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Mené en bateau par la Gauche israélienne

Publie le mercredi 31 janvier 2007 par Open-Publishing

Ouri Avnery est un croisé des droits de l’homme d’une vénérable stature. Il a lutté, écrit, publié, fait campagne en faveur des droits palestiniens depuis une soixantaine d’années. Il a été sur les barricades politiques et il a affronté les bulldozers pour défendre les Palestiniens contre les violences militaires israéliennes. Ses articles, ses livres, son magazine ont dénoncé la saisie par Israël de la terre palestinienne bien avant que la plupart des « nouveaux historiens » aient appris à écrire. Il dénonce même, en des termes intransigeants, la discrimination légalisée à l’encontre des Israéliens palestiniens et a appelé Israël à devenir « un Etat de tous ses citoyens », quoique conservant une forte majorité juive (voir par exemple son récent article : « Qu’est-ce qui fait courir Sammy ? » ). En tant que fondateur du mouvement pacifiste « Gush Shalom », il est reconnu comme le parrain du sionisme libéral et nul ne doute de sa sincérité quand il insiste sur une solution à deux Etats.

Au vu de tout ceci, il peut sembler étrange que beaucoup parmi ceux qui travaillent dur à une paix durable en Israël-Palestine trouvent Monsieur Avnery, si terriblement irritant.

Cela tient à ses contradictions morales, parfaitement courantes dans le sionisme libéral : c’est-à-dire que, tout en adoptant une attitude morale inébranlable face aux atteintes racistes dont les Palestiniens sont victimes, il laisse d’une certaine manière tomber ces mêmes principes en présumant qu’Israël lui-même dispose d’un droit à préserver son « caractère juif » aux dépens des droits palestiniens. Car il est par trop évident que soutenir une majorité juive « écrasante » en Israël, essentielle à la préservation de son « caractère juif », exige d’Israël d’entretenir tout un ensemble de pratiques racistes, comme des murs gigantesques servant à empêcher les gens de se mélanger, et de refuser leur retour aux exilés palestiniens.

Les sionistes progressistes qui se raccrochent aux analyses de Monsieur Avnery, butent constamment contre ce sophisme moral. Ils veulent que l’occupation prenne fin et trouvent l’oppression des Palestiniens moralement détestable, et certains croient même que la discrimination à l’encontre des Arabes palestiniens doit s’arrêter. Mais ils ne veulent pas voir expirer le statut d’Israël comme Etat gouverné pour un seul groupe ethnique. Ils doivent dès lors entériner tout ce qui sera jugé essentiel, en matière de discrimination, pour préserver la majorité juive d’Israël, en particulier en empêchant les Palestiniens qui ont été expulsés de ce qui est maintenant Israël, de jamais revenir. Dans cette optique, Israël même est moralement correct – un « miracle », comme le disait récemment David Grossman – ou du moins Israël le serait-il si ses dirigeants n’avaient pas stupidement fait le faux-pas d’une occupation militaire après la guerre de 1967.

Le résultat de ce dilemme est un chaos sur le plan moral. Alors que les propos tout simplement délirants de racistes comme Avigdor Lieberman autour d’un nettoyage ethnique sont jugés repoussants, le nettoyage ethnique initial qui a donné naissance à Israël est tenu pour acceptable – convulsion de la violence de la guerre, qui a (on n’explique jamais comment) été transcendée moralement. Selon cette conception, la solution ne consiste pas à redresser ce péché fondateur mais simplement à stabiliser le statut d’Etat juif, entendu essentiellement comme devant dissiper la peur juive-israélienne d’une attaque ou d’un anéantissement. Reconnaissant qu’un minimum de justice est requis pour parvenir à cette « paix », l’objectif sioniste-progressiste est de créer un Etat palestinien à côté (prudemment démilitarisé, bien sûr, et pas nécessairement dans les limites de la Ligne Verte de 1948).

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