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Les enseignants-chercheurs se foutent du "Monde"

Publie le samedi 4 avril 2009 par Open-Publishing
5 commentaires

de Lucie Delaporte

Lassé de voir leur mouvement caricaturé par le quotidien du soir, le mouvement des enseignants-chercheurs a décidé de passer à l’attaque et de taper là où ça fait mal.

Après en avoir longuement débattu en interne, Le Monde, qui devait publier aujourd’hui un article sur le divorce entre « le grand-quotidien-de-référence » et le mouvement des enseignants chercheurs, a fait machine arrière. Histoire, sans doute, de ne pas donner une tribune à ceux qui l’attaquent. En marge de leur mobilisation contre les réformes Pécresse, le mouvement des enseignants chercheurs mène en effet un autre combat. Celui contre la désinformation menée, selon eux, par Le Monde au sujet de la réforme de l’université.

Depuis quelques semaines, les listes de discussion des opposants à Pécresse bruissaient de propositions de mesures de rétorsion contre le journal. Finalement écartée, une occupation du journal avait même été envisagée jeudi soir, en fin de manifestation.

Par crainte que cette action ne desserve leur mouvement, certains – ces listes diffuseraient à environ 7000 personnes – ont décidé de s’en tenir à une action moins spectaculaire mais potentiellement redoutable. « Ce n’est pas les bâtiments du journal Le Monde qu’il faut viser, ce sont ses sources de revenus… une vaste campagne dirigée contre lui sera beaucoup plus efficace », prône par exemple Jérôme Valluy, enseignant en sociologie à Paris I. Comme d’autres, ils propose de s’en tenir à ce qu’ils ont solennellement nommé « Charte de bonne de conduite vis-à-vis du journal Le Monde ».

Les enseignants chercheurs tapent sur Le Monde© Baroug
La « Charte de bonne de conduite vis-à-vis du journal Le Monde »
Un texte qui décrit avec minutie les réflexes à adopter pour plomber le quotidien :

« 1) Ne jamais acheter d’exemplaire papier d’une production provenant du quotidien Le Monde ;

2) Se désabonner de tout service payant, papier ou numérique, du quotidien ;

3) En cas de passage sur le site web ne jamais cliquer sur les liens commerciaux ;

4) Se désabonner de sa lettre de diffusion gratuite pour réduire l’argument commercial du nombre d’abonnés à cette lettre ;

5) Eviter de visiter le site web, afin de faire chuter les statistiques de visites dont dépend en partie la valeur des encarts publicitaires sur le site. »

Une vraie déclaration de guerre.

Au centre du ressentiment de la communauté universitaire, la couverture jugée caricaturale de leur mobilisation, une présentation tronquée des enjeux de la réforme, et, pour être clair, une ligne proche, très proche, de celle du gouvernement. Les articles de Catherine Rollot, en charge de ces questions au Monde, et qui ne semble en effet pas toujours bien comprendre les motivations des enseignants-chercheurs, sont ainsi disséqués sur la Toile avec ironie.

Le Monde s’agace

Le Monde, qui a eu connaissance de cette Charte, avait commencé à amorcer un dialogue avec certaines figures de proue du mouvement. Et devait donc faire paraître un article qui relatait le désamour dont il est l’objet dans la communauté universitaire. Finalement, l’agacement suscité par ce texte en interne a pris le dessus et les détracteurs du journal ne devraient pas s’exprimer dans les colonnes du quotidien du soir. Contacté hier, le directeur adjoint du journal, Laurent Greilsamer, s’est dit « surpris par cette mise en cause véhémente, ce harcèlement par internet ». Sur le fond, il affirme ne pas être ébranlé par ces attaques et défend un traitement équilibré du mouvement des enseignants-chercheurs. « Nous n’avons pas l’habitude de donner des coups de règle sur les doigts de nos journalistes », prévient-il. « Evidemment qu’il y a eu des débats et qu’on peut commettre des erreurs, mais il y a quelque chose de comique à nous présenter comme le pire ennemi des libertés », affirme-t-il. Avant de poursuivre, acerbe : « En tout cas, ce sont des gens qui ont visiblement beaucoup de temps … », persifle-t-il. La réconciliation, c’est sûr, n’est pas pour demain.

http://www.bakchich.info/Les-enseignants-chercheurs-se,07284.html

Messages

  • Les barricades, hélas,n’ont que deux côtés...
    Et le formidable mouvement qui naît dans notre pays éclaire d’une lumiére singuliére ce que d’aucuns appellent "le paysage médiatique"...
    L’Immonde et Laberration (à l’exception du blog de S.Huet) seront les premiéres "victimes collatérales" du conflit social dont seules les prémisses bruissent aujourd’hui...

    • ouais, c’est l’espoir - et aussi, de complice à victime, le passage "dégradant" n’ira pas sans violence - verbale, etc : toujours en mémoire, les journalistes-écrivaillons qui pendant la commune se réunissaient dans un restaurant auquel ils firent remettre une médaille pour les avoir nourris toujours au plus grassement possible quelques soient les conditions du "siège" - de la bande desquels l’ignoble maxime ducamp, le pote à flaubert, et aussi théophile gauthier(?) qui décrira les files de prisonniers marchant ensanglantés jusqu’à versailles dans les termes les plus abjects - richesse des bons mots

  • Le Monde est un journal de droite, qui défends le capitalisme et une version assez dure de celui-ci.

