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Pour une nécrologie de la presse française

Publie le dimanche 24 septembre 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Sous-titre : entre le malheur du secteur et les raisons "discrètes" du lecteur (Sept. 2e)

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1. La presse se meurt : Les faits, aujourd’hui, dans leur nue vérité

Que la presse quotidienne d’information générale et politique souffre chaque jour de toutes les douleurs, qu’elle agonise et se meure n’est pas une révélation proprement récente. Là, simplement, en ce moment, on est devant les faits. Et les plus étonnés sont encore les pros du métier ! : Etre passés en quelques décennies de 6 millions d’exemplaires vendus à 2 millions seulement, et de 28 journaux nationaux à 11 dont les 2/3 franchement malades, évidemment ça en enverrait plus d’un rouler la gueule dans la sciure.

Les explications "objectives" qui sont données du phénomène, on les connaît déjà : c’est, dit-on, la forte concurrence télé, radio, celle du web, celle des gratuits, c’est la baisse des recettes publicitaires, c’est la préférence supposée pour l’entertainement et le pipole que diffusent les magazines à la fion et les médias pas moindre du fond.

"Et le lecteur dans tout ça ? si on s’interrogeait sur lui ?", propose pour éclairer le schmilblick un journaliste surdoué resté, lui, apparemment lucide. Car le lecteur devrait compter normalement dans la compréhension des choses bonnes ou mauvaises pour un journal ? surtout quand ledit personnage se détourne du kiosque à journaux pour perdre son euro 20, prix de l’expresso (prix du canard aussi), dans un bistro.

Disons-le pour prérésumer : On croit bien que la presse dans tous les sens l’honnit, l’extravagant lecteur !

2. Le changement nouveau, parfois étrange, du lecteur

Avant, le lecteur, c’était du solide, du réputé sérieux bien formaté, on pouvait le manier d’une façon fiable. Maintenant, va-t-en savoir !

Le lecteur est fortement un présumé salaud. On va finir par trouver et vous montrer en quoi !

Tiens, prends mon cas, par hasard, comme ça. Jeudi 14 septembre, je m’apprête à ouvrir le Monde du 15. Ben d’entrée, c’est raté ! J’accroche en page "une" en effet, contre ma volonté, une publicité pour le livre d’Olivier et Patrick Poivre d’Arvor, "Disparaître" (Chez Gallimard), la pub est constituée notamment de 3 lignes élogieuses de Josyane Savigneau, la papesse du Monde en matière littéraire.

Malaise immédiat ! malaise bête, mais gros malaise ! Pourquoi ? chais pas. Parce que j’ai rien contre PPDA, hein, rien contre son petit frère, ni sa petite soeur si elle était nécessaire, rien contre Josyane non plus . On raconte que le bouquin pourrait avoir le Goncourt (Ah, c’est un beau sujet que ce sujet : c’est sur Lawrence d’Arabie ! Pas éculé, très frais). J’ai rien contre le Goncourt également, pas encore. Qu’ai-je donc alors ?
 C’est une prévention déontologique qui te mine sans doute inconsciemment ! Josyane, de l’intérieur du Monde instrumentée dans une pub payée au Monde, ça fait pas un terrible effet sympa ! A côté de ça, faut bien piger : ils pouvaient pas non plus prendre comme faire-valoir un fayot piqué au Figaro.

Bref, malgré mon contrariant démarrage, j’ouvre enfin le Monde. Diverses choses, beaucoup de "culture" : J’apprends ainsi, p 25, que "pour Philippe Caubère un acteur peut être l’écrivain du monde entier". Mince alors ! Patrice Leconte montre son dernier film, Decouflé met en scène "l’autre défilé", Pleyel change d’acoustique, l’Orchestre de Paris se dépoile du frac, j’apprends également en quelques lignes l’érotisme torride à la nippon, et que le Nô se lance dans Jean-Paul Sartre.

Me revient l’adage que vous savez : "Quand les hommes ne peuvent pas s’exprimer politiquement, ils s’expriment sur le plan religieux ou culturel". Patin, ça doit être ça ! tu vois le gros problème qu’on a désormais en France !

