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Le blairisme ne mérite pas des admirateurs de gauche

Publie le mardi 23 mai 2006 par Open-Publishing
11 commentaires

de Philippe Marlière, maître de conférences en sciences politiques à l’université de Londres (1).

Après la sévère défaite du New Labour aux élections municipales, une majorité du groupe parlementaire travailliste a exigé de Tony Blair qu’il annonce la date de son départ anticipé de Downing Street. Le parti a perdu 200 000 adhérents depuis 1997 (- 50 %) et l’image du premier ministre est très dégradée dans l’opinion publique.

Le public le perçoit comme un menteur invétéré et son autoritarisme déplaît. Les Britanniques contestent surtout sa politique de marchandisation des services publics et l’occupation américano-britannique en Irak est plus impopulaire que jamais. Et pourtant le cercle de ses admirateurs à l’extérieur du royaume ne fléchit pas.

À droite, Bush continue de louer le « courage » de l’homme d’État qui a coorchestré avec lui le plus grand désastre géopolitique de l’après-guerre (sur la base de rapports mensongers) ; Berlusconi, Aznar, Durão Barroso ont à de nombreuses reprises salué celui qui a su faire « fructifier » l’héritage thatchérien, et le baron de Seillière, enthousiaste, s’est exclamé : « Je suis un socialiste anglais ! » À gauche, la social-démocratie n’a pas tari d’éloges non plus, à quelques exceptions près.

La minorité antilibérale du PS a certes rejeté en bloc la « troisième voie » blairiste. Mais l’axe majoritaire jospino-hollandais a réagi avec ambiguïté et hypocrisie au défi qu’elle posait. Seul Dominique Strauss-Kahn a eu l’honnêteté intellectuelle de mettre ses actes en rapport avec ses paroles, en nouant des liens étroits avec les idéologues du blairisme. Plus récemment, Ségolène Royal a décerné un brevet de « politique de gauche » à l’action du gouvernement britannique. Pour ses admirateurs de gauche, le blairisme n’est certes pas la panacée (guerre d’Irak, amitiés douteuses avec Bush et Bersluconi), mais son bilan économique est « bon ». Blair est crédité de la rénovation des services publics et de « bons résultats » sur le plan du chômage.

Depuis 2001, le gouvernement néotravailliste a effectivement augmenté le budget de l’Etat dans les transports, la santé et l’éducation. Cependant, Tony Blair a largement recours au service privé pour moderniser les services publics à travers les partenariats public-privé (PPP). Les PPP sont un projet d’inspiration néolibérale (conçu par les conservateurs). On confie au privé la construction d’infrastructures (hôpitaux, écoles, prisons) qui en assure ensuite la gestion. L’État doit souvent subventionner une partie de ces projets à but lucratif, alors qu’il n’est ni propriétaire des immeubles construits ni ne reçoit aucune des recettes liées à son exploitation.

En pratique, les PPP coûtent plus cher aux contribuables que des services publics gérés par l’État et ils tendent à offrir aux usagers des services de qualité inférieure.

Des conclusions hâtives sont tirées de la simple comparaison des taux de chômage britannique (5 %) et français (10 %). Plus de la moitié des titulaires du régime d’invalidité (Incapacity Benefit), environ 2,7 millions d’individus, sont en réalité des chômeurs de longue durée. Le gouvernement considère que ces personnes sont inemployables car leur niveau de qualification est très faible.

Le taux de chômage britannique est ainsi artificiellement revu à la baisse. La segmentation du marché du travail est telle qu’à côté de régions riches (le sud de l’Angleterre), il existe des poches de pauvreté profonde (nord de l’Angleterre, Écosse, des quartiers de Londres). Ce sont dans ces régions et au sein de ces catégories sociales continuellement exclues du marché du travail que l’on recueille les bataillons d’individus en régime d’invalidité.

Le gouvernement néotravailliste a mis en place depuis 1997 des politiques assez « agressives » de retour au travail. Le New Deal pour les jeunes, tant vanté par Ségolène Royal, est un super CPE qui vise avant tout à alimenter les secteurs (les services en particulier) qui requièrent une main-d’oeuvre sous-qualifiée, mal rémunérée et corvéable à souhait.

