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Un maïs OGM destiné à l’alimentation humaine suspecté de toxicité

Publie le mercredi 14 mars 2007 par Open-Publishing
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Un maïs transgénique destiné à l’alimentation humaine et autorisé sur la marché en France et en Europe, le MON 863, se trouve depuis deux ans au centre d’une polémique sur son innocuité. Une étude parue dans la Revue of Environmental Contamination and Toxicology accuse cet OGM d’effets toxiques au niveau du foie et des reins.

Deux générations de cet OGM existent. La première est un maïs de première génération, seconde catégorie, c’est-à-dire génétiquement modifié pour produire un insecticide artificiel appelé Cry3Bb1 (49-96.5 µg/g) tout au long de son développement, ou selon les variantes, tolérer un herbicide (Roundup principalement). Il est cultivé plein champ depuis 1995. La deuxième génération (8 % et cultivée plein champ depuis 1998) fait les deux, produit un pesticide et tolère un désherbant. Les troisième et quatrième générations, en cours d’expérimentation ou en voie de l’être, produiront vraisemblablement deux pesticides et toléreront deux herbicides ou pesticides.

Selon l’étude, l’ingestion de ce maïs OGM entraîne des perturbations parfois sévères de divers paramètres biologiques chez les rats l’ayant reçu en alimentation. Cette expérience, commanditée par Monsanto et qui a porté sur 400 rats durant 90 jours, révèle plusieurs modifications biologiques portant sur le poids des reins, le poids du foie, le taux de réticulocytes (jeunes globules rouges), les triglycérides, entre autres. La composition chimique des urines est également modifiée, avec une réduction de la teneur en sodium et des phosphores pouvant atteindre 35 %.

Ces effets, que l’on ne peut qualifier d’anodins, varient selon le sexe des animaux. Ainsi, les femelles présentent une augmentation des graisses et du sucre dans le sang, une augmentation du poids du corps et du poids du foie par rapport au poids du corps, le tout associé à une plus grande sensibilité hépatique, tandis que les mâles subissent une diminution de la masse corporelle et des reins, selon M. Séralini, principal auteur de cette étude et par ailleurs président du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (Criigen).

Cette étude et son interprétation statistique avaient déjà été publiées en 2005 par la Food and Chemical Toxicology, mettant en évidence les variations intervenues dans les paramètres biologiques entre deux populations d’animaux nourris, l’une avec le maïs MON 863, l’autre avec son isogène, c’est-à-dire la même variété non modifiée génétiquement.

Les chercheurs de Monsanto avaient néanmoins estimé que ces écarts entraient dans les limites de la variabilité naturelle, et ne les avaient pas interprétés comme pathologiques. Cette conclusion reposait sur l’examen des mêmes données obtenues au moyen d’autres populations de rats, nourris de variétés de maïs non OGM mais de valeurs nutritives différentes.

Les données expérimentales brutes, un rapport de plusieurs milliers de pages, ont été tenues confidentielles par la firme agrochimique, qui en a refusé la communication non seulement aux scientifiques mais aussi aux autorités, puisque Mme Corinne Lepage, candidate à l’élection présidentielle française, s’était vue opposer une fin de non recevoir du Ministère de l’agriculture, au motif "de secret professionnel". Il aura fallu attendre le printemps 2005 pour que Greenpeace en obtienne la publication en Allemagne, soutenu par la justice allemande au motif que la santé prime sur le secret professionnel.

Le Criigen a ainsi pu examiner ce rapport en détail et affiner le traitement statistique, extrayant des données brutes les données les plus significatives spécifiquement imputables à l’absorption de cet OGM. "Sur les 58 paramètres mesurés par Monsanto, tous ceux qui sont altérés concernent le fonctionnement des reins ou du foie", déclare M. Seralini. "En outre, Monsanto avait considéré que, puisque les mâles et les femelles réagissaient différemment, il n’y avait pas matière à inquiétude. Or le foie, par exemple, est un organe qui réagit différemment en fonction du sexe", ajoute-t-il.

Le semencier avait aussi estimé que, puisque les modifications biologiques relevées ne se situaient pas toujours en adéquation avec la dose d’OGM, le maïs transgénique testé n’était pas en cause. Ce que conteste M. Séralini : "Lorsque les perturbations sont hormonales, par exemple, l’effet peut ne pas être proportionnel à la dose."

Le toxicologue Gérard Pascal, également membre de la Commission du génie biomoléculaire, récuse cette analyse des courbes de poids des animaux, car elles n’ont pas tenu compte de leur alimentation. "Mais je suis d’accord sur le fait que les réponses biologiques peuvent varier entre mâles et femelles et sur le principe qu’on ne doit comparer les effets d’un maïs OGM qu’avec son isogène, sans tenir compte des effets produits par d’autres variétés de maïs conventionnel", poursuit-il.

Les travaux du Criigen ont été financés par Carrefour et Greenpeace, ce que M. Séralini justifie par le fait qu’il n’existe malheureusement aucun budget public destiné à ce type de recherche. Et il ajoute qu’il serait nécessaire de refaire toute l’étude toxicologique en tenant compte des dosages hormonaux, cela sur une durée bien supérieure à 90 jours, et sur d’autres espèces que le rat avant de pouvoir trancher.

Cellules pancréatiques de rats de laboratoire vues au microscope. A gauche, alimentées au maïs non OGM. A droite, alimentées au maïs MON 863. Cette dernière coupe révèle une raréfaction d’enzymes digestives (points noirs).
Crédits : Criigen

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