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CAUSER DANS LE POSTE

Publie le vendredi 13 octobre 2006 par Open-Publishing
7 commentaires

de Le Yéti

Devant la raréfaction saharienne des oasis politiques à la télévision, les acteurs politiques se posent fréquemment la question de savoir s’il faut accepter ou non de passer dans des émissions dites "grand public" pour tenter d’y toucher un maximum de gens. "Pour quel public et avec quel impact ?" se demande Clémentine Autain dans un récent billet. Justement, essayons de répondre précisément à cette question.

Vouloir toucher le plus de monde possible, échapper à la confidentialité militante, peut aisément se comprendre. Mais d’abord on peut douter que le souci d’animateurs comme Ruquier, Ardisson ou Fogiel soit de permettre à leurs invités de s’exprimer. On peut aussi et surtout se demander si le public de TF1, de Ruquier, Ardisson ou Fogiel, aussi nombreux soit-il, a le moins du monde envie d’être convaincu par des arguments de quoique ce soit ?

Ce public-là me semble surtout intéressé par le coup d’éclat qui pourra survenir au cours de l’émission, par les saillies qui bousculeront un invité, en clair par toutes les détabilisations spectaculaires des "vedettes" de passage, qu’elles fussent du monde médiatique, artistique ou politique.

Un invité qui parviendrait à imposer son discours, et a fortiori un discours politique, lors d’une de ces émissions, consacrerait de fait l’échec de l’animateur et de l’émission dont le but, comme l’a dit un certain Patrick Le Lay, est de "procurer du temps de cerveau disponible" pour Coca Cola et consorts. Inutile de dire que nos responsables de chaînes et nos animateurs survitaminés ne sont pas prêts à lâcher le juteux morceau. Et qu’ils ont les moyens techniques de faire taire les trublions (complicité tonitruante des invités de plateau, maîtrise du son des micros, etc.).

Pire, le PUBLIC de téléspectateurs lui-même serait sans doute à même de se sentir frustré dans son attente, qui n’est pas d’être convaincu, mais d’assister à un bon gala de boxe avec quelques KO bien saignants à la clef.

On se fait souvent une idée bien fausse de l’impact de ces grands raouts médiatiques. On en retient la plupart du temps que le négatif, le graisseux, le scandaleux. Quand on en retient quelque chose...

À l’opposé, toucher des sympathisants convaincus à travers des supports en apparence plus confidentiels - ou du moins, moins "paillettes" - peut paraître fastidieux et ingrat. Or le problème de ces convaincus qui, eux, sont attentifs aux discours, est qu’ils manquent souvent de l’argumention claire qui leur permettrait de convaincre à leur tour. Fournissez-leur ces arguments dont ils sont friands, donner-leur du grain à moudre, et ils mettront tout leur zèle à les diffuser autour d’eux.

Chaque responsable marketing, chaque directeur de promotion, chaque petit ponte de la communication sait bien... qu’un bon "bouche-à-oreille" vaut mieux que n’importe quelle campagne publicitaire tapageuse.

Dans le domaine politique, on a pu le vérifier lors du dernier référendum sur le projet de constitution européenne.

Alors qu’on n’a JAMAIS vu un seul leader politique d’envergure se révéler lors d’une émission de variété.

Messages

  • Merci au Yéti pour une analyse aussi fine de nos médias. monique renouard.

  • Oui c’est vrai aucune personalité politique sérieuse ne devrait participer à ces emissions de divertissement.
    Ca décridibilise complètement le discours politique et contribue à la pipolisation. Les poltiques devienent effectivement des histrions chargés de faire rire par un bon mot. On se souvient de la question "Sucer c’est trompé ?" lancé par Ardisson en direct à Rocard.

    Je cite des chiffres publiés par le Plan B :
    Nbr de passages sur les plateaux d’Ardisson, Fogiel ou Ruquier entre 2002 et 2006 :
    Besancenot : 8
    Bové : 6
    Laguiller : 5
    Autain : 4
    Buffet : 3
    Dans ces emissions on recherche le bon client, celui ou celle qui correspondra à l’air temps médiatique.

    Quoiqu’ils en pensent les participtant(e)s à ces emmission ne contribuent pas élever la conscience politique des téléspectateurs mais, au contraire, les méprisent en ravalant le débat démocratique en une simple partie de rigolade entre personalités médiatiques.