Il est donc cohérent que les conservateurs et néolibéraux de tout poil trouvent le blairisme à leur goût. Par contre, comment expliquer la persistance d’un courant blairophile à gauche ? Crasse ignorance de la situation britannique ? Ou alors, ces demi-habiles prépareraient-ils l’opinion à l’inéluctabilité d’un blairisme à la française ?

(1) Auteur de la Troisième Voie dans l’impasse. Essais sur Tony Blair et le New Labour, Syllepse, 2003.

http://www.humanite.fr/journal/2006...

Messages

  • Je viens d’entendre à la radio que tout déserteur de l’armée britannique serait comdamné à la prison à vie... Qui peut m’en dire plus ?
    moi qui pensait que ça méritait au moins un bouquet de fleurs !!!!

    TOUTES LES GUERRES SONT CONTRE NOUS
    NOUS SOMMES CONTRE TOUTES LES GUERRES
    DESERTION INSOUMISSION

    Els@

  • Merci de ces informations détaillées et précises.
    On se doute bien que le blairisme c’est pas la joie, mais on manque parfois d’arguments précis pour discuter avec ceux qui se laissent embobiner par les discours complaisants d’une certaine "gauche".
    Je connaissais le "truc" du déguisement des chômeurs en "invalides", par contre je ne savais rien du "PPP" ;
    Au fait, ce sont deux recettes que la France commence à appliquer : maladie longue durée pour des états dépressifs liés au chômage ou au harcèlement professionnel, délégations de service public qui sont de vrais cadeaux au privé : le public continue à payer, plus cher éventuellement, mais ne contrôle plus rien.
    MC

  • Alors pas de Royalistes ?

    Mme Royale a parlé du "magnifique élan donné par Tony Blair à la société britannique" ?
    Apparemment le seul mauvais goût qu’elle reproche au dirigeant britannique c’est de s’être représenté une fois de plus et d’être allé en Irak...

    Tout le monde est prévenu, .....

    Copas

  • La dérive droitière du Labour et de son leader sont vraiment tragiques pour la classe populaire anglaise.
    Après la première lame Tatcher, impitoyable ennemie de classe, qui a tranché dans le vif, la deuxième lame Blair & Co, traître au peuple, qui anéantit jusqu’à l’idéal de gauche.

    Les leçons de cette histoire anglaise sont décidemment à méditer pour le peuple français.

    Jean-Michel (PCF)

  • N’est pas de gauche celui qui considère que les admirateurs du blairisme pourraient être de gauche.

  • J’EN REMETS UNE COUCHE !

    ... Blair, c’est aussi celui qui a proposé aux communes de voter une réforme de la garde à vue et de la porter à ... 90 jours !
    C’est sans doute parce que "loin des yeux, loin du coeur" !
    C’est peut-être aussi çà qui plait à Sarkolène et ségozy !!!

    NOSE DE CHAMPAGNE

  • Sans oublier le financement des écoles publics par des groupes privés, loi qui vient d’être votée, les 15000 euros de frais d’inscription pour une année universitaire, et une forme de racisme, qui n’est peut être pas pratiquée à l’embauche, mais dans les relations sociales, peu de mariages "mixtes"par exemple par rapport à la france
    Isab

  • Royale et Blair sont sur la même ligne politique ultra-liberale, celle qui finit toujours par faire la guerre quelque part , celle qui fait monter l’extreme-droite, celle qui s’attaque aux salariés et nourrit puissemment les groupes financiers privés .....

    Toutes les décalarations de Royale sur Blair sont un soutien à sa politique et un désir d’y chercher exemple sauf sur deux choses :

    1) L’aspect tactique (il s’est présenté une fois de trop à son poste...)... Immense argument ...
    2) L’attaque de l’Irak....

    L’aspect de se presenter ou pas n’est pas l’once d’une critique d’une politique.

