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Dopage . L’ancienne ministre des Sports Marie-George Buffet s’insurge

Publie le vendredi 24 août 2007 par Open-Publishing
4 commentaires

Entretien réalisé par Lionel Venturini

"Pas de renoncement dans le sport"

Dopage . L’ancienne ministre des Sports Marie-George Buffet s’insurge contre les médecins défendant un dopage encadré.

Au nom du pragmatisme en matière de lutte antidopage, considérant qu’ "un sport parfaitement propre qui exclurait le dopage est un idéal inatteignable, un peu similaire à l’idéal d’une société sans drogue", le chercheur suisse Alexandre Mauron prônait dans nos colonnes une politique de réduction des risques, comme l’a fait la Suisse à l’égard des drogues illicites (voir l’Humanité du 16 août 2007).

Impossible de renoncer à se battre, réagit en retour l’ancienne ministre des Sports Marie-George Buffet, actuelle secrétaire nationale du PCF. Entretien.

Qu’est-ce qui vous fait réagir dans cette posture, partagée par certains spécialistes de la lutte antidopage, voulant que « le sport ne soit pas différent d’autres activités humaines où se développent des "pratiques dopantes", c’est-à-dire d’augmentation des performances par des moyens plus ou moins technologiques », comme nous le déclarait récemment un chercheur suisse, Alexandre Mauron ?

Marie-George Buffet. C’est ce renoncement prôné à travers cette interview. Personne ne peut affirmer que demain le sport sera entièrement « clean », etc. Mais est-ce que ça vaut le coup ou pas de se battre pour faire reculer des pratiques dopantes de plus en plus humiliantes pour les individus ? Alors que nous allons déjà vers des « biomen », trimballant des pochettes de sang pour pratiquer des transfusions sanguines ? Je pense que ceux qui prônent une codification au fond des pratiques dopantes concourent à ce que le spectacle sportif se perpétue comme le moyen pour les sponsors d’êtres récompensés de leurs efforts.

C’est selon vous une atteinte au sens même du sport.

Marie-George Buffet. Alors que le sport devrait être avant tout le dépassement individuel, le plaisir collectif, le beau geste, l’incertitude… Nous assistons au contraire à la construction d’hommes et de femmes sportives dans le but d’atteindre une performance donnée. C’est comme de considérer qu’il est tout à fait normal de consommer autant d’antidépresseurs, qu’il faut cela pour que des salariés en butte à des conditions de travail dégradées continuent à travailler, pour que la rentabilité de l’entreprise perdure à son niveau. C’est une atteinte aux individus. Car la pratique dopante est dure pour l’individu, dure pour le corps.

…et pour son entourage également.

Marie-George Buffet. Bien sûr ! J’ai parlé avec des compagnes de coureurs cyclistes. Certaines m’ont remerciée d’avoir mis leur mari en prison, parce qu’elles n’en pouvaient plus. Des coureurs font leurs transfusions sanguines dans la baignoire familiale ! Et le réfrigérateur est rempli de produits, au milieu des aliments…

Le pragmatisme défendu, un encadrement du dopage, vise la santé de l’athlète.

Marie-George Buffet. Le vrai pragmatisme, c’est de ne pas prendre le dopage de manière isolée. Que le sportif trouve dans les antennes régionales de lutte contre le dopage l’écoute nécessaire : cela suppose de leur accorder des moyens. On réduit trop souvent le dopage à la seule pratique de haut niveau. Si la lutte contre le dopage se contente de lutter contre les réseaux et de punir sportivement l’athlète, on n’arrivera à rien. Il y aura toujours appel quelque part à des pratiques dopantes. Il faut à la fois jouer sur le dopage lui-même, mais aussi changer les conditions de pratique du sport. Que l’argent ne dicte pas sa loi au sport. Or les clubs ont maintenant la possibilité d’être cotés en Bourse. On voit apparaître des structures privées comme le Team Lagardère où les sportifs sont, quelque part, sortis des fédérations et du mouvement sportif.

Votre loi antidopage de 1998, toilettée récemment, a bientôt dix ans : des raisons d’espérer ?

Marie-George Buffet. En 1998, lorsque j’étais ministre des Sports, c’est contre les contrôles des douanes que des coureurs du Tour de France avaient mis pied à terre, en disant : « Laissez-nous faire ce que l’on veut… » En 2007, des coureurs du Tour mettent pied à terre pour dire leur ras-le-bol des coureurs dopés. C’est bien qu’il s’est passé entre-temps quelque chose dans le mouvement sportif.

http://www.humanite.fr/2007-08-23_S...

