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LE MONDE DES EFFARÉS

Publie le mardi 31 janvier 2006 par Open-Publishing
13 commentaires

de Le Yéti

Il m’a fallu un temps avant de me décider à oser écrire sur une affaire comme Outreau. J’ai suivi avec attention le déroulement de la mission parlementaire, assisté aux témoignages hallucinants des "coupables" innocents, entendu les déclarations des politiques, lu les commentaires d’une presse qui en oublie ses propres dérives sur le sujet. Oui, il s’agit bien du procès justifié d’un juge et d’un appareil judiciaire. Mais le mal est plus profond et dépasse, je le crains, le seul cadre de la justice.

Lorsque les tissus sociaux sont déchirés, lorsque les repères qui assuraient la cohésion du groupe ont implosé, lorsqu’est détruite l’image valorisante que les individus peuvent donner d’eux-mêmes ou celle qu’ils peuvent avoir des autres, alors nous sombrons dans un monde d’effarement où la terreur des faibles n’a d’égal que celle des puissants qui pensent les dominer.

Et chacun de se recroqueviller sur son pré-carré, de se réfugier derrière des intégrismes primaires, guidé par des peurs ancestrales, des haines implacables, des égoïsmes impitoyables.

Affolés par le vide abyssal qui cerne notre illusion de toute-puissance, nous nous barricadons derrière une batterie de lois et de mesures "sécuritaires" contre des dangers qui n’existent bien souvent que dans nos esprits échauffés. On flingue d’abord, on cause ensuite (et encore pas toujours) ! Le lynchage devient roi.

Si l’on n’y prend garde, ces dérives peuvent rapidement dégénérer pour atteindre au summum de l’horreur que sont les désastres humanitaires (quand un groupe en laisse périr un autre pour protéger ses intérêts) ou les holocaustes (quand une collectivité humaine se débarrasse purement et simplement d’un autre groupe, juste pour calmer la terreur et la haine qu’il lui inspire.)

Non, une affaire comme celle d’Outreau n’est pas isolée et ne relève pas seulement d’un problème de justice. Elle est le symptôme de la dérive d’une civilisation. Une civilisation dont la justice, ivre de fureur comme le taureau d’une féria, encorne aveuglément des innocents. Une civilisation qui, au nom d’une logique néo-libérale proclamée comme valeur universelle par une classe de nantis, tient à l’écart ou rejette dans les bas-fonds de la misère toute une partie des autres classes sociales (jeunes, rmistes, chômeurs sans droits, sdf ...). Une civilisation qui ferme ses portes de Ceuta aux déracinés des contrées qu’elle a elle-même pillées.

Une telle civilisation n’est pas malade, elle est moribonde. Notre civilisation occidentale est à bout de souflle.

On peut condamner tous les juges, restructurer tous les appareils judiciaires défaillants, on n’avancera pas si l’on ne s’attache pas d’abord à recoudre les tissus sociaux, redessiner les repères dont nous avons besoin pour vivre, reconstruire les images de nous-mêmes et des autres sans lesquelles nulle dignité n’est envisageable.

En un mot, reconstruire une civilisation. Tel est le sens du combat politique que nous devons mener. Il dépasse largement les querelles infantiles de personnes ou de partis. Il suppose que nous prenions bien conscience de l’ampleur de la tâche. Et que nous nous soyons nous-mêmes délivrés de cet effarement féroce qui a vu les révolutions précédentes souillées par les guillotines, les goulags ou les femmes tondues.

 Le blog du Yéti

Messages

  • AU YETI ,
    bonjour mon ami ,

    En un mot, reconstruire une civilisation. Tel est le sens du combat politique que nous devons mener. Il dépasse largement les querelles infantiles de personnes ou de partis. Il suppose que nous prenions bien conscience de l’ampleur de la tâche. Et que nous nous soyons nous-mêmes délivrés de cet effarement féroce qui a vu les révolutions précédentes souillées par les guillotines, les goulags ou les femmes tondues.
    j’ai tes mots devant moi , je les lis et je les pense , et j’ai peur d’avoir envie de baisser les bras !
    de me sentir tout seul peut etre mais peinard , comme chantait Léo , je ne sais comment attaquer ce morceau de ton texte copié , il me gene , m’effraye , bouscule mes pauvres certitudes , seront nous à la hauteur de la tache Yeti ?

    Il m’est impossible d’aller plus loin , il faut que je reflechisse à ce que tu nous dit , avant de tenter une reponse , je t’aime bien YETI , mais ce matin , je me demande si pour un moment , pour un moment seulement , je ne te hais pas .

    ton ami du fou ,
    claude de toulouse .

