologistes. Par exemple dans le nouveau livre de Naomi Klein (This Changes Everything : Capitalism vs. the Climate– pas encore traduit en France, Ndlr), elle raconte l’histoire de tous ces gens qui au Canada ou aux Etats-Unis s’opposent aux nouveaux pipelines. Elle appelle cela "blocage". Il y a un pays qui s’appelle "blocage" partout dans le monde et c’est le pays de ces gens qui s’opposent ici au gaz de schistes, là aux pipelines, etc. Tous ces mouvements de blocage sont en train de faire des réseaux et c’est cela l’écologie populaire. Nous verrons cela l’an prochain en France pour la conférence climat. Des milliers de personnes viendront contester et demander la justice climatique.

On en est selon vous la bataille d’idées ?

Dans les années 1970, les idées écologistes se sont fait connaître. Cela commence avec Rachel Carson, puis avec le rapport du club de Rome en 1972 puis Sicco Mansholt qui était le président de la Commission européenne et qui est devenu écologiste. Après avoir lu le rapport de Rome, il a dit qu’il fallait une croissance en dessous de zéro. Ensuite, André Gorz a parlé "décroissance". La candidature de René Dumont en 1974 vient de cette histoire. Les idées écologistes se sont développées dans ces années 1970. Ensuite il y a l’époque néolibérale durant laquelle les idées écologistes ont reculées. Aujourd’hui, ces idées reviennent à cause du changement climatique dont les gens prennent conscience.

Vous parlez d’écologisme des pauvres mais comment expliquer-vous que dans les pays occidentaux, en tout cas en France, le vote écolo reste un vote marginal, de gens souvent instruits et vivant dans un milieu souvent urbain. C’est plus un écologisme des riches ?

En France, en Espagne et en Italie, la gauche post-communiste et même socialiste a eu des difficultés à comprendre les thèmes écologistes. Non parce qu’ils sont des adorateurs du marché mais parce qu’ils sont productivistes. Les marxistes étaient productivistes et les keynésianistes aussi. Donc c’est difficile pour la gauche de devenir écologiste. Quant aux libéraux, ils sont pour le marché et donc contre l’écologie même si d’un point de vue rhétorique, ils sont pour.

Pour vous, la taille des villes et le nombre de naissance sont des questions politiques ? Il faut dans un cas comme dans l’autre les limiter ?

Je ne sais pas si l’on peut les limiter par la loi mais les grandes villes ne sont pas soutenables d’un point de vue écologique. Quant aux naissances, on voit l’émergence d’un néo-malthusianisme féministe. Néo-malthusianisme, car ce mouvement n’est pas réactionnaire comme l’était Malthus. C’est un mouvement progressiste qui pense qu’il vaut mieux avoir moins d’enfants, c’est une idée de la procréation consciente. Cela s’est développé contre l’Etat et contre l’Eglise.

Arthur Nazaret - Le Journal du Dimanche

http://www.lejdd.fr/Politique/L-ecologie-n-est-pas-compatible-avec-l-economie-de-marche-693460

Messages

  • C’est bien de le (re)dire mais il aurait été mieux de dire également que d’autres philosophes politiques l’ont dit avant lui : Marx et Engel par exemple dénonçaient déjà l’exploitation capitaliste de l’homme et de la nature comme inhérent au système.
    PS : le Niger est dans l’hémisphère nord et non pas sud comme la Nouvelle Calédonie l’est. Enfin, dans ce pays, ce sont les indépendantistes qui ont la main sur l’exploitation d’une partie des mines de nickel ...

  • L’écologie politique n’est plus une option mais une obligation majeure au XXI siècle.

    Du fait de la domination de la société par par les intérêts particuliers et privés, le capitalisme engendre inéluctablement une concentration de la richesse et une destruction de la nature telle que le système se grippe un jour ou l’autre. C’est pourquoi un projet anticapitaliste ne peut plus être productiviste.

  • L’écologie n’est peut-être pas compatible avec le capitalisme... Mais malheureusement les z’écologistes sont partisans de l’ultra libéralisme, de l’OTAN, et du TRAITE EUROPEEN... Est-ce un hasard ? NON !!! L’écologie est le petit zeste de morale dont le capitalisme a besoin pour diviser les classes populaires...
    D’un côté : les ouvriers, les employés, les chômeurs, les enseignants, les soignants qui essayent de sauver leurs culs sans y parvenir...
    De l’autre côté : des petits-bourgeois et des jeunes idéalistes "sauveurs de planète" mais cons au point d’aimer l’EUROPE des flics et des patrons !!!

    • Mais malheureusement les z’écologistes sont partisans de l’ultra libéralisme, de l’OTAN, et du TRAITE EUROPEEN...

      Tu ne confondrais pas "les écologistes" (des gens très divers, comme les communistes, qui vont de Pierre Laurent à Arlette Laguiller, en passant par Kim Jung Machin ou Fidel Castro ou etc.) avec le parti politique EELV ?