    C’est son droit.

    Le problème vient plutôt du regard encore porté, persistant, qu’on a sur le quotidien, en croyant qu’il est neutre. Qu’il serait toujours un quotidien attaché à la vérité.

    Il n’en est rien.

    Ce n’est pas le cas, il faut en prendre acte.

    Là, ils font semblant, dans une posture d’institution d’état bureaucratique, de ne pas comprendre de quoi il est question dans la polémique qu’ils ont provoqué en s’attaquant aux enseignants-chercheurs.

    Caricaturer, nier, ne pas reconnaitre les divergences qui séparent le monde du savoir du (petit) "Monde" du journal, c’est encore quelque chose montrant une pensée étriquée, appauvrie.

    Là, nous sommes passés d’une divergence à un raidissement bureaucratique de la direction du Monde :

     La non-reconnaissance de l’autre, afin de mieux le caricaturer,

    Il suffit alors de stigmatiser la critique afin de ne pas y répondre, de ne pas engager de débat. "On" préfère même retirer un article plutôt que d’avoir à répondre au débat qui s’en suivrait.

    C’est plus simple.

    De la même façon que briser un thermomètre a toujours fait baisser la température.

    C’est bien connu.

    Les enseignants-chercheurs sont parfaitement en droit d’appeler à ne pas soutenir un journal qui les attaque méthodiquement et qui bafoue la liberté d’expression, sans laquelle il n’y a pas de journalisme libre.

    PS : le Monde est en train de se séparer des milieux intellectuels, auprès desquels il avait toujours eu des relations particulières ; C’est un signe des temps, un signe de la dérive d’un quotidien .

  • Qu’ils ne comptent pas sur moi pour acheter encore leur canard "Le Monde".

    j’ai déjà arrêté "CHARLIE" et figurez -vous, docteur, que je respire mieux et qu’en plus ma poche se remplit de monnaie que je laisse parfois dans la sébille de quelque affamé rencontré sur le trottoir. Réjouissez-vous les pauvres du macadam ! "Le MONDE" vient désormais ( petitement mais sûrement) à votre secours !!

  • Cher J Valluy,

    Si je ne peux m’associer à ces propositions, et surtout pas encourager professeurs, élèves ou étudiants à les suivre, c’est que j’ai toujours désapprouvé - ce que la gauche combat d’aillleurs depuis toujours - l’implication de l’économie dans la ligne éditoriale de la presse. A défaut de la voir indépendante économiquement, je la souhaite en effet plurielle, diverse, et libre - notamment au niveau des journalistes - autant que faire se peut.

    Mais nous partageons le même point de vue, non ?

     Que disiez-vous vous-même d’EDF menaçant de retirer systématiquement sa publicité aux médias qui mettaient en doute la sécurité des centrales nucléaires ?
     Que disiez-vous du grand capitalisme financier essayant d’imposer par l’argent des actionnaires une ligne éditoriale proche des investisseurs ?
     Que disiez-vous des autorités de l’Etat, directement ou indirectement, tentant de museler tel ou tel journaliste ou d’imposer telle ou telle vue ?
     Que disiez-vous des lobbies pro-OGM tentant d’imposer la vision la plus optimiste sur le sujet aux journaux ?
     Que disiez-vous des groupe Pro-choice faisant de même aux Etats-Unis ?

    Le Monde a choisi une ligne sur le sujet de la réforme LRU et annexes, qui, certes, ne correspond pas toujours aux intérêts des EC sur tous les sujets. A voir d’ailleurs...

    Nous, enseignants et enseignants-chercheurs, mais aussi beaucoup de fonctionnaires, avons probablement, par atavisme, pris l’habitude que "la gauche" et les "médias de gauche" devaient s’aligner sur nos propres intérêts. Le média ou le politique qui dérogeait était forcément un supporteur de l’ennemi de classe...

    Sur les forums des lecteurs du Monde, de Libération, etc. nous considérons aussi, trop souvent, que ceux qui défendent une position différente de la nôtre sont des bénêts sarkozystes, ou des ignorants "tenant des propos de brèves de comptoirs". Il ne manque pas d’exemples où nous soulignons d’ailleurs leur probable "absence de diplôme", et probable "ignorance totale du système éducatif".

    Eh bien non...

    Il y a aussi une gauche différente qui se soucie du Bien Commun et de l’intérêt de la société dans son ensemble, et qui considère, avec quelque expérience du système éducatif de l’intérieur aussi (sans pour autant défendre les réformes bâclées et bien trop partielles de MM Darcos et Pécresse, et sans vouloir l’école américaine en France) que le système éducatif doit être profondément modifié. Pour les étudiants. Pour les personnels eux-mêmes. Pour l’Ecole du Peuple. Pour l’usager.

    Mais ceci est une autre histoire et n’est pas le sujet de ce message.

    Je vous invite à laisser vivre, au "Monde" comme ailleurs, le débat démocratique et la pluralité de l’opinion des journalistes. Oui, il y a des articles qui nous déplaisent. Mais "Le Monde" nous permet d’ailleurs, dans les colonnes "opinions" et dans les blogs, de nous exprimer à l’envi sur tous les sujets sans censure.

    Je vous invite à méditer la phrase prêtée à Voltaire : "Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai pour que vous puissiez exprimer votre opinion."

    C’est mon cas aujourd’hui, c’est pourquoi je vous envoie mes respects.

    H C.