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Moi, petit bourgeois, pour le communisme

Publie le vendredi 5 décembre 2008 par Open-Publishing
37 commentaires

de P’tit Nico

Réflexions à partir de Wilhelm Reich... et d’autres.

Wilhelm Reich (1897 - 1957), "La psychologie de masse du fascisme", pbp, 1972 pour la traduction française, 1946 pour l’édition anglaise, 1942 pour la troisième édition revue et augmentée, première édition rédigée en 1933 (Les citations non précisées sont toutes issues de ce bouquin).

Texte forcément polémique (que viva la disputation !) puisque forcément subjectif vu que c’est JE qui l’écris même si mon MOI est plein d’AUTRES qui m’ont aidé à le fabriquer.

C’est certes toujours trop long, chiant ( le sujet déjà : le petit bourgeois (!), voire le communisme (!!) ; plus l’abus de digressions digraissantes, de parenthèses et de guillemets, de raccourcis et rapprochements osés, voire douteux, humour vaseux...) pour ceux qui ne viennent sur Bellaciao que pour les " blabla de zinc " (parce qu’y faut que ça soit rigolo sinon c’est chiant – ceci n’est pas du mépris pour Chimulus (Note de l’éditeur) -) qui peuvent retourner chez Ruquier (je vanne, du calme).
Peut-être (peut-être !) décousu de fil blanc (mais c’est la loi (que je décrète) du genre (petit mâle blanc occidental petite bite gros taser - bien qu’il puisse être de couleur noire ou basanée aussi, avec une grosse matraque, pour la bite je sais pas, on dit tant de choses -)).

« J’me présente, je m’appelle Henri,

« Je voudrais bien réussir ma vie, être aimé-é,

« Être beau, gagner de l’argent,

« Et surtout être intelligent,

« Mais pour tout ça, il faudrait que je bosse à plein temps-a-an.

Ceci sera mon unique référence identitaire [pour ma position sur l’anonymat voir le dernier chapitre de Chomdu s’il est encore en ligne. De toute manière, monsieur Furioso nous reconnaît toujours avec nos IP (Immeuble Pourri, 4ème avenue, dernière porte à gauche (forcément), matricule 7564325) : « ouais , on t’a reconnu, y a dix ans t’as écrit telle connerie. En plus tu signes un coup-ci, un coup-ça. » Kôa ? Môa ? J’ai écrit ça ? Le con ! Mille excuses, monsieur Furioso, je promets que j’essaierai (j’essaierai !) de pas recommencer, me tapez pas avec votre grosse règle sur mes petites oreilles – ce que faisait mon instit, putain ça nous rajeunit pas – mais c’est sa classe, il a le droit].

Trêve de précautions oratoires, au boulot.

Comment peut-on se dire « communiste » ?

(Ça y est, je vais prendre ma première baffe !).

Si j’ai compris (mais avec tous les coups de règle que j’ai pris sur les oreilles va savoir), le communisme est soit un état (même si pas pour Marx) d’autogestion collective de l’ensemble des moyens de production socialisés (cette définition étant néanmoins réductrice), et là je vois pas qui aujourd’hui serait dans cet état ;
soit le mouvement réel qui abolit l’état actuel, et la non plus je vois pas comment un individu, même un groupe, peut prétendre être " le " mouvement réel (ah, si, Mélanchon !). "En" mouvement, peut-être ?

Wilhelm Reich, dont je vais causer, était menacé de mort pour moins que ça par des ... « communistes » ; môa, je ne risque que des insultes de la part de vieux restes de hyènes staliniennes (par Bacchus, laissons couler la peste émotionnelle, bonjour ma colère, salut ma hargne, et mon courroux... coucou.)

Donc, (c’est toujours très péremptoire, le "donc") quelqu’un(e) qui se dit communiste et non "pour" le communisme, c’est tromperie sur la marchandise. C’est prétentieux, en plus. Comme s’il était prêt(e), déjà tout conformé(e) pour vivre la mise en commun de la liberté chérie. L’homme-femme nouveau déjà fabriqué, sorti tout droit de l’école nouvelle du Komintern sans être passé par l’école (nouvelle aussi à l’époque) de Jules Ferry.

Je prétends que cette prétention est nuisible pour le communisme car excluante (comme la plupart de nos pseudo affirmations identitaires : si je me dit communiste, le petit gars (ou la petite gatte) qui voudrait bien, y va se dire : « comment je vais faire pour devenir communiste comme le monsieur-madame qui a l’air si fort droit dans ses bottes de communiste déjà tout fait pour l’avenir radieux ? » C’est comme se prétendre « libéré sexuellement » parce qu’on fornique à tout va. Ça me rappelle un vieux sketch de chaisplusqui que les moins de 90 ans ne peuvent pas connaître sur le mâle américain et le rapport Kinsey (ouais pépé, vas-y raconte) qui, après avoir décrit un certain nombre de types de copulateurs finissait ainsi : « ... et j’en arrive à la catastrophe, le type qui fait l’amour une fois par an. Alors qu’est-ce que c’est le type qui fait ça une fois par an ? Et bien c’est un type desséché qu’on croirait revenir de chez les indiens Jivaros, n’est-ce pas, un type qui ne sourit jamais, jamais. Heureusement, je peux vous le dire, gentlemen, ce type n’existe plus sur le territoire des États-Unis. Malheureusement, au 14° rang y’ a un type qui se lève et qui dit : si, si, moi ! Et vous êtes content ? Ben oui, ...c’est pour ce soir ! » - Bon, là, c’est sûr, monsieur Furioso, y va me censurer.

Nuisible aussi car elle fige la représentation de ceux qui luttent pour le communisme en mode « avec nous ou contre nous », « tu l’es ou tu l’es pas », individu fossilisé dans un appareil (le parti) aussi pétrifié que la statue de la liberté. Ce qui n’est pas le cas de la majorité des militants pour le communisme (qui ne sont pas forcément au Parti).

Disant cela, je veux m’inscrire, toutes proportions gardées (et alors, je peux péter plus haut que mon cul de petit bourgeois !), dans la pensée critique de nos grands (forcément) prédécesseurs combattant (eh oui, qu’on le veuille ou pas, le bourgeois y fait la guerre perpétuelle. Kant, qui n’a pas lu Orwell, y l’appelle ça la paix) pour l’émancipation des prolétaires, qui n’avaient nulle peur de questionner leurs concepts au plus près de la réalité, quitte à s’interpeller violemment dans leurs joutes accompagnant les rudes combats des travailleurs. N’est-ce pas là l’esprit de Bellaciao ?

Eux, elles, ne se disaient ni ne se percevaient "grands". « Marx n’était pas marxiste » disait-il. Petits, voire grands, bourgeois pour la plupart, ils (pour ne pas féminiser à chaque fois, je prends le masculin pour générique de l’espèce. Mille pardons mesdames, mais vous êtes associées à chaque fois, ce qui n’est pas forcément à votre honneur la plupart du temps) avaient pour objectifs de donner des outils efficaces aux travailleurs pour la réussite de la révolution sociale et mettre fin à l’exploitation concrète. Sans se dire prolétaires eux-mêmes pour autant (clin d’œil amical à LL), j’y reviendrai. Et sans se laisser dicter par la réaction leurs thèmes et leur terrain de lutte idéologique.

« Tous ces doutes (des révolutionnaires) s’appuyaient donc sur des événements d’une gravité particulière ; s’ils étaient justifiés, si la thèse de la thèse de Marx était inexacte, il fallait une réorientation résolue du mouvement ouvrier pour lui permettre d’atteindre son but ; si, par contre, les doutes n’étaient pas justifiés, si la thèse sociologique fondamentale de Marx était exacte, une analyse approfondie et détaillée des causes de la faillite chronique du mouvement ouvrier devenait nécessaire ; il fallait expliquer aussi la genèse d’un mouvement de masse d’un genre nouveau, le fascisme. Ce n’est qu’ainsi qu’on pouvait relancer l’activité révolutionnaire.
À défaut d’être tranchée dans un sens ou dans l’autre, la situation était sans remède ; car il était évident que l’appel à la « conscience révolutionnaire » de la classe ouvrière, que la méthode chère à Emile Coué consistant à jeter un voile sur les défaites et à embellir les faits déplaisants par le recours aux illusions, ne pouvait conduire au succès. Il ne suffisait pas non plus d’affirmer que le mouvement ouvrier « était en marche », qu’il luttait par-ci par-là, qu’il organisait des grèves. Car ce qui importe, ce n’est pas d’avancer, mais de ne pas prendre de retard par rapport à l’avance et au renforcement de la réaction politique. » P. 30.

Réflexions hautement actuelles (n’est-ce pas le propre des intellectuels marxistes intègres, quel qu’aient été leur positionnement politique, de poser des questions qui restent d’actualité aujourd’hui ? L’exploitation capitaliste n’est-elle pas toujours d’actualité ?) Mais, comme eux, s’il ne s’agit pas de faire ce qu’ont fait ces prédécesseurs, il s’agit de faire ce qu’ils auraient fait s’ils étaient à notre place, c’est-à-dire de se donner les outils pour transformer le monde, pas pour se contenter de l’expliquer et pustuler à l’Aka-des-mies française, n’est-ce pas monsieur Lévi-Strauss ?

« Quand des ouvriers se mettent en grève parce que la pression sur les salaires ne leur permet plus de vivre, leur action découle directement de leur situation économique. Il en est de même de l’affamé qui vole de la nourriture. Pour expliquer le vol de nourriture ou la grève provoquée par l’exploitation, on n’a pas besoin de recourir à la psychologie. L’idéologie aussi bien que les actes répondent alors à la pression économique. La psychologie réactionnaire s’emploie dans ces cas à découvrir des motifs irrationnels pour expliquer le vol ou la grève, en recourant à une argumentation typiquement réactionnaire.

Pour la psychologie sociale, le problème se présente de façon inverse : elle ne s’attarde pas sur les raisons qui poussent l’homme affamé ou exploité au vol ou à la grève, mais elle tente d’expliquer pourquoi la majorité des affamés ne volent pas, pourquoi la majorité des exploités ne se met pas en grève. » P. 41-42

« La psychologie de masse s’oppose-t-elle donc à l’économie sociale ? Aucunement ! Car la pensée et l’action irrationnelles des masses qui semblent en désaccord avec la situation socio-économique de l’époque considérée, procèdent elles-mêmes d’une situation socio-économique plus ancienne. On a pris l’habitude d’expliquer les inhibitions de la conscience sociale par ce qu’on appelle la tradition. Mais jusqu’ici, on ne s’est jamais demandé ce qu’est la "tradition", au niveau de quels phénomènes psychologiques elle opère. L’économisme a méconnu jusqu’à présent qu’il ne s’agit pas, essentiellement, de savoir si la conscience sociale existe chez le travailleur (c’est l’évidence même !) ou de quelle manière elle se manifeste, mais ce qui entrave la conscience de responsabilité. » P. 42.

Nombre de contributeurs de Bellaciao peuvent illustrer de dizaines d’exemples ce type d’interrogations dans l’histoire du mouvement ouvrier et de ses théoriciens.

Aujourd’hui, à quoi sommes-nous confrontés ? La réaction est revenue en force et surtout son idéologie, entendue comme « puissance matérielle qui enracine la représentation de la classe dominante dans les structures psychiques des hommes de cette société. (...) Comme une idéologie sociale modifie la structure psychique des hommes, elle ne s’est pas seulement reproduite dans ces hommes, mais – ce qui est plus important – elle a pris dans la forme de l’homme concrètement modifié et agissant d’une manière modifiée et contradictoire le caractère d’une force active, d’une puissance matérielle. » P. 40-41.

[Dans ce qui suit, il n’est évidemment pas question d’être exhaustif, les personnes citées n’étant pas plus représentatives que d’autres qui auraient pu l’être. C’est une réflexion, pas une thèse ; je n’ai donc pas à justifier de ces choix que quiconque est à même de compléter.]

Pierre Bourdieu nous a décrit les processus de cette « incorporation ». Gérard Mendel nous a apporté le concept d’acte pouvoir ou pouvoir de l’acte. Chomsky nous décrit la « fabrication du consentement ». Tomas Frank se demande encore « Pourquoi les pauvres votent à droite ? ». L’approche de la critique des médias de masse amènent certains à penser qu’il suffirait de jeter nos télés par la fenêtre (vive « l’an 01 » ! 1973) et de détourner les panneaux publicitaires pour soustraire les masses à leur influence. D’autres, alertés par Virilio, veulent s’attaquer à la Grande Vitesse qui nous conduit dans le mur du con. Deleuze nous avertit que nous glissons d’une société de discipline (Foucault) à une société du contrôle, l’une n’empêchant pas l’autre. Orwell nous avait déjà en 1948 préparé à Big Brother, à la police de la pensée et à la « surveillance électronique planétaire ». D’autres nous sensibilisent à la société de consommation, au culte de la performance, au culte de l’émotion, à la société du spectacle, de l’individualisme, à la culture du narcissisme, etc. Des psychanalistes nous démontrent que nous passons d’une civilisation dominée par l’image inconsciente du père (l’autorité qui transforme tout un chacun en bourreau à l’occasion) à une civilisation de l’image inconsciente de la mère (régression dans le fantasme de la toute puissance du nourrisson mégalomaniaque dépendant qui transforme tout un chacun en sadique), ...ce qui ne change pas grand chose pour le torturé de Guantanamo et d’ailleurs.

Les ethnologues n’ont plus que des peuples laminés par la drogue, l’alcool, les maladies de l’homme blanc et la misère dans les ghettos planétaires pour rechercher la « pensée sauvage » qui n’empêche plus les indiens Guaranis ou autres Tobriandais, visités par Lévi-Strauss, Clastre, Sahlins, Malinowski, de se suicider collectivement comme les baleines, ayant perdu leur espace vital dépeuplé des esprits de leurs ancêtres. Nous, nous devons nous imprégner du « nouvel esprit du capitalisme » et de la « révolte artiste »."On" nous demande de nous mobiliser pour les thons rouges, les femmes battues, la traite et l’esclavage des enfants, le droit à l’existence des homo-trans-bi-sexuels, la couche d’ozone, le Denis Robert, la fonte des glaces, le stress au travail, etc, etc, etc. À chacun d’ajouter à la liste le combat urgentissime et désespéré que j’ai omis. Prévert n’aurait plus assez de vers (En 1936, il écrivait « La chasse à l’enfant »...). Nous, il nous suffit de signer une pétition.

Pendant ce temps, la réaction et ses armées de psychologues et de sociologues joue sur du velours pour attiser les perversités de l’espèce fabriquée par le rationalisme platonicien – cartésien sur la « table rase » du vivant. Les "masses" aliénées (c’est-à-dire ayant la direction de leur vie a l’extérieur d’elles-mêmes) font la claque aux émissions d’animateurs décervelés et pervers, des étudiantes se laissent utiliser le sex-appeal pour servir d’appâts sans états d’âme, et sans âme du tout, pour fourguer les boissons psychédéliques de milliardaires cyniques aux adolescents désespérés, les foules en délire vénèrent des idoles de pacotilles dans les manifestations de masse aux relents totalitaires (J.O, grandes manifestations sportives, concerts géants...). Chacun devient l’arnaqueur de l’autre. Des chercheurs serviles veulent nous faire croire que l’échange capitaliste (le commerce) a toujours existé malgré Mauss et notre propre entendement, et les altermondialistes nous invitent au troc pour amender le capitalisme. Comme d’autres paléontologues tout aussi serviles nous assurent que la famille (donc l’État) a toujours existé vu qu’ils ont trouvé dans un trou deux adultes et deux enfants dont on ne sait rien de la vie.

Nous sommes passés par mai 68 qui, en ce qui concerne le "mouvement" du 22 mars, dans la (fausse) lignée de W. Reich, alimentée par Lacan et Deleuze-Guattari, réalisait la « libération sexuelle » de « nous qui désirons sans fin ». Au nez et à la barbe des staliniens incapables d’intégrer la psychologie sociale, l’ouvrier devant mettre son énergie sexuelle au service de la production révolutionnaire, le capitalisme « artiste » a pu sans peine recycler la « tyrannie du désir » en désir tyrannique de la consommation d’objets scatologiques asservissant toujours plus les « masses » aux « besoins » téléguidés. (Oui, je sais, je vais vite, mais j’assume !) Incapable de rattacher l’éclatement des luttes à l’exploitation-aliénation du prolétaire ce "mouvement" s’est révélé l’expression dépravée d’une petite bourgeoisie incarnée par le carriérisme des bouffis Cohn-Bendit, July, Field et qu’on sort (attention, jeu de mots, jeux de vilain). L’autonomie sexuelle si nécessaire à la révolution sociale s’est muée en consommation sado-masochiste de pratiques et de spectacle pornographique. La misère sexuelle n’a en rien disparue. Le Sida est aussi efficace que le curé.

Les « resto du cœur » qui devaient être une baffe dans la gueule du monde gavé occupent nombre de « bonnes âmes » (gloire à elles) institutionnalisées, affamées de charité : « Donnez, donnez... ». La création de la Banque alimentaire par des cathos pas catholiques pour ne pas laisser le « marché » à la gauche, ajoute à la confusion. La banalisation de la charité pour le financement de la recherche n’émeut pas tant que ça la plupart de nos « bons » chercheurs désintéressés (surtout pas par leur fonction sociale).

Le syndicalisme « de services » a remplacé le syndicalisme de lutte (« les Prud’hommes sont un formidable outil de paix sociale » disent les patrons en virant les délégués syndicaux de base). Les Partis politiques sont des... parties !
La remise en cause des « acquis » des luttes ouvrières montrent, s’il en est besoin, que rien n’est jamais acquis.
Et nous continuons à mettre au « pouvoir » (dans le gouvernement, mais aussi dans les partis) des psychopathes agités et des encravatés rigides.
« Un médecin qui veut ouvrir un cabinet doit fournir la preuve de ses connaissances pratiques et théoriques. (...) Le travailleur exerçant un métier pratique quelconque, qu’il soit riche ou pauvre, doit se soumettre à une certaine formation. (...) (Or), nous avons vu au cours des vingt cinq dernières un mauvais journaliste brutaliser et conduire à sa perte un peuple de 50 millions d’italiens [non, non, c’est pas Berlusconi là]. (...) Un apprenti peintre ayant complètement échoué dans son métier, réussit sans accomplir le moindre travail utile, la moindre oeuvre pratique, à occuper pendant vingt ans le devant de la scène politique [non, non, ce n’est pas...]. » P. 308-309.

Et la barbarie se porte bien, merci. La société sécuritaire et de surveillance ne s’est jamais aussi bien portée et nous sommes en état de guerre permanente à l’extérieur (autant militaire qu’économique : ça va toujours ensemble ! Et le résultat est toujours le même : ce sont toujours les pauvres qui meurent !) et à l’intérieur (plan vigipirate). Mais la conscription obligatoire a disparu (et l’antimilitarisme avec). Vive la liberté ! Il faudrait aussi bien sûr parler du développement exponentiel des maffias, mais faut pas déconner, c’est vachement trop risqué.

Aucun esprit d’envergure ne nous aide aujourd’hui à réunir les pièces de ce patchwork.

« Sommes-nous à ce point esclaves que nous perpétuons de nous-même si bien cette pratique ? Diviser pour mieux régner, ce n’est pas nouveau . Mais nous, quand nous affranchirons-nous ? Quand cesserons-nous de nous diviser ? Quand saurons-nous cesser de reproduire les schémas mis en place et entretenus par ceux qui se veulent nos maitres ? » interpellait Makhno il y a quelques jours : http://bellaciao.org/fr/spip.php?article74627

Que s’est-il passé pour que malgré tous les apports « scientifiques », toujours la même question se pose ? Que nous n’en ayons rien fait ? (L’indétermination du « nous » est ici nécessaire pour englober tous ceux qui estiment que la question se pose).
Les théoriciens, les intellectuels, se déclarant pour le mouvement ouvrier et œuvrant pour apporter des outils à celui-ci, quelle que soit leur pertinence, sont-ils intrinsèquement en contradiction, de par leur fonction et position sociale, avec la classe ouvrière ? Appartenant, quelle que soit leur propre représentation d’eux-mêmes (être savant n’empêche pas les illusions), à la petite ou moyenne bourgeoisie selon leur niveau d’intégration institutionnelle et leur origine sociale (fils-fille de), ils sont inscrits dans la lutte des places de leur classe, développant, de bonne ou de mauvaise foi, des stratégies de reconnaissance et de surface sociale en s’appuyant sur leur audience auprès des classes ouvrière ou petite bourgeoise pour ne serait-ce qu’en vivre. Leur capacité d’analyse (sans omettre, pour relativiser leur "génie", qu’ils sont formés pour ça et qu’ils y passent leur temps en ayant accès à des savoirs quasi inaccessibles à la plupart des travailleurs, situation issue de la division sociale du travail intellectuel et du travail manuel), même si leur domaine de recherche est la domination, n’empêche en rien leur propre aliénation. « Il va de soi que les sociologues et les psychologues de masse dignes de ce nom ne doivent pas s’oublier eux-mêmes dans leur recherche » P. 199. « Ce sera l’affaire des masses laborieuses de cueillir les fruits de notre science nouvelle aujourd’hui plutôt que demain. La responsabilité qu’elles assument pour leur vie et leurs activités n’est pas moindre que celle que le cordonnier assume pour ses chaussures, le médecin pour son malade, le chercheur pour ses observations, l’architecte pour ses constructions. Nous n’avons nullement l’intention de faire le bonheur du peuple ou de le plaindre. Nous prenons les hommes au sérieux ! S’ils ont besoin de nous, ils nous appelleront. Nous nous rendrons à leur appel.
En ce qui me concerne, je refuse de briguer le pouvoir pour imposer aux autres mon savoir. » P. 282 « Nous serons alors une fraction de cette masse et non ses chefs, nous ne serons pas ses délégués élus, ses hauts protecteurs... (à condition que nous soyons restés honnêtes). ...Je déclare, au risque de décevoir mes amis, que je ne dispose d’aucun remède applicable, hic et nunc, à l’actualité politique. ... La nature même de ce travail exige qu’on le fasse par plaisir du travail bien fait, de la découverte et de la recherche, qu’on éprouve, en s’y livrant, le plaisir de découvrir l’honnêteté spontanée et la sagesse de la nature, nous n’avons pas voulu gagner des médailles, des richesses ou des titres académiques, nous n’avons pas brigué la popularité. Le plaisir sadique de torturer, de réprimer, de réprimander le mensonge et l’imposture n’a jamais fait partie de nos mobiles. C’est tout. » P. 305.
Il est clair que nombre de chercheurs prometteurs, happés par la reconnaissance sociale, ont perdu de leur intérêt, à la fin de leur vie, pour le combat révolutionnaire. Est-ce pour autant qu’il faille jeter le bébé avec l’eau du bain et ne pas prendre, dans leurs apports, ce qui peut nous servir ? Sauf si l’on démontre en quoi la position sociale du chercheur biaise à coup sûr son raisonnement. Le scientisme, le rationalisme scientifique, le mécanicisme peuvent nettement plus l’influencer - Voir Feyerabend et la science anarchiste.
D’autre part, les disciples, zélateurs, thuriféraires, exégètes, se disputant sur la dépouille du Maître les bénéfices de son aura sociale, diluent, déforment, désorientent, obscurcissent les apports du « Maître », laminant l’utilisation possible par les travailleurs. Les hommages posthumes ou non (voir pour Lévi-Strauss le tapage, pour ses cent ans, qu’il ne souhaitait pas, paraît-il. Que ne le dénonce-t-il pas ?), sacralisant la figure du savant, en sont une expression. Le culte renforce la distance mystifiante au savoir pour l’individu moyen.

