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Départementalisation sauvage de Mayotte

Publie le vendredi 23 janvier 2009 par Open-Publishing
2 commentaires

Le président français décide de ‘‘consulter’’ Mayotte sur son statut. La France à contre-courant de l’histoire

Les autorités françaises signataires de décret s’appuient exclusivement et grossièrement sur les initiatives internes et les lois de la République française, défiant et passant outre les résolutions des Nations unies, aussi bien celles affirmant l’appartenance de Mayotte aux Comores que celles nombreuses condamnant la présence française dans l’île. Elles renient définitivement la promesse faite par la France devant le concert des nations de la planète d’ouvrir des négociations pour la réintégration de Mayotte dans le giron comorien. Elles défient toutes les résolutions condamnant les consultations passées et ultérieures organisées à Mayotte par la France, depuis l’accession des Comores à l’indépendance. Elles optent pour le droit du plus fort.

Toutefois, contrairement à l’idée que cette option de la force brutale essaie de faire croire, cette départementalisation sauvage ne changera pas d’un iota le statut de Mayotte : celui de la décolonisation inachevée de l’archipel des Comores. La France ne peut ignorer que l’île de Mayotte ne ressemble ni à Saint-Pierre et Miquelon, ni à la Réunion, ou à la nouvelle Calédonie. C’est une île à la fois comorienne, africaine, musulmane, dont le statut relève du droit public international, et non aux tripatouillages du droit français.

Le décret n° 2009-67 du 20 janvier 2009, signé par le président de la République française, Nicolas Sarkozy, décide de consulter les électeurs de Mayotte en application des articles 72-4 et 73. Il les appelle à approuver ou rejeter la transformation de Mayotte en 101ème département français. Publié le lendemain dans le journal officiel n°0017 du 21 janvier 2009 (page 1313 texte n° 2), le décret a été contresigné par François Fillon, premier ministre, Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales, Yves Jégo, secrétaire d’Etat chargé de l’Outre-mer.

Ce décret s’appuie exclusivement et grossièrement sur les initiatives internes et les lois de la République française, défiant et passant outre les résolutions des Nations unies, aussi bien celles affirmant l’appartenance de Mayotte aux Comores que celles nombreuses condamnant la présence française dans l’île.

Ce décret renie irrémédiablement la promesse faite par la France d’ouvrir des négociations pour la réintégration de Mayotte dans le giron comorien mais aussi défie toutes les résolutions condamnant les consultations passées et ultérieures organisées à Mayotte par la France, depuis l’accession des Comores à l’indépendance. Le président français évoque dans ce décret, la proposition de son gouvernement de tenir la consultation, les articles 72-4 et 73 de la constitution, le code général des collectivités territoriales, le code électoral français, mais aussi la résolution en date du 18 avril 2008 du conseil général de Mayotte portant sur la modification du statut de Mayotte et son accession au régime de département et région d’outre-mer défini à l’article 73 de la Constitution française. Une résolution que la France sait illégale et rendue nulle et non avenue par l’Onu.

Rouleau compresseur

Par ce décret les électeurs de Mayotte seront consultés le 29 mars 2009 et auront à répondre par ‘‘oui’’ ou par ‘‘non’’ à la question suivante : ‘‘approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée ‘Département’, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d’outre-mer ?’’.

Si les Mahorais répondent favorablement à ce nouveau statut de département, l’île comorienne, deviendra, pour la France et pour la constitution française seulement, une collectivité unique exerçant à la fois les compétences du département et de la région. Le gouvernement français produira par la suite deux projets de loi, organique et ordinaire, pour adoption par le parlement, ouvrant une période qui permettra le changement de statut de l’île dès 2011.

Il s’ensuivra des changements profonds que les élus de Mayotte préfèrent taire, dans le domaine de la fiscalité et des prestations sociales, promis comme étant progressifs pour ne pas bouleverser semble-t-il les fragiles équilibres économiques et sociaux. Mais le rouleau compresseur a été lancé depuis fort longtemps. La France décide d’écarter la justice des cadis, interdire la polygamie, accélérant une marche forcée vers des modes de vie et des modèles de gestion, qui risquent de diluer l’identité mahoraise dans un environnement culturel, politique, social et administratif catastrophique.

