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La CGT garde la main sur des secteurs clés de la culture

Publie le mardi 5 août 2003 par Open-Publishing

in : http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3246--329731-,00.html


La CGT garde la main sur des secteurs clés de la culture

LE MONDE | 04.08.03 | 13h13

La CGT a conservé une place considérable dans le secteur culturel, où
elle cogère nombre d’organismes et d’associations
paragouvernementales. Mais aujourd’hui les adhérents sont peu
nombreux, et des mouvements comme celui des intermittents préfèrent
souvent des coordinations aux syndicats.

"La seule chose que la CGT du spectacle ne sache vraiment pas gérer,
ce sont les crises", affirme Jacques Peskine, président de la
Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de
l’audiovisuel et du cinéma (Fesac). Il affirme que le syndicat porte
"une responsabilité" importante puisqu’il "n’a rien fait pour éviter
l’arrêt des festivals", notamment de celui d’Avignon. Une telle
politique "coûtera très cher aux premiers concernés, les
intermittents, qui n’arriveront pas à faire leurs 507 heures" pour
bénéficier des allocations-chômage.

La CGT, qui, comme FO, a refusé de signer la réforme du régime des
intermittents, a joué les jusqu’au-boutistes et appelé tous les
intermittents à la grève. Comme le rappelle Jean Voirin, secrétaire
général de la Fédération des syndicats CGT du spectacle, le mouvement
a largement dépassé les rangs des adhérents, et a été relayé
essentiellement par les nombreuses coordinations qui ont vu le jour,
mais aussi par SUD, Attac et des sympathisants d’extrême gauche.

Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication,
a dénoncé le 10 juillet "le comportement irresponsable" de la CGT-
Spectacle qui a "joué la politique du pire". De son côté, Bernard
Thibault, secrétaire général de la confédération, a gardé un silence
assourdissant sur la radicalisation de sa filiale.

La quasi-disparition du PC, historiquement très présent dans la
culture depuis la Libération, a été un facteur non négligeable dans
la crise actuelle, qui s’est soldée par une annulation en série des
festivals. En 1992, une intervention de Jack Ralite devant des
intermittents qui, déjà, étaient en colère à Avignon, avait calmé les
esprits et permis la bonne tenue du festival.

Depuis l’après-guerre, la CGT a occupé et conservé une place très
particulière dans la culture. Comme chez les dockers ou les ouvriers
du Livre. "Quand j’ai démarré ma carrière dans le spectacle vivant,
le bureau d’embauche était à la Bourse du travail, à Paris. Il
fallait avoir sa carte CGT pour rentrer à l’Opéra, dans les théâtres
nationaux et les scènes décentralisées", se souvient Christian
Sevette, secrétaire général adjoint du Syndicat national des artistes
et professionnels d’animation de la culture (Snapac-CFDT).

DE NOMBREUSES COGESTIONS

La CGT, qui a notamment participé à la mise en place du Centre
national de la cinématographie (CNC) à la Libération, ou encore à la
création du Festival du film de Cannes en 1947, a conservé une
présence considérable dans le secteur.

Celle-ci passe notamment par la cogestion de nombre d’organismes
importants, comme le Fonds de soutien au théâtre privé - qui collecte
la taxe parafiscale des spectacles de théâtre. Statutairement, le
vice-président et quatre administrateurs sont des représentants de la
Fédération du spectacle. Le syndicat détient également, aux côtés des
représentants de l’Etat, des collectivités locales et des employeurs,
quatre sièges d’administrateurs au Centre national de la chanson, des
variétés et du jazz, qui perçoit plus de 10 millions d’euros de taxe
parafiscale. Le même schéma est appliqué au Centre national des arts
du cirque de Châlons, une association montée par le ministère de la
culture.

La CGT cogère encore le fonds d’assurance-formation Afdas et est
majoritaire dans les caisses de retraite professionnelles Capricas et
Carcicas et dans la caisse de prévoyance du spectacle Ipicas. Sans
compter qu’elle occupe une place prépondérante dans la gestion du
Centre de formation professionnelle aux techniques du spectacle. Par
ailleurs, une quinzaine de syndicats fédérés dans les différents pans
de la culture permettent d’entretenir un bon nombre de fidèles.

"La Fédération des syndicats CGT du spectacle est la plus financée, à
la fois par le ministère de la culture et de la communication, l’Etat
ou les sociétés civiles comme l’Adami", souligne M. Sevette. Une
procédure est d’ailleurs engagée par le Syndicat indépendant des
artistes interprètes (SIA-UNSA) contre l’Adami - où siègent 26
militants CGT sur les 34 administrateurs élus. Le SIA conteste "la
discrimination syndicale" qui a conduit l’Adami à attribuer en 2002
une subvention de 133 000 euros au Syndicat français des artistes
interprètes (SFA, qui dépend de la CGT) ainsi que 14 483 euros au
Syndicat national des artistes musiciens (SNAM), qui dépend également
de la CGT, alors que les autres syndicats, comme FO ou la CGC, n’ont
eu que des miettes. Autre exemple : la Société des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) finance également le
Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC) de la CGT.

YO-YO ÉLECTORAL

Pendant des années, la CGT a été hégémonique dans la culture. Ce
n’est plus que partiellement vrai : non seulement le taux de
syndiqués est devenu très faible - il serait de moins de 10 % des
salariés -, mais les autres organisations sont mieux représentées
qu’auparavant. On trouve, par exemple, sept syndicats différents à
l’Opéra de Paris, et la CGT perd du terrain dans les scènes
nationales, comme au Théâtre de la Colline, où une section SUD a été
créée. A chaque élection, c’est un jeu de Yo-Yo, et la CGT n’est plus
assurée de garder la majorité.

Toutefois, les vieilles habitudes ont la peau dure et l’article 3 des
statuts du Syndicat national des professionnels du théâtre et des
activités culturelles (Synptac-CGT) stipule que le syndicat, "dans
l’intérêt même de tous les salariés", agit "pour la réalisation d’une
organisation syndicale unique". La CFDT et FO déplorent par ailleurs
que "la CGT ait refusé leurs listes" lors des dernières élections du
Fonds national des activités sociales du spectacle vivant
subventionné (FNAS), qui s’apparente à un gros comité d’entreprise de
la profession. D’autant que "de cette élection dépend le financement
des syndicats représentatifs du secteur". "Il n’y a pas de
paritarisme, la CGT nous laisse un strapontin", déplore M. Sevette.

Pourtant, la question de la représentativité de la CGT-Spectacle est
fréquemment posée. Les syndicats concurrents contestent le chiffre
des 10 000 adhérents revendiqués par Jean Voirin.

Si la confédération CGT amorce un aggiornamento, sa filiale Spectacle
semble très autonome vis-à-vis de sa maison mère mais reste un
interlocuteur obligé du ministère de la culture et des employeurs.
"Il est possible de signer des accords que la CGT-Spectacle saura
ensuite imposer aux autres syndicats", souligne M. Peskine, en
déplorant que "les pires archaïsmes de la CGT-Spectacle concernent la
musique et, notamment, le système de rémunération complémentaire
accordé à tous les musiciens qui a tué l’utilisation de la musique
vivante au cinéma".

Ou encore les appels à la grève à répétition à l’Opéra de Paris.
Toute la question de la CGT-Spectacle, à qui incombe largement le
grand gâchis artistique et économique des festivals, sera de tenter
de sortir de la crise à la rentrée. Une problématique que Jean Voirin
ne semble pas avoir encore envisagée.