Les divisions de la classe ouvrière, renforcées (voire provoquées) par les manœuvres du bloc capitaliste (peut-on s’attendre à moins ?), ont généré des leaders (de partis ou syndicaux) que les luttes intestines pour l’hégémonie ou la survie ont focalisé sur des stratégies purement politiciennes de prise de pouvoir (réduite de plus au pouvoir sur "le" Parti), instrumentalisant des fractions de la classe ouvrière pour leurs combats de chefs, et les amenant à délaisser les aspects théoriques de la révolution et du mouvement vers le communisme. L’absence de possibilités d’analyse critique radicale (à la racine) ne laissant plus que l’alternative entre abandonner une à une les conditions de la construction de la révolution (dictature du prolétariat, " démocratie " sociale,...), ou se figer défensivement dans la fossilisation de concepts opératoires (communisme comme mouvement, apports des différents courants révolutionnaires, rôle des intellectuels,...), voire de rigidification sur des éléments d’identité grégaires (culte de la personnalité, nom du parti, avant garde ...). Mais surtout, l’impossibilité de prendre en compte les questionnements évoqués plus haut (structure caractérielle des masses et effets sociaux du mysticisme, pour reprendre les termes reichiens), rend impossible l’adhésion de l’ensemble de la classe ouvrière et le ralliement de certaines fractions de la petite bourgeoisie subissant des agressions idéologiques et économiques décuplées (est-ce si sûr ? Avoir la crainte de l’enfer en permanence dans la tête, c’est pas jojo) par les moyens modernes de propagande, mais surtout par le rôle et le poids de la classe moyenne. Même si la pseudo "crise" va redonner quelque vigueur à l’extrême gauche vu la défaillance du PCF, il est peu probable que la majorité aille en ce sens, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

La psychologie sociale de Wilhelm Reich

La pensée libre de W. Reich peut nous aider à poser le problème (plus que les injonctions volontaristes des leaders de l’avant-garde auto proclamée).

« Les masses laborieuses sont-elles capables – et par quelles méthodes peut-on les rendre capables – de faire disparaître l’État autoritaire [aujourd’hui certains disent « animateur »] qui se dresse au-dessus de la société et d’elles-mêmes, de prendre en charge ses fonctions, autrement dit de développer organiquement l’auto gouvernement social ? » P. 218.

[Je n’hésite pas à transcrire de larges extraits de « La psychologie de masse du fascisme » bien qu’ils épaississent considérablement mon texte, tout en restant dans les limites de mon objet. Pour les raisons suivantes : - bien peu le connaissent encore ; - qu’il présente un intérêt historique fournissant des repères extrêmement pertinents pour la période actuelle (ne nous refusons pas un peu de pédagogie), et si certaines tournures ou faits sont datés (il n’a toutefois "que" 66 ans !), chacun fera les ajustements ; - quoiqu’on en pense, il fait partie des textes qu’il est d’urgente salubrité révolutionnaire de lire ou relire par les temps qui courent (je ne suis pas intéressé par la « biophysique d’orgone » ; par contre, par les questionnements et les analyses du fascisme, de la démocratie du travail, si. Et nous avons besoin de poursuivre le travail, en profitant de la grève générale illimitée pour le partager, par exemple, la réflexion devant accompagner l’action) ; - j’ai fourni de nombreuses autres références dans la série des Chomdu, dont il est en quelque sorte une suite. Je n’ai ni idole, ni maître.]

À une époque où « libéral » signifiait « pour la liberté et l’émancipation de l’être humain en société » (et non « liberté pour la circulation des marchandises et le commerce »), W. Reich utilise le concept de « masse » comme antinomie à la notion de « démocratie naturelle du travail » (« Nous désignons par « démocratie du travail » la somme de toutes les relations de travail naturelles considérées comme la forme naturelle de l’organisation du travail. (...) La notion de « démocratie du travail » n’est donc ni un programme politique, ni l’anticipation intellectuelle d’une « planification économique » ou de quelque « ordre nouveau ». La démocratie du travail est un état de fait qui jusqu’ici a échappé au regard de l’homme. L’amour, le travail et la connaissance couvrent totalement la notion de « démocratie du travail » P. 300.

La psychologie des foules, issue des théories racialistes (et surtout racistes) de Gustave Le Bon (1895), a été fabriquée à partir du XVIIIème siècle pour étudier les interactions entre les phénomènes individuels et collectifs (« Psychologie collective et analyse du Moi », S. Freud, 1921) liés à l’agglomération des êtres humains (urbanisation, armée du peuple napoléonienne) et surtout afin de les gérer aux mieux des intérêts de la bourgeoisie capitaliste (comment envoyer les pauvres se faire tuer, au travail ou sur les champs de bataille, pour le seul intérêt des riches). Ce que veut contrer W. Reich en opposant une « vraie » argumentation scientifique pour en doter les « forces révolutionnaires ».

« En réalité, tout ordre social produit dans la masse de ses membres les structures dont il a besoin pour parvenir à ses fins principales », P. 44].

Le concept de « masse » se distingue de celui de « peuple », « populaire » (vs « élite », « aristocratique ») en ce sens qu’il évoque l’agglomération, ou plus pertinemment « l’agrégation » (assemblage hétérogène) d’ atomes soumis à une attraction (invisible) réciproque. On peut l’illustrer par l’exemple des foules sportives réunies dans une enceinte dans laquelle se côtoient dans « un même mouvement » des individus aussi séparés « objectivement » qu’un employé de banque qui va signifier à un artisan sa mise en faillite lequel va essayer de tirer profit d’un ouvrier en lui vendant son produit (c’est pourquoi la polémique sur le football comme sport populaire méprisé par l’élite de Jean-Claude Michéa par exemple me paraît bien vaine). C’est ce mouvement qui est l’objet de la manipulation totalitaire, en même temps qu’objet à prétention d’analyse scientifique.

« Il faut que vous aimiez Big Brother. Lui obéir n’est pas suffisant. Vous devez l’aimer !  » G. Orwell (1903 - 1950), « 1984 ».

W. Reich part du constat de « l’écart » entre la situation sociale « objective » d’exploitation socio-économique du travailleur et l’idéologie réactionnaire (fasciste) d’une (grande) partie des « masses laborieuses » qui ont « adhéré » (ou laissé faire) au fascisme (en expansion mondiale à partir des années 1920), et au stalinisme. « Ainsi on voyait s’installer un écart entre l’évolution de la base économique économique poussant vers la gauche et l’idéologie des masses attirées par l’extrémisme de droite », P. 33.

[La sensibilité personnelle de Reich à cette situation « est déterminée par la menace pesant sur notre existence en tant que membres d’une société atteinte d’un mal mortel. Celui qui a perdu comme moi, pendant la première guerre mondiale, son foyer paternel, sa famille et ses biens, qui a vu mourir et tomber dans la déchéance de nombreux amis, qui a assisté à des exodes et à la destruction de valeurs, se rend compte de ce que souffrent en ce moment des millions d’êtres humains. Nous voulons que cette honte cesse ! C’est une honte qu’une poignée de filous prussiens et de psychopathes pervers puisse jouer les « führer » de ceci et de cela, et exploiter l’impuissance sociale de millions d’humains, travailleurs et ordonnés. La honte est d’autant plus grande que ces mêmes millions d’humains confient sottement et naïvement le pouvoir aux escrocs politiques. Nous ne voulons qu’une chose : travailler en paix, aimer nos femmes (ou nos hommes), élever nos enfants à l’abri de la peste ; bref, nous ne voulons pas que quelques escrocs politiques puissent empoisonner nos vies déjà si brèves, nous égarer, nous duper. Nous ne tolérerons plus que la politique ruine nos existences. Plus jamais ! », P. 276 – On croirait un commentaire sur Bellaciao, écrit en 1944 !]

« Les pestiférés fascistes ont reconnu l’inaptitude des masses à la liberté et l’ont présentée comme une donnée biologique de la nature. » P. 276.

S’appuyant sur les analyses de Marx, Engels, Lénine, d’une part (« Marx a accompli un acte révolutionnaire non pas en lançant des manifestes ou en indiquant les objectifs révolutionnaires, mais en reconnaissant dans la main-d’œuvre industrielle la force progressive de la société et en brossant un tableau véridique des contradictions de l’économie capitaliste », P. 32) ;
sur les "découvertes" de Freud, d’autre part : processus psychiques inconscients, sexualité infantile et son énergie la libido, la répression de cette sexualité infantile et le conflit intérieur entre les pulsions et la morale, le refoulement (angoisse de castration, chaos sexuel).
Il récuse la dénomination de freudo-marxisme.

La « cuirasse caractérielle » (rigidification corporelle et psychique) qui en résulte est le socle de la mentalité réactionnaire mystique raciste nationaliste fasciste.

La famille patriarcale autoritaire est « depuis des millénaires » l’incubateur où se « fabrique » la structure de cette mentalité de « l’individu adapté à l’ordre autoritaire » qui se traduit par la culpabilité (projection de l’image du Père sur toute figure d’autorité, culte de la personnalité), l’affaiblissement de la valeur de soi (l’amour, l’estime de soi) donc de l’assurance, la peur de la responsabilité et l’inaptitude à la liberté.

C’est le fait que ces structures caractérielles « conservatrices » se constituent pendant la prime enfance, devenant non conscientes, et s’opposent à la « conscience sociale » qu’a l’adulte de sa situation socio-économique actuelle (inégalité, exploitation), qui explique « l’écart » entre la réalité et sa représentation « irrationnelle ». « L’inhibition sexuelle opère dans l’homme économiquement opprimé des modifications structurelles qui le poussent à agir, à sentir, à penser à l’encontre de ses intérêts matériels », P. 52.
C’est le processus appelé « effet en retour de l’idéologie sur la base économique » : « Comme une idéologie sociale modifie la structure psychique des hommes, elle ne s’est pas seulement reproduite dans ces hommes, mais - ce qui est plus important – elle a pris dans la forme de l’homme concrètement modifié et agissant d’une manière modifiée et contradictoire, le caractère d’une force active, d’une puissance matérielle. » P. 41.

D’autant que les structures sociales aux mains de la classe dominante (institutions, organisation de la vie sociale quotidienne, idéologie dominante, formes de vie culturelles) renforcent en permanence tout au long de la vie cette structure caractérielle de l’individu.
« Le mouvement révolutionnaire avait en outre sous-estimé l’importance des " petites habitudes de la vie de tous les jours" d’apparence insignifiante, ou en avait souvent fait un mauvais emploi. (...) La vie rétrécie du conservateur agît sans arrêt, pénètre dans chaque recoin de l’existence quotidienne ; le travail d’usine et les tracts révolutionnaires n’agissent que pendant quelques heures. » P.80. P. Bourdieu (1930 – 2002), notamment, a exploré cette dimension dans toute son oeuvre.
La religion, l’Église, ont joué un rôle décisif dans cette répression. Leur retour agressif sur la scène publique aujourd’hui en France a pour objet de le réactualiser.

Ce n’est pas seulement la sexualité qui est réprimée, c’est aussi, et de manière aussi importante, la « joie naturelle du travail » conçue comme « satisfaction d’un besoin ». (Il est évident que la connotation idéologique globalisante du travail forcé, mécanique, capitaliste, l’opposant notamment à la vie sexuelle, nous inciterait à utiliser le terme d’ "activité ", bien qu’il soit peu opératoire. C’est pourquoi il me semble que le concept d’actepouvoir ou pouvoir de l’acte élaboré par Gérard Mendel est beaucoup plus pertinent, ... mais trop peu connu !). « Le travail et la sexualité puisent à la même source d’énergie biologique. » P. 254. Gérard Mendel l’origine dans le « vouloir de plaisir » : « L’acte est une aventure, du sujet métaphysique au sujet de l’actepouvoir » -La découverte, 1998.

« La recherche du rendement du travail fondée sur la psychologie de masse doit prendre comme point de départ le rapport du travailleur au produit de son travail. (...) Ici, un domaine immense s’ouvre à la pensée humaine : y aura-t-il moyen de maintenir la rationalisation et la mécanisation du travail tout en sauvegardant la joie de travailler ? On pourrait imaginer un système permettant au travailleur de garder le contact avec le produit total de son travail sans supprimer pour autant la division du travail. » P. 248-249. Gérard Mendel (1930 – 2004) a essayé dans toute son œuvre de proposer des réponses à cette question.

C’est l’irrationalité que manipule le fascisme. « Le concept réactionnaire de la réalité ne s’embarrasse ni des contradictions ni des faits réels ; la politique réactionnaire se sert automatiquement de toutes les forces sociales qui s’opposent à l’évolution », P. 31. « Le national-socialisme étant un mouvement élémentaire, il est impossible d’en venir à bout par des « arguments ». Des arguments n’auraient d’effet que si le mouvement s’était imposé à l’aide d’arguments ». W. Stapel (national-socialiste) cité par W. Reich, P. 53. (Si « les mots sont importants », encore faut-il qu’on les entende ! « Ami, entends-tu...? »)

Sa base sociale est le petit-bourgeois révolté. « Les ressemblances fondamentales aussi bien que les différences des idéologies bourgeoise-libérale et fasciste s’expliquent par la situation sociale de la petite bourgeoisie et par la structure psychologique que celle-ci entraîne. » P. 58. « On ne se rendait pas compte que le fascisme s’était dressé au début de sa carrière, avant de devenir un mouvement de masse, contre la haute bourgeoisie ; il n’était donc pas question de le neutraliser en le qualifiant de « simple gardien du capital financier », P. 33.
« Les classes moyennes se sont mises en branle et ont fait, sous le déguisement du fascisme, leur entrée sur la scène politique en tant que force sociale. Ce qui importe, ce ne sont pas les intentions réactionnaires d’Hitler et de Göring, mais les intérêts sociaux des classes moyennes. Grâce à leur structure caractérielle, les classes moyennes disposent d’une puissance sociale énorme qui dépasse de très loin leur portée économique. C’est cette couche qui a réalisé le tour de force de maintenir pendant plusieurs millénaires le système patriarcal et de le garder vivant malgré toutes ses contradictions. » P. 61. « Le problème de la portée sociale des classes moyennes occupa un rôle important dans les discussions de la gauche après le 30 janvier 1933. » P. 59.

« L’évolution rapide de l’économie capitaliste au XIXème siècle, la mécanisation progressive et ininterrompue de la production, la concentration des différentes branches de la production en syndicats et trusts monopolistes, ont abouti à la paupérisation inexorable des commerçants et artisans petits-bourgeois. Incapables de tenir tête à la concurrence des grandes industries produisant à meilleur compte et plus rationnellement, les petites entreprises sont condamnées à péricliter. « Les classes moyennes n’ont rien d’autre à espérer de ce système que l’anéantissement impitoyable. Le problème est simple : ou bien tous se confondront dans la masse grise et morne du prolétariat, où tout le monde possède la même chose, c’est-à-dire rien, ou bien on rendra aux particuliers la possibilité d’acquérir par la force et la ténacité, par le travail ardu de toute une vie, des biens propres. Classe moyenne ou prolétariat. Voilà la question ! » Cet avertissement fut lancé par les Nationaux-Allemands avant les élections du président du Reich en 1932. Les national-socialistes se gardèrent bien d’ouvrir, par des déclarations aussi peu habiles, une faille entre la classe moyenne et les ouvriers de l’industrie, et leur propagande se révéla plus efficace. Un des arguments de la propagande du N.S.D.A.P. était la lutte contre les grands magasins. » P. 61-62. .... Tiens, tiens ! « Après la prise du pouvoir, pendant les mois de mars à avril, débuta l’assaut contre les grands magasins, qui fut bientôt freiné par les dirigeants du N. S. D. A. P. lnterdiction de toute intervention non-autorisés en matière économique, dissolution des organisations des classes moyennes, etc. ».

« C’est sa position sociale qui interdit au petit bourgeois de s’identifier à sa couche sociale ou aux ouvriers de l’industrie ; à sa couche sociale, parce c’est la concurrence qui y prédomine, aux ouvriers de l’industrie, parce qu’il ne craint rien autant que la prolétarisation. Mais le mouvement fasciste eut quand même pour conséquence le rassemblement de la petite bourgeoisie. Sur quelle base, au point de vue de la psychologie de masse, ce rassemblement s’est-il fait ?
C’est la position sociale des fonctionnaires de l’État et des petits et moyens employés qui nous fournit la réponse : l’employé et le fonctionnaire moyens sont dans une situation économique moins favorable que l’ouvrier moyen de l’industrie ; l’infériorité économique des premiers est partiellement compensée chez les fonctionnaires de l’État par quelques minimes espoirs de promotion, par la perspective d’une certaine sécurité économique jusqu’à la fin de leur vie. La dépendance par rapport aux autorités établies qui caractérise cette couche sociale aboutit, à l’égard des collègues, à une attitude de compétition incompatible avec la formation d’un sentiment authentique de solidarité. La conscience sociale du fonctionnaire n’est pas déterminée par le sentiment d’une communauté de destin avec ses collègues, mais par l’attitude face à l’autorité établie et à la « nation ». _ Cette attitude consiste, pour le fonctionnaire, en une identification absolue avec le pouvoir étatique ; pour l’employé, avec l’entreprise qui l’emploie. En réalité, l’un et l’autre sont des sujets au même titre que l’ouvrier de l’industrie. Pourquoi ne développe-t-il pas, comme ce dernier, un sentiment de solidarité ? Réponse : parce qu’il occupe une position intermédiaire entre l’autorité et les travailleurs manuels. Sujet par rapport à l’autorité, il est le représentant de cette même autorité dans ses relations avec ses subordonnés et il jouit à ce titre d’une protection morale (non matérielle) particulière. Les adjudants de toutes les armées du monde nous fournissent le type le plus prononcé de ce produit de la psychologie de masse.
La puissance de cette identification avec l’employeur se révèle d’une manière particulièrement frappante chez les domestiques de quelques maisons nobles, chez les valets de chambre, etc., qui subissent, en adoptant les allures, la mentalité, les manières de la classe dominante, une modification complète et qui, souvent, les exagèrent pour cacher leurs origines modestes.
Cette identification avec une administration, une entreprise, un État, une nation, qui peut se définir par la formule « Je suis l’État, l’administration, l’entreprise, la nation », est une réalité psychique qui nous fournit un des meilleurs exemples d’une idéologie devenue puissance matérielle. Au début, l’employé, le fonctionnaire se contentent d’une ressemblance idéalisée avec leurs supérieurs, mais peu à peu, par l’effet de leur dépendance matérielle, leur personnalité se transforme à l’image de la classe dominante. Les yeux constamment tournés vers le haut, le petit bourgeois finit par creuser un fossé entre sa situation économique et son idéologie. Vivotant dans des conditions matérielles pénibles, il s’efforce d’adopter face au monde une attitude représentative exagérée parfois jusqu’à la caricature. (...) C’est par ce « regard tourné vers le haut » que la structure petite-bourgeoise se distingue essentiellement de la structure de l’ouvrier de l’industrie. » P. 61-62-63.