La France ne peut ignorer que l’île de Mayotte ne ressemble ni à Saint-Pierre et Miquelon, ni à la Réunion, ou à la Nouvelle Calédonie. C’est une île à la fois comorienne, africaine, musulmane, dont le statut relève du droit public international, et non aux tripatouillages du droit français. Trente trois ans après l’accession des Comores à l’indépendance, la France est toujours placée au banc des accusés, ne comptant son repos que grâce à la complicité des régimes qu’elle a placés à Moroni et qui lui doivent en retour allégeance et silence sur la question de la souveraineté des Comores sur Mayotte.

Contrairement aux idées répandues, la départementalisation en marche ne changera pas d’un iota le statut de Mayotte, celui de décolonisation inachevée de l’archipel des Comores. L’article 53 de la constitution française de 1958, affirmait que ‘‘nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées’’ et, justement, les Comores on fait le choix de l’indépendance. Mayotte admise par la France d’abord, depuis plus d’un siècle et demi de colonisation, comme une des quatre îles des Comores, entériné par la suite par l’Onu, comme une entité des Comores indépendantes, ne peut prétendre 33 ans après à un autre statut fut-il imposée par la force par la même puissance coloniale.

Ahmed Ali
Source : Al-watwan N° 1240 du 23 janvier 2009

Le titre est modifié. Titre initial : Le président français décide de ‘‘consulter’’ Mayotte sur son statut. La France à contre-courant de l’histoire

Messages

  • Le statut de Département d’Outre-Mer français est le meilleur statut dont puisse bénéficier l’île de Mayotte dans le cadre de son évolution et surtout de son développement.

    Il y aura bien entendu des conséquences et des adaptations nécessaires que les Mahorais connaissent et acceptent, mais sur le fond, la départementalisation est ce qui peut arriver de mieux à l’île de Mayotte.

    Les Mahorais l’ont compris et ont pris rendez-vous avec l’Histoire le 29 mars 2009 pour concrétiser l’essai.

    Cela fait plus de 50 ans que les Mahorais attendent cet instant. Alors le 29 mars au soir, le monde entier pourra tourner le regard vers Mayotte pour la voir briller de toutes les lumières.

    • Bravo Souk han.
      En effet, jusqu’à ce que les racines indépendantistes puissent prendre sur Mayotte, être Département français est la suite logique du feuilleton.
      Si ce n’est pas une façon éhontée de vouloir se réfugier derriere leur petit doigt et croire que le monde entier ne peut comprendre les visées de leur souhait, les mahorais feront un choix de loin bénéfique économiquement.
      Et les autres aspects : sociaux, politiques, moraux, intellectuels ..., sur quoi va t on s’appuyer ?
      Un Mahorais est un comorien avant de choisir comme tant d’autres comoriens une autre nationalité. La terre de Mayotte, elle est comorienne et le restera.
      Ce ne sera ni une loi, ni un décret fançais qui changera ceci. c’est encré et ça le restera.
      La France peut continuer à exercer sa puissance contre un tout petit pays de l’Océan Indien qu’elle gangrene depuis des siecles au profit de son épanoussement et contre ses dires et faits au niveau de la scène mondiale.
      Mais est ce que les mahorais sont vraiment prêts à prendre la totale ? il y a du chemin à faire avant et je ne pense pas que toutes les précautions sont prises.
      Un seul exemple : pour des raisons futiles, les mahorais ne supportent pas leurs frères des trois autres îles. Sont ils au courrant qu’avec le Département, il y aura plus de comoriens des autres îles qui occuperont des hautes responsabilités à Mayotte que des natifs de Mayotte, enlisés par le système ?
      Qu’ils se préparent à cohabiter et à accepter les mutattions.
      A bon entendeur salut.
      said qui revendique sa fierté d’être comorien libre.