    La critique de l’attaque contre l’Irak est la seule critique politique de Royale contre l’équipe qui dirige la Grande-Bretagne actuellement. Cette critique est obligatoire, politiquement parlant, en France, sinon Royale n’existerait plus....
    Quand Chirac decida de s’opposer aux USA sur la question de la deuxieme guerre d’agression de l’Irak, alors que je me promenais avec un ami fin connaisseur du PS et de ses "hommes et femmes d’état" , je lui posais la question suivante :

    "Crois-tu que Jospin, si il avait été élu président, se serait opposé de cette façon à Bush ?"

    Il me regarda et me fit une grosse grimace....en levant les yeux au ciel, interrogatif....

    Mais au delà de ce dernier aspect, dont on ne saura jamais ce qu’il aurait pu en être, la gauche gouvernementale ultra-liberale s’étant débrouillée pour ne pas être au second tour de la presidentielle, un très grand nombre d’éléments montre que la tendance majoritaire dans le PS est sur la même ligne que Blair, la même ligne que Schroeder, etc, et que seules des adaptations tactiques nationales amenent de menues differences dans les politiques menées.

    Ainsi Mme Royale a laissé, comme DSK, Lang, Kouchner, etc , plein de déclarations, pas trop médiatisées mais existantes, sur la pensée politique et les orientations sociales de fond souhaitées. Il n’y a pas de divergences de fond, seulement des aspects tactiques differends.

    Il n’y a pas d’un côté des éléphants et de l’autre une gazelle.... Une même politique continentale est menée... De temps en temps "on" recule mais la plupart du temps on s’attaque au social, on file au privé le bien public, on "ouvre" les frontières aux capitaux et on les ferme aux êtres humains, etc.

    Ca fait un moment (deux ou trois ans) que des tas de gens savent parfaitement ce qu’il en est du blairisme, la catastrophe qu’il represente pour les salariés britanniques, les services publics, la logique corruptrice qui colle aux mamelles de l’état des interets financiers égoïstes et avides..

    Tous les éléments existent pour voir que le blairisme a mené une politique de droite desastreuse (comme celle de Chirac, comme celle de Schroeder, comme celle de Berlu,....), et les louanges balançées à sa politique de la part de Royale ne peuvent partir que de deux origines :

    1) Elle sait et elle est d’accord. et alors son election amenerait, passée l’effet d’arrivée, une continuité avec la politique anti-sociale sarko-vollepenienne...

    2) Elle ne sait pas et c’est très grave alors....

    Un seul moyen pour bonfier les troupeaux d’élephants et d’éléphantes, de leur redonner un peu de rouge :
    Une saine concurence et la construction d’une force puissante à gauche, anti-ultraliberale, anti-capitaliste, autogestionnaire....

    Et surtout un seul moyen pour aider la majorité sociale des Européens : Coaliser les revolutionnaires, les alternatifs en defendant les travailleurs, les jeunes, les chômeurs avec la même determination que la droite soutient les interets des bourgeois.

    Copas

    • Voter Blair ou Sarko ? Pour ma part c’est décidé au 1er.tour je vote Arlette et au second je reste chez moi.En nous laissant ce choix,qui n’en est pas un, on nous vole notre droit de choisir,notre pouvoir de démocratie bref notre liberté.
      Le vote c’est la RUE !!! Il y a trop longtemps qu’on nous berne,qu’on nous prend pour des cons,qu’on nous promène avec des promesses de droite comme de gauche.
      Cela suffit comme ça:ou on se laisse écraser ou on prend le pouvoir.Mon choix est fait.
      François.

    • Dis moi François ,

      Cela fait combien de fois qu’elle se presente Arlette , avec toujours les arguments que tu ressasses , Le vote c’est la RUE !!!
      On ne peut pas dire que jusqu’à ce jour LO et Arlette aient été trés efficaces .
      enfin cela fera quelques pour cent de steriles , et j’espere pour vous qu’ils ne manqueront pas à la vraie gauche .
      LO = LA LUTTE OUBLIEE !

      claude de toulouse .

    • Blair dans la continuité de Thatcher méprise les classes ouvrières et que n’en déplaise aux médias français, le peuple français n’est pas prêt à accepter cette révolution libérale.
      Peut être l’ajout de la phrase "Ils ne passeront pas" fut il trop lyrique ???
      Donc, Tony Blair, non merci.
      Quant aux témoins de géohva de LO, pas davantage.
      AG.