« A l’autre bout, nous trouvons le travailleur conscient de la valeur de son activité, qui a mis hors-circuit en lui-même sa structure de sujet et qui s’identifie avec son travail et non avec le führer, avec la foule des travailleurs internationaux et non avec sa patrie nationale. Il se sent lui-même un leader, non en vertu d’une identification, mais parce qu’il a conscience d’accomplir un travail vital et indispensable à la société.
Quelles sont les forces émotionnelles qui agissent en lui ? La réponse n’est pas difficile. Les effets qui forment la base de ce type si entièrement différent sous l’angle de la psychologie de masse sont les mêmes que ceux des nationalistes. C’est le contenu des mouvements émotionnels qui est différent. L’impulsion à l’identification est la même ; mais son objet est le compagnon de travail et non le leader, la tâche quotidienne et non l’illusion, les masses laborieuses de la terre et non la famille. Ici, c’est la conscience d’appartenir à la foule internationale des travailleurs spécialisés qui remplace la mystique et le nationalisme. _ Ce qui n’exclut pas le sentiment de sa propre valeur, tout comme le réactionnaire se met à rêver, par temps de crise, au « service de la communauté », à « l’intérêt général qui prime l’intérêt particulier ». Mais le sentiment de sa valeur dérive chez le travailleur de sa conscience d’appartenir à la masse des ouvriers spécialisés.
Depuis quinze ans, nous nous trouvons confrontés à un fait difficile à comprendre : économiquement parlant, la société est divisée en plusieurs couches sociales et professionnelles nettement délimitées. A en croire la doctrine économiste, l’idéologie sociale dérive toujours de la situation économique du moment. Il s’ensuit que la stratification idéologique devrait plus ou moins être fonction de la stratification socio-économique. Par suite du travail en commun, l’ouvrier de l’industrie devrait manifester un sentiment collectif plus prononcé tandis que le petit travailleur indépendant devrait faire preuve d’individualisme. Les employés de grandes entreprises devraient avoir le même sentiment collectif que les travailleurs de l’industrie. Or, nous savons que structure et situation sociale coïncident rarement.
Nous distinguons entre le travailleur conscient de sa compétence et de sa responsabilité et l’esprit subalterne, réactionnaire, de mentalité mystique et nationaliste. Les deux types se rencontrent dans toutes les couches sociales et professionnelles. Il existe des millions d’ouvriers de l’industrie réactionnaires ; il y a autant d’enseignants et de médecins libéraux et conscients de la valeur de leur travail. Bref, il n’y a pas de rapport mécanique entre situation sociale et structure caractérielle.
La situation sociale n’est que la condition extérieure qui déclenche chez l’individu nivelé dans la masse le processus idéologique. Il s’agit donc de découvrir les pulsions instinctuelles grâce auxquelles les différentes influences du domaine social s’assurent la domination exclusive de la vie affective. Une chose est absolument certaine : ce n’est pas la faim ! Elle n’est en tous cas pas le facteur déterminant, car s’il en était ainsi, la révolution internationale aurait suivi la crise mondiale de 1929-1933. Cette constatation s’inscrit en faux contre les idées économistes traditionnelles, mais elle est inattaquable.
Quand les psychanalystes inaccessibles aux problèmes sociologiques expliquent la révolution sociale par la « révolte infantile contre le père », ils ont en vue le révolutionnaire des milieux intellectuels, qui obéit à de tels motifs. Il en va tout autrement chez le travailleur de l’industrie. La répression des enfants par leurs pères n’est pas moindre dans les milieux ouvriers que dans la petite bourgeoisie, elle y est parfois même plus brutale. Le problème se situe donc ailleurs. La différence spécifique réside dans le mode de production de ces couches et dans leur attitude face à la sexualité qui en découle. Ne nous y trompons pas ! Dans le monde ouvrier, les parents répriment également la sexualité de leurs enfants. Mais les contradictions auxquelles sont exposés les enfants des travailleurs font défaut dans la classe moyenne. La petite bourgeoisie pratique exclusivement la répression de la vie sexuelle. L’activité sexuelle qui s’y manifeste est l’expression pure de l’opposition entre les pulsions et les inhibitions sexuelles. Chez les travailleurs de l’industrie, la situation n’est pas la même. Nous trouvons chez eux, en plus de l’idéologie moraliste, plus ou moins marquée selon le cas, leurs propres conceptions sexuelles qui sont diamétralement opposées à celles des moralistes. A quoi s’ajoute l’incidence de l’habitat et de la vie collective dans l’entreprise. Ce sont là des facteurs qui jouent à l’encontre de l’idéologie sexuelle moralisatrice.

La petite paysannerie est, du fait de son économie individualiste et de l’isolement familial qui la caractérise, peu armée pour résister à l’idéologie de la réaction politique. C’est la raison de l’écart qui marque chez elle la situation sociale et l’idéologie. Soumise à un patriarcat rigoureux et à sa morale, elle n’en développe pas moins des formes naturelles - bien que totalement défigurées - dans sa vie sexuelle. Contrairement à ce qui se passe dans la petite bourgeoisie, les enfants des milieux ruraux connaissent - comme ceux des travailleurs de l’industrie - des rapports sexuels précoces ; ceux-ci se trouvent perturbés par suite de l’éducation patriarcale, ou bien ils sont marqués par la brutalité ; la vie sexuelle se pratique en cachette, la frigidité des jeunes filles est la règle, les crimes sexuels, les passions jalouses, l’asservissement des femmes sont des phénomènes typiques de la sexualité paysanne. L’hystérie n’est nulle part plus répandue qu’à la campagne. Le mariage patriarcal est l’objectif final de toute éducation, objectif dicté par des impératifs économiques.

Au cours des dernières décennies, on assiste dans le monde ouvrier à un processus idéologique dont l’exemple le plus pur nous est fourni par ce qu’on a appelé l’« aristocratie ouvrière », mais qui n’a pas épargné non plus le travailleur moyen de l’industrie. Le monde ouvrier du XXème siècle n’est plus le prolétariat du XIXème décrit par Karl Marx.
II a adopté dans une large mesure les modes de vie et les concepts des couches bourgeoises de la société. La démocratie bourgeoise formelle n’a pas aboli les frontières économiques entre les classes, pas plus qu’elle n’a supprimé les préjugés de races. Mais les aspirations sociales qui se sont développées à l’intérieur de ses structures ont estompé tant soit peu les frontières structurelles et idéologiques des différentes couches sociales. Le monde ouvrier en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Scandinavie, en Allemagne s’est progressivement embourgeoisé. Pour comprendre par quelle voie le fascisme a pu pénétrer dans le monde ouvrier, il faut suivre de très près le processus idéologique qui a marqué le passage de la démocratie bourgeoise aux « décrets-lois » qui amenèrent l’élimination des parlements jusqu’à l’arrivée de la dictature.
Le fascisme pénètre par deux côtés dans le monde ouvrier : par le biais de ce qu’on appelle le « sous-prolétariat » (« Lumpenproletariat ») - terme franchement répugnant - en recourant à la corruption la plus bassement matérielle, et par le biais de « l’aristocratie ouvrière », qu’il « travaille » aussi bien par la corruption matérielle que par la suggestion idéologique. Sans s’embarrasser du moindre scrupule politique, le fascisme allemand promettait tout à chacun. (...)
Avec l’intention consciente de tromper, le propagandiste national-socialiste fait appel ici au sentiment révolutionnaire du travailleur de l’industrie. On peut cependant se demander pourquoi les ouvriers national-socialistes ne se rendaient pas compte que le fascisme promettait tout à tous.

On savait qu’Hitler traitait avec de gros industriels, qu’il recevait d’eux de l’argent, qu’il leur promettait d’interdire les grèves. Le fait que de telles contradictions ne frappaient pas (malgré une activité intensive d’information de la part des organisations révolutionnaires) l’ouvrier moyen, est sans doute imputable à sa structure psychologique. Dans son entretien avec le journaliste Knickerbocker, Hitler s’est prononcé en ces termes sur la question de la reconnaissance des dettes privées à l’étranger : « Je suis persuadé que les banquiers internationaux se rendront bientôt compte que l’Allemagne, sous un gouvernement national-socialiste, est un lieu de placement sûr, les crédits étant assurés d’un taux d’intérêt de 3 % ».
Si l’on admet que la propagande révolutionnaire avait pour tâche principale d’ « éclairer le prolétariat », il ne suffisait cependant pas de faire appel à sa « conscience de classe », de lui présenter sans arrêt la situation économique et politique, de lui dévoiler constamment la supercherie dont il était la victime. La propagande révolutionnaire aurait dû en premier lieu tenir compte des contradictions internes chez le travailleur et du fait que sa volonté révolutionnaire n’était pas simplement « engourdie » mais que l’élément révolutionnaire était soit peu développé dans sa structure psychique, soit contrecarré par des éléments structurels réactionnaires s’opposant au premier. Quand il s’agit de réveiller le sens de la responsabilité sociale au sein des foules, il importe tout d’abord de dégager leur sentiment révolutionnaire.

Dans les périodes « calmes » de la démocratie bourgeoise, l’ouvrier de l’industrie muni d’un emploi peut choisir entre deux attitudes : il peut s’identifier aux représentants de la petite bourgeoisie ou à sa propre position sociale et aux modes de vie auxquels elle donne naissance, modes opposés aux modes de vie réactionnaires. Dans le premier cas, il envie le réactionnaire, l’imite et adopte, quand les circonstances matérielles le permettent, tout à fait son genre de vie.
Dans le deuxième cas, il rejette les idéologies et habitudes réactionnaires, il s’en distancie, les désapprouve, et il souligne et affiche ouvertement son propre genre de vie. Étant donné que les influences des modes de vie déterminés par la société et par la conscience de classe s’exercent avec une égale intensité, la tentation de l’une et de l’autre est aussi forte, ou du moins laisse au travailleur le choix. Le mouvement révolutionnaire avait en outre sous-estimé l’importance des petites habitudes de la vie de tous les jours, d’apparence insignifiante, ou en avait souvent fait un mauvais emploi. La chambre à coucher petite-bourgeoise que le prolétaire achète - en dépit de sa mentalité révolutionnaire - dès que ses moyens le lui permettent, la répression de la femme qui en est le corollaire - même s’il est communiste -, l’habit « correct » du dimanche, les danses guindées et mille autres « détails » exercent, à force de se répéter, une influence réactionnaire que mille discours et tracts révolutionnaires ne pourront compenser. (...) C’était donc une grave erreur que de s’accommoder des tendances conservatrices des travailleurs « pour être plus près des masses », d’organiser des fêtes que le fascisme réactionnaire sait organiser avec infiniment plus d’éclat. On a en revanche négligé de promouvoir les formes de vie réactionnaires en germe. La « robe de soirée » que la femme du travailleur portait à l’occasion de telles « fêtes » était plus révélatrice de la structure réactionnaire des masses laborieuses qu’une centaine d’articles. La « robe de soirée » et le « verre de bière bu en famille » n’étaient que l’expression visible d’un processus intérieur, la marque extérieure du fait que le travailleur était réceptif à la propagande national-socialiste. Quand il applaudissait en outre à la promesse du fascisme de « supprimer le prolétariat », c’était là, dans 90 % des cas, l’effet non pas du programme économique mais de la « robe de soirée ». Nous devons nous soucier davantage, bien davantage, des détails de la vie quotidienne. Ils sont les artisans de la progression ou, inversement, de la régression sociale, tandis que les beaux discours politiques n’éveillent qu’un enthousiasme passager.

Des tâches importantes et fécondes nous attendent dans ce domaine. Le travail révolutionnaire de masse en Allemagne s’est limité presque exclusivement à la propagande « contre la faim ». Argument sans doute important, qui ne fournissait pourtant pas une base suffisante, comme la suite des événements allait le montrer. La vie des individus isolés dans la foule se déroule sous la surface visible des choses, dans mille petits riens. Ainsi, le jeune travailleur est harassé, dès qu’il a calmé tant soit peu sa faim, par mille soucis d’ordre sexuel et culturel. La lutte contre la faim est certainement une lutte primordiale, mais il faut aussi placer brutalement et totalement dans les feux de la rampe les petits événements de la comédie humaine, dans laquelle nous sommes tous à la fois spectateurs et acteurs. »
« En agissant ainsi nous découvririons chez les travailleurs un grand esprit d’initiative en vue de développer des formes de vie et les manières de voir naturelles. L’imprégnation sociale de la vie de tous les jours donnerait un nouvel élan aux masses infestées par la mentalité réactionnaire. Il est indispensable de s’occuper de ces questions d’une manière détaillée, concrète et objective. C’est le meilleur moyen d’assurer et d’accélérer la victoire de la révolution.

Qu’on n’oppose pas à notre argumentation l’objection stupide que tout cela est du domaine de l’utopie. La lutte pour l’éclosion de toutes les tendances relevant de la démocratie du travail implique le refus de tout ce qui est réactionnaire, implique l’édification, par les soins attentifs prodigués à tous ses germes, d’une civilisation vivante des masses humaines qui seule peut assurer la paix permanente. Aussi longtemps que le manque de responsabilité réactionnaire l’emportera chez le travailleur sur l’esprit de responsabilité sociale, il sera difficile d’amener les masses à une attitude révolutionnaire, c’est-à-dire rationnelle. Mais il y a une autre raison pour laquelle on ne peut renoncer à ce travail de psychologie de masse.
La dépréciation du travail manuel - qui est un des éléments les plus importants de la tendance à imiter l’employé de bureau réactionnaire - est aussi le fondement psychologique (dans la perspective de la psychologie de masse) dont se sert le fascisme quand il pénètre dans le monde ouvrier. Le fascisme promet la suppression des classes, c’est-à-dire la suppression du prolétariat, en faisant ainsi appel au sentiment de honte dont souffre le travailleur manuel. Les travailleurs émigrés de la campagne vers la ville ont apporté avec eux l’idéologie de la famille rurale, qui constitue — comme nous l’avons vu — le meilleur terrain nourricier pour l’idéologie impérialiste-nationaliste. [ En 1930, en France, la moitié de la population est rurale]

A cela vient s’ajouter un processus idéologique au fond des masses laborieuses, qui n’a pas retenu l’attention qu’il mérite lors de l’évaluation des chances du mouvement révolutionnaire dans les différents pays en fonction de leur degré d’industrialisation.
Kautsky avait constaté que le niveau politique des travailleurs dans un pays très industrialisé comme l’Angleterre était plus bas que celui des travailleurs russes, qui vivaient dans un pays peu industrialisé (Soziale Revolution, 2° édition, p. 59-60). Les événements politiques des trente dernières années dans les différents pays du monde ne laissent aucun doute sur le fait que les mouvements révolutionnaires se produisent plus facilement dans les pays industriellement peu développés, tels que la Chine, le Mexique, l’Inde, qu’en Angleterre, aux États-Unis ou en Allemagne. Et ceci malgré l’existence, dans ces pays, de mouvements ouvriers mieux formés, mieux organisés, s’appuyant sur de vieilles traditions. Si l’on fait abstraction de la bureaucratisation du mouvement ouvrier, qui est elle-même un symptôme pathologique, on se demande néanmoins pourquoi la social-démocratie et le trade-unionisme sont si profondément enracinés dans les pays occidentaux. Si l’on examine la social-démocratie à la lumière de la psychologie de masse, on constate qu’elle a pour base les structures conservatrices de ses adhérents. Comme pour le fascisme, le problème ne relève pas tellement de la politique des leaders de parti que de la base psychologique des masses laborieuses. Je me contenterai d’indiquer quelques faits importants qui permettront d’élucider le mystère. Les voici :

Dans les premiers stades du capitalisme, la frontière idéologique et surtout structurelle entre la bourgeoisie et le prolétariat était aussi marquée que la frontière économique. L’absence de toute politique sociale, les journées de travail épuisantes de seize et même de dix-huit heures, le bas niveau de vie des ouvriers d’usines, tel qu’Engels l’a décrit d’une manière magistrale dans la « Situation de la classe laborieuse en Angleterre », excluaient tout rapprochement entre le prolétariat et la bourgeoisie. La structure du prolétaire du XIXème siècle était marquée par une humble soumission à la fatalité. L’état d’esprit de ce prolétariat et de la paysannerie, au point de vue de la psychologie de masse, était celui de l’apathie et de l’indifférence. La mentalité bourgeoise étant absente, on assistait - en dépit du climat général d’indifférence - à de brusques flambées révolutionnaires déclenchées par des événements précis, flambées d’une rare intensité et unanimité.
Dans le capitalisme avancé, la situation n’est plus la même : les acquisitions sociales que le mouvement ouvrier organisé a pu obtenir, telles que la réduction de la durée de travail, le droit de vote, les assurances sociales, se traduisent d’une part par un renforcement de la classe ouvrière, de l’autre par un processus à effet exactement contraire ; ainsi, le relèvement du niveau de vie à abouti à une assimilation structurelle aux classes moyennes ; installé dans une position sociale plus évoluée, le travailleur a pris, lui aussi, l’habitude de « tourner ses regards vers le haut ». L’embourgeoisement s’est accentué pendant les périodes de prospérité ; il agissait ensuite, au moment des crises économiques, comme une entrave à l’épanouissement de la mentalité révolutionnaire.

La puissance de la social-démocratie pendant les années de crise, puissance inexplicable par des considérations strictement politiques, était l’expression la plus patente de l’imprégnation conservatrice du monde ouvrier. Il s’agit maintenant d’en dégager les éléments fondamentaux. Deux faits apparaissent ici au premier plan : l’attachement aux dirigeants, c’est à dire la confiance inébranlable dans l’infaillibilité de la direction politique (en été 1932, je me suis entretenu de la crise politique, à Leipzig, avec des ouvriers social-démocrates qui venaient d’assister à un meeting. Ils approuvaient tous les arguments qui avaient été avancés contre la « voie du socialisme » telle que la préconisait la social-démocratie ; mais par ailleurs, rien ne distinguait ces hommes de travailleurs de tendance communiste. Je demandai à l’un d’entre-eux pourquoi ils n’étaient pas logiques avec eux-mêmes en se séparant de leurs dirigeants. La réponse m’a étonné, tellement elle était en contradiction avec les opinions exprimées précédemment : « Nos dirigeants savent sûrement ce qu’ils font. » Je touchais pour ainsi dire du doigt la contradiction dans laquelle se débat le travailleur social-démocrate : son attachement à ses leaders politiques est tel qua la critique ne s’élève jamais au niveau de l’action. Et je réalisais mieux quelle faute on avait commise en essayant d’attirer le travailleur social-démocrate en dénigrant ses dirigeants. Comme il s’identifiait à ceux-ci, une telle tactique ne pouvait que le repousser. La pourriture intérieure de la social-démocratie se manifesta clairement lors de l’arrestation du ministre social-démocrate des Affaires Intérieures Severing, peu avant la prise du pouvoir par Hitler : 12 millions de social-démocrates ne firent rien pour l’empêcher.) - en dépit de l’existence d’une certaine critique qui n’a jamais pu accéder au plan de l’action - et l’alignement de la morale sexuelle ouvrière sur celle de la petite bourgeoisie conservatrice. _ Or, les tendances à l’embourgeoisement ont partout été favorisées par la haute bourgeoisie.
Si celle-ci s’était servie au début de la matraque - au sens propre du terme - elle la tenait maintenant en réserve - là où le fascisme ne l’avait pas encore emporté - pour l’utiliser seulement à l’encontre du travailleur révolutionnaire ; pour la masse des travailleurs social-démocrates elle disposait d’un moyen infiniment plus dangereux, l’idéologie conservatrice dans tous les champs d’activité.
Ainsi, quand le travailleur social-démocrate atteint par la crise économique se trouvait soudain ravalé au niveau d’un coolie, sa sensibilité révolutionnaire s’était émoussée par l’effet de la structuration conservatrice qu’il avait subie pendant des décennies. Ou bien il restait, malgré ses critiques et ses révoltes, dans le camp de la social-démocratie, ou bien, indécis et hésitant entre les tendances révolutionnaires et conservatrices, déçu par ses dirigeants, il ralliait le N.S. D. A. P. avec l’espoir d’y trouver mieux, en suivant la ligne de la moindre résistance. Il dépendait alors de la tactique - judicieuse ou fausse - du parti révolutionnaire que le travailleur abandonnât ses tendances conservatrices pour prendre conscience de ses responsabilités réelles dans le processus de production et de ses visées révolutionnaires. L’affirmation communiste selon laquelle la politique social-démocrate avait ouvert la voie au fascisme est exacte, si l’on se place dans la perspective de la psychologie de masse. A défaut d’organisations révolutionnaires, le travailleur déçu par la social-démocratie et troublé par la contradiction entre l’appauvrissement et la pensée conservatrice, se jette nécessairement dans les bras du fascisme.
C’est ainsi, par exemple, qu’on assista en Angleterre, après le fiasco de la politique du Parti travailliste de 1930-1931, à une fascisation des masses laborieuses, qui, lors des élections de 1931, se tournèrent non pas vers les communistes mais vers la droite. La Scandinavie démocratique était menacée d’une évolution analogue.
Rosa Luxembourg était d’avis que la lutte révolutionnaire ne peut être menée avec des « coolies » (Œuvres compl., t. 4, p. 647). La question est de savoir à quels « coolies » elle faisait allusion : aux « coolies » avant ou après leur structuration conservatrice ? Avant, nous nous heurtons à une apathie difficile à secouer, mais nous trouvons aussi une grande disponibilité révolutionnaire ; après l’imprégnation conservatrice, nous avons affaire à un « coolie » déçu. Ne sera-t-il pas plus difficile de le gagner à la cause révolutionnaire ? Combien de temps le fascisme pourra-t-il utiliser pour ses propres fins la déception des masses à l’égard de la social-démocratie, déception doublée d’un sentiment de « révolte contre le système » ? Il est impossible de trancher à ce stade cette grave question, mais une chose est certaine : le mouvement révolutionnaire international doit en tenir compte s’il veut l’emporter. » P. 76-84.

