Accueil > Hécatombe de dromadaires en Arabie saoudite

Hécatombe de dromadaires en Arabie saoudite

Publie le samedi 1er septembre 2007 par Open-Publishing

JEAN-MICHEL BADER.

Publié le 01 septembre 2007Actualisé le 01 septembre 2007 : 21h05

Plus de 2 000 camélidés sont morts brutalement en Arabie saoudite depuis le 10 août dernier. Des analyses sont effectuées dans des laboratoires français pour expliquer cette mystérieuse épidémie .

LE PRINCE gouverneur de Riyad, Salman Bin Abdul Aziz, a malheureusement été obligé d’annuler le concours de beauté des chameaux, qui devait avoir lieu au mois de septembre. Mille cinq cents camélidés étaient attendus avec impatience pour ce grand rendez-vous, dans ce pays qui a élevé cet animal à un niveau symbolique et économique inexistant ailleurs dans le monde.

C’est que, depuis le 10 août 2007, une très mystérieuse épidémie décime les camélidés : c’est devenu une « véritable hécatombe », selon l’AFP. Les bêtes meurent par dizaines quotidiennement. Les animaux ont des signes cliniques d’agitation, de perte de contrôle de leurs mouvements, et meurent en quelques heures. À l’autopsie, leur foie porte à sa surface des points noirs, et des taches jaunâtres sont retrouvées sur la face interne de la peau.

Rien que le 28 août, selon des statistiques officieuses, citées par le quotidien saoudien Al Watan, 60 dromadaires, 400 moutons et 7 vaches sont mortes. Un journaliste d’Al Watan nous a confirmé la mort, depuis le début de la crise, de plus de 2 400 bêtes, et un confrère du quotidien Al-Iqtissadiya (« L’Économie ») affirme que plusieurs membres de la famille royale ont donné pour compensation leurs propres animaux aux propriétaires touchés. Le roi Abdallah Ben Abdel Aziz al-Saoud suit de près l’affaire.

Les autorités saoudiennes sont de plus en plus critiquées par les propriétaires de dromadaires, qui dénoncent la lenteur de leur réaction. Elles ont envoyé cette semaine des échantillons congelés de cadavres de dromadaires à l’école vétérinaire de Lyon, et des échantillons du foin de son (n’fala) avec lequel avaient été nourris les animaux, au laboratoire Myco2B de Toulouse. Il s’agit de déterminer rapidement la nature et la cause de cette épizootie.

Un champignon microscopique

Première piste suivie par le ministère de l’Agriculture saoudien : un empoisonnement alimentaire d’origine inconnue. Le royaume saoudien, qui comptait en 2005 environ 862 000 camélidés, y a organisé de véritables étables laitières où l’on trait les femelles allaitantes, tout comme des vaches PrimHolstein en Europe ! Les animaux doivent recevoir des compléments alimentaires, d’où l’apport de foin. Celui-ci a pu être stocké dans des conditions douteuses, et s’y serait développé un champignon microscopique. Il en existe des milliers d’espèces, capables de synthétiser des centaines de mycotoxines protéiques. Le responsable du programme FAO en Arabie a demandé son aide à la France qui dispose du seul laboratoire privé, à Toulouse, qui garde encore la compétence perdue par les grands laboratoires publics universitaires dans ce secteur.

Une hypothèse inquiétante

Sophie Bailly nous confirme « avoir reçu les échantillons et déclenché une batterie de tests, dont les résultats seront connus la semaine prochaine ». Il s’agit de mettre en culture sur des milieux spécifiques, des dilutions des échantillons de l’aliment, pour y trouver la moisissure suspecte. Certaines analyses se font en routine, d’autres sont presque expérimentales. Si l’on trouve un agent microbiologique, on pourra alors vaporiser dans un spectromètre de masse le produit de cette culture, pour y détecter une toxine dangereuse (il en existe des centaines). Un argument essentiel en faveur de l’empoisonnement, est avancé par Abdallah Oihabi, responsable du programme de la FAO local : « Nous avons pris le foin, et donné à manger à d’autres camélidés, ils ont péri comme les autres avec les mêmes symptômes. »

La seconde hypothèse, plus inquiétante, est avancée par Bernard Faye (Cirad, Montpellier) : « Ce n’est pas la première fois que l’on voit une mortalité brutale importante dans cette région. En 1996, on avait vu en Éthiopie une épidémie mortelle dans cette espèce, due à un virus qui touche d’habitude les chèvres, et qui n’était jamais passée chez le chameau. » Il s’agit de la peste des petits ruminants, qui semble franchir la barrière des espèces. Les ovins et les bovins morts en Arabie pourraient aussi être concernés, et les contacts est-africains de Bernard Faye lui ont fait part d’une mortalité importante et brutale de chameaux au nord du Kenya. Les échantillons envoyés à l’École vétérinaire de Lyon seront analysés dans cette perspective. Pour ne rien simplifier, la peste des petits ruminants s’accompagne volontiers d’une surinfection par un streptocoque qui infecte généralement le cheval, mais qui, chez les ovins, peut provoquer une gourme généralisée qui tue les animaux atteints.

Pour compliquer encore la situation, le royaume saoudien doit aussi faire face à une menace d’épidémie de fièvre aphteuse.

http://www.lefigaro.fr/sciences/200...