  • C’EST RE MOI YETI ,

    la revolution est violence ou n’est pas , le remplacement d’un ordre social , par un autre ordre social , ne peux pas se faire dans la paix , car les tenants de l’ordre ancien ne peuvent perdre leurs privileges sans réactions violentes et les tenants du nouvel ordre doivent briser toutes resistances pour imposer le nouvel ordre social.
    L’etude de toutes les revolutions nous montre que la violence est l’accoucheuse du nouvel ordre .
    Ceux qui n’ont pas voulu eradiquer l’ordre ancien ont perdu ! ALLENDE au Chili , les capitaines au portugal , par ailleurs l’etude des revolutions montre que bien souvent la revolution se nourrit de ses propres créateurs , la terreur aprés 1789 , le stalinisme apres la revolution bolchevique .
    les bouillants acteurs de la revolution sont vite jugés trop tiede au fur et à mesure de la résolution de la contradiction.
    Construire un nouvel ordre social , une nouvelle civilisation ne pourra se faire que lorsque les contradictions que notre société enfante auront atteint leur apogée , dire si cela se fera dans le velours ou dans le feu , me parait difficile , pour ma part je ne crois pas que ma generation verra ce changement de societé , ni dans le feu , ni dans le velours .
    Je suis fatigué , YETI , j’ai consacré toute ma vie à vouloir changer les choses , et rien ne bouge , je n’ai voulu qu’un peu plus de justice , un peu plus de liberté , un peu de reve pour ceux qui ne revent jamais , j’ai comme des millions d’autres espéré dans les matins qui chantent , aujourd’hui , certains me traitent d’assassin , de co-nazi , mes mains seraient rouges de sang !
    je crois , YETI , que si nous ne faisons rien aujourd’hui et demain , pour avoir encore une fois le sourire de la victoire sur les levres , comme le 30 mai 2005 , alors comme disait BRASSENS je chercherai un arbre pour y vivre heureux .

    ton ami du fou
    claude de toulouse .

    • Cette citation de Gandhi résume à peu près ma pensée :

      "Entre la violence et la non-violence, je choisis la non-violence.
      Mais entre la violence et la lâcheté, je choisis la violence."

      Je ne dénonce pas la violence qu’un combat peut imposer. J’alerte contre les " justices" expéditives et les vengeances aveugles.

      Le Y.

    • le Yéti,

      Ton texte me fait penser au livre que je lis actuellement : la possibilité d’une île de Michel Houellebecq. Surtout ne le prend pas mal.

      Francesca

    • CHER YETI,

      J’aime vous lire !

      Henri GUILLEMIN écrivait : "Il y a des violences généreuses et une indifférence qui peut-être le comble de la cruauté..."

      A Claude de toulouse

      je me permets de rappeler que les résistants de la première heure n’étaient que 2%,

      Qu’ils savaient qu’ils ne verraient probablement pas la victoire, mais ils l’ont saluée de loin...

      Que si l’on peut tuer un homme, on ne tue pas une idée. Elle fait son chemin.

      D’autres la reprendront à leur compte et la feront aboutir : Question de temps.

      Je crois en la puissance de l’esprit. IL N’EST PAS NECESSAIRE DE REUSSIR POUR PERSEVERER

      Baisser les bras, c’est s’avouer vaincu et risquer de perdre l’estime de soi-même

      C’est la richesse " humaine" qui émane de ce site qui me conforte dans la certitude que le combat n’est pas vain

      Je connais mes concitoyens : J’en SUIS

      Amicalement

      Michèle

    • Hé.. Claude de "Toulouse", regardez du côté de la Bolivie du Vénézuela, un peu d’espoir arrive, des gens comme vous et moi ont dit NON sans violence mais avec une très grande détermination.

      J’ai la certitude que nous allons rentrer dans un changement et Claude , depuis le temps que vous combattez une "autre vie" Svp ne baissez pas les bras aujourd’hui ni demain d’ailleurs, car votre expérience, votre savoir peuvent servir .. Rappelez vous c’est vrai le temps use sans rien voir arriver mais la roue tourne et la montée va s’amorcer pour l’espoir des gens comme nous.

      Nicole

    • Merci Nicole
      pour tes mots d’encouragement , on poussent tous à la roue , mais il y a des moments ou elle parait bien lourde et bien lente cette satannée roue !
      avec mes amitiés ,
      claude .

  • Cette affaire d’Outreau me fait rappeler une autre injustice plus criminelle encore c’elle de (« Omar m’a tuer ») il a été juger et condamné parce qu’il sait tué le mouton de la fête, c’est comme nous ici en France ont ne mange pas de la viande. 5 ans de prison gratuitement.
    Mais c’est bien dommage qu’il n’y ait pas eu de commission d’enquête. Remarque c’est un etrangé.

    • Et il y a encore pire !

      (Cité dans le Canard enchaîné du 28 décembre 2005)

      "Le merveilleux droit français a déjà prouvé qu’il permettait d’expédier des dizaines d’innocents en prison.

      Le procès CHALABI en 1998 a fait davantage de dégats que celui d’Outreau, même si on en a moins parlé :

      89 personnes innocentées, et des dizaines d’années de prison pour rien !"

      Michèle

  • Et si on reparlait d’un certain gosse de quinze, qui voulait "juste rentrer chez lui" ?
    Innocent, emprisonné pour quinze ans, violé, tabassé, écrabouillé en taule, indemnisé (???) ensuite pour erreur judiciaire.
    Bizarre que personne ne fasse le rapport.
    C’est pas seulement depuis Outreau qu’elle va mal, notre Justice.
    Quant à notre police, ça ne s’arrange pas, même si on a cru parfois que ça pouvait pas être pire.
    MC