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Les leçons du professeur Prodi

Publie le lundi 20 février 2006 par Open-Publishing
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Italie
Les leçons du professeur Prodi

de notre envoyé spécial Philippe Broussard, avec Vanja Luksic

A deux mois des élections législatives, le leader du centre gauche incarne l’opposition au chef du gouvernement, Silvio Berlusconi.
Enquête sur ses terres, en Emilie-Romagne

Les 7 dates du « Professore »

1939
Naissance en Emilie-Romagne.

1969
Mariage.

1971
Carrière de professeur d’économie.

1978-1979
Ministre de l’Industrie.

1996-1998
Président du Conseil.

1999-2004
Président de la Commission européenne.

2005
Remporte les primaires à gauche.

Ses compatriotes le surnomment « il Professore ». Lui-même apprécie cette marque de respect, si ce n’est d’affection. Après tout, il y a dans ce terme l’essence du personnage : son profil d’universitaire, économiste de formation ; son côté bonhomme, pédagogue à souhait. Un professeur, donc, mais à l’ancienne, discret et rassurant. Un sage au verbe lent, et un rien ronronnant, des hommes de savoir. Bref, tout le contraire d’un show-man comme le président du Conseil, Silvio Berlusconi.

« Il Professore » contre « il Cavaliere », centre gauche contre centre droit : ce sera justement le duel des législatives du 9 avril. En cas de victoire, Romano Prodi apparaîtra, à 66 ans, comme le tombeur du berlusconisme et tentera de créer un parti démocrate. En cas d’échec, cet homme connu à l’étranger pour avoir présidé la Commission européenne de 1999 à 2004, phase du passage à l’euro, retournera, au moins pour un temps, à ses passions : l’économie et le vélo.

L’Union de centre gauche, coalition dont il peine à assurer la cohésion, sait qu’elle tient là un chef atypique : un leader sans parti, réputé honnête, crédible à l’étranger. L’opposé, là encore, de Berlusconi. Cette différence revendiquée trahit une réalité plus profonde : l’Italie du Cavaliere milanais - celle des affaires et de la télévision - n’est pas celle, moins tape-à-l’œil, du Professore.

Romano Prodi, marié et père de deux garçons, est né à Scandiano, à deux heures de route au sud de Milan, en Emilie-Romagne. Une région riche, à la fois rurale et urbaine. Dans un pays où le terroir fait l’homme, pareille nuance géographique a son importance ; elle explique en partie la personnalité du candidat de l’Union : sa discrétion médiatique ; sa méfiance à l’égard des salons romains ; ses allures de père tranquille, qui lui valent d’être portraituré en curé ou en mortadelle ! Son Italie, même si elle a beaucoup changé en cinquante ans, n’est-elle pas celle de la charcuterie et de Don Camillo ?

L’intéressé revendique ses racines provinciales. L’Emilie-Romagne, terre de militantisme (à gauche) et de foi (catholique), est son fief ; il y compte ses plus fidèles soutiens, ses réseaux. Le premier est familial : c’est le clan Prodi. Une grosse centaine de personnes, en comptant les petits-enfants. Leurs ancêtres étaient paysans. Non loin de Reggio Emilia, la ville où ils ont grandi, un hameau en témoigne : Ca’dei Prodi (la Maison des Prodi). Leur destin a basculé avec Mario, le père de Romano. Le premier, il a étudié pour devenir ingénieur des Ponts et Chaussées. Ses enfants - sept garçons, deux filles - ont suivi son exemple, malgré les moyens limités de la famille. Résultat : un cancérologue, un architecte, deux mathématiciens... et un Professore au destin international.

« Romano parlait beaucoup avec papa, confie l’une de ses sœurs, Maria Pia, psychiatre. Très rapidement, il s’est intéressé à l’économie locale, passée après la guerre de l’agriculture à la petite industrie. » Durant ses études, Romano Prodi est allé à la découverte des PME des environs (céramique, salaisons...) et a fait de sa région un laboratoire où, en 2006, il prend encore le pouls du pays.