Si le fascisme a tiré profit de la structure caractérielle des masses, la révolution russe n’a pas su ou pu en tenir compte pour éviter l’échec, la nécessité de se défendre contre la contre-révolution intérieure et les agressions du capitalisme extérieur n’expliquant ni ne justifiant tout.
La mise en oeuvre des préceptes d’Engels et, surtout, de Lénine pour l’instauration de la « dictature du prolétariat » (c’est-à-dire composée des soviets issues des conseils ouvriers de la fraction révolutionnaire des ouvriers d’industrie encore peu nombreux, de la petite paysannerie et des soldats) conçue comme période transitoire « entre la société à direction autoritaire (puisque les masses étant incapables de conquérir spontanément la liberté, elles ont besoin d’une direction hiérarchisée, autoritaire, mais conçue selon un schéma strictement démocratique) et l’ordre social non-autoritaire, autorégulateur, exempt de toute contrainte policière et de toute morale imposée », mais surtout comme « un « processus » commençant par la destruction l’appareil de l’État autoritaire, l’instauration d’un État prolétarien (autorité destinée à supprimer toute espèce d’autorité et devant saper ses propres fondements) et se terminant par l’autonomie administrative totale, par l’auto gouvernement de la société, l’association libre et égale des producteurs », n’a pas dépassé le « premier acte ». L’ « effacement », le « dépérissement de l’État », n’a pas eu lieu.

Pour atteindre les buts de la nouvelle société communiste (le respect librement consenti des règles de la cohabitation sociale, la mise en place d’une « chose publique » libre destinée à remplacer l’État dès que la fonction de ce dernier sera devenue caduque, l’autogestion des entreprises, écoles, usines, organisations de transport, etc., bref, l’organisation d’une « génération » nouvelle qui, élevée dans un contexte nouveau et libre, sera à même de se débarrasser de l’État et de tout son fatras et de mettre en place une « organisation libre » dans laquelle « le libre épanouissement de chacun » sera la condition du « libre épanouissement de tous » (Marx)), cette nouvelle société, cette nouvelle génération, ne peuvent être créées par décret ; elles doivent se « développer » d’une manière « organique » à partir de la dictature du prolétariat, elles doivent « se préparer » et « s’épanouir » pendant la phase transitoire » lors de laquelle de plus en plus d’individus acquéront l’esprit de responsabilité et l’aptitude à la liberté nécessaires à la démocratie du travail (autogestion sociale), à la mainmise effective et non apparente, personnelle et non bureaucratique de la population sur la production, la distribution des biens manufacturés, les réglements sociaux, les problèmes démocratiques, l’éducation, la vie sexuelle, les relations avec les nations étrangères, à se charger progressivement de la direction de la société. « Plus grande est la participation du peuple tout entier à l’exercice des fonctions du pouvoir de l’État, moins il a besoin de ce pouvoir » Lénine.

Le problème, pendant la période de transition, c’est la représentation : « La Commune remplace le parlementarisme corrompu et pourri de la société bourgeoise par des organismes au sein desquels la liberté de jugement et de la consultation ne dégénère pas en duperie, car les parlementaires devront travailler eux-mêmes, exécuter les lois et contrôler eux-mêmes les résultats. La représentation populaire sera maintenue, mais le parlementarisme comme système particulier, comme séparation de l’activité législative et exécutive, comme privilège des députés, sera aboli. Nous ne pouvons concevoir la démocratie (la phase précédant le communisme), ni même la démocratie prolétarienne sans organismes de représentation ; mais nous pouvons et nous devons la concevoir sans parlementarisme, si notre critique de la société bourgeoise est autre chose que du verbalisme creux, si notre intention de renverser la domination de la bourgeoisie est sincère et sérieuse, si elle n’est pas un simple « slogan électoral » destiné à capter les voix des travailleurs... » Lénine, « L’État et la révolution ».
Or, « nous ne lisons rien sur la nature de ces organismes de représentation. Le stalinisme devait fonder son pouvoir étatique sur cette lacune matérielle de la théorie léniniste de l’État. » P. 216. « Lénine n’a pas vu le danger que présentait le nouveau fonctionnarisme de l’État. Il croyait sans doute que les nouveaux fonctionnaires issus du prolétariat n’abuseraient pas de leur puissance, auraient à cœur la vérité, et conduiraient le peuple laborieux à l’autonomie. Il ne se rendait pas bien compte des ravages de la biopathie de la structure humaine, car il l’ignorait. » P. 219.

Qui surveillera les surveillants ?

Pour le VIIIème Congrès du P.C. de l’URSS en 1919, c’est le Parti : « La tâche du Parti Communiste consiste à faire bénéficier de mieux en mieux les masses laborieuses du droit et des libertés démocratiques et d’en étendre sans cesse le domaine matériel. (...) La tâche du parti consiste essentiellement dans un travail intellectuel et pédagogique destiné à effacer à tout jamais l’inégalité et les préjugés du passé, notamment au niveau des couches les plus arriérés du prolétariat et de la paysannerie. Le parti, qui ne se contente pas d’accorder une égalité de pure forme à la femme, s’efforce de la libérer du fardeau d’un ménage à l’ancienne, en créant des communautés domestiques, des restaurants publics, des laveries centralisées, des crèches, etc. » P. 221. Mais là aussi, il ne comporte pas la moindre indication sur la nature profonde de l’inaptitude à la liberté. Il ignore la phobie biopathique de la liberté et la décadence biologique de la structure sexuelle de l’homme.

« C’est ainsi qu’échoua la restructuration de l’homme et avec elle la mise en pratique du programme démocratique. » P. 220. « Vers 1935, les espoirs que les foules mondiales avaient mis dans l’Union Soviétique s’évanouissaient peu à peu. Il est impossible de résoudre des problèmes réels avec des illusions politiques. Il faut avoir le courage d’appeler les difficultés par leur nom. On n’abuse pas impunément de notions sociologiques nettement définies. » P. 226.

La question reste entière : « Qu’y a-t-il de plus impressionnant que le fait qu’une population de deux milliards (en 1944) d’êtres humains n’a pas la force de se débarrasser d’une poignée d’oppresseurs et de fauteurs de guerre meurtriers et biopathes ? La soif de liberté des hommes de ce monde se brise contre le fait qu’il y a trop d’avis sur la manière de parvenir à la liberté, sans assumer aussi dans la pratique la responsabilité de la transformation douloureuse de la structure humaine et de ses institutions sociales.

Les anarchistes (anarcho-syndicalistes) visaient à l’instauration de l’auto-administration sociale ; mais ils reculaient devant la prise de conscience des graves problèmes liés à l’inaptitude humaine à la liberté, et ils refusaient de guider l’évolution sociale. (...) Ils voyaient la soif de liberté, mais ils prenaient cette soif pour l’aptitude à la vie dans la liberté, pour la capacité de travailler et de vivre sans recevoir d’ordres d’une direction autoritaire. Ils ne savaient pas comment enseigner aux masses humaines asservies la prise en charge de leur propre vie. La haine de l’État à elle seule ne règle aucun problème. Pas plus que le Club de nudisme. Le problème est plus sérieux, il se situe plus en profondeur. » P. 205.

« Comme tant d’autres œuvres de nos grands penseurs, le marxisme a lui aussi dégénéré et s’est transformé en formules creuses : entre les mains des politiciens marxistes, il a perdu son contenu scientifique révolutionnaire. (...) Des méthodes vivantes se sont sont figées en formules, des recherches scientifiques en schémas creux. (...) (La théorie et la pratique du marxisme, entre 1917 et 1933) négligeaient surtout d’appliquer avec persévérance leur méthode du matérialisme dialectique, de la maintenir vivante, d’examiner chaque phénomène nouveau à sa lumière.
(...) Ce même « marxisme vulgaire » prétendait qu’une crise économique de l’ampleur de celle de 1929-1933 devait « nécessairement » aboutir à une évolution idéologique de gauche des masses concernées. Tandis qu’on parlait encore, en Allemagne, même après la défaite de janvier 1933, « d’essor révolutionnaire », la réalité était tout autre : la crise économique qui aurait dû imprimer à l’idéologie des masses un mouvement à gauche aboutit en fait à un glissement idéologique vers la droite qui s’empara de toutes les couches prolétariennes de la population. » P. 32.

Mais, une fois identifiées, à quoi bon s’étonner des « trahisons » de la social-démocratie ou des « revirements des chefs de la II° Internationale » ? « Pourquoi des millions de travailleurs libéraux et anti-impérialistes ont-ils permis qu’on les trahît ? » P. 44. Les Hitler, les Staline, (les Sarkozy-Hortefeux, les Berlusconi) ne sont que ce que les masses ont fait d’eux.
« Nous avons donné la primauté à la question de savoir ce qui se passait au sein des masses pour que celles-ci se joignissent à un parti dont les chefs poursuivaient une politique objectivement et subjectivement opposée aux intérêts des masses laborieuses. » P. 58. _ Ceux qui, de bonne foi, ont fait l’expérience de la prise de responsabilité du pouvoir de représentation, savent combien il est impossible de sortir indemne de ses rets. Les structures institutionnelles mais aussi la déresponsabilisation des individus les y enferment. « C’est un fait attesté par l’histoire que la vérité a toujours péri quand ses promoteurs ont accédé au pouvoir social. Pouvoir signifie toujours assujettissement des autres. » P. 280.

[« Nous savons que jamais personne ne s’empare du pouvoir pour y renoncer. Le pouvoir n’est pas un moyen, il est une fin. On n’établit pas une dictature pour sauvegarder une révolution. On fait une révolution pour établir une dictature. La persécution a pour objet la persécution. La torture a pour objet la torture. Le pouvoir a pour objet le pouvoir. Commencez-vous maintenant à comprendre ? » G. Orwel, « 1984 »]

« Le bavardage politique et le formalisme ne résoudront aucun des grands problèmes. Notre devise : Trêve de politique, pour toujours ! Occupons-nous des tâches sociales vitales ! » P. 205.
« Certes, si ce travail allait être confié à des révolutionnaires qui rivalisent avec l’Église dans l’affirmation et la défense du mysticisme moralisateur, qui considère comme indigne de la « hauteur de vue de l’idéologie révolutionnaire » de répondre à des question sur la sexualité, qui tiennent la masturbation infantile pour une « invention bourgeoise » [excusez-moi, je reviens dans deux minutes...], qui en un mot, sont bel et bien empreints, en une part importante de leur être, malgré tout leur léninisme et leur marxisme, de la mentalité réactionnaire, la preuve serait facile à administrer que mes expériences pourraient ne pas être justes, car la masse réagirait aussitôt par un refus de la sexualité. » P. 173.

« Tel n’est pas le rôle de l’économie sexuelle sociale qui ne vise qu’à une seule chose : à faire prendre conscience aux hommes opprimés de la contradiction et la souffrance dont ils sont les victimes. (...) Il ne s’agit donc pas de guérir, mais de porter à la conscience l’état d’oppression, de mettre en pleine lumière de la conscience la lutte entre la sexualité et le mysticisme, de lui insuffler une nouvelle vie sous la pression de l’idéologie de masse et de la convertir en action politique. (...) Nous concédons que le travail persévérant de l’économiste sexuel donne la parole aux souffrances muettes, crée et ranime des contradictions, rend insupportable aux hommes leur situation présente. En même temps, il leur offre une chance de libération : la possibilité du combat contre les causes sociales de leur détresse. » P. 172-173.

[«  Il s’agit de ne pas laisser [le peuple] s’abandonner un seul instant aux illusions, à la résignation. Il faut rendre l’oppression de fait encore plus oppressive, en y joignant la conscience de l’oppression, il faut rendre la honte encore plus honteuse, en lui faisant de la publicité. Il faut représenter chaque sphère de la société (...) comme la « partie honteuse » de la société (...), il faut mettre en branle ces conditions pétrifiées en leur chantant leur propre mélodie. Il faut enseigner au peuple l’épouvante de lui-même, pour lui donner du courage.  » Marx]

« C’est là précisément la tâche de tout mouvement démocratique et révolutionnaire de diriger (et non de gouverner d’en haut) les masses humaines devenues abouliques, crédules, biopathiques, obséquieuses par la répression de la vie depuis des millénaires, de telle manière qu’elles ressentent vivement toute répression et apprennent à s’en débarrasser à temps, définitivement et irrévocablement. (...) C’est donc aux masses humaines que nous imputons toute la responsabilité [la prise de responsabilité] de tout événement social. Nous voulons qu’elles se sentent responsables et nous luttons contre leur manque de responsabilité. Nous les rendons responsables, mais nous ne les accusons pas comme on accuse un criminel. » P. 198. Car, « en idéalisant les masses humaines et en s’apitoyant sur elles, on les précipite dans de nouveaux malheurs. » P. 277.
« Souligner la faute, la responsabilité entière des masses humaines, c’est les prendre au sérieux. Les plaindre en faisant d’elles de pauvres victimes, c’est les traiter en enfants irresponsables et impuissants. Le vrai combattant de la liberté choisira la première attitude, tandis que le politicard donnera sa préférence à la seconde. » P. 294. « La progression de la société est déterminée exclusivement par l’immense majorité des masses laborieuses, qu’elles supportent la tyrannie passivement ou qu’elles la soutiennent activement. » P. 273.

[« Nous n’allons pas au monde en doctrinaires pour lui apporter un principe nouveau. Nous ne lui dirons pas : "Voici la vérité. Tombez à genoux !" Nous développons pour le monde, à partir de ses propres principes, des principes nouveaux. Nous ne lui disons pas : "Cesse tes luttes ! Ce sont des niaiseries ! Nous allons te proclamer les vrais mots d’ordre de la bataille". Tout ce que nous faisons, c’est lui montrer pourquoi il lutte, et de cela il s’en rendra compte même s’il ne veut pas. La réforme de la conscience ne consiste qu’à rendre le monde conscient, qu’à l’éveiller de son rêve sur lui-même, qu’à lui expliquer ses propres actions. (...). Notre devise doit donc être : "Réforme de la conscience, non par des dogmes, mais par l’analyse de la conscience mystique qui ne se comprend pas elle-même, qu’elle apparaisse sous forme religieuse ou politique." » Marx (1818 - 1883)]

« C’est moi (dit le travailleur réduit à la misère) qui accomplis un travail social utile. Le sort de la société dépend essentiellement de moi. J’assumerai donc moi-même la responsabilité des tâches qui m’incombent ».P. 34.

« Quiconque prend au sérieux les masses humaines, leur confie toutes les responsabilités, car seules les masses humaines sont attachées à la paix. » P. 295. « Un fait inéluctable demeure : seules les masses laborieuses sont responsables de tout ce qui arrive, en bien comme en mal. Ce sont elles, il est vrai, qui souffrent le plus de la guerre, mais c’est leur indifférence nonchalante, leur soif d’autorité, etc., qui en sont la cause et rendent les guerres possibles. Il en résulte en toute logique que se sont elles, les masses laborieuses, et elles seules, qui sont à même d’assurer une paix durable. La quintessence de cet achèvement ne peut être que l’élimination de cette incapacité à la liberté. Et seules les masses laborieuses peuvent accomplir cela. Pour devenir susceptibles de liberté et de paix assurée, les masses laborieuses, inaptes à la liberté, devront avoir un pouvoir social. C’est là la contradiction et sa solution. » P. 278.

[« Mais cette dictature doit être l’œuvre de la classe et non d’une petite minorité dirigeante, au nom de la classe, autrement dit, elle doit sortir pas à pas de la participation active des masses, être sous leur influence directe, soumise au contrôle de l’opinion publique, produit de l’éducation politique croissante des masses populaires.
Tout le pouvoir, arme révolutionnaire de la destruction du capitalisme, aux masses laborieuses - c’est là, la seule véritable égalité, c’est là, la seule véritable démocratie ! (...) Doter de la sorte la masse compacte de la population laborieuse de la totalité du pouvoir politique pour qu’elle accomplisse les tâches révolutionnaires, c’est ce qu’on appelle la dictature du prolétariat : la démocratie véritable.
Mais le prolétariat a besoin pour cela d’un haut degré d’éducation politique, de conscience de classe et d’organisation. Il ne peut apprendre tout cela dans les brochures ou dans les tracts, mais cette éducation, il l’acquerra à l’école politique vivante, dans la lutte et par la lutte, au cours de la révolution en marche. (...) L’habile acrobate ne s’aperçoit même pas que le seul "sujet" auquel incombe aujourd’hui le rôle de dirigeant, est le "moi" collectif de la classe ouvrière, qui réclame résolument le droit de faire elle-même des fautes et d’apprendre elle-même la dialectique de l’histoire. Et, enfin, disons-le sans détours : les erreurs commises par un mouvement ouvrier vraiment révolutionnaire sont historiquement infiniment plus fécondes et plus précieuses que l’infaillibilité du meilleur "comité central". (...) Parce que les révolutions ne s’apprennent pas à l’école
 ». Rosa Luxemburg (1871 – 1919).]

« D’où la conclusion : Il faut donner à des masses inaptes à la liberté le pouvoir social leur permettant d’accéder à l’aptitude à la liberté et d’instaurer la liberté (autogestion libérale de la vie humaine). » P. 296. « Il faut confier aux masses laborieuses la responsabilité de la vie sociale. » P. 275.
« Il est inutile de « conquérir » la liberté, elle existe spontanément dans toutes les fonctions vitales. Ce qu’il faut conquérir, c’est la suppression de toutes les entraves à la liberté. » P. 302. « Si la liberté ne peut être organisée parce que toute organisation s’oppose à la liberté, on peut, on doit même organiser les « conditions » permettant aux énergies vitales de prendre leur élan. » P. 301.

Pour Reich, il ne s’agit pas de créer un « homme nouveau » (à l’instar de la fabrication ex-nihilo (la table rase) de l’homme nouveau des Lumières, du capitalisme, du fascisme ou du "communisme" autoritaire), mais de permettre à la vitalité spontanée de la vie de reprendre son cours en supprimant l’oppression. En aucun cas, elle ne peut s’imposer : « Une acquisition socio-scientifique de quelque portée ne peut s’imposer et devenir une pratique sociale que si les masses l’ont déjà assimilée spontanément dans la vie. » P. 191.

Aussi, la position du chercheur sera-t-elle la suivante, prémonitoire :
« Si la fin de la guerre [39-45] ne fait pas émerger a la surface de la conscience sociale ces faits fondamentaux et que les anciennes illusions reprennent du poil de la bête, on peut supposer que notre position actuelle ne changera pas beaucoup. Dans cecas, nous serons obligés de conclure que les « pilules illusoires », les libertés formelles, les joies formelles, les démocraties formelles aboutiront tôt ou tard à de nouvelles dictatures et à une nouvelle guerre.
Dans ce cas, notre « isolement » ne finira pas et nous resterons dans l’opposition, face à cette misère sociale ; mais la tâche qui nous attend sera aussi ardue. Nous nous efforcerons de maintenir, sur le plan personnel, une existence objective et honnête dans l’ambiance générale d’illusionnisme. Nous aurons des combats sauvages à soutenir pour conserver dans toute leur pureté et pour approfondir nos connaissances sur la nature de l’homme. Il ne sera pas facile pour le biophysicien de l’orgone, pour le travailleur en psychologie structurelle, pour le spécialiste de l’économie sexuelle, de se protéger de l’influence des illusions et de transmettre aux générations futures leur savoir dans toute sa pureté cristalline ; il faut que ce savoir soit pratiquement disponible lorsque, après la sixième, douzième ou vingtième guerre mondiale la peste de l’âme sera enfin reconnue comme telle. Nous ne transmettrons pas dans ce cas à nos héritiers de hauts faits, des honneurs de guerre, des « souvenirs héroïques », des épisodes vécus au front, mais un savoir modeste, peu visible, peu tapageur, d’un intérêt vital pour l’avenir.
Cette tâche peut être remplie même si les circonstances morales sont très défavorables : la génération dont la maturité sera telle qu’elle pourra se débarrasser de la peste émotionnelle, ne sera pas obligée de faire inutilement fausse route et de chercher péniblement les réponses aux arguments de la peste. Elle pourra s’appuyer sur des vérités anciennes et négligées et instaurer une existence plus honnête et plus convenable que la génération de 1940. » P. 279.
Voilà qui sera qualifié de discours démobilisateur par les volontaristes du verbiage politique.

Libéral ?

[« Ainsi le mot « libre » existait encore en novlangue, mais ne pouvait être employé que dans des phrases comme « le chemin est libre ». II ne pouvait être employé dans le sens ancien de « liberté politique » ou de « liberté intellectuelle ». Les libertés politique et intellectuelle n’existaient en effet plus, même sous forme de concept. Elles n’avaient donc nécessairement pas de nom. » George Orwell, « 1984 »]

À la lecture des textes de cette époque, le sens du terme « libéral » au regard de la connotation qu’il a prise aujourd’hui donne le vertige en même temps qu’il synthétise l’échec des révolutionnaires... et des masses laborieuses.

« Ce qu’il faut conquérir, c’est la suppression de toutes les entraves à la liberté » ! N’est-ce pas là une formulation qu’une oreille non avertie de la fin du XXème siècle, à fortiori du début du XXIème, ne peut que mettre dans la bouche d’un capitaliste « libéral » ? Cette captation du terme par la bourgeoisie ne renvoie-t-elle pas dans les cordes le révolutionnaire qui va devoir remplir des pages et des pages (que plus personne ne lit) pour expliquer en quoi la liberté humaine dans le communisme n’a rien à voir avec la pseudo liberté du commerce et les mœurs triviales du porteur de marchandises aliéné à l’idéologie mortifère du bourgeois dépravé que dégueulent à longueur de soirées télé de cyniques « animateurs » millionnaires ? [Ouf !] (Animateur : de anima, l’âme, celui qui pénètre l’âme pour la diriger selon ses propres fins).

