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Mollah Bové

Publie le mercredi 25 juin 2003 par Open-Publishing

Mollah Bové

Par PierreGeorges

José qui, josé quoi, José encore ! Nom d’un sabre de bois, force doit rester à la loi ! Cela tombe bien, la loi était venue en force.
Dans une humble chaumière des Causses - remarquez on dit humble, on n’en sait rien, c’est pour la beauté misérabiliste du conte - vivait un repris de justice. Un vrai de vrai, celui-là. Un pur , un dur, un tatoué à l’encre d’imprimerie ! Enfouraillé jusqu’à la pipe. Un multirécidiviste en tout cas, partout fiché, souvent condamné, et vaguement terroriste avec cela, le mollah Omar de l’anti-OGM.

Le mollah Bové donc, poussant l’art du camouflage jusqu’à se prétendre éleveur de brebis, pauvres bêtes !, dormait-il, ne dormait-il point ? Voilà bien une question, sans réponse et qui nous turlupine. Car décemment, on ne saurait prétendre au titre de plus célèbre paysan des Causses et roupiller comme un sonneur à l’heure de la traite.

Adoncques, à l’aube pâle, sinon fraîche - ah, foutue canicule, chef, z’êtes sûr que je peux pas enlever mon gilet pare-balles ?-, à l’heure de la traite des brebis, un commando surgit. De partout, de nulle part. De la terre, du ciel. A pied, à fourgon, à cheval vapeur, des bonnes motos tout terrain, des fois que le lascar Omar Bové filerait en mob dans le Causse, le panache de sa pipe au vent façon Isadora Duncan. Et en hélicoptère, aussi du genre Air Vendôme pour transporter ensuite le forcené forçat vers une geôle fraîche. Non, il n’y manquait rien, pas même les maîtres-chiens, cherche Rintintin, cherche ! N’y manquait rien ? Ah si, tout de même, des nageurs de combat. Imaginez que l’insoumis ait plongé dans une mare et s’y soit fait grenouille plus grosse que le Bové !

Mais ne moquons pas le corps expéditionnaire qui ne fit qu’obéir aux ordres. Et les ordres étaient formels. Prendre de vitesse les éventuelles forces de la Confédération paysanne, syndicat d’enragés de la faucille. Et prendre vivant, tout de même on n’est point des bêtes, leur mauvais génie médiatique et indocile.

A six heures pétantes, comme légales, les forces de la loi passèrent à l’action. Elles se présentèrent à la porte de l’humble ( ?) chaumière, en tout cas du repaire du Bové des Causses. C’est tout à fait curieux le rapport qu’entretiennent, de bon matin, les forces de la loi avec les huisseries. Un gendarme pourrait sonner. Ou frapper, toc, toc, "Bonjour, M. Bové, au nom de la loi vous êtes en état d’arrestation !" Mais non. A l’aube, les gendarmes aiment bien qu’une porte soit ouverte, ce qui est rare, ou enfoncée !

Ce qui fut fait. La porte fut enfoncée. Et ainsi fut pris Bové, au lit peut-être, au saut du lit sûrement, nous n’en savons rien et le regrettons, car il nous aurait plu de vérifier si le Bové dort bien, pipe au bec, pour mieux préparer ses médiatiques apparitions de paysan tranquille. Donc il fut fait, le José, et aux pattes, de velours s’entend. Et menotté. Et conduit à l’hélicoptère, et par hélicoptère à la prison. Ce qui montre bien qu’on peut rentrer en prison française en hélico, et pas seulement en sortir !

Force était restée à la loi. Une voisine filma au Caméscope, celui du facétieux José( ?), cette charge héroïque. Et on en rit tous, d’un fou ire si dangereux qu’il nous faut implorer une grâce du 14 juillet pour abréger nos souffrances zygomatiques !

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3208--325005-,00.html