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"La guerre civile en France" - Sur La Commune de Paris, la dictature du prolétariat...

par Karl Marx

Publie le mardi 30 décembre 2014 par Karl Marx - Open-Publishing
5 commentaires

"Le philistin social-démocrate a été récemment saisi d’une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l’air ? Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du prolétariat."

Friedrich Engels


Ci-après, des extraits d’un texte de Marx sur La Commune. Pertinent, toujours actuel, surtout aujourd’hui, notamment pour réfléchir sur la situation grecque. A lire et à relire, sans modération, comme toujours avec Marx. Certains passages soulignés par moi.

"(....) À l’aube du 18 mars, Paris fut réveillé par ce cri de tonnerre : Vive la Commune ! Qu’est-ce donc que la Commune, ce sphinx qui met l’entendement bourgeois à si dure épreuve ?

« Les prolétaires de la capitale, disait le Comité central dans son manifeste du 18 mars, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l’heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques... Le prolétariat... a compris qu’il était de son devoir impérieux et de son droit absolu de prendre en main ses destinées, et d’en assurer le triomphe en s’emparant du pouvoir. »

Mais la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l’appareil d’État et de le faire fonctionner pour son propre compte. (...)

Paris, siège central de l’ancien pouvoir gouvernemental, et, en même temps, forteresse sociale de la classe ouvrière française, avait pris les armes contre la tentative faite par Thiers et ses ruraux pour restaurer et perpétuer cet ancien pouvoir gouvernemental que leur avait légué l’empire. Paris pouvait seulement résister parce que, du fait du siège, il s’était débarrassé de l’armée et l’avait remplacée par une garde nationale, dont la masse était constituée par des ouvriers. C’est cet état de fait qu’il s’agissait maintenant de transformer en une institution durable. Le premier décret de la Commune fut donc la suppression de l’armée permanente, et son remplacement par le peuple en armes.

La Commune fut composée des conseillers municipaux, élus au suffrage universel dans les divers arrondissements de la ville. Ils étaient responsables et révocables à tout moment. La majorité de ses membres était naturellement des ouvriers ou des représentants reconnus de la classe ouvrière. La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois. Au lieu de continuer d’être l’instrument du gouvernement central, la police fut immédiatement dépouillée de ses attributs politiques et transformée en un instrument de la Commune, responsable et à tout instant révocable. Il en fut de même pour les fonctionnaires de toutes les autres branches de l’administration. Depuis les membres de la Commune jusqu’au bas de l’échelle, la fonction publique devait être assurée pour un salaire d’ouvrier. Les bénéfices d’usage et les indemnités de représentation des hauts dignitaires de l’État disparurent avec ces hauts dignitaires eux-mêmes. Les services publics cessèrent d’être la propriété privée des créatures du gouvernement central. Non seulement l’administration municipale, mais toute l’initiative jusqu’alors exercée par l’État fut remise aux mains de la Commune.

Une fois abolies l’armée permanente et la police, instruments du pouvoir matériel de l’ancien gouvernement, la Commune se donna pour tâche de briser l’outil spirituel de l’oppression, le pouvoir des prêtres ; elle décréta la dissolution et l’expropriation de toutes les Églises dans la mesure où elles constituaient des corps possédants. Les prêtres furent renvoyés à la calme retraite de la vie privée, pour y vivre des aumônes des fidèles, à l’instar de leurs prédécesseurs, les apôtres. La totalité des établissements d’instruction furent ouverts au peuple gratuitement, et, en même temps, débarrassés de toute ingérence de l’Église et de l’État. Ainsi, non seulement l’instruction était rendue accessible à tous, mais la science elle-même était libérée des fers dont les préjugés de classe et le pouvoir gouvernemental l’avaient chargée.

Les fonctionnaires de la justice furent dépouillés de cette feinte indépendance qui n’avait servi qu’à masquer leur vile soumission à tous les gouvernements successifs auxquels, tour à tour, ils avaient prêté serment de fidélité, pour le violer ensuite. Comme le reste des fonctionnaires publics, magistrats et juges devaient être élus, responsables et révocables. (...)

La multiplicité des interprétations auxquelles la Commune a été soumise, et la multiplicité des intérêts qu’elle a exprimés montrent que c’était une forme politique tout à fait susceptible d’expansion, tandis que toutes les formes antérieures de gouvernement avaient été essentiellement répressives. Son véritable secret, le voici : c’était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du travail.

