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Saint-Ouen : les résidents de HLM interdits de « nourrir les SDF »

par Damien Bernard et Flora Carpentier

Publie le mercredi 24 décembre 2014 par Damien Bernard et Flora Carpentier - Open-Publishing

Source : http://www.ccr4.org/Saint-Ouen-les-residents-de-HLM-interdits-de-nourrir-les-SDF

Ce lundi 15 décembre, les locataires des HLM du 41 rue Dhalenne à Saint-Ouen ont trouvé dans leurs halls d’immeubles des affichettes les menaçant d’une procédure d’expulsion en cas de « non-respectdu règlement intérieur ». Les deux motifs d’expulsion évoqués sont l’ouverture des « portes d’entrée sécurisées par digicodedes halls d’immeuble pour permettre l’accès des locaux communs à des sans-abri » et la fourniture à des sans-abri de « tout élément ‘logistique’ ou si vous les nourrissez, les incitant par-là même à demeurer sur les lieux squattés. » Le bailleur social place de fait les SDF au même niveau que « les pigeons » qu’il ne faut pas nourrir car cela les inciterait à revenir !

Un habitat « social » pour les classes populaires ?

Alors que le rôle soi-disant attribué à ces offices HLMest de loger les travailleurs pauvres et précaires, la généralisation de la semi-privatisation de l’habitat social a précipité ces organismes dans la logique marchande, celle de la rentabilité à tout prix. C’est ainsi que les nouveaux programmes de logements sociaux sont en réalité destinés aux classes moyennes plutôt qu’aux travailleurs, avec des loyers qui se rapprochent de ceux du parc privé, et l’exigence de garanties financières qui n’ont rien à envier aux agences immobilières classiques, fermant la porte aux plus précaires.

Cette logique de course au profit s’est matérialisée dans le cas de l’office HLM Saint-Ouen Habitat Public par l’interdiction aux locataires d’exprimer leur solidarité de classe vis-à-vis des SDF, en les laissant dormir dans un endroit un peu moins hostile que la rue, ou en leur donnant de quoi manger.

Les sans-abri, une population exclue et stigmatisée

Ces cas ne sont pas isolés et sont à placer dans le contexte d’une politique généralisée de criminalisation et de stigmatisation des SDF, à travers l’application d’arrêtés anti-mendicité utilisant, par exemple à Argenteuil, des produits chimiques malodorant pour « écarter les sans-abris de certaines zones », ou encore à Paris, la mise en place de différents types d’équipements urbains cherchant à dissuader les personnes sans-abri de s’asseoir ou de s’allonger.

Ne se suffisant pas de la situation déjà extrêmement précaire des SDF, dont le nombre ne cesse d’ailleurs d’augmenter atteignant près de 44% de hausse en onze ans, il s’agit alors pour ces municipalités gérant les institutions capitalistes, de mettre encore plus au ban de la société, ces SDF qui souffrent déjà terriblement, avec une espérance de vie comprise entre 40 et 50 ans, cela au nom de la « réputation » de leurs villes et de la « sacrosainte » propriété privée qui ne sert que ceux qui possèdent.

Alors que cette solidarité de classe, organisée spontanément par les habitants des HLM du 41 Dhalenne, s’avère nécessaire. Celle-ci ne peut suffire à régler le principal problème, c’est-à-dire l’existence même de personnes sans domicile fixe alors même qu’il y a près de 2 millions de logement vacants en France et 4,43 millions de mètres carrés de bureaux vides en Ile-de-France.

La « chasse aux trafiquants » serait-elle plus légitime ?

Face à l’indignation des habitants, relayée dans de nombreux médias, la direction de Saint-Ouen Habitat Public s’est empressée de publier un nouveau communiqué s’excusant de sa « communication pour le moins extrêmement maladroite », et expliquant que l’avertissement avait pour but de « lutter en priorité contre les trafiquants de drogue ». Nous voudrions déjà leur rappeler que s’il y a du trafic de drogues à Saint-Ouen, c’est bien parce qu’il y a des acheteurs, venus le plus souvent des banlieues riches ou des beaux quartiers parisiens. Donc rien ne sert de stigmatiser les « violents dealers » qui rendent service à bien du beau monde. Contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, le problème des banlieues, ce n’est pas la drogue mais le chômage de masse, la misère économique qui frappent durement notre département et n’offrent aucune perspective aux jeunes.