Messages

  • Une fois de plus, merci Marie-George, d’ évoquer, lors de votre texte sur les ravages du dopage, les compagnes de sportifs de haut niveau et, peut-être plus largement, l’entourage de ceux-ci.
    Ancienne petite bête à concours dans l’une des premières filières Sport-Etudes des années soixante dix, j’ai abandonné au crépuscule de mon adolescence toute activité sportive compétitive constatant, amèrement, l’aliénation que représentait ce rite, sans cesse renouvelé, entraînement- compétition - satisfaction (Surtout manger à sa faim dans un sport de catégorie de poids). Et puis un jour, nous voyons un autre fonctionnement du monde, surtout à l’adolescence, l’envie, notamment, d’étreindre un autre être que nous-même ou de partager avec d’autres des expériences différentes et moins aliénantes. Afin de pouvoir s’intégrer dans d’autres cercles d’amitié, les sportifs doivent se déprendre d’habitudes contractées dès leur plus jeune âge et qui nuisent à leur développement humain.
    Pour finir, je me souviens de Nike, Portland-Oregon et de New-Balance, Ireland, si mes souvenirs sont bons, dans les années soixante-dix étaient des marques qui représentaient une certaine contestation contre le sport de compétition et ses avatars.
    Lorsque nous observons le développement de ces marques aujourd’hui, il y a de quoi pleurer... sur leurs désirs primitifs.
    Philippe Rupcic

  • Je pense que Marie-George a raison de ne rien lâcher sur le dopage , dans le sport comme dans la vie professionnelle ou scolaire.

    La logique du dopage où des cyclistes finissent par développer des puissances supérieures à un cheval, où le coureur de 100 mètres type ressemble à un percheron confit à la testosterone , la starisation de ces personnages douteux finit par contaminer l’ensemble de la société menant à des modes où les corps ressemblent à des pièces de boucherie, où il devient ordinaire chez de simples citoyens d’avaler des substances dangereuses pour la santé . En avant vers les infarctus à 40 ans !
    En avant vers les cancers !

    Le mal est profond et nécessite de rendre moins séduisante la professionalisation du sport , d’essayer de ne pas passer des compétitions douteuses à la télé, compétitions dont on sait parfaitement qu’elles sont confites à coeur de produits dangereux pour la santé.

    Il faut faire marche arrière et diminuer la séduction de sports faisant trop appel à la compétition physique.

    Copas

  • Oui mais avec tout ça, il y a des médicaments qui ont disparu des pharmacies. Or, moi, ces médicaments, j’en ai eu besoin !

  • Par rapports au temps des Simpson, Anquetil, Merkx, Delgado, Ben Johnston et autres, des changements sont intervenus, ils vont dans deux sens, à la fois, les contrôles, bien qu’insuffisants, sont plus sérieux, de l’autre les moyens de se doper, sous l’impulsion des intérêts commerciaux, deviennent de plus en plus « scientifiques ».Des intérêts économiques sont liés aux sports comme par exemple en France, le groupe "Amaury Sport Organisation" (ASO) qui gère le journal l’Equipe ainsi que l’organisation du Tour de France, Le Paris Dakar. Le Team Lagardère agit dans le tennis. Des laboratoires n’hésitent pas quelquefois à en faire leur activité première (voir l’affaire Balco). Les moyens les plus utilisés sont connus : EPO, testostérone, autotransfusion, anti-inflammatoires, mais souvent difficilement décelables car masqués. Il y a cent façons de brouiller les pistes. L’AMA (Agence Mondiale Antidopage) connaît quelques contradictions dans son approche du problème et le cyclisme est l’arbre qui cache la forêt du dopage. Des sports ne sont pratiquement pas surveillés, des disciplines comme le golf, le cricket, la formule 1 sont touchés. Enfin, en France, le laboratoire de dépistage situé à Chatenay Malabry aurait été victime d’un piratage informatique destiné à décrédibiliser ses résultats. Comme quoi la guerre du dopage fait rage et des voix se font entendre pour suggérer un dopage médicalisé. Le sport est surtout devenu une foire commerciale Le Sport peut être une belle activité humaine et c’est bien dommage qu’elle soit décrédibilisée ainsi.

    Serge Portejoie