Sans cette dernière condition, la Constitution communale eût été une impossibilité et un leurre. La domination politique du producteur ne peut coexister avec la pérennisation de son esclavage social. La Commune devait donc servir de levier pour renverser les bases économiques sur lesquelles se fonde l’existence des classes, donc, la domination de classe. Une fois le travail émancipé, tout homme devient un travailleur, et le travail productif cesse d’être l’attribut d’une classe.

C’est une chose étrange. Malgré tous les discours grandiloquents, et toute l’immense littérature des soixante dernières années sur l’émancipation des travailleurs, les ouvriers n’ont pas plutôt pris, où que ce soit, leur propre cause en main, que, sur-le-champ, on entend retentir toute la phraséologie apologétique des porte-parole de la société actuelle avec ses deux pôles, capital et esclavage salarié (le propriétaire foncier n’est plus que le commanditaire du capitaliste), comme si la société capitaliste était encore dans son plus pur état d’innocence virginale, sans qu’aient été encore développées toutes ses contradictions, sans qu’aient été encore dévoilés tous ses mensonges, sans qu’ait été encore mise à nu son infâme réalité. La Commune, s’exclament-ils, entend abolir la propriété, base de toute civilisation. Oui, messieurs, la Commune entendait abolir cette propriété de classe, qui fait du travail du grand nombre la richesse de quelques-uns. Elle visait à l’expropriation des expropriateurs. Elle voulait faire de la propriété individuelle une réalité, en transformant les moyens de production, la terre et le capital, aujourd’hui essentiellement moyens d’asservissement et d’exploitation du travail, en simples instruments d’un travail libre et associé. Mais c’est du communisme, c’est l’ « impossible » communisme ! Eh quoi, ceux des membres des classes dominantes qui sont assez intelligents pour comprendre l’impossibilité de perpétuer le système actuel - et ils sont nombreux - sont devenus les apôtres importuns et bruyants de la production coopérative. Mais si la production coopérative ne doit pas rester un leurre et une duperie ; si elle doit évincer le système capitaliste ; si l’ensemble des associations coopératives doit régler la production nationale selon un plan commun, la prenant ainsi sous son propre contrôle et mettant fin à l’anarchie constante et aux convulsions périodiques qui sont le destin inéluctable de la production capitaliste, que serait-ce, messieurs, sinon du communisme, du très « possible » communisme ?

La classe ouvrière n’espérait pas des miracles de la Commune. Elle n’a pas d’utopies toutes faites à introduire par décret du peuple. Elle sait que pour réaliser sa propre émancipation, et avec elle cette forme de vie plus haute à laquelle tend irrésistiblement la société actuelle en vertu de son propre développement économique, elle aura à passer par de longues luttes, par toute une série de processus historiques, qui transformeront complètement les circonstances elles-mêmes. Elle n’a pas à réaliser d’idéal, mais seulement à libérer les éléments de la société nouvelle que porte dans ses flancs la vieille société bourgeoise qui s’effondre. Dans la pleine conscience de sa mission historique et avec la résolution héroïque d’être digne d’elle dans son action, la classe ouvrière peut se contenter de sourire des invectives grossières des laquais de presse et de la protection sentencieuse des doctrinaires bourgeois bien intentionnés qui débitent leurs platitudes d’ignorants et leurs marottes de sectaires, sur le ton d’oracle de l’infaillibilité scientifique.

Quand la Commune de Paris prit la direction de la révolution entre ses propres mains ; quand de simples ouvriers, pour la première fois, osèrent toucher au privilège gouvernemental de leurs « supérieurs naturels », les possédants, et, dans des circonstances d’une difficulté sans exemple, accomplirent leur oeuvre modestement, consciencieusement et efficacement (et l’accomplirent pour des salaires dont le plus élevé atteignait à peine le cinquième de ce qui, à en croire une haute autorité scientifique, le professeur Huxley, est le minimum requis pour un secrétaire du conseil de l’instruction publique de Londres), le vieux monde se tordit dans des convulsions de rage à la vue du drapeau rouge, symbole de la République du travail, flottant sur l’Hôtel de Ville. (...)