Cette situation, ce sont les gouvernements successifs de gauche comme de droite qui l’organisent, la maintiennent et l’aggravent au plus grand profit du patronat, des propriétaires spéculateurs et des marchands de sommeils qui eux ont pignon sur rue. Alors que ceux-là vivent de l’exploitation des travailleurs, ils tentent de nous diviser, les SDF contre les logés et les mal-logés, les « bons » et les « mauvais » chômeurs, les sans-papiers et ceux qui ont des papiers, ceux qui travailleurs et ceux qui « trafiquent ».

Leur guerre contre la drogue n’est autre qu’un prétexte pour stigmatiser les jeunes des banlieues, et justifier une politique répressive, de contrôle au faciès et ultra-sécuritaire. Au NPA, nous défendons la légalisation des stupéfiants et leur commercialisation par l’Etat, accompagnées d’une politique de sensibilisation et de prévention à l’école, seule solution non-hypocrite pour casser les trafics, les mafias et leurs complices, qui ne sont nullement les jeunes que l’on cherche à réprimer.

Saint-Ouen, la spéculation immobilière et l’exclusion des classes populaires

A Saint-Ouen, on assiste à une spéculation sans limites qui a commencé il y a plusieurs années avec la destruction d’habitations précaires au profit de la construction de sièges d’entreprises, qui s’est illustrée en 2008 puis en 2013 par la violente expulsion des camps de rroms du quartier des Docks, qui s’est poursuivie cette année avec l’expulsion sans relogement des jeunes travailleurs du Foyer Cara, et qui se matérialise aujourd’hui avec la « chasse » au SDF.

On voit bien qu’avec une mairie Front de Gauche ou avec l’actuelle mairie dirigée par la droite depuis les élections municipales en mars dernier, la logique reste la même, celle d’une gentrification au service des grandes entreprises et au désavantage des classes populaires, des jeunes travailleurs, des mal-logés et des SDF. Leur objectif, c’est de contraindre les pauvres à se loger toujours plus loin de la capitale, pour reléguer définitivement la mémoire ouvrière et populaire de Saint-Ouen aux livres d’histoire, se refaire une image d’une ville « dynamique » et « saine » aux portes de Paris, et ainsi espérer attirer un peu plus les touristes et les populations aisées.

Contre la fermeture du foyer Cara et la stigmatisation des SDF, un toit, c’est un droit !

Contre ce mépris de classe, le NPA Saint-Ouen était présent au rassemblement organisé par le DAL ce samedi 20 décembre à 11h, qui a réuni environ 80 personnes devant la Mairie de Saint-Ouen, pour exiger « un toit pour tous » et dénoncer la stigmatisation des classes populaires.

Face à l’intervention d’élus Front de Gauche ayant dirigé la mairie avant son basculement à droite, nous avons été plusieurs à dénoncer leur illégitimité à intervenir alors qu’ils ont eux-mêmes organisé il y a quelques mois la fermeture du foyer Cara sans solution de relogement, situation qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Après l’intervention d’une des jeunes travailleuses du Cara, le rassemblement a décidé de partir en manifestation jusqu’au foyer pour réclamer sa réhabilitation et le relogement de tous ses résidents, ainsi que la régularisation de la situation des personnels du foyer, dont les salaires ne sont pas versés depuis le mois dernier.

Ne nous trompons pas de combat, ce sont les gouvernements UMPS et le patronat qui sont responsables de l’existence même du « concept » de SDF, du mal logement, du chômage, de l’expulsion des Rroms et des sans-papiers, tout cela au profit d’une minorité : ceux qui nous gouvernent et nous exploitent.

Au NPA, nous continuerons à lutter pour :

· La réquisition et la réhabilitation des logements et bureaux vides !

· Le relogement de tous les SDF ou mal logés dans des conditions dignes !

· La construction de logements neufs de qualité et accessibles à tous !

21/12/2014