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Les 316 "décisions" de la Commission Attali Le pot-pourri du libéralisme

Publie le vendredi 25 janvier 2008 par Open-Publishing
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de Jean-Jacques Chavigné

La Commission "Pour la libération de la croissance française" mise en place par Nicolas Sarkozy, présidée par Jacques Attali ancien conseiller de François Mitterrand et nouveau transfuge socialiste a rendu sa copie, un pavé de 334 pages.

Censée être "composée de 43 personnalités de différentes sensibilités", cette commission représentait surtout (à de très rares exceptions près) les différentes sensibilités libérales. Elle ne compte pas moins de 17 PDG ou anciens PDG (AXXA, Nestlé, Crédit Agricole SA, Essilor, Volvo, Areva, Orange, Cetelem...).

Des ultralibéraux comme les anciens commissaires européens Mario Monti et Ana Palacio, les journalistes Eric Le Boucher du Monde et Yves de Kerdrel du Figaro ou Michel de Virville, maintenant DRH de Renault. Jean Kaspar, présenté comme ancien secrétaire général de la CFDT, est le seul qui ait ou ait eu des liens avec le mouvement syndical, même s’il "gère depuis dix ans son propre cabinet de conseil".

Laissant entendre que ce rapport était équilibré, Attali s’est empressé d’affirmer : « Aucune des mesures qui est là ne peut s’appliquer sans être fait dans un ensemble. On ne peut pas supprimer les freins sur la roue gauche d’une voiture sans supprimer les freins sur la roue droite ». L’image est doublement erronée. D’abord parce qu’il paraît pour le moins inepte de recommander de rouler dans une voiture sans frein. Ensuite, parce que si l’on voit bien les freins qu’Attali préconise de supprimer sur la « roue gauche », il est difficile, même avec une loupe, de percevoir les freins qu’il propose de supprimer sur la « roue droite ». La dérèglementation tous azimuts des professions juridiques (avoués, notaires….) ne doit pas faire illusion, elle n’a qu’un objectif : permettre la concentration du capital dans ce secteur. Aucune proposition (sur 316) n’est faite pour diminuer la précarité du travail ou améliorer le pouvoir d’achat des salariés.
Nicolas Sarkozy d’accord avec l’essentiel

Nicolas Sarkozy a aussitôt déclaré : « Si certains sont été effrayés par le contenu de vos propositions, moi je les trouve plutôt raisonnable dans l’essentiel ». Le contraire eût étonné tant ces propositions reprennent tous les poncifs, toutes les idées reçues du sarkozysme à l’exception de la recommandation de ne pas respecter le « principe de précaution » et la suppression progressive des départements avec lesquelles le président de la République a pris ses distances. Il s’est donné bien garde, par contre, de commenter l’idée que 250 000 nouveaux immigrés par an pourraient donner à notre pays 0,5 % de croissance en plus.

Abaisser le « coût du travail ». Déréglementer. Retirer le maximum de protection aux salariés. C’est le modèle anglais-saxons. Une catastrophe pour les salariés anglais ou américain. Le paradis pour le patronat des deux pays. C’est la direction que nous indique Attali dans un geste de ciment armé. Car la commission Attali ne propose pas, elle décide ! Cet aréopage de libéraux, de technocrates et de quelques autres n’a que faire du suffrage universel : elle décide et veut nous imposer ses 316 « décisions ».
Le florilège du libéralisme

Beaucoup de commentateurs de ce rapport se sont contentés des 20 propositions phares mises en avant par la Commission. Il n’était pourtant pas intéressant de lire l’intégralité du rapport. .

Education

Permettre aux parents de choisir librement le lieu de scolarisation de leurs enfants (décision 6). C’est la fin de la carte scolaire, sereinement assumée par la commission.