Et pourtant, c’était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui fût encore capable d’initiative sociale, même par la grande masse de la classe moyenne de Paris - boutiquiers, commerçants, négociants - les riches capitalistes étant seuls exceptés. La Commune l’avait sauvée, en réglant sagement cette cause perpétuelle de différends à l’intérieur même de la classe moyenne : la question des créanciers et des débiteurs. Cette même partie de la classe moyenne avait participé à l’écrasement de l’insurrection ouvrière en juin 1848 ; et elle avait été sur l’heure sacrifiée sans cérémonie à ses créanciers par l’Assemblée constituante. Mais ce n’était pas là son seul motif pour se ranger aujourd’hui aux côtés de la classe ouvrière. Cette fraction de la classe moyenne sentait qu’il n’y avait plus qu’une alternative, la Commune ou l’empire, sous quelque nom qu’il pût reparaître. L’Empire l’avait ruinée économiquement par Bon gaspillage de la richesse publique, par l’escroquerie financière en grand, qu’il avait encouragée, par l’appui qu’il avait donné à la centralisation artificiellement accélérée du capital, et à l’expropriation corrélative d’une grande partie de cette classe. Il l’avait supprimée politiquement, il l’avait scandalisée moralement par ses orgies, il avait insulté à son voltairianisme en remettant l’éducation de ses enfants aux frères ignorantins, il avait révolté son sentiment national de Français en la précipitant tête baissée dans une guerre qui ne laissait qu’une seule compensation pour les ruines qu’elle avait faites : la disparition de l’Empire. En fait, après l’exode hors de Paris de toute la haute bohème bonapartiste et capitaliste, le vrai parti de l’ordre de la classe moyenne se montra sous la forme de l’ « Union républicaine » qui s’enrôla sous les couleurs de la Commune et la défendit contre les falsifications préméditées de Thiers. La reconnaissance de cette grande masse de la classe moyenne résistera-t-elle à la sévère épreuve actuelle ? Le temps seul le montrera.

La Commune avait parfaitement raison en disant aux paysans : « Notre victoire est votre seule espérance ». De tous les mensonges enfantés à Versailles et repris par l’écho des glorieux journalistes d’Europe à un sou la ligne, un des plus monstrueux fut que les ruraux de l’Assemblée nationale représentaient la paysannerie française. Qu’on imagine un peu l’amour du paysan français pour les hommes auxquels après 1815 il avait dû payer l’indemnité d’un milliard . A ses yeux, l’existence même d’un grand propriétaire foncier est déjà en soi un empiètement sur ses conquêtes de 1789. La bourgeoisie, en 1848, avait grevé son lopin de terre de la taxe additionnelle de 45 centimes par franc ; mais elle l’avait fait au nom de la révolution ; tandis que maintenant elle avait fomenté une guerre civile contre la révolution pour faire retomber sur les épaules du paysan le plus clair des cinq milliards d’indemnité à payer aux Prussiens. La Commune, par contre, dans une de ses premières proclamations, déclarait que les véritables auteurs de la guerre auraient aussi à en payer les frais. La Commune aurait délivré le paysan de l’impôt du sang, elle lui aurait donné un gouvernement à bon marché, aurait transformé ses sangsues actuelles, le notaire, l’avocat, l’huissier, et autres vampires judiciaires, en agents communaux salariés, élus par lui et devant lui responsables. Elle l’aurait affranchi de la tyrannie du garde champêtre, du gendarme et du préfet ; elle aurait mis l’instruction par le maître d’école à la place de l’abêtissement par le prêtre. Et le paysan français est, par-dessus tout, homme qui sait compter. Il aurait trouvé extrêmement raisonnable que le traitement du prêtre, au lieu d’être extorqué par le libre percepteur, ne dépendit que de la manifestation des instincts religieux des paroissiens. Tels étaient les grands bienfaits immédiats dont le gouvernement de la Commune - et celui-ci seulement - apportait la perspective à la paysannerie française. Il est donc tout à fait superflu de s’étendre ici sur les problèmes concrets plus compliqués, mais vitaux, que la Commune seule était capable et en même temps obligée de résoudre en faveur du paysan : la dette hypothécaire, qui posait comme un cauchemar sur son lopin de terre, le prolétariat rural qui grandissait chaque jour et son expropriation de cette parcelle qui s’opérait à une allure de plus en plus rapide du fait du développement même de l’agriculture moderne et de la concurrence du mode de culture capitaliste.(...)