L’été, le clan se retrouve dans les collines des Apennins. A Bebbio, un village sans prétention, il possède une maison acquise en copropriété en 1965. L’appellation « château » (Il Castello) donnée à celle-ci est sans doute due à ses deux tourelles, mais le luxe n’y est pas de mise. Et chacun, des jeunes aux anciens, est mis à contribution : vaisselle, ménage, cuisine... « C’est plus un kibboutz qu’une villa ! dit, amusé, l’un des frères Prodi, Paolo, historien à Bologne. Les premières années, on discutait sans cesse des sujets d’actualité : l’école, l’emploi... Les petits sont désormais si nombreux que c’est difficile. »

Bebbio, avec sa piscine et sa chapelle, n’en reste pas moins un refuge pour le Professore. Il y reçoit, par exemple, ses copains cyclistes, avec lesquels il avait pédalé, voilà quelques années, jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle. Dans un livre coécrit avec son épouse, Flavia (Insieme [Ensemble], éditions San Paolo), Romano Prodi évoque ce périple et accorde une large place à la religion. « Elle joue un rôle primordial chez lui. Il est l’archétype du catho de gauche à l’italienne », estime le politologue Angelo Panebianco.

Autre lieu clef : Bologne, sa ville d’adoption. La capitale intellectuelle de l’Emilie-Romagne, siège de la plus ancienne université d’Europe, est la place forte du Professore. Dans cette cité bourgeoise lovée autour de son cœur historique, tout le monde se connaît. Romano Prodi y a sa garde rapprochée, ses lieux de vie. Ses voisins de la via Gerusalemme le croisent à la messe dominicale en compagnie de sa femme, très impliquée dans les bonnes œuvres.

Ses principaux pourvoyeurs d’idées sont à Bologne, eux aussi. Ils constituent même une sorte de confrérie du « prodisme », omniprésente dans deux institutions locales : Il Mulino, une maison d’édition dont Prodi est l’un des piliers, et Nomisma, un institut économique qu’il a fondé en 1981. Enfin, Bologne est le siège d’un laboratoire d’idées, la Fabbrica del programma, installée dans une ancienne usine où le Professore a tenu, en 2005, 15 réunions publiques. En vue des élections, l’endroit s’est mué en QG de campagne.

C’est donc bien là, dans les cercles bolognais, et non à Rome, que l’on connaît le mieux ce Prodi dont la bonhomie est, paraît-il, trompeuse. « L’image du curé est erronée ; c’est un dur, capable d’être cinglant », assure l’un de ses proches, l’écrivain Edmondo Berselli. « Il peut se montrer rigide, intransigeant, vindicatif », poursuit Giorgio Gazzotti, journaliste au quotidien bolognais Il Resto del Carlino. Sandro Rovinetti, l’un des responsables locaux des Démocrates de gauche (ex-communistes, pro-Prodi), confirme : « Les gens d’ici sont parfois surnommés les “têtes carrées”. Ils savent prendre des décisions. »

Les Italiens feront-ils pour autant de Romano Prodi leur président du Conseil, comme en 1996 ? Ses détracteurs dénoncent son manque de charisme. Ses partisans soulignent sa différence avec Berlusconi. A lui, maintenant, d’exister autrement qu’en étant seulement l’antithèse du Cavaliere. Il lui reste deux mois pour convaincre les électeurs qu’il peut relancer ce pays en proie à un profond mal-être.

http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/italie/dossier.asp

Messages

  • Voilà un article qui ne s’interesse qu’aux aspects "people" de la carrière de Romano Prodi !
    Franchement, on en a rien a foutre de la petite famille de Prodi !

    Ce que j’aimerais comprendre c’est comment et pourquoi Rifondazione et son leader Bertinotti a pu raccrocher une nouvelle fois au wagon social-démocrate et se choisir comme chef de train l’ancien Président de la trés libérale Commission Européeenne..... Prodi fut et reste un farouche partisan du TCE.

    Il est vrai qu’en face c’est Berlusconi.... et qu’il veut s’allier aux neo-fascistes...
    Mais tout de même Rifondazione, en s’alliant avec à la gauche libérale ne risque t’il pas de desespérer les gens les rendant orphelins d’une véritable alternative anticapitaliste ?

    Jips