Développer le tutorat des élèves des ZEP par des étudiants (dans le cadre d’un service civique hebdomadaire : le travail non rémunéré obligatoire) et des enseignants retraités. (décision 151)

Renforcer les formations en alternance (décision 13)

Renforcer l’autonomie des universités et faire émerger 10 grands pôles universitaires de niveau mondial (décision 19)

Développer les financements privés pour l’Université (décision 22) Etendre le modèle de l’alternance à tous les niveaux de formation. Et développer les formations professionnalisantes à l’université (décision123)

C’est la reprise de la vieille lune libérale qui voudrait que le chômage des jeunes soit du à une inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi alors que la réalité est toute autre : notre pays ne crée pas suffisamment d’emplois et le surtravail des uns (les heures supplémentaires) crée le chômage des autres. La preuve : les 400 000 emplois supplémentaires créés par la diminution du temps de travail en 2000 et 2001. Mais pour la commission Attali, cette période n’a jamais existé.

Les PME

Toutes les solutions préconisées sont tournées contre les salariés. Mais le fait que la grande majorité des PME fassent partie d’un grand groupe ou soient sous-traitantes d’entreprises donneurs d’ordre (qui dans les deux cas siphonnent leurs bénéfices) disparaît complètement du paysage.

La commission « décide » d’assouplir les seuils sociaux, de doubler pour 3 ans les seuils de 10 et 50 salariés en les faisant passer respectivement à 20 et à 100. Elle « décide » également de mettre en place dans les entreprises de moins de 250 salariés une représentation unique sous la forme d’un conseil d’entreprise exerçant les fonctions du comité d’entreprise, des délégués du personnel, du CHSCT, des délégués syndicaux. (décision 37)

La prévention en matière de santé

Développer massivement la prévention (décision 66) mais à budget constant et sans revenir sur le passage, imposé par la Droite et le Medef avec l’accord de la direction de la CFDT, de la visite médicale obligatoire dans les entreprises non plus tous les ans, mais tous les deux ans.

La représentativité syndicale

Fonder la représentativité syndicale sur les résultats aux élections professionnelles. Ce qui est positif mais aussitôt assorti d’une condition qui retire beaucoup d’intérêt à cette mesure : la représentativité d’un syndicat national serait liée à l’obligation d’être signataire d’au moins un tiers des 50 conventions collectives les plus importantes. (décision 116).

Réduction de la dépense publique (20)

Réduire dès 2008, la part des dépenses publiques dans le PIB. Cette réduction devra atteindre 1 % du PIB par an et à partir de 2009, soit 20 milliards d’euros de réduction par rapport à la tendance par an pendant 5 ans (décision 20).

Emploi des « seniors »

Faire sauter le verrou de la retraite à 65 ans (décision 121) avancé sous la forme plus prudente de « permettre à chacun de retarder, s’il le désire, son départ à la retraite ». Lever toutes les interdictions au cumul emploi-retraite. (décision 134) Dans les deux cas, tant pis pour les jeunes qui ne trouvent pas de travail !

Durée du travail

Permettre aux entreprises de déroger à la durée légale du travail par accord de branche ou accord majoritaire d’entreprise (décision 136) Autoriser plus largement le travail du dimanche (décision 137)

La Sécurité sociale

Supprimer, dans la Constitution, la distinction entre le PFLSS (Loi de financement de la sécurité sociale) et la loi de finance (décision 224). Nous n’aurions plus alors aucune garantie que les sommes collectées pour l’assurance-maladie ou les allocations familiales ne soient pas utilisées à la construction, par exemple, d’un deuxième porte-avions.

Conditionner les prestations familiales aux revenus des ménages (décision 268). C’est la méthode en deux temps pour en finir avec les prestations familiales : attaquer d’abord le salariat à plein temps, ensuite le salariat pauvre.

Moduler la franchise médicale en fonction du revenu (décision 269). C’est la même méthode en deux temps pour en finir avec une bonne partie de l’assurance-maladie obligatoire.

Organiser une gestion régionale de la carte sanitaire (décision 273). Cela signifie que la carte sanitaire nationale supprimée par le plan Hôpital 2007 ne serait pas rétablie et que l’inégalité sanitaire entre régions aurait de beaux jours devant elle.

Fusionner la part salariale et la part patronale des cotisations sociales (décision 299)

Supprimer 3 points de cotisations sociales en les finançant par 0,6 point de CSG et 1,2 point du taux normal de TVA (décision 300). Non seulement il n’y a rien pour augmenter le pouvoir d’achat mais la commission « décide » de le diminuer en augmentant la CSG et en instaurant la TVA sociale.

