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Rentrée de la presse (5), bonjour tristesse : l’exemple de La Rochelle

Publie le dimanche 3 septembre 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

1. Le premier problème en négatif de la presse actuelle, c’est en définitive celui du "vide bavard". Prenons l’exemple récent de La Rochelle

Avec la dernière semaine d’août, sortant par convention le 21 de la léthargie coutumière jusque là autorisée, on attendait de la presse qu’elle se remette grosso modo -et même grassement modo- à tout en beaucoup mieux. On savait qu’il y aurait pour notre stimulation cérébrale les "universités d’été" des partis politiques (MEDEF compris), en commençant bien entendu par celle très attendue du PS à La Rochelle. Cette semaine qui était à venir, Le Parisien -comme on le fait d’un ouragan- l’avait annoncée consacrée plus précisément à Ségolène. Du Parisien, dans le premier temps, ça étonnait un peu cet intérêt affectueux, mais une revue rapide montrait que, sans concertation aucune, les confrères étaient unanimement monocentrés idem, apparemment sans malice particulière.

Donc, cursus en gros des choses, Parisien du 21 : "Cette fois, elle s’envole", du 22 : "Tous contre Ségolène". Monde du 21 : "Royal en appelle à une révolution démocratique" et du 22 : une pub en Une pour un bouquin sur elle, "La Prétendante", d’un auteur modestement nommé rien moins que Cassandre (sic). La suite encore, vous la connaissez, ainsi que les titres idoines (exemple Libé le 28 : "Jospin joue l’anti-Royal", etc. etc.). Bon, vous avez tout éclusé, on va pas vous remettre ça. Vous vous êtes, comme nous, bien emmerdés dans cette affaire, et donc le 31 pour finir, vous avez pu lire en substance du Parisien la conclusion suivante : "Gros recul de Ségolène dans les sondages et gros recul de l’ensemble des caciques du PS".

 Bien fait pour leurs gueules !
 Mais non, Jojo, c’est pas ça le problème. Ok, ils ont pas été très bons ! Mais la question vraie est tout à fait ailleurs. Comment la presse a-t-elle pu nous remplir des pages et des pages pendant 7 jours pour rapporter des propos qui n’en étaient pas ou qui paraissaient a priori très "vacueux" ? Est-ce que tu vois où on veut en venir ?

Ce même jour, 31, par coïncidence sans doute inspirée, voilà aussi que Le Monde te fait un long topo sur la terrible mauvaise santé de la presse nationale, laquelle chute et perd quasi-inexorablement tous ses lecteurs (C’est vrai de tous les canards, yc. Libé, yc. Le Monde lui-même). A notre façon, vite fait, on te propose d’y réfléchir.

2. La presse : effets de forme et vieilles manies

Donc ! ouais donc ! de la même façon que tu ne peux pas parler sérieusement à la télé en te grattant les couilles d’un air distrait, tu ne peux pas écrire sérieux en résumant un truc quelconque avec trois lignes et puis basta, il t’en faut trente ou soixante au moins pour prouver que t’es journaliste et justifier ta carte. C’est la première idée.

Il y a là, dans la logorrhée du plumitif rémunéré, un biais dont on peut mesurer les terribles dégâts directs et indirects ! D’abord notons-le, l’objet d’étude du journaliste n’est pas indifférent à l’angle d’attaque convenu de son regard. On eût pu dans la presse s’intéresser notamment au programme du PS (personne finalement ne le connaît, chacun l’ayant depuis sa publication, entre-temps, vachement oublié). On eût pu, puisqu’on tenait tant à Ségolène, s’interroger sur ce qu’était présumément la compétence d’un chef d’Etat, vu qu’on en faisait à tout instant grand cas contre elle. Mais le reporter est là pour rapporter, pas pour analyser.

Dès lors que l’entame de presse de La Rochelle portait sur l’exclusif pathos des 4 ou 5 babards voulant la première place à sa place, ça ne pouvait finir que pathétique. Ci-fait ! Les socialistes sont proprement passés pour de vrais imbéciles.