C’était bien cela. La civilisation et la justice de l’ordre bourgeois se montrent sous leur jour sinistre chaque fois que les esclaves de cet ordre se lèvent contre leurs maîtres. Alors, cette civilisation et cette justice se démasquent comme le sauvagerie sans masque et la vengeance sans loi. Chaque nouvelle crise dans la lutte de classe entre l’appropriateur et le producteur fait ressortir ce fait avec plus d’éclat. Les atrocités des bourgeois en juin 1848 elles-mêmes disparaissent devant l’indicible infamie de 1871. L’héroïque esprit de sacrifice avec lequel la population de Paris - hommes, femmes et enfants - combattit pendant huit jours après l’entrée des Versaillais, reflète aussi bien la grandeur de leur cause que les exploits infernaux de la soldatesque reflètent l’esprit inné de cette civilisation dont ils sont les mercenaires et les défenseurs. Glorieuse civilisation, certes, dont le grand problème est de savoir comment se débarrasser des monceaux de cadavres qu’elle a faits, une fois la bataille passée.(...)"

Karl Marx, La Guerre Civile en France, 30 mai 1871, pour l’Association Internationale des Travailleurs (disponible entièrement sur marxists.org)

Messages

  • Bien-sûr je n’ai pas mis ce texte de Marx au hasard.
    Bien-sûr je le poste en regardant Athènes.

    Car....

    ENFIN.

    SYRIZA et Tsipras vont (très probablement) remporter les élections.

    Fin des mythes (dont la Grèce est le berceau), place au Réel auquel on se cogne.
    Enfin, on va pouvoir juger "sur pièces" de la politique de ceux annoncés depuis des mois comme les "sauveurs grecs", et même, les sauveurs de toute la gauche radicalo-extremo- j’en passe... de l’Europe (avec Podemos).

    Cela me rappelle le "bon vieux temps" en Italie. Où on acclamait alors Fausto (le bien-nommé) Bertinotti et Rifondazione/ Sinistra europea comme ces mêmes sauveurs hispano-grecs.
    Où l’axe alors n’était pas hispano-grec mais germano-italien. Souvenez-vous. Die Linke/ Rifondazione...Oskar/Fausto, le "Yes we can" de la gauche radicale européenne. [Je ris jaune ...] Tandem, et "politique", qui firent long feu.
    Car quand on veut gouverner une démocratie bourgeoise dans un système capitaliste, sans que l’on ait d’abord renversé au moins quelques structures d’Etat, défait quelques structures capitalistiques par les luttes des travailleurs...on fait comme le PCF et comme le PCI en leur temps : on se prend les pieds dans le tapis de la bourgeoisie, et on mange un gadin.

    Cela étant, il faut ici rappeler une chose : la Grèce n’est pas l’Italie, n’est pas la France. Ce n’est pas un "jugement de valeur" , bien sûr, c’est un constat objectif qui repose sur l’analyse des couches sociales dominantes, de la vie politique, de la place du clergé, de la nature de la démocratie, de la constitution, de la composition de la bourgeoisie etc.

    Ce n’est pas parce que le mouvement ouvrier, disons, le mouvement social au sens large, aurait ici et là bas des ennemis communs( bien sûr , qu’il en a) que ce qui se passe en Grèce est transposable en Italie, en Espagne, en Allemagne.

    C’est pour cela que j’étais et je suis toujours , opposée absolument à l’érection de Tsipras et de Syriza comme "modèle" pour le mouvement que prétend (à mon avis à tort mais bon) représenter la "gauche radicale européenne"( tff tff tff).

    Je n’aime pas les modèles à décalquer, parce que ça ne donne que des ravages, cela ne fait qu’inciter à une économie d’analyse concrète du réel ici et maintenant et c’est la négation de l’intelligence dialectique du prolétariat...

    Alors vite, oui ; les élections, les résultats, et les premières décisions. Pour voir jusqu’où ça "tapera" dans la "radicalité"...

    Que ma génération (et les suivantes) en finissent, d’une manière ou d’une autre, une bonne fois pour toutes avec ce mythe du "changement par les urnes" dans une démocratie bourgeoise.

    SYRIZA à l’épreuve du feu, donc.

    Nous attendrons de voir quels seront les premiers décrets d’un gouvernement de gauche radicale en Grèce.

    Je voudrais ajouter une chose quand même sur la "coalition" que Syriza envisage avec le parti de droite ANEL.

    Même avec certains partis bourgeois, et même avec une partie de la bourgeoisie, s’il le faut, dans un mouvement révolutionnaire, on peut envisager une coalition même momentanée.

    La question c’est bien sûr donc, Syriza sera t il , est- il un "parti révolutionnaire" ? ....