Que de rage (inutile !) de penser que le « parti des travailleurs » n’a eu de cesse depuis plus de cent ans d’éliminer les pensées libres pour le communisme à coup d’excommunications, d’exclusions, de désespoir, d’anathèmes : « vendu à la bourgeoisie », « agent de la CIA », « déviationniste », « gauchiste », « trotskyste », « contre-révolutionnaire », « petit-bourgeois » (en en faisant une injure nous ôtant toute possibilité d’associer (sinon irrationnellement) au mouvement ouvrier certaines franges de la petite-bourgeoisie). « Énoncer de telles vérités est un devoir d’autant plus difficile à remplir qu’au lieu d’être accueilli à bras ouverts, on risque de se faire tuer. » P. 275. Socialement le plus souvent, mais aussi physiquement. Par des ceux qui se disent... « communistes » (allez trier le bon grain de l’ivraie : « Lorsqu’on l’on part aussi vaincus, c’est dur de sortir de l’enclave. Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? » J. Brel. Pas d’amalgame, svp, c’est un nationaliste qui a assassiné Jaurès).

Que de rage (inutile !) de penser que le « parti des travailleurs » aurait pu, aurait dû accueillir toutes ces tentatives, toutes ces expérimentations nécessaires (l’autogestion, l’école nouvelle, l’école socialiste, les pédagogies non directives, « Libres enfants de Summerhill » (A.S. Neil - 1961), les recherches communautaires, la reconnaissance des minorités, les questions urbaines, l’écologie, etc.) ; les accueillir chaleureusement en leur offrant le cadre de confrontations, d’évaluations, d’améliorations, nécessaires à toutes recherches, leur évitant (peut-être) de se transformer en autant de chapelles mortifères et vaines.

En lieu et place, on a laissé le PSU rocardien et la CFDT chrétienne récupérer l’autogestion pour faire la preuve de son irréalisme (Tu parles ! Quelle aubaine !) ; les Situationnistes (dont les apports sont par ailleurs incontournables, notamment sur la « récupération » de tout discours, écrit, parlé, d’images) s’emparer de la « libération sexuelle » (peut-on encore imaginer le vécu des générations de l’après-guerre, des années cinquante, soumises à l’ordre patriarcal ancien confronté au choc de la société d’abondance consommatoire et de l’ « américan way of life » via le plan Marshall et la culture beatniks (prônant l’anti-« américan way of life », of course), et donc à la répression sexuelle confrontée à l’échauffement des sens exacerbés dans les premiers rassemblements massifs « spontanés » (!) (c’est-à-dire hors des mouvements de jeunesse organisés) à l’appel de « Salut les copains » (puis d’Actuel, puis des Inrokuptibles) dans les concerts « de masse » des « yéyés » et autres Beatles), de la libération des femmes, des « différents » sexuels, des « immigrés », etc., dont on voit les limites aujourd’hui (quand la réaction décide de siffler la fin de la récréation, on revient au bonnes vieilles méthodes « comme en 40 » !), ce qui n’empêche pas de lutter contre toutes les oppressions, est-il utile de le préciser. (je vais vite, je sais ! J’assume !)
Même si toute la population (et de loin) n’était pas impliquée dans ces « modes », tout cela a eu pour conséquence gravissime de séparer le mouvement social du mouvement ouvrier (voire de les opposer), donc d’affaiblir puis de casser celui-ci.

Là encore, la petite-bourgeoisie (la nouvelle) a été la base sociale de l’opération.

La nouvelle petite-bourgeoisie (c’est Môa, là !)

Ce qui reste de la petite bourgeoisie traditionnelle (petits commerçants, petits artisans, petits paysans) est maintenue en survie pour son rôle idéologique (son poids social est toujours plus important que son poids économique réel) et est orientée vers le maintien des territoires voués au tourisme (hors les grandes plaines agricoles). Le paysan/viticulteur devient le jardinier de l’espace rural (usage de la nature artificialisée, beauté du paysage (l’autoroute paysagère), prévention des incendies, prière de ne pas mettre le nez dans les légumes, les fruitiers et les vignes remplies de pesticides) desertifié par la mécanisation et la taille des exploitations, et le petit artisan (complété par une frange de néo-ruraux dont c’est une source de revenus pour pouvoir « jouir de la campagne » et qui joue un rôle de plus en plus important dans le pouvoir communal rural, après les municipalités urbaines dans les années soixante-et-dix, et dont le poids sera renforcé par le regroupement communal) abreuve de camelotes plus ou moins folkloriques et plus ou moins artistiques, de services d’accueil et de « bien-être » plus ou moins bidons, le touriste tout aussi petit-bourgeois (ou ouvrier embourgeoisé à la retraite, pour un certain temps). Une partie de la classe ouvrière est accolée à ces fonctions pour l’entretien des espaces verts, des parcs et des jardins, des plages et golfs, des maisons secondaires, des voiries d’accès, etc., ou comme employé précarisé de ces services.

La nouvelle petite-bourgeoisie d’aujourd’hui, NPB (après le NPA !) pour les intimes (si vous êtes arrivés jusque-là vous en êtes), est constituée par deux mouvements historiques :

 l’accroissement démographique de l’ancienne NPB due à l’essor quantitatif et au développement de l’appareil d’État (quoiqu’on en dise) : fonctionnaires de l’appareil administratif et de l’appareil répressif (police, renseignement, prisons), employés et petit encadrement du commerce (grande distribution, boutiques, télévente) et des entreprises, etc. ;

 la "nouvelle" NPB, dont la fabrication dans les années soixante prend notamment pour cible la femme (ce qui n’est pas nouveau, le bourgeois sait que « la femme tient l’homme », même si ce n’est pas le vécu des femmes battues. Je vous jure, je suis sûr que la femme qui vit avec moi est un agent de la CIA qui me surveille... de près !) « libérée » (depuis l’entre-deux guerres pour la moyenne bourgeoisie), a investi ce pour quoi "on" l’a faite, c’est-à-dire principalement toutes les nouvelles professions issues des lois sociales (l’État social) : le travail social (public et associatif), l’éducation de masse et des nouvelles politiques publiques de gestion urbaine (la Politique de la ville) ; la propagande (la société de communication, les mass-média (journalistes, animateurs, ET techniciens : photographes, caméramen, preneurs de son, etc.), publicité, marketing...) ; les « fonctions intellectuelles » : chercheurs, sociologues, psychologues, etc. ; les services (la société de services et de l’ « accès à... ») dont le tourisme « de masse », la santé (secteur médical et de prévention), les services « à la personne » (domestiques) ; le secteur de la sécurité (sic !) privée : assurances, société de gardiennage, vigiles, télésurveillance, renseignement, etc., etc., etc., (quoi ? Tant que ça ?) ; du droit : avocats, cabinets conseil... ; de l’humanitaire professionnalisé ; ...
La NPB occupe tout l’espace public et presque tout l’espace spectaculaire, qu’elle gère en partie, coincée entre le repoussoir des « jeunes de banlieue » (la « classe dangereuse ». Et ils essaient de nous fourguer « l’ultra-gauche » !) et le « modèle » de réussite (rêvée sur le mode du Loto) de la bourgeoisie "people" "bling-bling", du spectacle, de la mode et du sport.

Les analyses de Wilhelm Reich, de Nicos Poulantzas (« Les classes sociales dans le capitalisme aujourd’hui » - Points Politique, 1974), de Paul Beaud (« La société de connivence – Média, médiations et classes sociales » - Aubier Res Babel, 1984), entre (bons) autres, nous dressent un tableau suffisant de cette NPB (voir Chomdu). Je n’ajouterai donc que quelques remarques pour donner un support à la suite.

Pour ce qui m’intéresse (la sensibilité à l’appartenance et la conscience de classe pouvant en faire des alliés « rationnels » de la classe ouvrière. Ce type d’analyse ne prend évidemment pas en compte les cas particuliers des individus qui, de par leur histoire personnelle, ont pu construire une distanciation critique. Mais c’est Môa ça !), ces fractions de classe de la NPB ne sont bien sûr pas logées à la même enseigne selon le secteur d’activité, leur fonction idéologique et leur niveau dans la hiérarchie.

Si leur caractéristique commune est la peur de la prolétarisation (du travail manuel) et « le regard vers le haut », il est évident que l’on a peu à attendre du secteur des média. La proximité, la fréquentation, la connivence, la complicité avec les politiciens (quel que soient les positionnements politiques) et le star système d’une part ; le fait qu’elles se nourrissent de la peste émotionnelle qu’elles entretiennent (« c’est le public qui veut ça ! » : 16 millions de lecteurs de la presse people, « a-mateurs » de télé réalité, de roman-photos...), le surinvestissement pathologique de « l’image de soi » dans un contexte de concurrence exacerbée mobilisant toutes leurs ressources psychosomatiques (suffisance/servilité, mégalomanie, traitrise, cynisme, inaptitude à l’amour et à l’empathie, rythme de vie, consommation de psychotropes. Ils peuvent tout à fait avoir un discours "lucide" sans changer un iota à leurs comportements), etc., d’autre part ; tout cela en fait des ennemis objectifs de la classe ouvrière (sauf à en sortir évidemment et investir l’espace critique. De toute manière, s’il n’y a pas adhésion-fusion totale, on en est forcément éjecté). Les agents de la propagande sont inaptes à la liberté !

En ce qui concerne les employés (non, ce ne sont pas des prolétaires : ils « possèdent » la distinction !) de la vente (≠ manutentionnaires) dans la grande distribution (ceux du petit commerce sont trop isolés pour ne pas s’identifier à leur patron), qui sont « objectivement » dans des conditions de travail, des situations d’exploitation aussi dramatiques que les ouvriers (≠ ouvrier « embourgeoisés »), seule la prise en compte de la stratégie de « distinction » (rejet du travail manuel) et des effets de l’interface avec le client (qui leur demande d’adhérer, ou au moins de faire semblant, aux intérêts du patron : favoriser la vente par le sourire, la participation au « bien-être » du client dans « l’espace de vie » du hangar grande surface, ...) peut permettre de rationaliser la situation d’exploitation en « travaillant » la révolte irrationnelle issue de la frustration liée aux événements vécus quotidiennement : agressions verbales des clients, mépris et manipulation des hiérarchies.

En ce qui concerne le secteur de l’enseignement, l’adhésion des enseignants à l’idéologie républicaine et à l’illusion des « Lumières » (pas pour tous, tous les enseignants ne sont pas « de gauche » !), associée au mode de réalisation de leur fonction (seul face à une classe, dépositaire du « savoir », contrainte du programme), les soumet à l’idéologie du mérite individuel et de l’accès au savoir bourgeois comme seul moyen de réalisation et d’épanouissement de l’individu, eux-mêmes étant soumis au « phénomène autorité » même quand ils s’en défendent. Le rôle de l’école (« capitaliste ») dans la production de l’inégalité sociale (production structurelle de l’échec pour distinguer les individus. Et oui, ça c’est dur à admettre, au sens de possibilité de le penser, pour un enseignant.), associé à ces idéologies, fait de l’enseignant le type psychosociologique le plus parfait de celui qui « fait du mal pour le bien de son élève » (vous savez, les fameuses expériences avec les électrochocs dans lesquelles, pour amener la victime à fournir la bonne réponse, le vrai sujet de l’expérience, le tortionnaire, augmente la dose de la punition « pour son bien »). À cela se rajoute la contradiction entre l’ambition pédagogique de l’individu enseignant et la réalité de l’état du système d’enseignement.

Illustration par un exemple : prenez un enseignant d’Éducation physique entrant dans le métier dans les années soixante et dix. À l’époque, un mouvement relativement implanté (dont la figure la plus connue est Jean-Marie Brohm (qui sévit encore dans Siné Hebdo, y a que des vieux !), autour de la revue « Quel corps » de critique notamment du système sportif et olympique, et des militants de « L’école émancipée ») défendait l’importance fondamentale et déterminante de l’éducation corporelle (dans sa dimension psycho-socio-somatique pour le dire vite, mais tu es, lecteur coriace, habitué) et de la prise en compte du corps dans toutes les situations de la vie. Dans l’école, les trois heures d’éducation physiques obligatoires (mais on pouvait être « dispensé » de la dépense), sans compter la non prise en compte du corps dans les autres matières (l’enfant passe ses journées assis) paraissaient forcément dérisoires vis à vis de cet objectif. L’augmentation du nombre d’heures d’éducation physique (de gym !) et la réorganisation même du temps scolaire en tant qu’approche éducative globale était donc une revendication nécessaire et indispensable pour ceux qui étaient porteurs de cette conception (notre prof). Prenons cet enseignant aujourd’hui (il est pas loin de la retraite le bougre). La situation de l’Éducation physique, loin d’être allée dans ce sens, s’est détériorée. Toute sa vie professionnelle, ce prof aura réalisé son activité dans un contexte complètement antagonique avec sa conception. Quelle est donc, pensez-vous, la psychologie de cet individu miné par ce conflit intérieur, qui est certainement à Sud-éducation dans le meilleur des cas pour défendre les miettes qui lui restent ? « Bon, les gars, les filles, prenez un ballon... ». Dur, dur. Voilà une base émotionnelle qui ne peut guère être favorable à une association rationnelle avec le mouvement ouvrier.

Dernier secteur que je soumets à ta sagacité, lecteur essoufflé : le champ social (auquel j’assimile, un peu au forceps, celui des loisirs socio-éducatifs et de « l’insertion d’intégration » vu leur rôle dans les quartiers « défavorisés » et auprès des pauvres (en fait des prolétaires paupérisés), les travailleurs dits « sociaux ». Secteur directement issue des lois sociales de la troisième république et du Conseil National de la Résistance, revisitées, je l’ai déjà mentionné, par la Politique de la Ville, et quelque part des luttes ouvrières (sécurité sociale, congés payés).
Ce secteur couvre (je schématise, d’autant qu’il est en complète re(dé)-structuration vu que petit nabot préfère de beaucoup la prison, les camps de redressement et la camisole chimique) les champs de l’inadaptation et du handicap (sous la coupe du secteur médico-psychiatrique), de la prévention spécialisée (Conseil Général) : éducateurs ; de l’action sociale (CAF, Conseil général) : assistantes sociales, conseillère en « économie » familiale et sociale ; de l’animation (Jeunesse et Sport, commune) ; de l’insertion : conseillers ANPE (j’ai pas intégré le Pôle emploi), agents d’insertion ; etc..

Au-delà des spécificités professionnelles, le fait fondamental mais toujours omis en ces temps de misère intellectuelle, est que ce secteur n’existe (pour la plus grande partie dans sa dimension concrète, totalement dans sa dimension idéologique) que parce que la société capitaliste génère la plupart des maux qu’elle prétend hypocritement soigner. Forte de cela, elle met en place une gestion sociale de la misère à laquelle elle soumet une partie (qui redevient de plus en plus importante de par le monde) de la classe ouvrière. Par ce biais, elle instaure un contrôle et une surveillance collective (les quartiers, les territoires) et individuelle (les cas sociaux) généralisée et fine (au plus près de l’individu, s’insinuant de plus en plus en lui pour le persuader que c’est lui le seul responsable/coupable de son état, sa situation, son problème – et il ne s’agit pas là de la responsabilité reichienne !). D’où le besoin d’agents (professionnels et bénévoles) pour remplir ces fonctions de garde-fous, de garde-chiourmes, qu’elle met en place avec la « complicité » de ce qu’on appelle le « secteur associatif » (ce qui ne dit pas grand-chose sur la réalité des mouvances qui y participent, c’est le but), dont les fédérations de l’Éducation (dite) Populaire (je vais encore me faire des amis).
Le profil (psychologique, sociologique et idéologique) de ces agents doit donc faire l’impasse sur cette origine du secteur social et justifier ce rôle de garde-chiourme : « Il faut bien qu’on les aide, qu’on les accompagne, qu’on s’occupe de cette misère et des souffrances en attendant la Révolution. En plus, c’est nous qui sommes sur le « front » des conséquences de la guerre sociale faite aux pauvres, et c’est dur parce ce que les pauvres y sont pas forcément gentils avec nous et on n’a jamais assez de moyens ». Ces métiers font partie des métiers dits « à vocation », c’est pourquoi on y trouve beaucoup de chrétiens sociaux « de gauche » (mais aussi de droite, même s’ils étaient moins visibles jusqu’à aujourd’hui). Le caractère vocationnel s’est néanmoins réduit ces dernières années puisque ces professions ont servi de refuge professionnel à nombre de petits-bourgeois qui ne trouvaient plus l’emploi ailleurs, ce qui se tarit aussi maintenant.
Quand on gagne (petitement) sa vie sur la misère des autres sans autres perspectives (révolutionnaires), il n’est pas évident de travailler sérieusement à sa disparition (de la misère et de soi, of course), ou alors faut militer au DAL. D’autant que la contradiction majeure dans laquelle sont ces agents (mais ils en ont forcément plein d’autres) dans leur position médiatrice, c’est qu’ils doivent à la fois « mobiliser » (engagez-vous, rengagez-vous) leurs « ayant-droit » dans l’utilisation des « mesures » dont ils sont l’objet (dont ils « bénéficient » honteusement bien sûr) et, autre versant, défendre eux-mêmes, le plus souvent seuls, les dossiers dans les instances administratives (puisque ce ne sont plus des droits automatiques) « au nom » des pauvres. Cette contradiction empêche structurellement la possibilité (autre qu’occasionnelle) d’élaborer des formes d’actions collectives avec des prolétaires paupérisés. Ils sont de fait des obstacles à l’élaboration de luttes autonomes des travailleurs sans emplois. Ce sont bien des agents de la « pacification » des quartiers. On ne fait pas le « bien » des masses laborieuses à leur place.
Un bon travailleur social (au sens large donc) est un petit-bourgeois mort... en tant que travailleur social, hé ho !

La solution (Quoi ? Réveille-toi, lecteur assoupi !)

« La libération de la classe ouvrière doit être nécessairement l’œuvre de la classe ouvrière elle-même ». Karl Marx.

L’ouverte à l’amour de la vie de Wilhelm Reich nous invite à renverser les représentations du monde forgées par les « millénaires » d’oppression de la société patriarcale autoritaire (même si, encore une fois, nous ne le percevons plus comme ça aujourd’hui. Mais la force brute des « tueurs scientifiques » encadrent toujours plus nos pseudo-libertés, nous jetant dans l’effroi).Ce sont les dominants et leurs valets qui ont inversé le sens du processus naturel.

LA LIBERTÉ C’EST L’ESCLAVAGE
ou
L’ESCLAVAGE C’EST LA LIBERTÉ

Il nous invite à remettre nos pendules à l’heure.

« La démocratie du travail est un processus naturel d’amour, de travail et de connaissance qui a gouverné, qui gouverne et qui gouvernera l’économie ainsi que la vie sociale et culturelle des hommes, tant qu’il y aura une société. La démocratie du travail est la somme de toutes les fonctions de vie d’origine naturelle, se développant d’une manière naturelle et régissant organiquement les relations interpersonnelles rationnelle. » P. 267

Pour cela, nous qui sommes des hommes/femmes aliénés, devons faire un effort intellectuel d’imagination :
« Pour arriver à une conclusion utile, nous devons nous placer, pour bien approfondir la pensée de la démocratie du travail, sur le point de vue de celle-ci, c’est-à-dire que nous devons faire semblant de confier à la démocratie naturelle du travail la responsabilité de l’être social. Il s’agit donc d’examiner dans tous les sens sa solidité ; c’est à un travail de réflexion objectif auquel on nous convie. » P. 318

« Comme la communauté des gens au travail et l’interdépendance des différentes branches de l’activité d’intérêt vital se forment naturellement et se nourrissent des intérêts naturels communs, elles sont seules à même de s’opposer à la division politique. » P. 327. Gérard Mendel développe ce processus avec le concept de « coopération structurale ».

« Le travail est rationnel et a des effets rationnels en soi et par soi, qu’on le sache ou non » P. 323
Gérard Mendel traduit cela par les concepts d’« intelligence pratique » et de « pensée rationnelle-pratique » : « Il n’est pas d’acte sans un sujet conscient s’engageant volontairement dans un projet de confrontation avec la réalité. » « L’acte est une aventure », P. 37. Et nous engage à aller « au bout de notre acte ».

Ainsi, « tout homme qui travaille a une connaissance pratique et automatique de ces interrelations du fait de son travail... »,

MAIS

« ...mais il trouve étrange qu’on lui dise que la société ne pourrait exister sans son travail ou qu’il est responsable de l’organisation sociale du travail. (...) Le travailleur moyen finit par avoir le sentiment qu’il est de peu d’importance, vu dans la perspective des débats ésotériques, compliqués et intelligents sur la stratégie et la tactique. Il se sent petit, incompétent, superflu, rétréci et semble participer par hasard à la vie. » P. 329. Ce qui est le produit de l’infantilisation par la dé-responsabilisation. Même si l’ouvrier n’est pas forcément dupe de par sa place dans le mode de production capitaliste. Ce qui n’empêche pas l’impuissance sociale mais explique qu’il est l’élément dynamique du processus révolutionnaire, même s’il n’a pas de « mission historique ».

OR :

« Une chose est certaine : si un groupe d’ouvriers indispensables de l’industrie dégrade un groupe tout aussi indispensable de médecins, de techniciens, d’enseignants au rôle de « serviteurs », tout en s’arrogeant le titre de « seigneurs », les enseignants, médecins et techniciens se réfugient dans la théorie de la supériorité raciale du surhomme, puisqu’ils ne veulent pas être des serviteurs, même pas les « serviteurs du prolétariat révolutionnaire » ; et le « prolétariat révolutionnaire » se réfugient dans les bras des partis politiques ou de syndicats ouvriers, qui ne lui imposent aucune responsabilité et le bercent dans l’illusion qu’il appartient à la « classe dirigeante. » » P. 327

Il nous faut alors questionner la notion de prolétariat. (Ouille !)

Même si « objectivement » le prolétaire est celui qui ne possède rien (même pas la « distinction » du petit-bourgeois pauvre et ses maigres espoirs de promotion lorsque l’ascenseur social « montait » encore ; ni même la « distinction » du travail manuel aristocratisé (on dit bien démocratisé) par ceux qui se nomment eux-mêmes « communistes »), cette dénomination nous sert-elle encore ?

