Accueil > Libé 301105 : Neuromarketing en quête de cerveaux disponibles.

Libé 301105 : Neuromarketing en quête de cerveaux disponibles.

Publie le mercredi 30 novembre 2005 par Open-Publishing

Neuromarketing : en quête de cerveaux disponibles.

Les images de cerveau en plein effort n’intéressent plus seulement uniquement les médecins ou les spécialistes. Les économistes, les hommes politiques, les spécialistes en communication les regardent de très près depuis quelques années. Ne pourraient-elles pas les aider à mieux manipuler les comportements des citoyens ? Hier, le sujet était au coeur des Journées annuelles de bioéthique. Retour sur l’impact et les débouchés de la neuro-imagerie médicale avec Olivier Oullier, maître de conférences à l’université de Provence de Marseille.

L’imagerie cérébrale s’est considérablement développée. Que nous a-t-elle appris réellement ?

Elle nous a beaucoup éclairés sur la maladie de Parkinson, sur ce qui se passe dans le cerveau lorsqu’on vous assomme par exemple. Elle a permis des progrès dans des domaines aussi variés que l’apprentissage, la mémoire, ce qui se passe lorsque vous jouez du piano. Elle permet de comparer l’état du cerveau lorsqu’il est au repos et lorsqu’il est en activité. C’est un contraste, une mesure indirecte de l’activité du cerveau. Mais ce n’est pas parce que l’on parvient à cartographier le cerveau que l’on sait comment il fonctionne. Le cerveau, c’est un peu comme la géopolitique, il est fait de réseaux. Une même action, comme bouger un doigt, peut activer des réseaux différents en fonction de l’environnement. La neuro-imagerie doit être utilisée avec d’infinies précautions. Le piège, c’est l’interprétation que l’on peut en faire.

C’est pourtant sur ces expériences que repose le neuromarketing. C’est-à-dire l’idée qu’en comprenant le fonctionnement du cerveau et en trouvant ce qui le stimule on peut influencer des comportements d’achat.

Le neuromarketing est en réalité un dérivé de la neuroéconomie. L’idée est de saisir les mécanismes de prises de décisions. Comment le cerveau fonctionne lorsque l’on a des choix à faire ? C’est une discipline encore débutante, et nous avons peu de recul. Par exemple, comment certaines personnes se répartissent les biens ? On s’aperçoit que l’aspect émotionnel prend souvent le pas sur la raison. Peut-être qu’en étudiant le cerveau dans ces moments-là on pourra avoir accès à l’émotion. Ensuite, on pourra l’étendre à tout ce que vous voulez : que se passe-t-il lorsque vous votez, ou bien lorsque vous décidez quoi acheter ?

Le neuromarketing va-t-il alors permettre aux industriels d’influencer le choix des consommateurs ?

On ne sait pas. D’ailleurs, aucune entreprise n’a aujourd’hui intérêt à le dire, cela ferait peur au consommateur. Maintenant, est-ce que la neuro-imagerie est véritablement applicable au marketing ? Et concrètement, vaut-il mieux faire appel à un neuroscientifique ou à un Séguéla pour vendre son produit ? Mon choix est vite fait. Le publicitaire a fait ses preuves. Cela ne veut pas dire que la neuro ne marchera pas.

On dit que les dérives ont déjà commencé aux Etats-Unis.

L’armée américaine finance les neurodétecteurs de mensonges. Ils supposent que le cerveau s’active plus lorsque le sujet ment. Des entreprises proposent de détecter également les menteurs, certains cabinets de recrutement sont tentés d’y avoir recours. Avec le risque de vouloir caractériser les gens par rapport à la structure ou au fonctionnement de leur cerveau. Exemple : étudier dans un labo le cerveau d’un sujet, sans connaître son histoire ni l’environnement dans lequel il évolue, pour au finale essayer de trouver des traces de tel ou tel comportement et décider qui est un génie ou un criminel. Là est le danger.

http://www.liberation.fr/page.php?A...