    Dans la négative, coalition ou pas, tout ce que dit Syriza doit être pris pour une vaste fumisterie. Qui pourra coûter très très cher.
    Je pense bien que regarder le Chili d’Allende ce compris jusqu’à sa chute sanglante en septembre 1973 et ensuite, n’est pas du tout inutile. Pas pour dire "ne faisons pas" non . Pour dire : si nous faisons ce que nous devons faire, jusqu’où devrons nous être prêts à aller ?

    Idem si on regarde, à la même époque, l’Italie des années de plomb, qui succédait à des années 60 franchement pré-révolutionnaires.
    On ne doit pas perdre de vue ces deux exemples.

    Pour l’instant, je note des déclarations de Tsipras et d’autres de Syriza qui vont "dans le bon sens" ( "on ne négociera pas, on va supprimer les memorandums, on ne paiera pas la dette"...).

    "Hic Rhodus, hic salta" :

    Quelles sont les armes (politiques) que Syriza va mettre sur la table quand le cataclysme bourgeois va lui tomber sur le paletot dès que ces menaces auront été mises à exécution ? Quelles sont les armes que Syriza va donner aux travailleurs pour résister aux tentatives de coup d’Etat qui ne vont pas manquer de se succéder dès que le début de ce programme aura été appliqué ?

    Parce qu’il est évident que si ces déclarations (à condition qu’elles soient suivie d’effet après les élections) vont dans le " bon sens" selon moi, ça n’est que parce que leur mise en œuvre va créer immédiatement en Grèce une situation révolutionnaire aiguë, puisque les forces capitalistes compradore et une partie de la bourgeoisie locale vont s’unir et se déchaîner contre le prolétariat (avant même que de se déchaîner contre "la gauche").

    LA question, la seule, c’est donc de savoir si il existe à l’intérieur de Syriza des forces suffisantes pour obliger ce parti institutionnel a priori plutôt petit-bourgeois à faire la jonction avec la fraction "communaliste" du mouvement politico-social grec qui existe en dehors de Syriza, c’est à dire, à sortir du cadre du pouvoir de parti dans un système bourgeois pour répandre et libérer les forces réellement révolutionnaires face aux coups que vont porter les forces réactionnaires et capitalistes.

    En d’autres termes, quand le tumulte va monter (et c’est quasi-garanti, il ne manquera pas de monter si Syriza applique vraiment son programme promis) Syriza sonnera-t-il la charge contre les mouvements de libération, sonnant le glas de la révolution pour privilégier le "républicanisme" socialiste inféodé à la domination bourgeoise, ou tiendra-t-il le coup jusqu’au bout, en renversant de l’intérieur les vieux cadres de la démocratie bourgeoise, donc en acceptant le basculement du gouvernement actuel dans une Commune ?

    La question ne manque pas de sel. Nous verrons bien alors si Tsipras a su se souvenir que ses ancêtres faisaient du Chaos l’origine du Monde......

    "Ils veulent nous obliger à gouverner, nous ne cèderons pas à cette provocation."

  • Une parenthèse, importante, car je ne voudrais pas être mal comprise, et que l’on imagine que je serais dans une posture de Cassandre qui attend de pouvoir à nouveau se délecter dans la fascination morbide qu’a toute une partie de "l’extrême gauche" face aux défaites de "son camp", face à ses propres impuissances. Non , pas du tout. Quoi qu’il en advienne, ma curiosité et mon intérêt face à ce qui va advenir en Grèce dans les semaines à venir sont sincères, et bienveillants, et dans mon cœur, il n’y a qu’encouragements et vœux les plus sincères pour que le mouvement social grec se débarrasse de TOUS ses exploiteurs (reste à savoir ce que nous entendons par là :-D).

    Je n’appartiens plus à aucun parti institutionnel ni bourgeois ni prétendument ouvrier depuis un moment, je suis donc relativement apaisée et tranquillisée de n’être plus dans ce qui revenait malgré tout toujours plus ou moins à des "querelles de chapelles" qui obscurcirent parfois, y compris malgré moi, mon analyse et mon jugement. Aussi, en envisageant ce qui continue de se dérouler en Grèce, je n’ai pas d’autre "parti" à défendre que celui de ma classe (car "profession libérale" en 2014, je sais bien que je suis une prolétaire en puissance...).

  • Si Syriza n’est pas, ne doit pas être, un modèle, il pourra être, au moins, il est forcément déjà, une hypothèse. Une parmi d’autre. Un pont supplémentaire entre l’impossible idée et l’idée d’un autre possible.