« Les termes de « prolétaire » et de « prolétarien » ont été forgés il y a plus de cent ans [rappelons que Reich écrit en 1933 -1942] pour désigner une couche sociale paupérisée et dépossédée de la plupart de ses droits. Il est vrai que de telles couches humaines existent encore de nos jour, mais les descendants des prolétaires du XIXème siècle sont devenus des ouvriers industriels hautement qualifiés, techniquement évolués, indispensables, conscients de leur responsabilité et de leur qualification professionnelle. La « conscience de classe » a cédé la place à la « conscience de leur valeur professionnelle » et à la « responsabilité sociale ». Le marxisme du XIXème siècle réservait la « conscience de classe » aux travailleurs manuels. Il opposait à ceux-ci, en les qualifiant « d’intellectuels », de « petits bourgeois », d’autres travailleurs exerçant d’autres métiers indispensables, sans lesquels la société ne saurait fonctionner. Cette opposition schématique et dépassée par l’évolution a contribué dans une large mesure à la victoire du fascisme en Allemagne. (...) Pour cette raison, j’ai remplacé les termes de « travail industriel » et de « prolétaire » par ceux de « travail indispensable à l’existence » et de « travailleur ». Cette nouvelle terminologie englobe tous les travailleurs se livrant à un travail indispensable à la vie de la société... (...) Ainsi se trouve comblé un fossé qui n’a pas peu contribué à la division de la société des travailleurs et par là à l’installation du fascisme rouge et noir. » P. 21

Nous voici revenu à la problématique (comme on dit aujourd’hui) : « Pour devenir susceptibles de liberté et de paix assurée, les masses laborieuses, inaptes à la liberté, devront avoir un pouvoir social. C’est là la contradiction et sa solution. »

« La socialisation des moyens de production sociaux ne sera discutable et possible que lorsque les masses de travailleurs y seront structurellement préparées, c’est-à-dire moralement capables de les administrer. » P. 22

Certes cela dépend de l’évolution des contradictions intrinsèques du mode de production capitaliste. Mais pas que. Il faut aussi, autant que faire se peut, s’attaquer à la structure caractérielle que replâtre sans cesse le « système » à travers ses « dispositifs » et ses « appareils ». Car, à l’instar des chrétiens "apocalyptiques" attendant depuis deux mille ans la venue "imminente" du messie annonçant « la fin du monde », les ceux qui se nomment « communistes » nous ont (maintenant, c’est fini) sans cesse annoncé le « grand soir » pour mieux nous voler la construction possible du « communisme ».

[« Écoute, petit homme ! Ils t’appellent « petit homme », « homme moyen », « homme commun » ; ils annoncent qu’une ère nouvelle s’est levée, l’ « ère de l’homme moyen ». Cela, ce n’est pas « toi » qui le dis, petit homme ! Ce sont « eux » qui le disent, les vice-présidents des grandes nations, les leaders ouvriers ayant fait carrière, les fils repentis des bourgeois, les hommes d’État et les philosophes. Ils te donnent ton avenir mais ne se soucient pas de ton passé. Tu es l’héritier d’un passé horrible...
Tes hurlements ne feront pas avancer les choses, petit homme. Tu as toujours cru que la liberté était assurée si tu envoyais des hommes au poteau. Tu ferais bien mieux de te regarder une fois dans la glace.
 » Wilhelm Reich, « Écoute, petit homme ! », 1945]

D’où les recherches, les expériences, les tentatives auxquelles nous devons nous atteler malgré tout.

Malgré tout le quadrillage tentaculaire de nos vie. La mesure n’est pas prise du sens de la « société de la communication ». « Si le monde est écrit en langage mathématique, comme l’affirme Galilée, celui qui aura su déchiffrer le langage de cette écriture a vocation à pouvoir lui-même à son tour « écrire le monde » et tenir ainsi le rôle de « maître et possesseur de la nature » que Descartes attribue à l’homme. » Gérard Mendel, « L’acte est une aventure », P. 31.

« Nous » « les » laissons mettre nos vies en codes barres. Pour cela « ils » ont quadrillé notre terre de mille canaux, vecteurs de leur domination, et veulent nous faire croire (et beaucoup le croient) qu’ils sont les chemins de notre liberté. Oui, aujourd’hui, je peux instantanément « communiquer » avec n’importe qui jusqu’au bout sans fin de la planète (Reich pouvait-il l’imaginer ?). Pour lui dire « quoi » ? Alors que mon voisin s’est emprisonné tout seul dans sa maison « sécurisée », à l’abri(?) de la vie.

Pour comprendre l’enjeu, il faut, c’est vrai, se taper de gros bouquins chiants (« Lisez, camarades, lisez ! » Qui ne voit l’absurdité vaine d’une telle injonction ? Si tu la reçois, c’est que tu lis déjà. Ceux qui ne lisent pas que pourtant elle vise, ne la recevront pas.)

Notamment, entre autres, le travail de Pierre Musso : « Télécommunications et philosophie des réseaux, la postérité paradoxale de Saint-Simon », Puf, 1997. Le comte de Saint-Simon (1760 – 1825), mort quand Marx avait 8 ans, philosophe, économiste, mais surtout ingénieur hydrographe (et médecin aussi à l’époque où l’on découvrait les vaisseaux sanguins : « l’argent est le sang du commerce »), concepteur de canaux navigables, voies de « communication », dont les disciples ont été maîtres d’oeuvre du développement du réseau ferré sous le règne de Napoléon III et ont beaucoup sévit sur les terres « vierges » des territoires colonisés, et dont la phisophie imprègne jusqu’à aujourd’hui nos ingénieurs qui fabriquent « notre » monde. Point besoin de complots (laissons cela aux Sarkozy et qu’on sort, et oui, je la refais, je suis incorrigible !). Seulement une conception de la vie conforme aux intérêts « de quelques sabreurs, qui exigeaient du bout des lèvres, qu’ils aillent ouvrir au champ d’horreur, leur vingt ans qui n’avaient pu naître. Et ils mouraient à pleine peur, tout miséreux, oui not’ bon maître, couverts de prèles, oui not’ Monsieur. Demandez-vous belle jeunesse, le temps de l’ombre d’un souvenir, le temps du souffle d’un soupir, pourquoi ont-ils tué Jaurès ? » Jacques Brel, 1977. Au nom de la paix universelle.

L’intérêt d’un canal, d’un conduit, pour la domination, c’est que pour le contrôler, il suffit de détenir la clé du robinet (vanne, péage, serveur, micro...). Mais cela oblige à maintenir une considérable force armée pour protéger les voies des brigands de grands chemins (suivez mon regard...). En contrôlant le robinet, on décide qui peut avoir « accès » au réseau. Quel pouvoir (voix de son Maître) donne-t-on à n’importe quel imbécile dégénéré en lui mettant dans les mains un micro ? Il suffit, si on en a le courage, d’ouvrir les flux tendus de la radio et de la télé pour en avoir un échantillon, robots à visage humain reproductibles à l’infini, blondasses livides ou constipés au sourire carnassier stéréotypés, dégueulant la novlangue et le prêt à ... (ne pas) penser.

Seuls les naïfs croyants de la neutralité de la technique peuvent rêver à l’horizontalité du réseau. Que leur Dieu leur tombe sur la tête !

Le petit bourgeois de la NPB est l’agent fabriqué pour occuper les fonctions de « médiateur » de ce pouvoir descendant (comme a été fabriqué bien avant la race du « petit travailleur infatigable ».)
L’individu petit bourgeois (on ne décide pas où l’on naît), est alors confronté à « ce que le crime a fait de lui », comme dit l’existentialiste. Si, par hasard, il survit et accède à la conscience, grace à l’opiniâtre travail de taupe obstinée de gens comme Marx, Reich et tant d’autres morts d’amour anonymes entretenant la flamme rabougrie au fin fond de leurs ateliers de misère, il découvre alors qu’il est, lui-même, sa propre personne, dans sa fonction, un obstacle, un outil d’empêchement, à la libération des masses laborieuses, puisqu’il ne peut qu’entretenir, à son corps défendant, la fabrication de la peste émotionnelle. Et qu’en plus, cette masse laborieuse ne demande qu’une chose : « guide-nous, conduit-nous, sois notre führer ! »

« Ich bin ihr freund ! Ich bin ihr leader ! Ich bin ihr vater ! Ich bin ihr führer ! ».

Plus il voudra « faire le bien » de « son » public, de « son » enfant (si ce n’est le tien, c’est celui d’un autre), de « son » élève, de « son » ayant-droit, de « son » pauvre, plus il l’enfermera dans le carcan de l’idéologie familialiste. La « reproduction » est un

« ... dieu sinistre, effrayant, impassible,

Dont le doigt nous menace et nous dit : "Souviens-toi !

Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi

Se planteront bientôt comme dans une cible ;
Le Plaisir vaporeux fuira vers l’horizon

Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;

Chaque instant te dévore un morceau du délice

A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde

Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix

D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,

Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi ! prodigue ! Esto memor !

(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)

Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues

Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide

Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.

Le jour décroît ; la nuit augmente ; souviens-toi !

Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,

Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,

Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !),

Où tout te dira Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »

Baudelaire, « l’Horloge », « Les fleurs du mal », 1845.

Excuse-moi, Charles, pour ce plagiat honteux !

Essaie, ô petite bourgeoise, ma sœurette, et toi, petit bourgeois, mon petit frère, essaie, une fois, rien qu’une fois, avant d’aller militer, d’aller bénévoler pendant ton temps « libre », essaie, dans ton entreprise, ton institution, ton quartier ghetto devenu une institution de gestion des mis au rebut, sans lâcher une parcelle de ton intégrité, sans lâcher rien de ce qui est « juste », d’aller au bout de ton acte institutionnel pour t’opposer à ce qui, chaque jour, dans chaque dispositif de l’institution, opprime, même de manière douce, « compréhensive », mielleuse, ceux qui sont la raison d’être de l’institution, qui te font vivre par le salaire que te procure le fait de t’occuper d’eux, directement ou indirectement, au « front » ou en retrait. Tu sais ce dont je parle, tu le vis tous les jours : la manière dont on traite un client, un usager, un adhérent, dans son devenir-dossier, mais aussi un collègue, un subalterne, bref, tous ceux qui dépendent du pouvoir de l’institution et des petits chefs. Essaie, avant que ton indignation ne s’émousse dans la banalité, dans la routine, dans l’impuissance, dans l’incapacité d’agir collectivement (« moi aussi, j’ai mes problèmes ! »). N’attends rien du syndicat mais sollicite-le si tu peux pour agir avec eux (ce sont des personnes comme toi quand ils sont sur le terrain) et tu verras qu’ils sont là, mais sans baguette magique, avec leur seule habitude du combat et la solidarité de tous les travailleurs qui viennent de les élire (oui, je sais, 10% des salariés, mais bon, c’est pas rien).

Essaie d’exiger mordicus, rédhibitoirement, ne serait-ce par exemple que le droit (la place !) qu’ils doivent avoir de se représenter collectivement, de manière autonome et dotés des moyens afférents, dans les instances décisionnaires de l’établissement, en les épaulant si nécessaire (c’est encore plus difficile pour eux que pour toi) en refusant de te substituer à eux, en exigeant pour toi et tes collègues ta propre place dans les mêmes conditions. Bats-toi, avec toutes les armes possible et imaginable (invente-les au besoin), sans te sentir coupable d’élever la voix face à la hiérarchie, sans te penser incapable de quoi que ce soit, même si tu dois cacher ta peur (tu n’es qu’une femme, tu n’es qu’un homme. Tu n’es pas Dieu).

Tu seras menacé(e), maltraité(e), humilié(e), dénigré(e) et trahi(e) par ceux-là même que tu croyais tes ami(e)s, viré(e), poursuivi(e) en justice, désespéré(e). Mais essaie, et tu verras que ce n’est plus un choix. Vous gagnerez ou tu perdras. Mais tu n’as plus le choix. Tu ne peux plus supporter l’insupportable, il faut que ça s’arrête, parce qu’au bout « du compte » tu perds quand même. C’est le sort des masses laborieuses battues d’avance que d’être jetées à la rue. Te crois-tu au-dessus d’elle ? Crois-tu vraiment qu’il faut que tu restes, à n’importe quel prix, c’est-à-dire au prix de ta liberté et de ta dignité, de ta vie (petite, mais c’est la tienne, personne ne peut la vivre à ta place), en t’autopersuadant (la méthode Coué. Non pas Cauet !), comme te le serineront sans cesse les petites sirènes corrompues par la direction qui dans l’ombre utilise sans vergogne toutes ses armes, que tu n’es pas complice, qu’il vaut mieux que ce soit qu’un(e) autre ?

Si tu as de la chance, et la chance ça se force, tu découvriras une forme de relation humaine presqu’oubliée dont le joli nom est « solidarité » ; tu découvriras des « richesses » humaines qui t’accompagneront jusqu’au trépas. Tu « sauras », dans ta chair, qu’un autre monde est possible : celui qui se gagne là où se réalise la vie humaine en même temps qu’elle se produit. Et ce monde possible (tu en as rêvé, ton acte (nos actes !) l’a fait !) ne te lâchera plus, quelles que soient tes souffrances à venir (sont-elles plus terribles que celles-que tu subis déjà par ta vie tronquée de l’essentiel ?). Tu sauras le bonheur d’en débattre avec les autres autour du piquet (du brasier) de grève.

Essaie, et tu verras comme il est facile de mettre à nu les mécanismes sur lesquels reposent l’oppression. Tu verras comme tombent vite (c’en est effrayant) les faux masques, les faux sourires et les faux semblant qui ne tiennent que par l’automutilation de notre liberté. Tu verras que la violence, la barbarie !, institutionnelle et sociétale est là, tout près (si près qu’on se dit qu’il a bien fallu s’aveugler nous-mêmes pour ne pas la voir), derrière la porte opaque des bureaux sordides des « directeurs » assermentés.

Tu verras, et tu te demanderas comment tu as pu perdre de ce temps si précieux de ta courte vie. Alors des Marx, des Reich, des Mendel, des tas d’autres à coté de toi, qui eux-aussi restaient invisibles à ton regard « borné », pourront t’aider à renverser le sens des mots, à en fabriquer d’autres au besoin (il n’y a pas qu’« eux » qui peuvent jouer avec les mots), à tenter de transformer le monde avec nos « mille mains » et nos mille visages, à reprendre le cours de la vie humaine et le cours des cycles de la révolution avec ses expériences, leur analyse, leur ajustement, de nouvelles tentatives et le retour joyeux du printemps.

« C’est dans l’action bien plus que dans les dogmes idéologiques que la CNT se construit. Parfois accusée d’activisme, soupçonnée d’oublier la réflexion et d’étouffer les débats internes dans un mouvement perpétuel, elle assume ces critiques en considérant la réflexion comme fruit de l’action, l’idéologie issue de la pratique, et non l’inverse. La force de cet état de fait, c’est de permettre de réunir des militants ayant des opinions parfois différentes, de ne pas paralyser l’organisation par d’interminables querelles, comme cela est trop souvent le cas dans les groupuscules. C’est un des piliers de notre développement. La faiblesse est le risque de détournement progressif du projet révolutionnaire, soit dans une fuite en avant activiste, soit dans un ramollissement réformiste. Contre ces dérives, il s’agit de réaffirmer sans relâche nos principes fondamentaux (autogestion, refus de la cogestion, organisation révolutionnaire de lutte de classe, indépendance à l’égard des partis, action directe...). Cela se fait dans les pratiques plus que dans les discours. Pour nous, la résistance se construit au sein même de l’ancien monde. Nous refusons de demeurer entre convaincus dans une tour d’ivoire, ressassant des théories sans réalité. Alors, oui, nous avançons dans la merde. Et nous prétendons le faire sans nous y noyer. » Site de la CNT-AIT, organisation dont je ne suis membre, et qui n’est en rien engagée par mes propos. Les hommes sont ce qu’il sont. Les hommes sont ce qu’ils font.

Un jour, où nous serons sans haine, sûrs de notre force et de notre bon droit (celui que nous nous forgerons, pas celui qu’on nous octroie), les « brutes avinées » bardées de gilets pare-balles, de fusils mitrailleurs, de tasers et de chiens trahis (tant ils sont lâches et veules. Pas les chiens !) qui protègent « leur » ordre, ne pourront rien contre nous et leur monde s’effritera, ne laissant rien, même pas un tas de cendres.
Je n’ai peur de rien, sinon de ma propre peur.

LA LUTTE ÉTAIT TERMINÉE

IL AVAIT REMPORTÉ LA VICTOIRE SUR LUI-MÊME

IL AIMAIT BIG BOTHER

Môa, P’tit Nico, petit-bourgeois pour le communisme.

Pour servir ce que de droit, sans illusions.

Messages

  • Sacré tartine mon pote !
    Pourrais-tu synthétiser (sans précaution oratoire) pour éclairer le non-érudit que je suis, mais néanmoins désireux de ne pas mourir idiot.
    Merci d’avance.
    Bien fraternellement.
    Stef

    • Cher Stef,

      je réponds volontiers à ta demande au risque de te priver du plaisir de construire toi-même ta propre synthèse.

      1) c’est un grand malheur d’être un petit bourgeois ;

      2) mais ce n’est pas honteux, surtout si on prend conscience des implications ;

      3) on peut en sortir,

      4) mais c’est pas facile.

      5) Vivement que les prolos se bougent le cul pour qu’on puisse aller vers le communisme avec eux.

      Solidairement,

      P’tit Nico.

  • TIENS ?

    Notre ami Roberto se lance dans l’édition ?

    Non ? Il a voulu prouver que p’tit nico pouvait avoir accès à Bellaciao ?

    Ben....c’est réussi !

  • Je savais pas que Wilhelm Reich participait à une épreuve du téléthon cette année !

    .

    Pour servir ce que de droit, sans illusions.

    mais avec obstination ?

     "Cent fleurs pour Wilhelm Reich "

  • C’est un très beau texte et il m’a presque mis les larmes aux yeux. (Je le dis sérieusement mais en ce moment je suis sans doute rendue trop sensible par ce que nous vivons et d’ailleurs, j’ai de plus en plus de mal à écrire).

    Cela fait plaisir de te lire à nouveau "pti nico".

    C’est extrêmement dense, je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, et il faudra que je relise ce texte mais...

    ...sur l’expérience de la petite bourgeoise (Môa, cette fois là :-)) c’est bien vu, je peux en attester ! Et ensuite il n’y a plus de marche arrière possible. Même si tu le voulais, c’est impossible, tu es déclassé A VIE.

    Se définir comme étant prolétaire (je sais, je sais ... :-)) a un avantage - non, plusieurs, en fait.

    D’abord il te permet de commencer à prendre conscience toi-même de la supercherie dans laquelle tu as vécu et qu’on a entretenue soigneusement (et en cela , un peu de méthode Couet, malgré tout ce que tu en dis -et tu n’as pas tort -ne nuit pas, car à force de te répéter tous les jours que "tu n’as que ta force de travail à vendre", tu finis par le comprendre, dans la mesure où cela est doublé d’une action quotidienne même minuscule, dirigée au début par un besoin de justice.)

    Ensuite, cela te met en condition d’ouvrir les yeux sur "l’autre", ton collègue de bureau. Ses lâchetés, ses faiblesses, ses erreurs, ses motivations. Parce que tu as réalisé que, toi aussi, n’ayant que ta force de travail à vendre, tu étais à la merci des mêmes contradictions proprement humaines. Du coup, tu es aussi plus réceptif à ses beautés, ses qualités, ses atouts, son intelligence..."C’est pas de l’amour mais ça y ressemble" et sans cette conscience de faire partie du même "corps", tu ne peux rien faire de ton "idéalisme" à part de belles catastrophes qui aboutissent toujours à une seule conclusion : "je vais m’en occuper"...

    (La direction, le pouvoir etc... peut être que c’est ce que tu avais essayé de me dire un jour au sujet des cadres qui voulaient en fait diriger, toujours...?)

    Enfin, cela permet aussi à ces "autres" de ne plus te regarder tout à fait de la même manière, puisque tu acceptes d’afficher tes faiblesses et de te reconnaître d’une certaine manière "aussi médiocre" qu’eux.(c’est pas bien expliqué je ne sais pas si on comprendra ce que j’ai voulu dire) C à d que tu peux échapper à la tentation (naturelle) que peuvent avoir les "autres" de te "sanctifier", de te "sacraliser" : "toi forte et intelligente et cultivée - toi devenir notre chef".

    Moi depuis que je suis au placard (dernier étage sans ascenseur avec le service courrier et dans un réduit occupé par les archives, en gros) paradoxalement, je me sens mieux et libérée. En fait, ils m’ont rendu un fier service les patrons. Ils ont achevé de me "dé-cadrifier", je les remercie - ils voulaient me punir, j’ai cru d’ailleurs à un moment que j’étais punie, mais non, grâce à eux je suis devenue une travailleuse comme "les autres". Du coup, j’imite georges marchais de mon clapier (le vendredi je gueule "Liliane, fais les valises, on s’en va !") et ça fait poiler les collègues qui partagent cet étage - on se détend.Du coup aussi, je fais des adhésions (mais chuuutttt).

    Ça m’a définitivement guérie aussi de l’idée d’être un jour "chef". Bon j’avoue que ça n’a jamais été trop mon truc de toute façon.

    Si je devais prendre une image, je dirais qu’aujourd’hui, toutes proportions gardées, je me vois plus comme une accoucheuse, ou une thérapeute...

    Bref, ça c’est du "micro" pas du "macro" et quelque part on s’en fout. C’est vrai.

    Qu’est ce qui pousse à suivre ce chemin, à aller dans cette voie "d’être avec la classe ouvrière" de vouloir construire ce que tu appelles "démocratie du travail" et moi plus "antiquement" "démocratie prolétarienne" ?