Supprimer le numerus clausus à l‘installation des pharmaciens. (décision 212). Malgré la présence de la social-démocrate allemande Evelyne Ghebhardt, parlementaire européenne et rapporteur de la directive « Mac Creevy », la commission Attali ignore que cette disposition est déjà contenue dans cette directive et sera applicable en France dans moins de deux ans. Curieusement, la commission ne s’intéresse pas au numérus clausus des professions médicales, pourtant cruciales pour l’avenir.

Fonction publique

Mettre en œuvre de façon systématique le principe du non-remplacement de deux fonctionnaires sur trois partants à la retraite (décision 252) Augmenter la part des promotions au choix dans la fonction publique (décision 253).

Mettre en place des primes liées à la performance (collective et individuelle) des agents (décision 254).

Retraites

Non seulement le rapport accepte tous les allongements (venus et à venir) de durée de cotisations mais il en tire la conclusion chère à tout libéral en estimant : « La montée en puissance de l’épargne retraite individuelle ou collective est donc nécessaire » (décision 305)
La méthode Coué poussée à son comble

De l’ensemble des ces 316 décisions, la commission Attali attend une croissance de 1 point supplémentaire chaque année. C’est la méthode Coué dans toute sa splendeur. Le simple fait, par exemple, de diminuer de 1 point par an la dépense publique alors que s’annonce une récession ou au moins un fort ralentissement de la croissance américaine ne pourrait avoir que des effets négatifs sur la croissance.

« Ce point de PIB pourrait signifier chaque année, par exemple, tout à la fois, 500 euros de pouvoir d’achat en plus par ménage, 150 000 créations d’emplois supplémentaires, 90 000 logements sociaux de plus, 20 000 enfants handicapés scolarisés, 20 000 place d’hébergement d’urgence créées en plus pour les sans abris…. » ajoute la commission. Elle a raison d’écrire « pourrait signifier » car le plus probable est que, si la potion amère de la commission aboutissait par quelque miracle, à une augmentation de la croissance, ce même remède de cheval permettrait aux profits de confisquer l’essentiel de ce surcroît de croissance
La droite à l’affut avec sa loi de « modernisation économique »

Ce pot-pourri des idées libérales pourrait paraître un laborieux exercice d’école. Il n’en est rien. La loi de « modernisation économique » qui sera présentée par Christine Lagarde, ministre de l’Economie, s’appuiera sur ces 316 propositions pour amplifier l’offensive contre le salariat. Sarkozy ne reprendra que ce qui l’intéresse, que ce qu’il estime pouvoir faire passer en fonction de l’état de l’opinion, du rapport de forces social, du rapport de force électoral. Pour freiner, stopper l’offensive de la Droite, la mobilisation sociale mais aussi victoire de la gauche dans une grande majorité de municipalités et de cantons sont donc décisives.

Messages

  • présenter Jean Kaspar, dangereux "activiste" de "gauche" , ex-secrétaire général de la CFDT, comme "syndicaliste", en dit long sur la dérive d’un certain syndicalisme renouant avec ses origines

    Mais laissons la parole à Kaspar, syndicaliste-patron, ou patron-syndicaliste

    Quelle France, pour quel MONDE ?

    Depuis la fin du mois d’août, la Commission pour la Libération de la Croissance que préside Jacques ATTALI se réunit et dégage de multiples propositions.

    Certains diront : "une commission de plus qui s’ajoute à la longue liste celles qui ont été mises en place dans le passé, avec le succès que l’on sait ".

    Pour ma part je m’oppose à ce pessimisme et tiens à dire pourquoi.

    Dès le début de nos travaux, j’ai pu prendre la mesure de la volonté de tous les membres de la commission à sortir des sentiers battus, pour dégager des propositions hardies, novatrices et courageuses permettant à notre pays, comme le suggère Jacques ATTALI, de se rapprocher du taux de croissance moyen mondial qui se situe autour de 5%.

    Bien entendu, une telle ambition implique une mobilisation de tous les acteurs, bien des réformes, des remises en cause, une volonté de sortir des schémas de pensée du passé, de la lucidité et du courage.