    Avec Syriza ma génération (et les suivantes) en finiront, d’une manière ou d’une autre, une bonne fois pour toutes avec ce mythe du "changement par les urnes" dans une démocratie bourgeoise.

    En effet, car soit Syriza trahira immédiatement ses promesses de campagne et la messe sera dite et vite. Soit elle les mettra en œuvre et elle sera alors contrainte de les dépasser très très rapidement.

    Mais dans les deux cas, on se retrouvera face à l’évidence : il n’y a pas de révolution de papier, pas de révolution par les urnes.

    Syriza, et derrière, ou à côté, ou devant, même, ce parti, tout le prolétariat, la paysannerie et une partie de la petite bourgeoisie grecques, à l’épreuve du feu, donc.

    Nous attendrons de voir quels seront les premiers décrets d’un gouvernement (majoritairement) de "gauche radicale" en Grèce.

    Je voudrais ajouter une chose ici sur la "coalition" que Syriza envisage avec le parti de droite ANEL.

    Même avec certains partis bourgeois, et même avec une partie de la bourgeoisie, s’il le faut, dans un mouvement révolutionnaire, on peut envisager une coalition même momentanée. Cela dépend. Du contexte. Du moment. Du "kairos", si je puis dire.

    Relisons Le Manifeste. Marx et Engels n’ont jamais dit rien d’autre. Il peut y avoir des formes de lutte " nationales" ; il peut y avoir une alliance avec la bourgeoisie ou une partie de celle-ci contre une fraction de la classe dominante (Marx disait avec la bourgeoisie contre l’aristocratie, qu’elle soit d’épée ou de robe)...

    D’un point de vue marxiste, il n’y a pas de "principes" intangibles absolus universels, "inscrits dans le marbre", de la manière de mener la lutte de la classe. C’est une vision du stalinisme d’avoir érigé Marx et Engels, et même Lénine, en dogmes. Nous ne serons pas dogmatiques parce que nous nous réclamons du communisme, et donc, du marxisme.

    Cela étant dit, cette histoire d’alliance avec ANEL ne va pas passer tout seul y compris dans les rangs mêmes de SYRIZA (pour mémoire et par exemple - désolée ,c’est en anglais : http://www.tovima.gr/en/article/?aid=539453). Une éventuelle "épuration" des "contestataires" à cette coalition (dont je comprends bien pourquoi ils la contestent, ce que je partage) serait donc d’emblée un très très mauvais signe de la suite.

    Pour juger de la légitimité de la "coalition" avec ANEL, la question (je dirais, la seule) c’est bien sûr donc, Syriza sera t il , est- il un "parti révolutionnaire" ? ....

    • ""Pour juger de la légitimité de la "coalition" avec ANEL, la question (je dirais, la seule) c’est bien sûr donc, Syriza sera t il , est- il un "parti révolutionnaire" ? ....
      "

      il peut être nécéssaire de faire alliance avec une partie de la bourgeoisie ,les concessions sont parfois une nécéssité et dans ce cas il faut 1 :savoir que c ’est une concession dans le temps,et 2 poser la question:qui est dirigeant .
      Dans le cas présent peut on encore a notre époque faire comme ci la bourgeoisie petite était aussi nombreuse qu’au 19eme siecle ?
      son poids politique est il aussi grand ?
      je ne sais en gréce mais en France quand 85% de la population est salariée,il me semble qu’une telle alliance est inutile.
      pensez vous réellement que par exemple Bayrou peut être un allié meme temporairement ?
      autre petite chôse c ’est quand j’étais hors parti que je me sentais pas du tout appaisé ... ;-)

    • En théorie oui, lorsque le salariat est ultra majoritaire on peut penser ne pas avoir besoin d’alliances. Mais il y a la classe et la position politique de la classe et nous savons parfaitement que nous sommes loin en Grèce comme ailleurs, d’être passé au stade généralisé de la "conscience de classe" et que beaucoup de prolétaires votent pour des partis bourgeois ou d ’ex partis ouvriers qui font la politique de la bourgeoisie...
      Aussi je crois que la question des alliances éventuelles (et momentanées, j’insiste) va se poser quand même au moins en première intention.
      Et bien sûr oui dans la question de l’alliance, il y a celle de l’hégémonie :) être allié et diriger ce n’est pas du tout la même chose qu’être allié et se soumettre :-)