    Je dirais, fondamentalement, le désir. Le désir de ne plus vivre ce que nous vivons. Le désir soutenu par la conscience et alimenté par la rêverie. Ah oui c’est très mal je sais c’est pas "dans la ligne"...

    Entendons nous bien. J’ai pas envie de "faire le bien" de "mes prochains". Non - Lacan avait une bonne vanne sur ceux qui disent "ne vouloir que notre bien" - en gros ils disaient que "vouloir le bien d’autrui", c’était ce que professaient les voleurs :-) Donc je ne veux pas être une voleuse - d’abord ma mère m’a toujours dit que voler c’était mal. Et je suis d’accord avec elle figures toi !

    Non. C’est pas ça. En fait c’est un désir très égoïste.

    Je voudrais vivre dans un "autre monde" et que mes enfants voient autre chose que "ça" (je ne décris pas le "ça" que nous vivons en ce moment et que je pressens que nous allons vivre en bien pire, j’ai du me taper 3 vodkas tassées ce soir pour chasser un peu de mes pensées momentanément le "ça" justement alors bon...).

    Parce que "ça" ne peut pas durer, on ne peut pas revivre éternellement sans arrêt les mêmes choses horribles.

    Et je pense (oui je sais c’est hyper prétentieux mais bon)... je pense que cet autre monde, ça peut être le communisme (avec toutes les incertitudes et questions que tu as pu ouvrir dans ton texte et que je trouve en général très justes).

    Mais pas comme ce qu’on m’en a présenté (et je ne fais pas seulement référence au stalinisme, ce serait trop facile parce que ça m’éviterait de me remettre en question justement !) C’est à dire pas comme quelque chose qu’on connaîtrait rationnellement, et hop y’aurait qu’à pousser un bouton et appliquer plus ou moins brillamment deux ou trois "préceptes".

    Pas comme un Eden dont seuls quelques élus auraient les clefs et qu’il conviendrait qu’ils montrent "aux masses". J’en ai marre de l’élitisme, de l’aristocratie, quelle qu’elle soit d’où qu’elle vienne.

    Ce monde dont je rêve aurait été construit par ceux là même qui aujourd’hui semblent ne pas le vouloir. Par nous ensemble.

    Aucune volonté n’est à l’abri des dérapages. C’est ça le drame. c’est pour ça qu’il faut se battre pour écrire (ou peindre ou je ne sais quoi...) non pas un énième programme mais un projet politique (au sens noble du terme) et parce que c’est cela qui n’a pas été écrit, jamais, par "les communistes".

    Bon voilà pour ce soir je m’arrête là.

    Mais on y reviendra./

    Mes salutations du soir,

    La Louve

    • C’est un très beau texte et il m’a presque mis les larmes aux yeux.<

      Aurais-je raté mon coup ? Provoquer l’émotion (je sais que tu le sais, et je "sais" (dans le sens de l’empathie rogérienne) ce que tu exprimes, mais nous ne sommes pas seuls devant l’écran (en fait si, mais non...), chère LL, que je connais seulement par ses textes sur Bellaciao, je dis ça pour les intimes paranoïaques du site, pas plus que je ne connais les auteurs du site, d’ailleurs. Si je le choisis pour partager mes réflexions, voire, parfois, mes conneries, anonymes, c’est pour avoir constaté son ouverture (ce n’est pas parce que des gens sectaires s’y expriment que le site l’est. Et je ne conteste pas leur droit à la sélection des commentaires vu que ça les engage juridiquement eux-mêmes, ce qu’un contributeur moyen ne peut vraiment évaluer. On doit faire avec ça, les hommes sont ce qu’ils sont aujourd’hui et Big Brother veille. Chacun est bien obligé de m’accepter sur parole, c’est ça internet. Putain que j’aime les digressions, excuse-moi, LL. Donc, je continue)... par la littérature, qui a les mêmes effets qu’une manifestation de masse, en plus subtil, est si facile. D’ailleurs, c’est vraiment une manifestation de masse qui se diffuse individuellement du moins pour les genres littéraires les plus manipulateurs (puisqu’il ne se situent pas comme tels) qui se vendent le plus : ceux qui nous racontent des histoires, surtout quand elles elles nous « émeuvent » (ah, la misère...).

      Il n’est évidemment pas question, là, de nier (quelle absurdité) un phénomène animal (oui, y a pas que l’HOMME !), l’émotion, mais d’être toujours vigilant parce que c’est justement celui qui est le plus manipulable, surtout dans le contexte de toutes nos misères : économique, matérielle, sexuelle, politique, intellectuelle, morale... (digression (miam) : cette liste à la Prévert "doit" être signifiante, « en tant que liste ! ». Égrener, « décortiquer » des éléments décomposés d’une réalité, d’un "vécu", pour l’analyser “scientifiquement”, dans le but d’en maitriser (« maître et possesseur de la nature ») les effets (pour les manipuler... ou se protéger de cette manipulation en la dénonçant) est « forcément » une atteinte à l’intégrité humaine (à "décortiqué, ée", dans le Petit Robert, on a : « qui a subi une ablation totale du cortex ». Brrr...).

      En ce sens, ceux qui dénoncent ce « coupage des cheveux en quatre » qu’ils attribuent (bêtement) aux « intellectuels » ont raison. C’est une « technique » de la fonction idéologique des intellectuels « bourgeois » qui éloigne "structurellement" l’intellectuel professionnel "pour le communisme" de ceux qu’il veut aider, les ouvriers.

      Mais ils ont tort aussi (d’après moi, mais comme c’est moi qui écris, ça devrait être évident que ce n’est pas une Vérité), dans la mesure où ils renforcent ainsi l’anti intellectualisme ouvrier (de certains, comme toujours), c’est-à-dire, non seulement la prévention contre les intellectuels professionnels “forcément” bourgeois, mais contre l’utilisation de sa propre intelligence, cette « intelligence pratique », cette « pensée rationnelle-pratique » liée à l’« acte » (merci Gérard Mendel) de l’être humain (et là, les animaux non humains, mais « supérieurs » dans l’échelle animale, ne retirez pas l’échelle s’il vous plaît, je crois pas, mais va savoir, même s’ils n’ont pas la parole verbale ils se confrontent à la résolution des problèmes qu’impose la réalité matérielle et il faut bien qu’ils prennent des décisions non instinctuelles. Voir l’aberration de la connotation péjorative du nom « âne » pour un animal sensible et super... intelligent). Forme d’intelligence qui a été tellement dévalorisée, niée, effacée par la bourgeoisie que l’ouvrier, le “manuel”, ne peut même plus se la reconnaitre (effet de l’idéologie comme puissance matérielle), alors qu’il l’utilise en permanence, même à la chaîne (réalité physique, concrète). Or, pour éviter cela, ils sont bien obligés de passer par le discours rationnel pour l’expliquer. sous peine de tomber dans l’activisme (ce que me semble exprimer et bien poser le texte de la CNT que je cite).

      C’est en tout cas la contradiction de l’intellectuel pour le communisme comme l’explique Sartre (merci LL pour avoir ressorti ces extraits).

      Par ailleurs, cette intelligence pratique dont est dotée l’ouvrier et qui fait défaut à l’intellectuel bourgeois (dans la plupart des cas - y en a bricolent -, et qui n’est pas le cas de ceux qui ont une activité « pratique » comme les chirurgiens par exemple) justifie (entre autre) le rôle déterminant du travailleur dans le processus révolutionnaire.

      C’est pourquoi, pour en revenir à l’émotion, la merde dans laquelle on est (l’inversion de l’idéologie bourgeoise) lorsqu’on utilise le mode discursif (explication par l’expression écrite, orale ou cinématographique, merci Debord). D’où, la nécessité de travailler cette expression pour limiter les effets de ce processus. D’où mon style (digressions, autodérision, décalage) qui est certainement imbuvable pour la plupart des lecteurs (je fais ce que je peux, et je peux peu...). Il faut croire que je n’accorde pas une importance fondamentale à nos verbiages, même savants, comme déterminante pour l’action révolutionnaire, et qu’il faut donc les prendre pour ce qu’ils sont : l’expression de LA misère capitaliste ou bourgeoise ou ce qu’on veut. Je souhaite que les potes de la CNT arrivent vraiment à ne pas s’y noyer, ce que je ne constate pas forcément chez certains d’entre-eux que j’ai côtoyé (mais eux aussi ils font ce qu’ils peuvent).

      Ce que tu appelles "démocratie du travail" et moi plus "antiquement" "démocratie prolétarienne"

      Laissons à César ce qui est à Reich, c’est lui qui l’utilise et le propose, le reprenant d’ailleurs, d’après ce qu’il en dit d’un anonyme., ce qui me plaît assez.

      Si les mots ont une importance (et ils en ont une), ils ne sont utiles et opératoires que s’ils sont issus de et forgés par un groupe, une communauté (j’ai du mal avec ce mot), « en acte » (voir Gérard Mendel pour la distinction entre « acte » et « action »).
      Je ne pense pas que ces deux expressions recouvrent la même chose, notamment le même moment dans le « processus » vers le communisme. La démocratie prolétarienne se situant après la dictature du prolétariat et avant le communisme réalisé, la démocratie du travail étant la base organique ou concrète du communisme vivant. Comme cela apparaît me semble-t-il dans les extraits que Reich cite de Lénine. Je suis sûr que quelques « autorités » garantes des textes fondateurs qui sévissent (oh, le vilain mot, mais c’est un compliment) sur Bellaciao vont le préciser.

      Lacan avait une bonne vanne sur ceux qui disent "ne vouloir que notre bien" - en gros ils disaient que "vouloir le bien d’autrui", c’était ce que professaient les voleurs

      J’adore cette expression que je ne connaissais pas, merci ; D’ailleurs, je ne connais pas Lacan, pour moi c’’est illisible. Comme quoi...

      Bon courage,

      solidairement

      P’tit Nico

    • Ma soeurette,ARRETES !

      J’ai dit un jour que tu possèdes une qualité rare,conjuguer,avec succès et à tous les temps,l’intellect et les viscères.

      Alors CONTINUES,sinon pour mieux comprendre les SDF tu vas finir sous les ponts.

      Prolos,bourges,cadres et encadrés....tout ça me casse les c.....es.

      Dans notre société,il y a ceux qui vendent leur force de travail,quel que soit ce travail,et ceux qui en tirent profits.Entre les deux,les états d’ame n’ont pas leurs places.(ce qui ne veut pas dire qu’il faut faire des économies d’explications).

      Comme je le dis souvent à mes Cdes de l’UFCM-CGT,du manoeuvre à l’ingénieur il n’y a que des exploités,et nous faisons partie de la même CLASSE.

      Faire de l’"ouvrierisme"(je sais que c’est pas ton cas)ou vouloir "péter plus haut que son cul",ne sont que des effets pervers de la lutte de classe.

      Excuses-moi d’être un peu "lapidaire",à 1h15 je pars à Vintimille,mais on en reparlera.

      Gros bisous

      LE REBOURSIER

    • Hello Brother !

      J’ai dit un jour que tu possèdes une qualité rare,conjuguer,avec succès et à tous les temps,l’intellect et les viscères.

      Euh bon en ce moment j’ai p’tet mis l’un à la place de l’autre ? ;-)

      Alors CONTINUES,sinon pour mieux comprendre les SDF tu vas finir sous les ponts.

      Ça m’a fait bien rire, parce que t’as pas tort...c’est mon côté "premier degré"...

      Prolos,bourges,cadres et encadrés....tout ça me casse les c.....es.

      Je connais pas ta reboursière mon frère mais là, je suis pas sûre que ça la rende hyper jouasse :-) watch your balls :-)

      Allez à plus

      LL

    • Excuses-moi d’être un peu "lapidaire",à 1h15 je pars à Vintimille,mais on en reparlera.

      L’empire de bellaciao s’étend également à Ventimiglia, pas de problème.

      Comme celui des révolutionnaires, à cheval sur les frontières, notamment celle-là !

      C’est également le terminal de la SNCF et des cheminots français. Un grand enjeu des batailles du rail du sud-est de la France.

      Sinon sur le débat en cours, je dirai simplement aux bourgeois, petits-bourgeois , et autres couches sociales qui ne font pas partie, d’un point de vue matériel, de camp populaire (80 à 85% de la population) :

      Choisissez votre destin d’être humain à la place de votre destin de bourgeois !

      Il n’y a aucun problème pour des gens faisant partie des couches bourgeoises ou petites bourgeoises à rejoindre le camp du communisme et d’un système qui ne serait pas construit sur l’exploitation de l’homme par l’homme.

      C’est contre une pratique, contre l’exploitation, contre un système d’oppression que nous en avons, pas contre les hommes et femmes quand ceux-ci rentrent en rupture avec leur classe bourgeoise d’origine.

    • C’est contre une pratique, contre l’exploitation, contre un système d’oppression que nous en avons, pas contre les hommes et femmes quand ceux-ci rentrent en rupture avec leur classe bourgeoise d’origine.

      Pour le plaisir et sans lui accorder plus d’importance que ça :

      « Critiquer les mœurs des hommes sans attaquer personne nominativement, est-ce vraiment mordre ? » Érasme, XVIème siècle.

      Cité par l’excellentissime journal « Le Plan B » de ce mois. (De la part de fatal flatteur).

      P’tit Nico

  • Ça fait plaisir de ré-entendre parler de Reich, surtout comme ça.
    Ça redevient de saison, brrr.

    Même si c’est vrai que c’est long. Mais faut ce qu’il faut.

    • C’est plutôt du Reich que nous allons parler...
      Je ne vous connais pas monsieur Pt’it Nico, mais il me semble que le temps de "décrypter" votre message confus (mais honnête je le pense et je l’espère) nous serons déjà rendus en 2012 !
      Le plus court chemin pour aller d’un point à un autre c’est la ligne droite et non une voie en zig-zag. Le temps n’attend pas. Soyez plus clair sinon nous seront obligés de demander à L.L. de faire la traduction (bonjour à elle entre parenthèses) et j’imagine qu’elle a surement autre chose à faire.
      Je vous souhaite, toutefois, une bonne continuation dans l’urgente réflexion révolutionnaire qui doit tous nous habiter.

    • OUI, chère Sarko-romance, et c’est quoi votre ligne droite ?

  • Nous voila bien !!!! Avons retrouvé un accumulateur d’orgone

    • Hé, psssssiiiiiiit, 83 94, tu dois savoir aussi que Gérard Mendel a écrit dans son dernier bouquin que Laurent Joffrin était un grand journaliste. Ouarf !

      Y parait que Beethoven (1770 - 1827) était sourd à cause d’une pratique intensive de la masturbation. Ce qui aurait mis la puce à l’oreille de Reich... qui aurait à son tour trop abusé de la neuvième symphonie...

      "C’est d’abord rumeur légère,

      Un petit vent rasant la terre,

      Puis, doucement, vous voyez calomnie,

      Se dresser et s’enfler en grandissant.

      Fiez-vous à la maligne envie,

      Ses traits, lancés adroitement

      Primo, par un léger murmure,

      D’absurdes fictions font plus d’une blessure,

      Et portent dans les cœurs le feu le feu de leurs poisons.

      Le mal est fait, il chemine, il s’avance ;

      De bouche en bouche il est porté,

      Puis rinforzando il s’élance ;

      C’est un prodige, en vérité,

      Mais enfin rien ne l’arrête ;

      C’est la foudre, la tempête,

      Un crescendo public, un vacarme infernal.

      Elle s’élance, tourbillonne,

      Étend son vol, éclate et tonne,

      Et de haine aussitôt un chorus général

      De la proscription a donné le signal.

      Et l’on voit le pauvre diable,

      Menacé Comme un coupable,

      Sous cette arme redoutable

      Tomber, tomber, terrassé !"

      Bon vent 83 94

      P’tit Nico

  • Bonsoir,

    On trouvera ici : http://acorgone.free.fr/ContribPestEmot.html
    une contribution à ce qui "ralentit" le contact érotique de la vie sociale avec elle-même.

    Rien ne peut exiter sans cette exitation (que l’on retrouve dans ces grandes messes — foot, chanteurs, politiques) de la vie qui cherche à se retrouver dans la satisfaction possible sans jamais pouvoir s’atteindre parce qu’elle s’évite toujours.

    Je notais juste ce soir que la poésie consiste aujourd’hui à faire apparaître l’érotisme où il se cache, dissimulé pour ne se pas vivre, de sorte qu’on puit le considérer parfois comme vice.

    Comme notre cher Isidore Ducasse, il s’agit d’atteindre la forme pour lui redonner SA réalité, celle qui lui correspond : la "nature" du soulèvement de l’émotion.

    Bien cordialement à tous : K.

  • Merci à l’auteur de l’article ... mais....succès pas assuré, : "ce n’est qu’un début,continuons le combat"

    Ne pas oublier non plus que Wilhelm Reich est l’auteur de
     "LA fonction de l’Orgasme" et l’ inventeur de l’"orgon"....

    Il était COMMUNISTE =préoccupé par le bonheur de l’Humanité ......

    • Il était COMMUNISTE =préoccupé par le bonheur de l’Humanité ......

      Oui, tu as raison, et c’est pour ça que son analyse est intéressante. Mais il en est revenu (de l’appellation) tout en continuant à travailler « pour » le communisme (Ça, c’est ma formulation, lui ne le dit pas comme ça). Et ça, ça m’intéresse aussi.

      Bien sûr que la plupart de « ceux qui se disent communistes » y mettent ce genre de définition. Et il n’y a pas à mettre en doute leur sincérité tant qu’elle ne se confronte pas aux faits, seul moment où l’on peut apprécier cette sincérité. Ce qui, entre parenthèses, est toujours valable pour l’autre, parce que celui qui le dit, moi en l’occurrence là, est toujours persuadé de sa sincérité. La vérité de la lutte pour le communisme est « dans » la lutte, pas dans le discours qui n’en est qu’un moyen, à sa place.

      Ce n’est pas cela que je questionne. C’est la pertinence à une époque donnée d’une expression sociale (et l’identité affichée en est une). Quel est son effet sur le reste de la société ? Quel est son intérêt (son efficacité) selon comment elle est comprise par d’autres que ceux qui sont déjà convaincus ? En quoi elle génère des réactions qui vont dans le sens de ce que « toi » tu y mets, le mouvement vers le bonheur des autres, par exemple, ou au contraire la fige, la rigidifie, en un drapeau, un chef, un slogan ?

      Il me semble qu’il n’y a qu’à voir les échanges en général sur Bellaciao, pour se rendre compte que si nous sommes tous d’accord avec ta formulation (enfin, pas tout à fait : y a le « H »), dès qu’on rentre dans le comment on fait (c’est-à-dire le rapport entre où l’on veut aller et d’où l’on part ; ou, autre formulation, comment faire une société d’êtres humains solidaires et bons (je reste forcément vague) avec des êtres humains qui ne le sont pas ou plus (nous ! moins, bien sûr, ceux qui se croient déjà arrivés...), on n’est plus du tout surs de vouloir y aller avec certains.

      C’est ce que je voulais partager en écrivant ce texte, « à ma manière » (qui comprend la diffusion sur Internet, et sur Bellaciao en particulier) qui là aussi, est reçue en fonction de la sensibilité de chacun. Ce qu’il nous faut aussi mettre en évidence, d’après moi, dans le même moment (dans la forme même) de l’argumentation (ce qui manifestement la rende imbuvable à certains). Ce qui ne s’oppose à ou n’invalide aucune autre manière. Au contraire. Puisque le but, c’est bien de trouver le moyen d’être le plus nombreux possible pour y aller enfin vers le bonheur de l’“h”umanité, pas de majuscule, svp, c’est-à-dire de tous et de chacun, putain de merde.

      P’tit Nico

    • En quoi elle génère des réactions qui vont dans le sens de ce que « toi » tu y mets, le mouvement vers le bonheur des autres, par exemple, ou au contraire la fige, la rigidifie, en un drapeau, un chef, un slogan ?

      Excuses, dans la phrase il faut supprimer « des autres ».

      P’tit Nico

  • la peur engendre la mort qui engendre la lutte ! ....

    • Je ne pense pas que ce que dit Nico soit faux ,loin de là ! Mais tout texte qui n’est pas immédiatement compréhensible pour le plus grand nombre n’a d’intéret que pour quelques intellos , et ce ne sont pas ceux qui font pousser les carottes les choux ou les navets , éléments si nécessaires pour faire marcher leurs petits neuronnes si actifs...
      Je m’imagine regarder P’tit Nicot sur sa branche et j’attend toujours qu’il laisse tomber le fromage (certainement quand il aura arrété de penser)... Mais c’est vrai que chez les gens comme moi on ne pense pas Monsieur on "prie" et on mange la soupe en faisant des grands "chloups" pauvre prolétaire que je suis ....

      Salutations P’tit Nico

    • Pas d’éducation ni d’information au rabais !

      Car c’est ainsi que Darcos a pû dire que les Maternelles n’étaient que des garderies...MAIS heureusement que dans les Maternelles, les enseignant(e)s sont spécialisés et parlent aux enfants avec des mots inconnus d’eux...afin qu’ils ne soient plus inconnus... c’est cela aussi, la culture de masse : la progression et non la stagnation voire la régression à la TF1 et associés(UMP Bouyghes,Bolloré...etc ; ; ;) Voyez où Bush,’pas très cultivé lui-même ,a mené son pays ! N’est-ce pas Sarkozy qui ne "voit (comprend) pas" l’intérêt d’étudier la littérature "classique" ?

      Ce qu’ on ne vous propose pas a peu de chance de vous tenter... et même d’être connu... est-ce à dire qu’il ne FAUT PAS le proposer au plus grand nombre ?