      Tu crois vraiment que le monde est si simplement divisé entre des gentils travailleurs pas écologistes pour un sou et des guignols bourgeois écologistes qui n’ont que ça à foutre ?

      des jeunes idéalistes "sauveurs de planète" mais cons

      Pour s’opposer au capitalisme, on a intérêt à essayer de ne pas être trop... cons, justement.

    • Tu as raison... Je parlais des écologistes d’EELV ... Les gentils z’écologistes qui se promènent à bicyclette sous la pluie et sur le verglas et sont vraiment anticapitalistes et tout et tout existent, c’est vrai ! c’est vrai ! c’est VRAI !
      CEPENDANT je pense que l’évolution des écologistes officiels-structurés n’est pas un hasard... Lorsqu’on voit une délégation des écologistes parlementaires européens revenir d’UKRAINE et faire l’apologie des miliciens PRAVIJ SEKTOR "sans lesquels la magnifique révolution euromaïdan n’aurait pas abouti" on se dit que quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend on a bien raison de penser ce qu’on pense...

    • Les gentils z’écologistes qui se promènent à bicyclette sous la pluie et sur le verglas

      Je vois que tu as décidé de revenir à une vision raisonnable et tout en nuances, sans caricature grossière.

      Tant pis, chacun son mode de fonctionnement, chacun son degré d’exigence avec lui-même.

    • Tu penses que l’évolution d’EELV vers l’OTAN et l’EUROPE ultralibérale, sécuritaire et néo-puritaine est un hasard... Tu penses que l’infâmie de COHN-BENDIT et des députés ecolos européens qui applaudissent les néo nazi ukrainiens est un accident de l’histoire... MOI je pense que l’écologisme est une néo-religion vaguement sécularisée qui ne peut évoluer que vers des postures de plus en plus réactionnaires...
      L’écologisme dans sa forme actuelle est né à la fin des années 70, promu par l’ex "chemise verte"(mouvement pétainiste) DUMONT, adopté par des maoïstes désespérés à la recherche d’une cause et par les "chrétiens-marxistes" du PSU...
      J’ai constaté de visu à quel point l’écologie a crétinisé l’extrême gauche petite-bourgeoise !!!

    • Si tu n’es pas celui qui fait (faisait ?) une thèse sur Lyssenko, alors tu es son frère jumeau (les symptômes sont incroyablement semblables :-)

    • C’est quoi cette absurde référence à la vieille affaire Lyssenko ? Est-ce une imprécation ? Une incantation ? Une malédiction ?
      Je peux facilement en faire autant :
       Le commandant COUSTEAU gling !gling ! A écrit un article antisémite sous Pétain...
       Nicolas HULOT gling ! gling ! Sponsorisé par RHONE POULAINC...
       etc...etc...

    • C’est quoi cette absurde référence à la vieille affaire Lyssenko ? Est-ce une imprécation ? Une incantation ? Une malédiction ?

      Je n’ai sans doute pas été assez clair. Mais de ton côté tu as de l’imagination.

      Je connais quelqu’un qui dit exactement ce que tu dis et qui s’exprime de la même façon "raisonnable" dès qu’il s’agit d’écologie.
      Ce quelqu’un travaille sur une thèse universitaire consacrée à l’affaire Lyssenko.
      J’ai l’impression que tu es cette personne, et si ce n’est pas le cas, elle pourrait avoir écrit tous tes commentaires, les similitudes sont étonnantes.
      Tout simplement.

    • Ah bon... Là je comprend ! Du coup je n’ai rien à répondre...

    • L’écologie est une science pas une doctrine de bobos. Alain 04

    • L’écologie est une petite science pas totalement inutile mais l’ECOLOGISME est une néo-religion sécularisée... C’est pour cela que même si elle est née d’extrême-gauche dans les années 70 elle sera inéluctablement d’extrême droite tôt ou tard...
      L’écologisme a mis 20 ans pour devenir GAUCHE-CAVIAR impérialiste-belliciste : c’est très rapide !!!

  • Le développement rapide de la Chine, ces trente dernières années, a mis le pays au rang des grandes économies mondiales et sorti de la pauvreté des centaines de millions de personnes.

    Au défi sur l’environnement , la Chine devait aussi apporter des réponses . Actuellement dans de nombreux secteurs, les autorités chinoises ont mis en place des réglementations et de politiques visant à une meilleure utilisation de l’énergie – avec pour objectif modérer les conséquences en termes d’émissions de carbone.

    Sur la 5, un reportage interessant sur la Chine, la révolution verte :

    http://www.france5.fr/et-vous/France-5-et-vous/Les-programmes/LE-MAG-N-35-2012/articles/p-16561-Chine-la-revolution-verte.htm

  • En france si ! les verts d’eelv viennent de voter avec le ps et l’udi la privatisation des barrages ! il faut dire qu’ils ont aussi appeles a voter pour JC Juncker et qu’ils rencontrent en secret tres souvent les gens de l’udi quand ont se souvient de Rene Dumont et de sa pomme .. elle a etait rongee par les verts depuis longtemps