 Bien fait pour leurs gueules !
 Ok, Jojo, mais tu l’as déjà dit !
 Ce n’est pas que faute à la presse si ça a si mal marché, c’est que dans le mauvais les socialos ont mis indubitablement du leur.
 Sans doute, mais, par effet indirect, à remplir coupablement là-dessus jusqu’à dix articles mornes chaque jour sur de petits problèmes torves, chaque journal se sera fait aussi, sans bien le mesurer, un tort terrible à lui-même.

Où nous voulons, oui, revenir à cela, qui nous fait de la peine (je t’en fiche !), revenir à cette justice immanente par laquelle motu proprio la presse se saborde elle-même. Les trucs pour parvenir à cette fin, chez elle (les manies comme on disait) y sont légions.

Le Monde, chaque fois qu’il le veut, aligne Libé qui souffre tout ce que peut. Soi-disant selon la rumeur, ils se poseraient, eux les "Libériens", des problèmes cruciaux de ligne rédactionnelle. Eh bien, ca ne nous étonnerait pas nous-mêmes, faudrait en effet qu’ils nous expliquent, exemple minus mais parmi d’autres, comment voulant soutenir l’album de Charlotte Gainsbourg qui "se remet à la chanson", ils ont été capables de la citer 3 fois dans le même numéro (28 08) : p 40 en Portrait (par Marie Guichoux), p 31 en Culture (par Ludovic Perrin). On n’a pas retrouvé la troisième page, mais c’est encore pire puisqu’on est sûr qu’elle y était, même si ce n’était pas vrai. Et si ce n’était le 28, c’était tout simplement la veille.

Non seulement une personnalité pâtit comme on le sait de l’hostilité d’un journal, mais elle pâtit plus encore aujourd’hui, comme on ne le sait pas, de l’amitié que ledit journal croit devoir lui exprimer (on devrait prendre ça en compte dans l’échec PS de 2OO2 : les Martine Aubry, les Elisabeth Guigou totalement alors sur-encensées malgré leurs qualités... ).

Le critiqueur de presse, si pro qu’il soit (Le Monde quand il s’y emploie) n’est pas exempt des aveuglements qu’il voit par ailleurs chez les autres : Le Monde ouvre ainsi une page Portraits dont on connaît le haut talent littéraire et l’inégalable cuistrerie hagiographique chez Libé (Pouf, pouf, pouf !)

3. Conclusion

Partout, dans le métier de presse, le même ressort contraignant, très contre-performant : remplir ! remplir ! remplir même en creux ! bref, le "vide bavard", qu’on évoquait plus haut. 1,20 euro (1,30 avec le pourboire à compter du 4 septembre), putain ! ça fait désormais chéro du numéro !

Cet oisiveté vasodilatatrice et très baveuse n’est certes pas propre à la presse, elle reflète largement le style général des médias, radio, télé, elle est aussi, vue de plus haut, un signe des temps et de la société.

On sait donc qu’il faudra inexorablement, dans le contexte, évoluer en matière de presse ou vers l’entertainment payant (magazines, suppléments des grands journaux. Bonjour, crétins !), ou vers les gratuits d’information plus short entièrement rémunérés par la pub. Déjà, ca y est.

Il existe même une troisième possibilité, peu dite encore, néanmoins déja visible aussi, consistant à comprimer les coûts en comprimant les journalistes. Comme si le "vide bavard" des journalistes était un peu incompétent, trop payé, ou meilleur en étant déplacé, les gros organes de presse se tournent beaucoup, mine de rien, vers les "spécialistes" et les personnes d’autorité, politiques, associatives, caritatives, scientifiques, etc. Le grand bonheur pour nous c’est que ceux-là sont jamais lus ou rarement, si ce n’est des fois pour se marrer (t’exceptes peut-être Kofi Annan ce samedi ). Tu lis l’article d’un ministre, toi ? Tu lis l’article d’un ex-ministre ? tu te précipites les yeux et la bouche écolos en avant vers Corinne Lepage en deuxième page ? Pense néanmoins qu’avec des articles gratos de tous ces gens, lequels sont ravis d’être publiés, avec la chronique en plus des prix Nobel venant de décéder, les commémorations aussi de tragédies diverses partout dans le monde, tu te brosses pour queudal un canard sorti facile du tiroir.

Je vais maintenant te poser la question existentielle très bêtement : c’est quoi encore la presse, pour toi, démocratiquement parlant ?

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