      Il est absolument NECESSAIRE de parler en Français correct et riche en vocabulaire à tous... et "petit Nico" a raison... en nous soumettant ce texte que l’on ne "saisira" pas... si on n’y va pas voir(=le lire)

      Il n’est (n’était ?)qu’à voir la foule populaire Grecque aux spectacles "classiques" à Nauplie !
      Ce n’est pas parce qu’on ne domine pas le " beau"langage qu’on ne l’apprécie pas . . et c’est "en forgeant qu’on devient forgeron" !

      Pas de mépris, MERCI !

      Ne confondons pas Populaire et Populisme....

    • Bien que cela puisse le paraitre je n’ai pas voulu étre méprisant , j’ai lu le texte proposé et je suis d’accord avec l’essentiel, mais on peut s’interroger sur le role des ceux qui manient l’art du discours dans la manipulation des masses populaires... Je ne suis pas pour une éducation au rabais , ni pour bruler les livres.... Certains "intellectuels politiques"sont capables de dévelloper une argumentation trés convaincante , et de dire méme le contraire tout en étant tout aussi convaincants...
      Alors qui croire pour celui qui a reçu une éducation au rabais ,c’est la raison qui me fait réagir à l’exellent texte que P’Tit nico a publié...
      j’ai volontairement été "agressif " pour susciter une réponse qui viennent du coeur et la réponse que j’ai eu c’est ce que fait Darcos ou Busch, je ne fait pas dans le populisme mais je désire qu’on dise les choses simples ,simplement c’est tout.....

    • Ne t’inquiète pas, cher, Jules, personne ne l’a perçu comme méprisant, au contraire. Tu as tout à fait raison de te méfier de ce qui apparaît dans notre monde comme intellectuel et de t’y confronter quand même. Et je te remercie de me permettre d’ajouter quelques précisions en te répondant.

      Encore plus raison de te méfier des « intellectuels » patentés (toujours la fameuse division travail intellectuel/travail manuel), même quand ils se disent de ton coté. Ce que je ne suis pas (intellectuel ! pas pas de ton coté), même si ma propre confrontation à ce monde m’a amené à me coltiner avec leurs écrits et certainement à en prendre les formes, ce qui fait qu’en effet mes écrits (ou mes paroles) sont perçus comme tels par beaucoup (je traine ma croix... snif, snif).

      Je ne suis qu’un petit bourgeois (donc globalement dans le camp de ceux qui manient le verbe, fonctionnellement (fonction sociale) pour baiser l’ouvrier en lui faisant prendre leurs vessies pour sa lanterne. Ce qui ne fait pas de tout petit bourgeois un « intellectuel », la majorité d’entre eux ne lisant pas plus que les ouvriers, mais pas pour les mêmes raisons. C’est ce que j’ai essayer de faire passer avec la série des « Chomdu », sous une autre forme.

      J’écris donc pour (non contre, enfin pour mais contre) les petits bourgeois (en tant que fonction sociale), même si des bourgeois et des prolos (tu en es l’exemple) peuvent lire ce genre de texte (enfin pas forcément le mien, ceux des “vrais” intellectuels), et des flics aussi d’ailleurs, pour mieux les renverser et les intégrer dans leur propagande. Je parle donc de ce que je connais le mieux de l’intérieur et que j’ai appris à décoder avec les analyses d’autres petits bourgeois (Marx notamment), et F. Courvoisier a raison de dire qu’il faut y aller voir, les choses étant ce qu’elles sont. Mes combats m’ayant exclu du monde du travail (hé, non, je ne suis pas resté « sur » ma branche, j’y étais dedans !), j’en profite pour travailler la réflexion un peu plus... entre autre ! Ce n’est pas parce qu’on écrit qu’on ne fait rien d’autre, attention aux mirages d’Internet qui tend à faire de nous des fantômes désincarnés. Personne, sauf à se connaître et se re-connaître, ne peut savoir la vérité de la sincérité dans cette forme. Ça, ça se fait avec les copains dans l’action concrète, sauf à s’en tenir à donner une info à l’occasion. C’est pourquoi, la « sincérité », l’« honnêteté », comme le dit Sarkomance qui ne peut que la « penser » ou l’« espérer », ne me paraissent pas des critères très opératoires sur internet (et dans tous les média d’ailleurs) ; c’est si facile de faire pleurer (n’est-ce pas LL ?), quand, comme tu dis, Jules, on « manie le discours ». Quand on sait qu’un petit bourgeois se nourrit d’illusions, quel intérêt de se situer par rapport à l’illusion qu’il se fait sur sa sincérité ?

      Le seul moyen, c’est de confronter en permanence ce que nous dit notre expérience concrète personnelle (et d’autant plus dans l’action collective) et ce que nous apportent les analyses qu’on rencontre d’où qu’elles viennent, dans une gymnastique permanente de va et vient (hum, miam, miam), et qui n’a rien à voir avec le temps de la jeunesse et de la maturité (!! merde aux “sages” !). Nos expériences commencent au premier jour. Sans idoles (ce qui n’est pas si simple) et sans Maître.

      J’ai donc décidé de faire « ce que le crime a fait de moi » et d’interpeler, de provoquer (sans compassions aucune, parce que je « sais » que malgré leur indignation dégoulinante et graisseuse, ces bonnes âmes méprisent profondément l’ouvrier qui n’est un bon prolo que lorsqu’il leur permet d’exprimer leur pitié hypocrite ou leur vocation « H »umanitaire. Seul le combat tel que je le décris à la fin de mon texte peut (peut !) permettre d’en sortir en ayant conscience de ce que l’idéologie continue à faire de nous)... ceux de ma classe, en essayant, sans illusions mais avec détermination, de faire en sorte (par l’écrit ou autre) que leur rendre honteuse la situation dans laquelle ils (nous) sont aide à la prise de conscience et à leur faire prendre partie pour la classe ouvrière sans prétendre la diriger. Ce qui peut prendre la forme de la conscience que dans le communisme ils seraient des travailleurs comme les autres (mais pas plus de deux par jour et en étant un jour pêcheur, un jour architecte, etc., enfin ce que nous, hommes/femmes enfin libres décideront qui est utile pour nous), donc qu’ils se battent aussi pour eux. « C’est contre une pratique, contre l’exploitation, contre un système d’oppression que nous en avons, pas contre les hommes et femmes quand ceux-ci rentrent en rupture avec leur classe bourgeoise d’origine.
       » comme dit Copas avec qui je suis souvent d’accord sauf quand il est trop en colère, mais ça nous arrive à tous, amen.

      C’est pourquoi, je n’ai rien à dire, je n’ai pas de message à porter, aux « masses laborieuses » que j’ai côtoyé parfois (dans certaines luttes concrètes avec eux, pas dans les manifs ou au Parti, ça, ça ne veut pas dire grand-chose, même si ce n’est pas rien (je ne refuse rien, tout est bon à prendre... avec des pincettes). Si ce que j’écris modestement peut leur servir, tant mieux, mais en me crachant à la gueule (ho, c’est une image !) comme le faisaient les pauvres de Saint François d’Assise aux « braves » filles qui leur « donnaient » à manger (les resto du cœur de 1200) en se plaignant du fait que les pauvres ne leur en soient pas reconnaissants : « en leur donnant, vous leur prenez leur dignité, c’est normal ! », qu’il leur répondait le bougre (d’après la légende, j’y étais pas. J’ai de ces références des fois ! Ah, oui, ça doit être parce que t’as fait référence à la chanson « Ces gens-là » de Brel qui me fait pleurer, saloperie).

      Dernier point, sur l’écriture simple. Pour moi, y a pas de lois. Ça dépend l’objet et l’objectif du texte. Si « ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement », putain, je n’ai pas été atteint par la clarté des « Lumières » bourgeoises. C’est pas évident (en tout cas pour moi peut-être, mais Bourdieu le disait aussi. Ah, bon, si Bourdivin le dit, alors...) de développer une argumentation sur un sujet qui devient forcément abstrait à ce moment-là sans se faire piéger par le discours et ses formes bourgeoises (sauf à faire dans le Le Reboursier, peut-être, à chacun ses choix) et en essayant de prendre en compte certaines interprétations ou objections par anticipation. Ça par contre, ça doit être un effet de l’âge et de l’accumulation des débats. Putain, c’est chiant les vieux ! (comme ne dirait pas Le Reboursier, paix à son âme).

      Bonne soupe, cher Jules.

      P’tit Nico

    • il faut regarder X fils tous écrits dedans ! aujour d’hui le monde est remplies "D’ARGENTS" et pas pour des sentiments !

    • J’ai bien reçu le fromage que j’attendais ....
      Merci P’tit Nico ,pour le petit instant d’émotion..
      La soupe , c’était un velouté de potiron ,un vrai régal..

    • Il fut un temps’(j’ai failli écrire "béni" !)où les intellectuels étaient avec ou/et dans le PCF !

      Mais (ayant quelques heures de vol)je me réjouis lorsque des articles comme celui de "p’tit Nico" sont
       1-publiés
       2 -commentés.

      Pour argumenter la nécessité(d’essayer )d’écrire en français, je vais prendre un exemple(vécu et pas toujours très bien) :
       ce n’est pas parceque les "ouvriers Nord Africains"(on disait ainsi en "public") tutoyaient tout le monde qu’ils ne sentaient pas le mépris dans le tutoiement qu’"on" leur réservait à l’höpital ,en particulier, lors des accidents du travail auxquels leurs "fonctions "les exposaient plus que les autres ("bâtiment", terrassement) .Cela m’a confirmé que ce n’est pas parcequ’on s’exprime plus ou moins bien qu’on ne comprend pas le langage correct...(et c’est ainsi qu’on apprend ...petit à petit).D’où l’IMPORTANCE des Maternelles pour acquérir le vocabulaire nécessaire à toute scolarité "primaire" (d’abord).....
      La polémique entre "nous" n’est pas toujours stérile,MAIS n’est peut-être pas l’essentiel en ce moment ?

      A propos(?)"Les bureaux de dieu" :le film est REprogrammé à Tassin(ça aussi c’est important)

    • LE REBOURSIER a décidé depuis longtemps de mobiliser son intelligence sur des conneries,que de mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes.

      Depuis je suis vachement bien dans mon slip !

      LE REBOURSIER

    • Ces arguments sont forts et méritent donc d’être discutés plus avant (ce n’est pas de la polémique).

      D’abord, excuse-moi pour les fautes d’orthographe que j’ai « oubliées » dans mon précédent commentaire ( à Jules). Ça me fout les boules (quand je les vois !). C’est con ! J’en connais qui sont complètement pathos avec les fautes d’orthographe de grand-mère (oui, c’est facile !). Ça les rend malades. La rigidité caractérielle prend forme dans la moindre expression humaine. SEGA est plus fort que toi. Y a qu’à voir petit-nabot 1° et ses tics de psychopathe.

      Deuxio, je me permets de te tutoyer sans t’avoir demandé ton avis. En effet, pour moi, le tutoiement est une distinction... positive. Mais quid de celui qui le reçoit ?

      Et j’en viens donc à tes « deux » arguments. Car il y en a deux, l’un que tu déduis de l’autre (Le « cela m’a confirmé) pour en arriver à ta conclusion (le « d’où »). Certains, toujours les mêmes (passez votre chemin...), vont considérer que c’est du coupage de cheveux en quatre, mais le sujet de ton exemple montre que c’est loin d’être anodin pour ceux qui le subissent.

      Ce n’est pas parce que les "ouvriers Nord Africains" (on disait ainsi en "public") tutoyaient tout le monde qu’ils ne sentaient pas le mépris dans le tutoiement qu’"on" leur réservait...

      Très juste. Mais si on le précise il prend une autre dimension, me semble-t-il. Le fait qu’un manœuvre du bâtiment « bien (et forcément « bon ») français » tutoie un autre manœuvre « Nord-Africain » a-t-il la même signification que si un supérieur hiérarchique ou autre détenteur d’autorité (médicale, pour garder ton exemple) le fait en exigeant (mais cela va sans dire) d’être vouvoyé en retour ? Évidemment non ! D’ailleurs, cela peut tout à fait être le cas pour le manœuvre « français ».

      Ce mécanisme d’infantilisation est une base fondamentale de la domination. Qui prend tout son relief si l’on prend la situation de l’enfant (la base). Qu’est-ce qui autorise n’importe quel(le) quidam(e) à tutoyer systématiquement un enfant en se « laissant » vouvoyer « naturellement » ? Tu parais ridicule si dans une situation banale tu fais cet « effort ». L’enfant lui-même ne comprend pas. Tu sembles lui refuser son statut « confortable » d’enfant « non responsable » dans lequel le dressage familial le conforte (dans la douceur dans le meilleur des cas).

      Donc, deuxième argument : ce n’est pas parce que t’es enfant, ou immigré ou prolo que t’es idiot :

      ce n’est pas parce qu’on s’exprime plus ou moins bien qu’on ne comprend pas le langage correct...

      , et... où se situe son intérêt (ou que l’on croit tel) immédiat. Le dominé, lorsqu’il croit qu’il n’a pas d’autre alternative, peut trouver intérêt à accepter d’être traité comme une carpette. Hasard du calendrier, c’était le sujet de la discussion de Frédéric Taddeï (Ce soir (ou jamais !) sur France 3, que les ouvriers ou employés ne peuvent évidemment pas regarder, vu l’heure...) avec Francis Weber qui l’a illustré dans ses films, et en a très bien parlé, je trouve, bien que la plupart du temps, dans la vraie vie, le « con » ne s’en tire pas aussi bien que dans ses films.

      Est-ce que cela nous permet de passer à la conclusion :

      D’où l’IMPORTANCE des Maternelles pour acquérir le vocabulaire nécessaire...

       ?

      Si l’objectif est : « Il n’est (n’était ?) qu’à voir la foule populaire Grecque aux spectacles "classiques" à Nauplie ! Ce n’est pas parce qu’on ne domine pas le " beau" langage qu’on ne l’apprécie pas . . et c’est "en forgeant qu’on devient forgeron" ! », oui, peut-être. Même si j’ai de gros doutes sur la pertinence de la référence grecque dans la mesure où il y avait une dimension politique qui justifiait l’intérêt du « peuple », chose qu’il nous est difficile d’apprécier aujourd’hui vu la misère... politique ! Mais je ne m’y connais pas assez pour en débattre.

      Qu’il y ait une nécessaire transmission, donc apprentissage (et celui du forgeron renvoie à l’intelligence rationnelle-pratique), du langage et de ses formes données à une époque donnée, dans toute société humaine, c’est évident.

      Que dans une société de classes, il faille s’interroger sur l’utilisation faite (le rôle) du langage pour renforcer la distinction entre dominants et dominés, et notamment pour faire accepter son sort au dominé incapable d’accéder au « beau » langage, au langage « correct » comme tu dis, donc incapable tout court, encore évident.

      De là à faire du « beau langage » un « en-soi » intemporel et absolu, critère d’un aboutissement de l’Humanité, c’est y aller fort. Idem pour la Connaissance « en-soi », le Savoir « en-soi », la Santé « en-soi », ... (la connerie « en-soi », ça, c’est pour Le Reboursier), etc.

      Pour ne pas faire de cette réponse un nouveau texte, je renvoie à Chomdu où j’ai développé ce thème.
      J’en reprends juste une citation qui montre, je crois, que ce n’est pas qu’une « polémique entre "nous" () pas toujours stérile, MAIS n’est peut-être pas l’essentiel en ce moment ? » :

      « C’est pour ça qu’ça pose un problème au pauvre comm’ y dit l’p’tit gars Majid Cherfi de Zebda d’avant, quand y l’a parlé à la radio de not’ président, avec sa chanson : « J’étais de ceux qui soignaient la syntaxe, pour unir les plus couns comme les plus furax (...). Je voulais porter le poids de la misère, en respectant les règles de grand mère (...). Qui donc a raison entre le flingue et la conjugaison ? ».
      « J’ai pu, comme ça, faire un bout de cursus scolaire » qu’y dit.
      « Et donc, je commençais à apprendre quelques mots châtiés de la langue française et chaque fois que j’en sortais un comme ça dans la cité, on m’disait "pédé". Chaque fois qu’un mot érudit comme ça sortait de ma bouche, c’était : "pédé" ! Comme si posséder le langage, c’était... Alors c’était pas la connotation sexuelle, c’était plus "gros con", en fait "traître". - Y z’auraient pu vous traiter d’auditeurs de France Culture, ça veut dire ça [y réagit l’pédé animateur de l’émission tout frétillant] – Oui, oui, tout à fait. Et donc, moi, j’ai fini par apprendre un maximum de langage, et quand j’ai accumulé une connaissance importante, j’ai basculé dans une société de langage, des "militants", des "intellos" en tout genre, des gens qui critiquent la société, des gens qui lisent, des gens qui écrivent, etc. Et on se rend compte que ces gens-là, que, une fois qu’on a accès au langage, vous disparaissez parce que ce qui nous intéresse c’est là où il y a le problème. Donc, je serais resté un exclu du quartier, je restais un centre d’intérêt parce qu’on pouvait me regarder comme un animal dans le zoo. À partir du moment où vous accédez au langage : bon, maintenant tu es de notre camp, dégage ! Donc, à partir de là, faut s’occuper des autres, faut aider les autres, chacun cherche son beurre. Et moi, j’avais pas envie d’aller chercher mon beurre, j’avais envie de me chercher moi. Et donc, c’était une forme d’exclusion dans la conjugaison, et une forme d’exclusion dans le flingue, puisque les deux sont une impasse ».

      Dans le Plan B de ce mois, dans un article sur la « couleur de la domination, mirages de la diversité », P. 16, est cité un rapport « Sur la représentation de la diversité dans les programmes de télévision » dans lequel il est écrit : « Les ouvriers ne représentent que 2% de la population du corpus étudié alors que leur part dans la population française s’établit à 23%. [...] En revanche, les cadres (dont les professions du spectacle et de l’audiovisuel) sont surreprésentés, avec 61% des individus du corpus, contre 15% en France. »

      Si les ouvriers étaient mieux représentés, est-ce que ça changerait beaucoup les choses ?

      Salutations,

      P’tit Nico

    • Depuis je suis vachement bien dans mon slip !

      Reste-z’y !

      Merci de m’avoir tendu la « perche », c’était trop tentant !

    • ....Une perche....une perche.....faut pas exagérer.

      J’ai parlé d’un slip,pas d’un semi-remorque !

      LE REBOURSIER

    • En fait tu te demandes quel dico utiliser pour traduire P’tit Nico ? Moi aussi.
      Des millions de français se posent les mêmes questions pour décrypter le "grand"...
      Et pourtant c’était facile à piger depuis l’début !

  • Oups ! Il est dit dans l’article que le "prolo n’a rien" ou " ne possède rien" … rien sinon que sa force de travail, qu’il doit marchander (marchandiser) au moins cher, bien évidemment !
    "Moins cher ??? Moins cher ???" ne serait-ce pas "au plus cher" ? Allez vous vendre, et voyez ce que vous pouvez faire de votre "force de travail" tudieu ! Et combien est large votre possibilité de la "monayer" : une peau de chagrin, un salaire !

    Qu’on en finisse, PRATIQUEMENT, avec le travail, c’est-à-dire : Cessons de travailler, nous serons toujours, selon les modalités du travail, les dindons de la farce de la production !

    Wilhelm Reich n’a jamais été que le seul à se poser la question de savoir pourquoi les gens sont aussi bête pour aller "travailler", c’est-à-dire, perdre leur temps vital à une activité qui pue, pollue et tue (ne serait-ce que le temps passé à l’exécuter). Il a pointé du doigt sur la relation entre la soumission à l’autre et l’asthénie de la vitalité-sexuelle-amoureuse-satisfaite (il n’a pas parlé de "Révolution sexuelle", il a parlé de "Révolution de la satisfaction sexuelle" et c’est toujours et encore valable). Il a fait une relation directe et tangible entre la perte de la satisfaction amoureuse sexuée et la soumission (ou la simple rebellité tout autant) à la morale du travail.

    Il n’a pas, non plus parlé de "travail" mais d’activité vitale (work) dans sa phrase exergue : "L’amour, l’activité et la connaissance sont les inépuisables ressources de l’existence : qu’elles la regissent donc." Tous les "psys" du jour restent au goût du jour, au goût du travail, et à la forme érotique du jour : la démocratie représentative du monde du travail, en lieu et place de la démocratie de l’activité humaine.

    La seule chose que le prolo détient par rapport à la "bourgeoisie" c’est, justement, cette liberté possible entre cette soumission (et les formes érotiques qu’elle adopte) et la maladie de la domination (et les formes érotiques qui lui correspondent), du vouloir dominer l’autre. Le prolo n’a rien à perdre que sa soumission. A nous de trouver l’érotisme qui nous correspond qui sera loin de "trouver" du plaisir dans cette soumission ou cette domination : allez, au taf !

    La "maladie" est toujours une maladie de l’affectivité, toujours. Il nous faut repenser les conditions de la maladie, c’est-à-dire de l’affectivité rendue malade. On s’obnibule à vouloir constamment refuser de l’admettre. Mais, justement, cette obnibulation est une forme de l’érotisme au goût du jour. On ne veut pas, plus s’attarder au bien-être considéré comme une dérision pour le travail. On parle même de bien-être au travail ! parce qu’au travail, il n’est pas question de cette sorte de bien-être qui englobe l’être de satisfaction, mais d’un simple "bien" (peut-être une augmentation de salaire, un distributeur de café-thé-cookies, une chaise plus confortable, un bureau plus éclairé, des horaires de caisse plus cohérents, etc.).

    Cette "chose" après laquelle le monde court la tête tournée sur le côté est la satisfaction de vivre, de l’amour, de la participation à la richesse de l’ensemble des gens. Quel torticoli !

    Bises à tous : Kristaristeau