    Jips

  • Je pense qu’une émission de divertissement doit rester dans son genre, et les politiques n’y ont pas leur place pour parler de choses sérieuses.
    Je trouve surprenant que le service public de la télévision ne programme jamais de véritables émissions politiques en soirée afin de comprendre le monde, la politique européenne, les réponses du gouvernement français aux problèmes de leur concitoyens avec en face les élus d’opposition, des experts....Bref, je pense que le CSA et les patrons de chaîne n’ont qu’un soucis : que les recettes publicitaires rentrent pour enrichir tous les directeurs et les animateurs vedettes !!!!

    • Moi aussi, j’attends des chaînes publiques qu’elles nous proposent des débats politiques comme avant. Ca devrait faire partie de notre vie citoyenne, et en plus nous payons un impôt (redevance), il devrait donc y avoir diversité de programmes pour satisfaire tous les goûts. Je constate que les directeurs de chaîne, et son arbitre le CSA ne font pas leur travail. A quoi sert alors notre argent ? On a bien le droit de rouspéter quand ils ne nous servent pas les émissions que nous demandons à voir. Ca prouve bien qu’ils sont complices du pouvoir, et en plus ils nous prennent pour des crétins niais et sans culture. A quand la porte !

    • D’accord avec vous, cependant dans mon enfance on regardait les matches de catch et tout le monde savait que c’était du bidon. Beaucoup de ces télespectateurs sont moins dupes qu’on ne le pense avec beaucoup de préjugés. Je connais bon nombre de jeunes qui "soutiennent" le chanteur GAÊL à la "Star académie" électeurs convaincus de gauche. Ce chanteur de 20 ans ,gitan, étant issu d’un milieu particulièrement opprimé et méprisé , il est touchant autour de nous ou au hasard d’un zapping de voir ces jeunes entrer dans cette sorte jeu de glaces dans lequel ils se transportent, sachant très bien que tout est arrangé. Tout cela malheureusement au bénéfice des marchands. Vivement une télé de culture et de divertissement "libre" et sans pub : de Service Public, en somme.

  • Bien vu. Le pire sans doute c’était Melenchon chez Fogiel. Jamais compris que Méluche ait pu être naïf à ce point...
    Il y a quelques hommes/femmes politiques qui ont crevé l’écran lors ds passages à des émissions politiques : Le Pen, en Angleterre Galloway, mais c’était pas des émissions de variétés à la Ardisson.
    Je crois que l’idée chez ceux qui passent à la casserole dans ces émissions sordides c’est pas de se dire qu’ils vont convaincre lors de l’émission, mais que ça augmente leur "visibilité" et que donc par la suite il y aura peut-être une proportion de gens, notamment de milieux populaires, qui seront familiers avec leur tronche, vaguement séduits ou intéressés, et qu’ils approfondiront. Je suppose que c’est ce que se dit Besancenot...
    En tout cas, c’est sûr que rien ne vaut le fabuleux "bouche à oreille" (avec l’aide de l’internet) qu’on a fait pendant la campagne du referendum.

  • UN SERVICE PUBLIQUE À RECONSTRUIRE...

    En plus d’un dispositif permettant à la presse d’opinion d’exister, il faut totalement repenser, réorganiser et rendre au public un système de télédiffusion qui propose des programmes diversifiés, donc provoquant au choix et qui donne à penser.

    Actuellement, on ne sait plus si d’une chaîne à l’autre on est sur le service public, tellement elles sont encombrées de séries américaines, d’émissions de pseudo-variétés ou de vieux films vus et revus et archi-amortis : il y a de moins en moins de création.
    Enfin, il arrive trop fréquemment qu’après les infos de 20H-20H30, on n’ait plus envie de rien regarder tant les programmes sont affligeants et systématiquement plaqués sur le même moule !

    La manière même de présenter les infos est difficile à supporter.
    Les sujets ne sont pas présentés comme dans un quotidien papier : par rubriques...
    Tout est "fourgué" pêle-mêle, sans hiérarchie, sans aide à la réflexion...
    Le futile le dispute au "capital" (dans tous les sens du terme), et Lycée de Versailles.
    Le rouleau compresseur passe et repasse.

    Le pari sur l’embrouille du téléspectateur est trop évident !
    Dire qu’il faille payer des impôts pour avoir une télé aussi indigente !
    Y en a marre !
    Il faut aussi changer çà !
    Le Yéti a donc bien raison de soulever le sujet : qui et pour quoi causer dans le poste ?

    NOSE DE CHAMPAGNE