D’excitation, je passe à Libé (du 14), que, fort de la précédente expérience, j’attaque par prudence en le prenant à l’envers : Paf ! page portrait : C’est Sydney Pollack, 72 berges. Mais qu’ont-ils donc ceux-là aussi à me les siphoner avec un gars que j’aime plutôt bien, mais qui n’est au demeurant ni de Sidney ni polonais ?

Je tourne encore une page et là je pleure. Libé est allongé devant nos yeux, plus grand qu’il n’a jamais été peut-être étant vraiment vivant, Libé, sur son lit de détresse, en appelle aux amis, évoque les bons moments d’antan.

Le lendemain plein de lettres émouvantes, le "surlendemain", Libé en appelle au témoignage d’artistes, romanciers, personnalités, etc.etc. etc., et ça arrive plein aussi...

Et ben là, Libé, excuse, c’est pas une bonne idée.

3. Une ou deux choses confidentielles que, nous lecteurs, on doit dire maintenant aux journaux : et d’abord que l’amour désigné d’un journal tue souvent le désir du lecteur

Il y a en effet une chose confidentielle qu’on n’a sans doute jamais dite au journaux : les lecteurs, en douce, détestent volontiers les célébrités, même s’ils attestent le contraire main posée sur le coeur (Compliqué à piger et très mauvais à gérer !)

Ainsi, grâce à la presse, hyperactive en sa faveur, la cause d’Ingrid Bettancourt est à présent complètement déconsidérée. La même chose a bien failli arriver à notre chère Florence Aubenas. L’essentiel était toutefois d’abord de la sauver, puis de gueuler seulement après (vous savez : les bouteilles à la mer, les mongolfière par la voie des airs, les carnavals pour Al Quaida...).

Sarkozi, Ségolène Royal devront scientifiquement y veiller, tout le monde se rappelle Balladur ! La presse place la roche tarpéienne à deux pas du capitole.

On peut en peu de mots abréger encore l’état présent des choses : il ne suffit plus d’être moqué par la presse pour passer pour un con, il est nettement plus efficace d’en être longuement encensé.

Où l’on voit comment et en quoi, ainsi qu’on le soutenait, le lecteur a singulièrement changé (pas tous, mais un certain nombre suffit). Une démonstration quelque part approchante selon notre avis a été produite récemment dans le Monde :
Cf. 20 09 "Pourquoi des élections si serrées ?" par Serge Galam. L’auteur y démontre qu’une part des électeurs observent les statistiques pour s’opposer finalement à la personnalité ou la cause devenue dominante même lorsqu’elle était au départ sensiblement leur penchant.

Nous désignerons l’effet souligné par Galam et celui que nous venons de postuler comme "l’effet contrariant". C’est par cet effet heureux que, par retour, les journaux également en prennent à juste titre plein la gueule aussi.

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Les Pensées zaz de l’Ocséna

Ocsena, Organisation contre le système-ENA... (et pour la démocratie avancée)

 http://ocsena.ouvaton.org
 ocsena.org@wanadoo.fr

Messages

  • Ben oui, c’est le syndrome du 29 Mai 2005, toujours pas digéré par les principaux acteurs du bourrage de crâne ambiant.

    Combien de temps leur faudra-t-il pour comprendre que le peuple n’est pas si con qu’il en a l’air ?

    Nos médias sont des croyants

    Ils croient qu’ils savent,

    ils ne savent pas qu’ils croient.

    Flash

  • Un journal doit être un contre pouvoir dans tous les domaines en nous donnant l’autre point de vue. Ainsi cela peut conforter notre idée ou la remettre en cause.
    Or, pour faire ce travail, la presse doit être indépendante financièrement et dépendre de ses lecteurs qu’elle aura fidélisé. Or la presse à choisi un système capitaliste avec des filiales, des directeurs, des machins....Bref, une minorité s’est engraissée et maintenant quitte le navire.
    Il n’en restera qu’un : LE CANARD ENCHAÎNE !