    Au-delà de la référence à un taux de croissance, il s’agira d’expliquer pourquoi la croissance est nécessaire, comment la faire progresser et comment en répartir les fruits. On voit bien qu’une telle approche signifie en fait de savoir quelle France nous voulons préparer pour quel Monde.

    Au sein de la commission, j’ai pris ma part pour formuler des propositions sur des questions qui touchent à la méthode de gestion d’un processus de réformes, à la représentativité des organisations syndicales, aux conditions de validité d’un accord contractuel, à la représentation collective des salariés dans les PME ou encore à la nécessité d’assouplir les conditions d’ouverture des magasins le dimanche. Modestement j’essaie d’apporter le fruit de mon expérience pour contribuer à la production de propositions concrètes, convaincu que la nature du dialogue social contribue à la croissance.

    Certaines propositions émises par les membres de la commission vont remettre en cause bien des habitudes et bousculer de nombreux conservatismes. C’est aujourd’hui indispensable car le temps est venu, pour notre pays, de faire le pari de l’intelligence et de la confiance dans la capacité de nos concitoyens à comprendre, comme cela fut le cas dans de multiples autres pays, qu’il nous faut engager de multiples réformes pour créer plus de richesse, plus de solidarité, plus de justice, plus de liberté et plus de coopération.

    Je souhaite contribuer à faire de notre pays une communauté d’hommes et de femmes qui aient le goût de l’audace, de l’innovation. Un pays qui sache dépasser ses peurs, qui s’enrichisse des expériences des autres, qui ne craint pas la concurrence parce qu’il sait imaginer et promouvoir les solidarités nouvelles et qui n’a pas peur de l’étranger car nous avons besoin de lui pour imaginer notre futur commun.

    la suite sur le site d’Attali :

    et pour conclure, laissons la parole au très libéral (et très proche de l’extrême droite) Alain Madelin

    (...)

    Confier la présidence de cette commission à Jacques Attali était de surcroît habile, car cela permettait de faire endosser par une personnalité affichée socialiste, étroitement liée à la politique de François Mitterrand, des réponses nécessairement d’inspiration libérale.

    (...)

    En fait, le rapport final ne tient pas les promesses de sa bande-annonce. Attali n’innove guère. Il compile, laborieusement, le meilleur et le pire. On y retrouve des morceaux choisis, des rapports Camdessus, Cahuc-Kramarz, celui de l’OCDE ou le livre blanc du Medef, pour ne parler que des plus fameux et des plus récents.

    La vraie nouveauté n’est donc pas ce que dit le rapport. C’est qu’Attali le dise… aussi.

    (...)

    Si même Attali le dit...

    Ségolène Royal a trouvé les propositions Attali "intéressantes".

    Qui s’en étonnera ? Elle n’a jamais désavoué Sarkozy sur le fond, mais seulement sur la forme

    Gérard Filoche a écrit sur son site ( Démocratie&Socialisme, celui de Jean-Jacques Chavigné aussi) que seuls 30% des socialistes seraient de gauche.

    On le croit volontiers, même s’il gonfle certainement le chiffre pour garder le moral

    Royal est-elle de gauche ? Il semblerait plutôt qu’elle soit dans les 70%. Qui s’en étonnera ? Qui s’étonnera que les classes populaires se détournent du PS ?

    lire à ce sujet sur le site de Filoche et Chavigné (un peu de lucidité) Le PS et l’élection présidentielle : Bilan et perspectives

    et aussi Droitisation » de la société ou refus des directions de Gauche de mener le combat ?

    P. Bardet

  • J’ai deux problèmes :

    1 ) Dans une de ses propositions, Attali veut réduire le coût du travail ... donc moins de salaire pour le salarié ... pour augmenter la croissance afin d’améliorer le pouvoir d’achat de ce même salarié , en gros pour gagner plus tu dois gagner moins mais bon je ne suis pas polytechnicien...

    2 ) On n’arrête pas d’entendre qu’il faudra x planetes terre pour satisfaire à la croissance telle qu’elle est, ne serait il pas plus novateur de se demander pourquoi on court aprés cette sacro-sainte croissance ?