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LIBERONS LES ECRANS.

Publie le lundi 2 février 2004 par Open-Publishing

L’ACID, association de cinéastes, vous invite à signer ce manifeste avant
sa parution dans la presse.


Aujourd’hui, en France, il y a 5280 écrans, quand en 1993 il y en avait 4272
 : soit 1008 écrans de plus en 10 ans. Cela devrait être une bonne nouvelle pour
le cinéma. Et bien non !

Ne soyons pas dupes : ces écrans n’ont pas pour vocation d’offrir plus de diversité !

L’espace et la durée d’exposition des films indépendants sont aujourd’hui de
plus en plus réduits, et menacés. Pourtant, ces mêmes films, s’ils sont maintenus
dans la durée avec un nombre suffisant d’écrans, trouvent un public et une cohérence économique.

L’extrême marginalisation d’un pan entier du cinéma met en danger l’ensemble
de la production de films : c’est la création qui est ainsi attaquée, c’est-à-dire
le fondement même du système qui permet au cinéma français d’exister.

Cinéastes, producteurs et distributeurs indépendants, ensemble nous demandons
que dorénavant aucun film ne puisse monopoliser plus de 10 % des écrans.

Aujourd’hui les distributeurs multiplient les copies jusqu’à des niveaux inégalés.
Vendredi 02 janvier 2004 : 938 copies pour Némo, 998 pour Le Seigneur des Anneaux,
645 pour Scary Movie 3, 441 pour Les Ripoux (606 à sa sortie). Ces 4 films à eux
seuls occupent 3022 écrans. L’inflation des copies est devenue la règle au détriment
de la vie des films. C’est un peu comme au poker où pour entrer à certaines tables,
il faut pouvoir suivre avec du "lourd". Et ici le "lourd", c’est le nombre de
copies (cela devient en soi un argument publicitaire). Pour pouvoir exister,
des films, qui à priori n’auraient pas besoin d’un tirage aussi élevé, sont contraints à une
surenchère suicidaire.

Ce nombre considérable de copies occupe forcément un nombre considérable d’écrans.
Et souvent les films ont un ratio entrée/copie bien inférieur au chiffre fatidique
où, sans scrupule ni remords, on débarque des films indépendants.

Conséquence : le manque de place pour l’exposition des films oblige les distributeurs
indépendants à se livrer à une lutte fratricide pour les quelques écrans restants.
La durée d’exposition des films se réduit de plus en plus. Un film chasse l’autre,
au manque d’espace se juxtapose le manque de temps. Cette valse infernale tue
toute possibilité d’une exploitation commerciale efficace du cinéma indépendant.

La marche forcée « du plus d’écrans » est une véritable bulle spéculative. Elle
accentue la rotation des films, augmente les frais de sortie, et fragilise encore
plus la distribution indépendante. Tous y perdent, sauf les propriétaires des
multiplexes qui ont ainsi du sang frais pour leurs fauteuils. Quand la bulle
explosera, les circuits seront là pour restructurer et donner le dernier coup
d’accélérateur à la concentration.

Libérons les écrans de cette logique de consommation. Les films ne sont pas des
marchandises comme les autres.

Pour que le cinéma vive dans sa diversité, exigeons des instances de régulation
qu’aucun film n’occupe plus de 528 écrans.

Pour signer ce manifeste, veuillez nous faire parvenir un mail à cette adresse : louise@lacid.org ou
nous appeler au 01 44 89 99 74.

Merci

Charles Castella, Marie Vermillard, Myriam Aziza, Pascal Deux, Marina
Deak, Dominique
Boccarossa, Pierre Schoeller, Denis Gheerbrant, Jean Abeillé, Jean Jeanneret,
Alain Raoust, Arnaud Dommerc, Didier Nion, Nils de Coster, Serge Bozon, Eric
Pittard, Jean-Henri Roger

01.02.2004
Collectif Bellaciao